Décision n° 463-R-2010
le 5 novembre 2010
RÉVISION des décisions nos LET-R-74-2008 et LET-R-75-2008 en date du 30 avril 2008, de la décision no 378-R-2008 du 21 juillet 2008, et de la décision no 385-R-2008 du 24 juillet 2008.
Références nos T 6338/198
T 6338/025
Introduction
[1] En vertu de l'article 146.3 de la Loi sur les transports au Canada, L.C., 1996, ch. 10, modifiée (LTC), la Ville de Bengough et la Municipalité rurale de Bengough no 40 (Bengough), de même que la Municipalité rurale de Souris Valley no 7 (Souris Valley) [désignées ensemble sous le nom de Municipalités], ont chacune demandé à l'Office des transports du Canada (Office) de calculer la valeur nette de récupération (VNR) des lignes de chemin de fer appartenant à la Compagnie de chemin de fer Canadien Pacifique (CP), c'est-à-dire la subdivision Radville de CP (des points milliaires 0,5 à 70,5) dans le cas de Bengough et la subdivision Bromhead de CP (des points milliaires 0,1 à 41,0) dans le cas de Souris Valley (subdivisions).
[2] Le 30 avril 2008, l'Office a rendu des décisions provisoires sur la VNR des subdivisions, en excluant la valeur foncière de chacune d'elles, dans la décision no LET-R-74-2008 pour la subdivision Radville, et la décision no LET-R-75-2008 pour la subdivision Bromhead. La détermination finale des VNR a été établie dans la décision no 378-R-2008 du 21 juillet 2008 pour la première et dans la décision no 385-R-2008 du 24 juillet 2008 pour la seconde. La détermination finale de la VNR de la subdivision Radville excluait l'évaluation foncière et elle demeurait donc inchangée par rapport à celle établie dans la décision provisoire relative à cette subdivision. Pour la subdivision Bromhead, la VNR finale incluait effectivement la valeur foncière, et par conséquent la VNR établie dans la décision provisoire a été ajustée en conséquence.
[3] Une fois ces décisions finales rendues, les parties ont interjeté appel et appel incident auprès de la Cour d'appel fédérale (CAF) en invoquant différents motifs, dont la position prise par l'Office quant à la non-application de certains règlements municipaux de remise en état aux déterminations de la VNR.
[4] Dans les décisions qu'elle a rendues le 19 mars 2010 (2010 CAF 80, dans le cas de Bromhead, et 2010 CAF 81, dans le cas de Souris Valley), la CAF a confirmé la décision rendue par l'Office au sujet de la non-application des règlements de remise en état à une détermination de la VNR, mais a renvoyé les affaires à l'Office, pour qu'il réexamine de plus près, abstraction faite de l'applicabilité des règlements municipaux, l'utilité de tenir compte des coûts liés au nivellement des emprises ferroviaires pour déterminer la VNR des subdivisions.
La loi
[5] Pour tous les renvois à des lois, se reporter à l'annexe figurant à la fin de la présente décision.
Observations préliminaires
[6] Dans les décisions nos LET-R-91-2010 et LET-R-92-2010 en date du 28 mai 2010, l'Office a défini une procédure, qui a été ensuite étendue à la demande des Municipalités, afin que les parties puissent faire des présentations sur les questions soumises à l'Office par la CAF. En préparant ces présentations, les Municipalités ont présenté les requêtes suivantes à l'Office :
- les deux lui ont demandé de revoir son évaluation de la qualité et de la valeur marchande des éléments d'actifs de voies pour les subdivisions, en vertu de l'article 32 de la LTC;
- Bengough lui a demandé de faire une évaluation foncière de la subdivision Radville;
- Souris Valley (et Bengough) lui ont demandé de refaire l'évaluation foncière des subdivisions.
[7] L'Office se penchera d'abord sur ces demandes avant d'examiner la question importante soulevée par la CAF.
I. Demande présentée par les Municipalités pour que l'Office révise son évaluation de la qualité et de la valeur marchande des éléments d'actifs de voies dans les subdivisions, en vertu de l'article 32 de la LTC
Positions des parties
[8] Les Municipalités font valoir que l'Office tient habituellement compte des valeurs qui représentent mieux dans le temps l'estimation de la valeur réelle de récupération ou de transfert de la ligne de chemin de fer en question. Elles font valoir que deux changements majeurs, qui ont une incidence sur la valeur des matériaux de voies, sont survenus dans les circonstances.
