Décision n° 54-R-1993

le 1 février 1993

le 1er février 1993

RELATIVE à une demande présentée par Canadien Pacifique Limitée conformément à l'article 160 de la Loi de 1987 sur les transports nationaux, L.R.C. 1985, ch. 28 (3e suppl.) en vue d'obtenir l'autorisation d'abandonner l'exploitation du tronçon de l'épi St. Andrews du point milliaire 0,0 (Watt) au point milliaire 18,12 et de l'épi Champlain du point milliaire 0,0 au point milliaire 3,68, une distance totale de 21,8 milles, dans la province du Nouveau-Brunswick.

Référence no. T 6120/211


INTRODUCTION

Le 14 juillet 1992, Canadien Pacifique Limitée (ci-après CP) a présenté une demande à l'Office national des transports (ci-après l'Office), conformément à l'article 160 de la Loi de 1987 sur les transports nationaux, L.R.C. (1985), ch. 28 (3e suppl.) (ci-après la LTN 1987), en vue d'obtenir l'autorisation d'abandonner l'exploitation du tronçon de l'épi St. Andrews du point milliaire 0,0 (Watt) au point milliaire 18,12 et de l'épi Champlain du point milliaire 0,0 au point milliaire 3,68, soit une distance totale de 21,8 milles, dans la province du Nouveau-Brunswick.

Dans sa lettre du 29 juillet 1992, l'Office a informé le CP qu'il estimait que la demande du CP n'avait pas été présentée selon les modalités du Règlement sur l'abandon de lignes de chemin de fer, DORS/88-25. L'Office a indiqué, plus précisément, que le CP n'avait pas fourni d'information en fonction des points d'origine et de destination et des marchandises. Par conséquent, le CP a été informé que le délai de six mois prévu par la loi ne commencerait pas avant qu'il soumette l'information qui manque à titre de modification à la demande ou qu'il justifie de ne pas le faire.

Le 31 juillet 1992, le CP a informé l'Office qu'en raison de l'existence de contrats confidentiels ayant trait au trafic acheminé ou reçu, les recettes ont été regroupées en fonction des relevés de wagons complets, de recettes et de trafic de manière à ne pas compromettre la confidentialité de l'information contenue dans les contrats. Le 11 août 1992, l'Office a informé le CP que sa lettre du 31 juillet 1992 justifiait le regroupement de ses recettes dans ses relevés des frais, des recettes et du trafic et que le délai prévu par la loi commencerait à la date à laquelle l'Office a reçu la lettre du CP, soit le 31 juillet 1992.

De plus, en réponse à un mémoire de Canada Enterprises Stevedoring Ltd. du 28 juillet 1992 concernant le trafic manquant de wagons complets, le CP a confirmé, dans sa lettre du 2 septembre 1992, que le trafic d'une gare a effectivement été omis par inadvertance en ce qui a trait à l'année 1990. Le CP a déclaré que cette erreur a été corrigée et il a publié un nouveau relevé des recettes, des frais et des pertes réelles pour 1990 ainsi qu'un relevé révisé du trafic de wagons complets pour les années 1989, 1990 et 1991.

Conformément à l'article 161 de la LTN 1987, quiconque désire s'opposer à une demande d'abandon d'exploitation d'un embranchement dépose auprès de l'Office, dans les soixante (60) jours suivant la date de l'avis de demande, une déclaration écrite énonçant les motifs sur lesquels est fondée son opposition. En l'absence d'opposition, l'Office doit ordonner l'abandon de l'exploitation de l'embranchement. Huit interventions ont été reçues en opposition à la demande présentée par le CP.

En cas d'opposition à la demande, l'Office doit déterminer, le cas échéant, le montant des pertes réelles de la compagnie de chemin de fer attribuables à l'exploitation de l'embranchement pour chaque exercice réglementaire et donner un avis de la détermination effectuée conformément à l'article 163 de la LTN 1987. Le 2 décembre 1992, l'Office a publié une détermination provisoire des pertes réelles pour les années 1989, 1990 et 1991, d'après l'information présentée par le CP.