[9] Les Municipalités indiquent que la disponibilité de l'approvisionnement de rails de 80 et de 85 livres a grimpé de façon significative en raison de l'abandon de lignes de chemin de fer dans les Prairies, ce qui réduirait en général la demande de rails récupérés dans les subdivisions. Par conséquent, les Municipalités demandent à l'Office de modifier ses déterminations de la VNR en considérant tous les rails constituant les subdivisions comme des rebuts aux fins de la détermination de la VNR.
[10] Les Municipalités indiquent également que la variation du prix de l'acier depuis que l'Office a rendu ses décisions provisoires représente un changement dans les circonstances, qui justifie la modification de l'évaluation antérieure par l'Office des matériaux de voies et elles fournissent un prix d'entrepreneur pour les sections de trois pieds et des longueurs variables de rails comme éléments de preuve pour étayer leur position.
[11] CP fait valoir que l'Office a déjà classé les matériaux de voies sur les subdivisions dans la catégorie des matériaux de voies de relais ou dans celle des biens inutiles dans les énoncés de matériaux de voies. Cependant, CP reconnaît, à l'instar des Municipalités, que les cours du prix de l'acier ont fluctué depuis que l'Office a rendu ses décisions provisoires et que ce dernier doit donc revoir l'évaluation des matériaux de voies, en indiquant que la valeur de tous les matériaux en acier inutiles et réutilisables dépasse nettement celle qui est indiquée dans les décisions provisoires et que la demande de rails de 80 et 85 livres est forte. CP fournit de la correspondance commerciale ainsi que d'autres données pour soutenir sa position.
Analyse et détermination
[12] Il importe de souligner que l'article 32 de la LTC n'accorde à l'Office qu'un pouvoir de révision limité à l'égard de ses décisions. En fait, l'Office ne peut exercer ce pouvoir que si des faits ou des circonstances entourant une décision ont changé depuis que cette décision a été rendue. L'Office doit donc d'abord déterminer s'il y a eu des faits nouveaux ou une évolution des circonstances depuis qu'il a rendu sa décision. Dans l'affirmative, il doit déterminer si ces changements sont suffisants pour justifier une révision, une annulation ou une modification de la décision.
[13] L'évaluation, par l'Office, des matériaux de voies se fait en deux étapes. D'abord, il détermine le classement fonctionnel des biens, ensuite, il établit le prix du marché pour chaque catégorie. Les Municipalités demandent que tous les rails de 80 et 85 livres des subdivisions soient considérés comme des biens inutilisables, compte tenu de leur perception du marché de l'offre et de la demande. Cependant, le classement par l'Office des matériaux par rapport à la qualité et à la quantité afin d'établir la VNR est un exercice d'ingénierie, qui consiste à évaluer l'état « dans lequel se trouve » le matériel de voies, résultant de l'usure causée par le transport de marchandises, dans la perspective de la fonctionnalité continue. Il ne tient pas compte des problèmes liés à l'offre et à la demande. Ceux-ci sont pris en considération dans les prix du marché des matériaux, établis par une étude de marché faite pour calculer la VNR de chaque subdivision.
[14] À l'époque où on a procédé à l'évaluation initiale des qualités et des quantités de matériaux sur les subdivisions, la circulation sur les lignes de chemin de fer était pratiquement nulle depuis environ six ans. Aucun élément n'a été présenté afin de prouver que des changements dans les caractéristiques de la circulation s'étaient produits au cours des deux ans qui s'étaient écoulés avant qu'une décision soit rendue dans les appels interjetés par les parties. Par conséquent, l'Office ne constate aucun changement dans les faits ou les circonstances qui justifierait la modification du classement fonctionnel des matériaux sur les subdivisions.
[15] Les Municipalités demandent aussi à l'Office de modifier le calcul qu'il a déjà fait, pour tenir compte des prix actuels sur le marché des rails de rebut en Saskatchewan en faisant valoir que, selon elles, les prix de l'acier sur le marché ont changé depuis que l'Office a rendu ses décisions provisoires. CP reconnaît que la valeur des rails doit être mise à jour.
[16] En examinant cette demande, l'Office note d'abord que les motifs de la demande des Municipalités sont essentiellement fondés sur une prémisse que l'Office n'accepte pas, c'est-à-dire que le classement fonctionnel du matériel dépend des conditions du marché du moment plutôt que de ses caractéristiques physiques.
[17] L'Office doit tenir compte d'un problème fondamental pour cette demande, en reconnaissant que la valeur marchande des matériaux de voies et d'autres biens est inévitablement appelée à fluctuer avec le temps : il doit se demander si les circonstances actuelles ont suffisamment changé pour motiver la révision d'une détermination finale de la VNR. Dans les cas en instance, les circonstances pour lesquelles les parties interjettent appel devant la CAF, pour des raisons n'ayant aucun rapport avec la valeur marchande des rails énoncée dans les décisions finales de l'Office, ont retardé leurs négociations et l'exécution d'une éventuelle convention de cession. Pendant que les appels étaient entendus, le temps a passé, et la valeur marchande des matériaux de voies a fluctué.
[18] La détermination de la valeur nette de récupération est le résultat de l'évaluation par l'Office des valeurs et des coûts à partir des preuves les plus concluantes au moment de la détermination. Lorsqu'il reçoit la demande, l'Office cherche et calcule la valeur marchande pour chacun des éléments d'une ligne de chemin de fer, qui, une fois établie, ne peut pas changer sauf dans des circonstances exceptionnelles qui ne sont pas du ressort des parties. Dans le cas en instance, si l'Office devait reconnaître que le temps écoulé pendant une contestation juridique constituait une raison suffisante pour revoir la valeur marchande des matériaux de voies énoncée dans une décision finale, il risquerait de mettre en place un climat où les parties contesteraient les décisions rendues et se prévaudraient de l'article 32 de la LTC pour profiter des changements survenus dans les prix du marché. Cette façon de procéder irait à l'encontre de la section V de la LTC, qui prévoit le transfert ou la cessation méthodiques de l'exploitation de lignes de chemin de fer en temps voulu.
[19] L'Office conclut que les contestations judiciaires qui ont empêché les parties d'amorcer leurs négociations ou les ont retardées à cet égard ne constituent pas une raison suffisante pour que l'Office revoit ses déterminations finales, malgré les fluctuations normales et prévues du prix du marché des rails récupérés et autres biens, qui se sont peut-être produites entre-temps.
[20] L'Office rejette donc la demande visant la réévaluation des matériaux de voies en vertu de l'article 32 de la LTC.
II. Demande présentée par Bengough pour que la valeur foncière de la subdivision Radville soit incluse dans le nouveau calcul de l'Office.
[21] Au cours de la procédure initiale, CP et Bengough ne sont pas parvenues à s'entendre sur la valeur foncière de la subdivision Radville. Dans le but de faciliter le rapprochement des deux estimations, l'Office, dans les décisions provisoires qu'il a rendues, a ordonné à Bengough et à Souris Valley d'indiquer si elles souhaitaient que l'Office fasse les démarches nécessaires afin d'engager un évaluateur foncier pour que la détermination finale puisse être menée à terme.
[22] Bengough a répondu qu'à son avis, les parties concernées pourraient établir la juste valeur foncière en poursuivant leurs discussions et qu'elle ne souhaitait donc pas qu'on procède à une évaluation foncière de la ligne de chemin de fer. Après en avoir été informé par Bengough, la demanderesse, l'Office, en vertu de l'autorité que lui confère le paragraphe 24(4) de la LTC, a accepté que la demande de Bengough soit modifiée et considérée comme une demande de détermination de la VNR de la ligne de chemin de fer, mis à part une évaluation de la valeur foncière. Dans la décision no 378-R-2008, l'Office a établi une détermination finale de la VNR pour la subdivision Radville, en faisant abstraction de la valeur foncière.