Aux termes de la LTN 1987, l'Office doit déterminer si l'exploitation d'un embranchement est rentable ou non et, dans les cas où l'embranchement est non rentable, s'il y a des motifs de croire qu'il puisse le devenir dans un avenir prévisible. Si l'Office conclut que l'exploitation d'un embranchement est non rentable et qu'il n'y a aucun motif raisonnable de croire qu'il puisse le devenir dans un avenir prévisible, le paragraphe 165(1) de la LTN 1987 oblige l'Office à en ordonner l'abandon. Si l'Office détermine que l'embranchement est rentable ou que, même s'il ne l'est pas, il y a des motifs raisonnable de croire qu'il puisse le devenir dans un avenir prévisible, l'Office doit quand même en ordonner l'abandon à moins qu'il détermine que l'embranchement est requis dans l'intérêt public conformément à l'article 166 de la LTN 1987 et aux dispositions plus précises de l'article 167 de la LTN 1987.

EMPLACEMENT DES ÉPIS ST. ANDREWS ET CHAMPLAIN

L'épi St. Andrews commence au point milliaire 0,0, à la jonction au point milliaire 14,8 de la subdivision St. Stephen à Watt (Nouveau-Brunswick), et s'étend vers le sud jusqu'au point milliaire 18,12, soit au point de raccordement à l'épi Champlain du CP. L'épi Champlain s'étend en direction ouest jusqu'à Bayside, sur une distance de 3,68 milles dans la province du Nouveau-Brunswick. Une carte de la région se trouve ci-jointe en annexe «A».

HISTOIRE DES ÉPIS ST. ANDREWS ET CHAMPLAIN

Épi St. Andrews

Le tronçon visé de l'épi St. Andrews a été construit dans les années 1850 par la St. Andrews and Quebec Railroad Company qui a été transférée à la New Brunswick and Canada Railway and Land Company Ltd. en 1856. Cette dernière est devenue une partie de la New Brunswick and Canada Railroad Company (ci-après la NB&C) en 1873. La NB&C a été louée à la New Brunswick Railway Company (ci-après la NBRC) pour 999 années à partir du 1er juillet 1882. La NBRC a été, à son tour, louée à la Compagnie de chemin de fer du Pacifique-Canadien, maintenant Canadien Pacifique Limitée, le 1er juillet 1890 pour 990 ans.

Épi Champlain

L'épi Champlain a été construit en 1978 aux termes d'une entente entre la province du Nouveau-Brunswick et le CP. Le CP a obtenu l'autorisation de circuler sur cet épi en vertu de l'ordonnance no R-28462 du Comité des transports par chemin de fer en date du 6 mars 1979.

ÉTAT DES ÉPIS ST. ANDREWS ET CHAMPLAIN

Selon le CP, l'épi St. Andrews se compose d'un mélange de rail de 85 et 100 livres sur des traverses en bois tendre no 2. La voie, les traverses et le ballast en gravier sont en assez bon état. Le pont au point milliaire 2,38 de l'épi St. Andrews est en assez bon état. La limite de poids sur l'épi St. Andrews est de 220 000 livres et la vitesse maximale permise est de 15 milles à l'heure.

L'épi Champlain est fait de rail de 100 livres sur des traverses en bois tendre no 2. La voie, les traverses et le ballast en roche sont en bon état. La vitesse maximale permise selon l'indicateur est également de 15 milles à l'heure.

REMISE EN ÉTAT ET ENTRETIEN FUTUR

Outre l'entretien courant, le CP soutient que 280 000 $ seront requis dans les cinq prochaines années pour remplacer 7 000 traverses de voie courante sur l'épi St. Andrews afin de maintenir les conditions d'exploitation actuelles figurant dans l'indicateur.

DESCRIPTION DU SERVICE

Le trafic sur les épis St. Andrews et Champlain est traité selon les besoins par une locomotive de ligne basée à McAdam.

TRAFIC DE WAGONS COMPLETS

Le trafic de wagons complets sur les épis St. Andrews et Champlain s'est élevé à 86 en 1989, 115 en 1990 et 64 en 1991. La majorité du trafic se composait de soya, d'huile de poisson, de farine de poisson et de poisson en conserve.

PERTES RÉELLES SUPPORTÉES

Conformément à l'article 163 de la LTN 1987, l'Office a examiné les relevés des pertes réelles du CP attribuables aux épis St. Andrews et Champlain pour les exercices réglementaires 1989, 1990 et 1991. Le 2 décembre 1992, l'Office a publié une détermination provisoire des pertes réelles attribuables à l'exploitation des épis St. Andrews et Champlain dans chacun des exercices réglementaires et a invité les personnes intéressées à présenter des mémoires. L'Office n'a reçu qu'une seule réponse.