[23] Dans sa présentation du 18 juin 2010, Bengough demande à l'Office d'incorporer dans son nouveau calcul la valeur foncière, en se fondant sur des renseignements déjà déposés par les parties, comme l'Office l'a fait pour Souris Valley dans la décision no 385-R-2008, en se servant des dossiers de taxes municipales comme indicateur adéquat des valeurs foncières.
[24] CP n'a pas abordé la question de la valeur foncière dans son évaluation des terrains comprenant la subdivision Radville pour les besoins de la VNR.
Analyse et détermination
[25] Dans les deux cas initiaux, celui de Bengough et celui de Souris Valley, l'Office a établi qu'il fallait procéder à une évaluation foncière indépendante.
[26] Malgré cela, Bengough a fait savoir à l'Office qu'elle ne voulait pas que ce dernier procède à une évaluation foncière indépendante. L'Office a donc émis sa détermination finale en tenant compte du fait que la demande de Bengough était désormais considérée comme une demande de calcul de la VNR de la subdivision Radville, sans évaluation foncière. L'Office est d'avis qu'il ne serait pas raisonnable d'accepter maintenant la demande de Bengough, qui renverserait effectivement la modification, compte tenu notamment du fait que l'autorité de l'Office pour émettre une VNR sans évaluation foncière en vertu de l'article 146. 3 a été soulevée dans l'appel incident et que la requête a été rejetée par la CAF.
[27] La CAF a ordonné à l'Office de se pencher de nouveau sur une question précise qu'elle avait identifiée et qui portait sur l'utilité de déterminer la VNR pour les coûts associés au nivellement de l'emprise ferroviaire. La demande d'évaluation foncière présentée par Bengough n'est pas liée à cette ordonnance et ne sera donc pas abordée.
[28] Dans l'affaire initiale de Bengough, l'Office a adopté une approche différente de celle qu'il avait adoptée dans l'affaire de Souris Valley parce que les circonstances étaient différentes. L'écart entre les valeurs proposées par les parties et la valeur globale des terrains était plus important. Ces circonstances n'ont pas changé. Le fait que la demanderesse remette maintenant en question la pertinence de sa position ou de sa décision antérieure (c'est-à-dire de ne pas procéder à une évaluation foncière) n'est pas une raison suffisante pour revoir la question.
[29] L'Office rejette donc la demande de Bengough voulant que l'Office intègre une évaluation foncière dans son nouveau calcul de la VNR en vertu de l'article 32 de la LTC.
III. Demande présentée par Souris Valley (et Bengough) pour que l'Office procède à une nouvelle évaluation foncière des subdivisions.
Positions des parties
[30] Dans sa présentation finale du 19 juillet 2010, Souris Valley demandait de recalculer la valeur foncière de la subdivision Bromhead. Au cours de la procédure initiale du calcul de la VNR, Souris Valley a présenté les valeurs foncières suivantes : 185 $ l'acre pour les terres à pâturages et 238 $ l'acre pour les terrains cultivés. Dans la présentation liée au cas en instance, Souris Valley fait état de 10 $ par titre foncier, soit 100 $ l'acre. Ces valeurs sont fondées sur une présentation identique de Bengough, qui calcule la valeur foncière à partir d'un montant de 10 $ la parcelle, présentée par CP au bureau d'enregistrement des actes de la Saskatchewan, dans le contexte de demandes déposées par CP en 2007 en vue de modifier le titre de possession pour certaines parcelles de terre d'un tronçon de la subdivision Radville où l'exploitation a déjà été abandonnée (de Bengough à Willow Bunch).
[31] CP décrit la valeur foncière actuelle dans le contexte d'arguments liés au nivellement de l'emprise ferroviaire. À cet égard, elle déclare que la valeur de cette emprise a augmenté d'au moins 200 pour cent et celle des terrains de gare, de 30 à 50 pour cent par rapport aux montants indiqués dans ses présentations de janvier 2008.
Analyse et déterminations
[32] Souris Valley fonde sa demande de réévaluation foncière sur les preuves déposées le 18 juillet 2010, afférentes aux modifications présentées par CP au bureau d'enregistrement des actes de la Saskatchewan en 2007. Ces modifications sont datées du 7 février 2007, précédant la demande initiale de calcul de la VNR présentée par Souris Valley le 9 novembre 2007.