Dans son mémoire, la province du Nouveau-Brunswick (ci-après la Province) a analysé la détermination provisoire de l'Office des pertes réelles avec ses recommandations antérieures en matière de frais concernant, entre autres, les coûts de propriété et le calcul des salaires des équipes de train. La Province a estimé qu'en éliminant l'amortissement et le coût du capital pour les installations de la voie sur la ligne et qu'en rajustant les salaires des équipes de train de manière à tenir compte des répercussions à long terme des ententes concernant les équipes de deux personnes, les frais totaux de 1991 pour les épis seraient réduits et la perte réelle serait de 21 692 $.

Après avoir examiné tous les mémoires déposés par les parties et les commentaires de la Province, conformément aux dispositions du Règlement sur le calcul des frais ferroviaires, DORS/80-310 et de l'article 157 de la LTN 1987, l'Office a déterminé que les pertes réelles supportées par le CP pour les années 1989, 1990 et 1991 étaient de :

Année Frais $ Recettes $ Pertes réelles $
1989 636 601 403 335 233 266
1990 512 453 291 958 220 495
1991 321 149 194 621 126 528

Une ventilation, par grandes catégories de coûts, des principaux facteurs utilisés pour déterminer le montant des pertes réelles conformément au Règlement sur le calcul des frais ferroviaires et à l'article 163 de la LTN 1987 se trouve ci-jointe en annexe «B».

Les autres points pris en considération dans la détermination des pertes réelles sont expliqués en détail plus loin dans la présente décision.

QUESTIONS ÉTUDIÉES ET CONSTATATIONS

Toutes les interventions reçues en réponse à la demande déposée par le CP étaient contre le projet d'abandon de l'exploitation des épis St. Andrews et Champlain. Des motifs de compétence, des motifs économiques ou des motifs d'intérêt public étaient énoncés. La majorité des intervenants ont demandé la tenue d'une audience publique pour examiner la demande du CP. Cependant, l'Office a déterminé qu'il n'est pas nécessaire de tenir une audience et qu'il est possible de prendre une décision à la lumière de l'information et des mémoires au dossier.

QUESTIONS DE COMPÉTENCE

Sea Shuttle Inc. (ci-après Sea Shuttle), la NBRC et la Province ont fait valoir que l'Office n'avait pas la compétence d'entendre la demande du CP étant donné que le CP a une obligation législative d'exploiter l'épi St. Andrews aux termes d'un bail daté du 1er juillet 1890 entre la NBRC et le CP.

Selon Sea Shuttle, le CP est obligé, aux termes du bail, d'exploiter l'épi St. Andrews pour 990 ans et l'épi devra ensuite être confié à nouveau à la NBRC. Sea Shuttle soutient que, comme le bail a été entériné par le Parlement du Canada et la législature du Nouveau-Brunswick, le CP ne peut supprimer ses obligations prévues dans ce bail confirmé par une loi. La Province a aussi indiqué que l'interruption des activités ferroviaires serait une violation des conditions du bail entre le CP et la NBRC.

La NBRC a indiqué que, en vertu de la loi constitutive de 1870 de la NBRC, la NBRC a reçu l'autorisation de construire et d'exploiter un chemin de fer et qu'en 1881, le Parlement a déclaré que la NBRC était une entreprise à l'avantage général du Canada, ce qui plaçait la NBRC sous la compétence exclusive du fédéral en ce qui a trait à l'exploitation et à la gestion du chemin de fer. La NBRC a affirmé que la loi fédérale de 1881 a remplacé toutes les lois de la Province qui étaient incompatibles à la Consolidated Railway Act, 1879 et qu'en l'absence de toute mention dans la loi de 1879 qui nierait de façon précise l'obligation d'exploiter un chemin de fer, la loi constitutive de la NBRC continuerait de s'appliquer, l'obligation de la NBRC d'exploiter un chemin de fer serait maintenue en vertu de la loi fédérale subséquente concernant la NBRC et, par conséquent, le CP a l'obligation d'exploiter le chemin de fer. La NBRC a déclaré que cette obligation législative a préséance sur les dispositions générales en matière d'abandon de la LTN 1987. De plus, Sea Shuttle et la NBRC ont soutenu qu'une compagnie de chemin de fer peut seulement abandonner une ligne de chemin de fer qui lui appartient et non une ligne louée.