[33] Bien que Souris Valley ne mentionne aucun renvoi juridique pour cette demande de réévaluation, l'Office ne peut l'examiner que dans la perspective de l'article 32 de la LTC. Étant donné que les preuves déposées par Souris Valley dans le cas en instance étaient à sa disposition au moment où les présentations concernant la valeur foncière ont été faites dans le cadre de la procédure initiale, l'Office conclut qu'il n'existe aucun fait nouveau et aucune nouvelle circonstance qui n'auraient pu lui être présentés à ce moment-là, et la demande présentée par Souris Valley concernant une révision de la valeur foncière est rejetée.
[34] Pour les mêmes raisons et pour les raisons susmentionnées visant à expliquer l'exclusion de la valeur foncière dans la demande présentée par Bengough concernant la VNR, l'Office ne se penchera pas sur la demande de Bengough relativement aux valeurs foncières, ni les preuves qu'elle a déposées, et l'Office rejette également la demande de révision de la valeur foncière présentée par Bengough.
Question
[35] Conformément aux directives de la Cour d'appel fédérale dans les décisions 2010 CAF 80 et 2010 CAF 81, l'Office examine la question de savoir si les coûts réclamés pour le nivellement des emprises ferroviaires sont pertinents à la détermination de la VNR pour les subdivisions Bromhead et Radville de CP, et le cas échéant, le montant qui devrait être intégré dans la détermination de la VNR pour chacune des subdivisions.
Positions des parties
[36] Les Municipalités sont d'avis que pour la détermination de la VNR, il faut, comme le maintient la CAF, présumer que la ligne de chemin de fer sera abandonnée, voire démantelée. De plus, elles sont d'avis qu'il faut inclure une emprise ferroviaire au niveau dont l'assiette des rails est retranchée et nivelée et les fossés, remblayés au niveau équivalent aux terrains adjacents, le ballast ayant été enlevé ou enfoui sur place. Elles sont également d'avis qu'il faut tenir compte des utilisations les plus probables de l'emprise ferroviaire, autres que celle d'un corridor de transport.
[37] Les Municipalités sont d'avis qu'étant donné que la procédure de calcul de la VNR relève de la conjecture, l'obligation juridique à laquelle le futur propriétaire de l'emprise ferroviaire sera assujetti aux termes des règlements municipaux, soit de niveler et de remettre en état cette emprise, est une obligation pertinente à la procédure de détermination de la VNR et elle n'est pas modifiée par la décision de la CAF.
[38] CP fait valoir qu'étant donné que la ligne de chemin de fer est offerte aux gouvernements à n'importe quelles fins, en vertu de l'article 145 de la LTC, on ne peut supposer que la ligne de chemin de fer n'aura qu'une seule utilisation, celle de terres cultivées, comme le prétendent les Municipalités. Étant donné que les coûts du nivellement dans les cas en instance ne s'appliquent qu'à cette utilisation, qui représente un seul des multiples usages potentiels, CP soutient qu'il est inapproprié de tenir compte de coûts additionnels liés au nivellement.
[39] CP considère le nivellement, non pas comme un coût retranché de la valeur d'un bien, mais comme une amélioration qui s'ajoute à la valeur foncière. CP fait valoir que si on retranchait les coûts du nivellement de la valeur, il faudrait en tenir compte advenant une majoration équivalente de la valeur foncière correspondant au changement de situation. CP fait valoir qu'il est inapproprié de réduire d'abord la valeur marchande de l'emprise ferroviaire pour tenir compte de la présence d'un terre-plein et de réduire ensuite la valeur de l'actif de nouveau en fonction des coûts du nivellement, quand on ne sait pas vraiment à quelles fins l'emprise sera utilisée.
[40] En réponse à la position de CP par rapport à cette question, les Municipalités indiquent qu'on ne peut pas supposer que deux corrections ne devraient pas s'appliquer, soit une pour les coûts du nivellement et l'autre pour la diminution de la productivité du sol attribuable à des années de compactage et d'utilisation à des fins industrielles.