En réponse à ce dernier argument, le CP a fait valoir que l'Office a déjà déterminé que les droits et obligations des parties aux termes d'un bail ferroviaire à long terme sont des questions que les parties touchées doivent réglées entre elles et qui ne sont pas pertinentes dans le cas d'une demande d'abandon.

Comme il a été mentionné antérieurement, l'Office a déjà étudié, dans les motifs de l'arrêté no 1989-R-90 du 31 mai 1989, s'il avait la compétence de considérer une demande d'abandon présentée par le CP concernant une ligne à laquelle le bail susmentionné s'applique. Dans cet arrêté, l'Office a conclu que le fait que la ligne fait l'objet d'un long bail n'empêche pas d'autoriser une demande d'abandon et ne rend pas les dispositions en matière d'abandon inefficaces ou inopérantes.

Même si cet arrêté a fait l'objet d'un appel devant la Cour d'appel fédérale (ci-après la Cour) avec quatre autres arrêtés de l'Office parce que l'Office aurait commis une erreur de droit ou de compétence, les appels ont été rejetés le 24 novembre 1992. L'appelant a fait valoir que puisque le bail a été ratifié et entériné par une loi fédérale et une loi provinciale, les responsabilités du CP, en tant que locataire, seraient devenues une obligation législative qui pourrait seulement être abrogée par une loi du Parlement ou de la législature du Nouveau-Brunswick ou les deux. En maintenant la décision de l'Office, la Cour a conclu que «la loi entérinait simplement un bail entre les parties, lequel autrement aurait pu être inopérant..., mais qu'aucune obligation empêchant l'Office de prendre la décision qu'il a prise ne se trouve dans le bail signé par les parties ni dans la législation du Parlement du Canada ou de la législature du Nouveau-Brunswick».

À la lumière de la décision de la Cour et après l'examen des mémoires déposés, l'Office estime que le fait que l'épi St. Andrews fait l'objet d'un long bail n'empêche pas d'autoriser une demande d'abandon.

En outre, puisque c'est l'exploitation d'un embranchement qui est abandonnée aux termes des dispositions d'abandon, l'Office est d'avis qu'il appartient à la compagnie qui exploite la ligne de chemin de fer de présenter une demande d'abandon d'exploitation, c.-à-d. le CP.

DÉCOMMERCIALISATION

Plusieurs intervenants ont prétendu que le CP n'a pas cherché à promouvoir le trafic ferroviaire sur les épis St. Andrews et Champlain mais a visé à décommercialiser son service ferroviaire en réduisant la capacité des wagons et en diminuant le service ferroviaire. De plus, les intervenants ont fait valoir que les restrictions du service ferroviaire, les amendes, les taux donnés et les frais élevés de transfert ont eu des effets négatifs sur la compétitivité du port de Bayside.

La Fundy Region Development Commission Inc. (ci-après la FRDC), au nom du milieu des affaires de la région, a aussi soutenu que le CP a découragé activement et efficacement le développement du trafic ferroviaire local en omettant d'assurer aux commerces locaux un service continu et régulier et en détournant la demande vers les transports intermodaux à l'aide de structures de taux qui rendent le train un mode de transport peu attrayant. La ville de St. Andrews a fait valoir que ce sont seulement les stratégies de décommercialisation du CP qui ont permis à Moore-Clark (Canada) Inc. (ci-après Moore-Clark), située dans le parc industriel de Champlain, d'expédier économiquement par train à destination de Saint John et par camion à destination de Bayside et vice versa.

En réponse aux allégations de la FRDC, le CP a indiqué que les Systèmes de transports intermodaux, une composante importante du CP, vise avant tout à fournir des services intermodaux modernes, efficients et rentables qui combinent les économies du service ferroviaire sur de longues distances avec la souplesse d'un transporteur routier sur de courtes distances afin de concurrencer efficacement les autres modes de transport terrestres.

Le CP est d'avis que le fait d'offrir un service intermodal comme une option concurrentielle au camionnage ne peut être considéré un effort de décommercialisation, car le client est servi plus efficacement. De plus, le CP a déclaré qu'il continue de fournir les services ferroviaires nécessaires pour répondre aux exigences de ses clients à l'aide des services ferroviaires directs et de la technologie intermodale.

Comme aucune plainte n'a été déposée auprès de l'Office conformément au paragraphe 147(1) de la LTN 1987 pour appuyer les allégations des intervenants selon lesquelles le CP a réellement cherché à décommercialiser ses services de wagons complets, l'Office conclut que le niveau de service fourni par le CP a répondu de façon générale aux besoins ferroviaires des expéditeurs au cours des trois dernières années.

QUESTIONS CONCERNANT LES FRAIS

La FRDC a soutenu que les intervenants avaient reçu des données financières insuffisantes pour évaluer adéquatement la rentabilité des épis. Le CP a indiqué qu'il avait fourni dans sa demande l'information demandée dans le Règlement sur l'abandon de lignes de chemin de fer et le Règlement sur le calcul des frais ferroviaires et que les frais sur ligne et les frais hors réseau répartis dans les quatre catégories prévues ont été fournis.

À cet égard, l'Office est d'avis que le CP a déposé l'information requise sur les frais conformément aux règlements susmentionnés.

En ce qui a trait à l'épi Champlain, la FRDC a fait valoir que l'évaluation du CP du coût du capital ne devrait pas tenir compte du terrain, de la plate-forme de la voie et des frais de l'amortissement puisque ces composantes étaient financées en grande partie par des investissements provinciaux et fédéraux dans le cadre de l'aménagement du parc industriel Champlain. D'autres intervenants ont exprimé des opinions semblables.

Pour ce qui est du coût du capital lié aux éléments d'actif financés par les investissements provinciaux et fédéraux, le CP a répondu qu'il n'avait pas inclus ces coûts dans son relevé des recettes, des frais et des pertes réelles et qu'il n'a pas inclus les coûts de propriété liés aux montants donnés par la Province pour la construction de cet épi.

L'Office a examiné la réclamation du CP concernant l'amortissement et le coût du capital et a confirmé qu'aucune réclamation pour le coût du capital ou l'amortissement n'a été faite en ce qui a trait à l'épi Champlain.

En ce qui a trait à l'épi St. Andrews, la Province a soutenu que normalement l'amortissement et le coût du capital des installations de la voie sur la ligne sont calculés en partant du principe que la compagnie ferroviaire qui a fait la demande retirera les éléments d'actif du service et, grâce à l'aliénation de ces derniers, n'aura plus à supporter le coût du capital ni l'amortissement à l'égard de ces éléments d'actif. Selon la Province, les éléments d'actif de l'épi St. Andrews ne seront manifestement pas retirés du service par le CP mais simplement retournés à la NBRC en cas de résiliation du bail et, par conséquent, le CP n'obtiendra aucune compensation financière découlant de l'abandon. Comme le CP ne supportera aucun coût d'opportunité en ce qui a trait aux éléments d'actif de cet épi, la Province a soutenu qu'il n'y a pas de justification économique pour inclure l'amortissement ou le coût du capital de ces éléments d'actif dans le relevé des pertes réelles ou dans les prévisions sur la rentabilité de cet épi. Par conséquent, la Province a fait valoir que la composante du coût du capital liée aux frais sur ligne d'environ 103 000 $ en 1991 touchant les installations de la voie sur la ligne et la composante non liée aux frais de main-d'oeuvre des frais sur la ligne de la catégorie 1 qui contient une composante pour l'amortissement des installations de la voie sur la ligne ne devraient pas être incluses dans le calcul de la perte réelle ou dans la prévision de la rentabilité future de l'épi.

La Province a indiqué que les investissements que le CP a effectués dans l'épi St. Andrews avec ses propres fonds au fil des ans lui permettaient seulement de remplir ses obligations aux termes du bail et que, si l'épi lui-même n'est pas abandonné mais seulement son exploitation, les éléments d'actif financés par le CP ne peuvent être retirés du service puisqu'ils font partie intégrante des installations de la voie sur l'épi qui seront rendues à la NBRC sans que le CP ne soit dédommagé à la résiliation du bail. Par conséquent, la Province soutient que le CP ne touchera aucun rendement des investissements dans ces éléments d'actif.