[41] CP indique également qu'on ne peut pas supposer qu'on devra inévitablement, voire probablement, niveler le sol, parce qu'à sa connaissance, aucune compagnie de chemin de fer provinciale ou autre en Saskatchewan n'a été tenue de niveler ses emprises ferroviaires après avoir interrompu ses activités.
[42] CP fait valoir que, étant donné qu'il est improbable qu'on doive éventuellement niveler l'emprise ferroviaire, en se fondant sur le large éventail d'utilisations que la vente d'une voie ferrée, à n'importe quelles fins, pourrait impliquer et que la valeur marchande de l'emprise dépend de l'état des terrains à ce moment-là, y compris le terre-plein, on ne doit supposer aucuns frais pour le nivellement dans les cas liés à la VNR, y compris ceux en instance.
Utilisation éventuelle future
[43] Les Municipalités indiquent que comme corridor assemblé traversant les régions rurales, l'emprise ferroviaire n'est propice à aucune autre utilisation autonome, et elles font valoir que les seules autres utilisations de l'emprise sont celles qui sont conformes aux utilisations actuelles des terrains adjacents, les propriétaires de ces terrains étant les seuls autres acheteurs possibles.
[44] Les Municipalités citent la décision no 542-R-2000 en date du 17 août 2000 (se rapportant à la VNR de la subdivision Cudworth de CN, dans la province de la Saskatchewan) pour faire valoir que la demande à des fins commerciales ou autres est faible dans les secteurs constitués de terres agricoles ou de pâturages non aménagés, traversés par la ligne de chemin de fer, et que les parcelles où se trouve l'emprise ne peuvent pratiquement être utilisées autrement qu'en étant combinées aux parcelles de terrain adjacentes.
[45] CP n'est pas du tout d'accord avec les déclarations des Municipalités, qui maintiennent que les futurs propriétaires d'une emprise ferroviaire devront inévitablement niveler et remettre en état le terrain, qu'un corridor assemblé dans un secteur rural ne peut pas être utilisé à d'autres fins de façon autonome et que les seuls autres acheteurs sont les propriétaires fonciers des terrains adjacents qui utiliseraient les terres comme pâturage et pour les cultures, et la compagnie de chemin de fer considère ces déclarations incorrectes.
[46] CP indique que d'après son expérience, la vente d'une ligne de chemin de fer « à n'importe quelles fins » comprend un large éventail d'utilisations, dont les activités ferroviaires, y compris le transport de marchandises et de touristes par des compagnies de chemin de fer d'intérêt local, ainsi que l'entreposage de wagons; des corridors de services d'utilités publiques, notamment des réseaux d'aqueduc et des canalisations d'égout, des conduits de gaz et de pétrole et des lignes de télécommunications (y compris les câbles à fibres optiques); de même que des pistes d'excursion. CP est également d'avis que le ballast et les matériaux de talus constituent des marchandises de valeur, faciles à commercialiser et à vendre par l'acheteur d'une ligne de chemin de fer. Elle ajoute que les terrains attenant à d'anciennes gares peuvent devenir des terrains commerciaux et industriels de valeur dans les petites collectivités.
[47] CP est d'avis que les nouveaux aménagements pour la procédure d'extraction dans les gisements de pétrole et de gaz naturel dans le champ pétrolifère de Bakken, qui se trouve dans le sous-sol du secteur sud-est de la Saskatchewan et qui comprend les deux subdivisions, offrent de nombreuses nouvelles possibilités pour les corridors ferroviaires dans ce secteur, qui pourraient être utilisés pour le transport par chemin de fer de produits pétroliers, les pipelines et les installations d'entreposage, les corridors d'accès aux champs pétrolifères et à d'autres fins connexes. CP fait valoir qu'il est peu probable que pour les terrains ayant un potentiel commercial ou d'aménagement dans la région de Bakken, il faudrait engager inutilement des dépenses pour niveler le sol afin qu'il puisse être utilisé comme pâturage ou pour la culture.