Le CP a soutenu que la détermination de la rentabilité actuelle ou éventuelle d'un embranchement se base sur l'hypothèse que l'exploitation se poursuivra. Selon le CP, le coût des éléments d'actif supporté par le CP aux termes du bail est un coût qui découle directement du maintien de l'exploitation et qui doit donc être inclus dans les considérations visant à déterminer la rentabilité passée ou future de l'exploitation. Le CP a fait valoir que puisque la NBRC n'est pas tenue de faire des dépenses en capital, le CP doit supporter ces coûts qui découlent directement du maintien de l'exploitation du chemin de fer.

Le CP a ajouté que les droits réversifs de la NBRC aux éléments d'actif après l'abandon et après la résiliation du bail n'ont aucun rapport au test concernant la rentabilité du maintien de l'exploitation, car un tel test n'envisage pas l'abandon de l'exploitation. Pour appuyer ses propos, le CP a cité les motifs de l'ordonnance no R-6313 en date du 5 mai 1969 dans lesquels le Comité des transports par chemin de fer a conclu que : «La raison d'être de ce traitement est qu'au moment de la demande d'abandon, la ligne ou le service sont censés faire partie intégrante d'une "exploitation en pleine activité" jusqu'à preuve du contraire. À ce titre, ils devraient entraîner une dépréciation pour tenir compte de la consommation de capital et, ce qui est très pertinents ici, ils devraient donner un rendement sur le capital qui y est investi.» Par conséquent, le CP a conclu que l'aliénation des éléments d'actif après l'abandon n'est pas une question pertinente en ce qui a trait à la détermination des frais dans le cas présent.

En vue de déterminer si le CP devrait être autorisé à réclamer le coût du capital et les frais de l'amortissement pour les éléments d'actif de l'épi St. Andrews qui sont loués de la NBRC et pour tous les nouveaux éléments d'actif ou les améliorations financés par le CP, l'Office a bien étudié les mémoires qui lui ont été présentés. L'Office a également étudié le bail entre le CP et la NBRC à la lumière du Règlement sur le calcul des frais ferroviaires. À cet effet, l'article 2 du Règlement sur le calcul des frais ferroviaires définit le terme "frais" comme suit :

(a) relativement à un embranchement et aux fins du calcul de la perte réelle, les frais qu'une compagnie, après un temps raisonnable d'adaptation, épargnerait si elle n'avait pas, dans une année financière donnée, à entretenir et à exploiter l'embranchement, ni à supporter les coûts variables du trafic partant de la ligne ou y aboutissant, indépendamment de quand, comment et par qui ces frais ont été engagés;

Aux fins de la détermination du coût du capital des installations de la voie sur la ligne dans le cas de la présente demande d'abandon, une attention particulière doit être portée aux termes "les frais qu'une compagnie...épargnerait" et "indépendamment de quand, comment et par qui ces frais ont été engagés" de la définition susmentionnée (soulignement ajouté).

Il est de l'avis de l'Office que le fait que le CP présente une demande d'abandon laisse supposer qu'il se propose de retirer de son réseau ferroviaire les installations de la voie visées par la demande. Dans le cas en instance, l'Office a déterminé que bien que le CP loue l'épi St. Andrews, il épargnera les frais d'entretien et d'exploitation de l'épi, et les éléments d'actifs seront réputés avoir été retirés aux fins de l'exploitation ferroviaire advenant l'abandon de l'exploitation de cet épi. En outre, l'Office doit également prendre en considération les frais de propriété rattachés aux éléments d'actif de l'épi St. Andrews de la NBRC, en conformité avec la définition de "frais" prévue à l'article 2 du Règlement sur le calcul des frais ferroviaires.

L'Office a par conséquent conclu que, dans le cas de cette demande d'abandon, les frais de propriété liés à la valeur comptable nette des éléments d'actif initiaux et des investissements subséquents du CP doivent être pris en considération dans la détermination des pertes réelles.

En ce qui a trait aux coûts des salaires des équipes de train, la Province a recommandé que l'Office, dans sa détermination des pertes réelles et dans la prévision de la rentabilité des épis St. Andrews et Champlain, exclut les coûts liés au second serre-frein protégé dans le calcul des salaires des équipes de train sur la ligne et hors réseau conformément à la méthodologie adoptée par l'Office à la suite de son examen de 1988 sur le calcul des frais.

Le CP a répondu qu'il a inclus les coûts du second serre-frein dans son analyse économique. Le CP soutient que, puisque les salaires de l'équipe liés aux activités sur la ligne sont déterminés conformément à l'article 8 du Règlement sur le calcul des frais ferroviaires, il aurait pu éviter tous ces coûts, y compris ceux du second serre-frein s'il n'avait pas exploité les épis. Par conséquent, le CP fait valoir que ces coûts doivent être inclus dans l'analyse économique de l'exploitation pour les années en cause.

En ce qui concerne les salaires des équipes de train hors réseau, le CP a indiqué que ses coûts hors réseau reflètent les coûts des équipes réduites dans la mesure où le CP avait réduit les équipes dans ses activités ferroviaires. Selon le CP, à la fin de 1990, plus de 93 p. 100 des trains directs qu'il exploitait utilisaient une équipe réduite. Par conséquent, le CP soutient que même si l'Office refusait de considérer les quelques cas où une équipe complète a été utilisée, le coût de rajustement net serait inférieur à 1 000 $ par année parce que seul le salaire du second serre-frein serait touché.

L'Office a examiné le calcul des frais touchant les salaires des équipes de train à la lumière de la décision no 103-R-1990 du 2 février 1990 dans laquelle la question était étudiée dans le contexte de l'examen de l'Office sur le calcul des frais. L'Office a examiné la réclamation présentée par le CP pour les salaires des équipes de train, calculée aux fins de la détermination des pertes réelles, et a apporté les rajustements nécessaires.

L'Office a rajusté légèrement le montant des recettes pour chacune des années visées afin de tenir compte de la surtaxe de change tirée de l'exploitation des épis.

DÉTERMINATION DE LA RENTABILITÉ

L'Office reconnaît dans son analyse que, par suite des décisions récentes de la Cour Fédérale, le Décret sur les lignes directrices visant le processus d'évaluation et d'examen en matière d'environnement, DORS/84-467, doit s'appliquer à toutes les décisions du gouvernement, y compris les décisions et arrêtés de l'Office. Ce dernier, de concert avec le Bureau fédéral d'examen des évaluations environnementales, a dressé une liste des activités de l'Office qui pouvaient être exclues du processus d'évaluation. Les abandons d'embranchements ont été exclus pour le motif qu'ils n'avaient aucune incidence ou que les parties pouvaient facilement prendre des mesures préconçues pour atténuer les effets néfastes susceptibles d'en résulter.

Aux termes de l'article 164 de la LTN 1987, l'Office doit déterminer si les épis St. Andrews et Champlain sont rentables ou non, et s'il y a des motifs raisonnables de croire qu'ils puissent le devenir dans un avenir prévisible.

L'Office a déterminé que les épis St. Andrews et Champlain ont occasionné des pertes réelles de 233 266 $, 220 495 $ et 126 528 $ respectivement en 1989, 1990 et 1991, pendant que le trafic qui était de 86 wagons complets en 1989 et 115 wagons complets en 1990 a chuté à 64 wagons complets en 1991.

Après avoir pris en considération les commentaires de tous les intervenants, les pratiques d'exploitation passées et actuelles du CP et les pertes réelles supportées dans l'exploitation des épis St. Andrews et Champlain, l'Office conclut que ces épis ne sont pas rentables.

Pour déterminer s'il y a des motifs raisonnables de croire que les épis St. Andrews et Champlain puissent devenir rentables dans un avenir prévisible, l'Office doit se concentrer sur les preuves économiques dont il dispose.

La majorité des intervenants sont d'avis que la perte du service ferroviaire aurait d'énormes répercussions néfastes sur la compétitivité des entreprises locales, ébranlerait l'avenir économique de la région et compromettrait d'éventuels projets de développement. Les intervenants ont soutenu que le service ferroviaire est essentiel au développement à long terme de leur économie régionale, particulièrement en ce qui a trait au parc industriel Champlain et au port de Bayside qui est en croissance.

La Province a soutenu que les mouvements entrants de Moore-Clark transportés sur de longues et de courtes distances (environ 125 wagons complets par année) sont actuellement transportés directement par camion ou à partir de Saint John par camion. Selon la Province, Moore-Clark commencera à expédier des granulés aux États-Unis l'an prochain et la Province prétend que si un épi était disponible une partie considérable des expéditions totalisant 4 000 tonnes par année serait expédiée par rail.