[48] Pour ce qui est de la déclaration de CP concernant la valeur commercialisable du ballast et des matériaux de talus pour un acheteur, les Municipalités affirment qu'il est possible de se procurer du gravier à bon marché un peu partout et qu'il n'est pas logique, d'un point de vue économique, de remettre en état le ballast des subdivisions. Faisant référence au cas d'une compagnie de chemin de fer d'intérêt local en Saskatchewan, citée dans les présentations, dont CP s'est servie pour illustrer le cas d'un acheteur mettant à profit le ballast et les matériaux de talus en les enlevant et les vendant, les Municipalités indiquent qu'il en coûte à cette compagnie 6,25 $ la verge cube pour les faire enlever et les faire livrer aux acheteurs dans un rayon de 15 milles.
Possibilités de commercialisation
[49] Reconnaissant qu'habituellement CP ne nivelle ni ne remet en état les emprises ferroviaires qu'elle abandonne en Saskatchewan, les Municipalités sont d'avis que c'est la raison pour laquelle CP n'a pas réussi, dans la majorité des cas, à trouver d'acheteurs pour ces terrains. Elles affirment que les emprises abandonnées qui ne sont pas remises en état n'ont aucune valeur pour les propriétaires des terrains adjacents à moins de pouvoir être intégrées aux terrains adjacents, ce qui est impossible dans l'état où elles se trouvent.
[50] Pour réfuter cette affirmation, CP présente comme preuve sept ventes déjà faites et en cours, à partir de 2005, d'emprises en Saskatchewan, au Manitoba et en Alberta, certaines d'entre elles effectuées pendant la procédure de cessation d'exploitation, d'autres après, dans certains cas, l'infrastructure étant entièrement ou partiellement intacte, dans d'autres cas, l'infrastructure ayant été enlevée. Les emprises ont toutes été vendues dans l'état où elles se trouvaient, sans qu'on doive procéder à leur nivellement et sans que soient entrepris des travaux de nivellement.
[51] CP indique que ces renseignements sur les ventes appuient davantage sa position relativement aux utilisations éventuelles de ces terrains, faisant état des ventes visant à permettre aux provinces d'aménager des corridors continus, à des parties tiers d'en poursuivre l'exploitation ferroviaire, à des administrations régionales et municipales d'aménager des pistes d'excursion et des sentiers de promenade, aux fins d'aménagement de services sous-terrain d'utilités publiques, aux fins d'entreposage de wagon, et à des propriétaires privés à d'autres fins non précisées.
[52] En réponse, les Municipalités indiquent que CP demeure le propriétaire inscrit de plusieurs lignes de chemin de fer qu'elle a abandonnées dans la province de la Saskatchewan, dont trois dans le secteur du champ pétrolifère de Bakken. Les Municipalités font valoir que ces faits renforcent leur position, selon laquelle la demande d'emprises ferroviaires vendues dans « l'état où elles se trouvent » est très limitée en Saskatchewan, que les transactions pour l'aménagement de corridors sont l'exception plutôt que la règle et que CP n'a pas réussi à vendre la plupart des emprises qu'elle a abandonnées en Saskatchewan. Les Municipalités maintiennent que les emprises doivent être nivelées pour être commercialisables.
Considérations environnementales
[53] CP souligne que ses emprises sont en place depuis une centaine d'années dans plusieurs régions et qu'elles ont constitué des écosystèmes à part entière, abritant beaucoup d'animaux sauvages qui s'y réfugient en raison de la faible fréquence des travaux aratoires et de l'épandage d'herbicides. CP fait valoir que beaucoup de fossés dans ces emprises contiennent des systèmes d'assèchement, des terrains marécageux, des milieux humides de prairies, des herbacées indigènes rares et d'autres plantes, qui constituent un habitat important pour la faune, les oiseaux migrateurs et d'autres espèces et dont la destruction est interdite en raison d'exigences environnementales.
[54] CP indique qu'un organisme provincial, la Saskatchewan Watershed Authority, veille à ce que les milieux humides en Saskatchewan soient conservés et qu'ils ne soient pas remblayés dans le cadre d'activités d'exploitation agricole ou autres. Elle est d'avis qu'il faudra faire des études environnementales précises des terrains, de leurs caractéristiques et des animaux qui y vivent avant de pouvoir établir une détermination pour les tronçons qui devraient être nivelés dans cette perspective.