Le CP a fait valoir que dans la mesure où 125 wagons complets sont en cause, les économies que permet le transport ferroviaire sur de longues distances combinées à la souplesse du transport routier sur de courtes distances fournissent une bonne solution de rechange au coût élevé lié à l'exploitation d'embranchements sous-utilisés. De plus, le CP a indiqué que puisque les circonstances n'ont pas changées concernant la décision de Moore-Clark de ne pas investir dans une voie d'évitement privée à ses installations dans le parc industriel Champlain (étant donné le fait que le CP ne pouvait pas garantir un accès ferroviaire direct à long terme), le CP a soutenu qu'il est peu probable qu'il change sa décision sur la base d'un trafic prévu de 4 000 tonnes de granulés par année.

La Province a aussi indiqué qu'elle est rendue à la dernière étape des négociations avec Bison Chemicals (ci-après Bison) concernant l'établissement d'une installation dans le parc industriel Champlain. Selon la Province, si ces négociations aboutissent, Bison recevrait quatre wagons de résines chimiques par semaine à cet endroit. Le CP a pour sa part laissé entendre que la Province n'a fourni aucune preuve tangible indiquant que ce trafic entrant se concrétiserait. Même si ce trafic se concrétisait, il serait probablement transporté par train jusqu'à Saint John où il serait transféré dans des camions pour être livré à Bison.

La Province a nommé d'autres projets éventuels à l'étude pour le parc et le port de Bayside.

Quant au trafic qui pourrait être produit par les clients du parc industriel Champlain selon la Province, le CP a fait valoir que les seules prévisions fournies par la Province concernent Bison et Moore-Clark. Le CP a soutenu que la Province n'a pas fourni de preuve solide pour indiquer que le trafic serait effectivement transporté sur les épis visés à des taux qui seront concurrentiels avec les autres modes.

Après l'examen des mémoires présentés, l'Office estime que les intervenants n'ont fourni aucune preuve concrète visant à justifier l'augmentation du futur trafic de wagons complets sur les épis St. Andrews et Champlain.

De plus, l'Office signale que, même si d'autres intervenants ont fait référence à la disponibilité du trafic aux installations de Moore-Clark, cette compagnie n'est pas intervenue, en son propre nom, pour s'opposer à la demande du CP et elle n'a pas indiqué non plus qu'elle n'était pas satisfaite des arrangements ou des services actuels de transport. Par ailleurs, l'Office n'a aucune preuve documentée au dossier pour confirmer que Bison envisage sérieusement d'établir une installation dans le parc industriel Champlain, qu'elle a l'intention d'utiliser des services ferroviaires directs pour transporter ses expéditions et que l'installation qu'elle propose produirait quatre wagons de résines chimiques par semaine.

En conclusion, ni Moore-Clark ni Bison n'ont déposé un mémoire auprès de l'Office pour corroborer les prévisions de la Province concernant le trafic de wagons complets pour leur entreprise ou pour confirmer qu'elles expédieraient réellement ce trafic directement par chemin de fer à l'avenir.

Par conséquent, après avoir examiné les preuves qui lui ont été présentées, l'Office détermine, conformément à l'article 164 de la LTN 1987, qu'il n'y a aucun motif de croire que les épis St. Andrews et Champlain puissent devenir rentables dans un avenir prévisible. L'Office doit donc ordonner l'abandon de l'exploitation des épis St. Andrews et Champlain, conformément au paragraphe 165(1) de la LTN 1987.

Cependant, l'Office considère qu'il serait dans l'intérêt public d'accorder aux expéditeurs du temps pour s'adapter à d'autres installations et services de transport et pour compléter leurs arrangements. Par conséquent, l'abandon de l'exploitation des épis St. Andrews et Champlain entrera en vigueur quatre-vingt-dix (90) jours suivant la date de l'arrêté autorisant l'abandon.

CONCLUSIONS

Conformément aux articles 164 et 165 de la LTN 1987, l'Office conclut que l'exploitation du tronçon de l'épi St. Andrews du point milliaire 0,0 (Watt) au point milliaire 18,12 et de l'épi Champlain du point milliaire 0,0 au point milliaire 3,68 n'est pas rentable, qu'il n'y a aucun motif de croire que ces épis puissent devenir rentables dans un avenir prévisible et qu'il faut en abandonner l'exploitation.

Un arrêté à cet effet sera pris.

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