[55] Les Municipalités répondent qu'aucune preuve n'a été déposée pour démontrer que les assiettes des rails dans les subdivisions Bromhead et Radville représentent un écosystème fragile, voire qu'elles en protègent. De plus, elles affirment que ni la Saskatchewan Watershed Authority Act, Statutes of Saskatchewan (chapitre D-33.1), ni les Drainage Control Regulations, afférents à cette Loi ne contiennent d'exigence générale obligeant à effectuer des études environnementales des terrains avant de modifier des travaux de drainage.
Analyse et détermination
[56] La CAF a ordonné à l'Office d'examiner de plus près la question de la pertinence des coûts associés au nivellement des emprises ferroviaires pour le calcul de la VNR dans les cas en instance. Ce faisant, l'Office tient compte du fait que les décisions prises par rapport à cette question dans ces cas pourraient vraisemblablement s'appliquer à d'autres cas ultérieurs. Il doit donc considérer la question comme une généralité et déterminer s'il existe des facteurs à cet égard qui permettent de distinguer ces lignes de chemin de fer des autres.
[57] La CAF fait référence à la nature spéculative d'une détermination de la VNR. Elle relève de la conjecture dans la mesure où pour faire une détermination de cette valeur, l'Office estime la valeur nette juste et raisonnable qu'on pourrait obtenir pour les éléments d'actif sur une ligne de chemin de fer, en l'absence de transfert de propriété de la ligne de chemin de fer, et que la compagnie de chemin de fer était en mesure de céder tous les éléments d'actif comme elle le souhaitait. Pour les demandes concernant les « offres au gouvernement », l'Office doit également déterminer la VNR en se fondant sur le fait que la ligne de chemin de fer peut être utilisée à n'importe quelles fins.
[58] L'Office note qu'en pratique, lorsque les compagnies de chemin de fer démontent des lignes de chemin de fer, dans la majorité des cas, elles confient cette tâche à des entrepreneurs, et les exigences énoncées dans les contrats signés à cet égard sont propres à la ligne de chemin de fer. Les compagnies de chemin de fer n'enlèvent généralement pas les ponts. Elles ne retirent pas les ponceaux et ne les remblayent pas habituellement, à moins qu'ils ne fonctionnent pas bien. Elles laissent le ballast sur place et le nivellent de façon à aplanir la surface. Lorsque l'Office effectue une étude de marché relative aux coûts de l'enlèvement et de la récupération, on considère que le nivellement du ballast de l'assiette des rails est inclus dans ces coûts. Habituellement, mis à part le nivellement du ballast pour aplanir la surface et en faire disparaître les dangers, les compagnies de chemin de fer laissent l'assiette des rails et les emprises dans « l'état où elles se trouvent » après avoir récupéré les matériaux de voies le long d'une ligne de chemin de fer abandonnée, peu importe l'intervention de l'Office prévue dans les règlements. Aucune loi fédérale n'oblige les compagnies de chemin de fer à niveler une emprise ferroviaire lorsqu'elles abandonnent une ligne de chemin de fer, et le coût du nivellement de l'emprise n'est pas considéré comme une dépense de récupération que ces compagnies doivent habituellement engager.
[59] Par conséquent, en établissant les déterminations de VNR sur plusieurs années et dans plus d'un régime législatif, l'Office n'a jusqu'à présent jamais supposé, de façon générale, que les compagnies de chemin de fer nivelleraient l'emprise ferroviaire en vue de maximiser la valeur résiduelle de leurs éléments d'actif au moment où elles abandonnent l'exploitation d'une ligne de chemin de fer. Lorsque l'Office détermine des valeurs foncières aux fins du calcul de la VNR, il tient compte de « l'état où se trouvent » les emprises et l'assiette des rails.
[60] C'est ce qu'on observe dans les déterminations de la valeur foncière déjà établies par l'Office et les réductions de la valeur marchande des « terrains voisins » qu'il a jugé approprié d'appliquer. C'est également ce qu'on observe dans la façon dont l'Office aborde les baux et les conventions qui seront probablement maintenus une fois l'exploitation de la ligne de chemin de fer abandonnée. Bon nombre de ces conventions sont liées aux câbles à fibres optiques, aux câbles souterrains, aux pipelines et autres installations du même genre, qui sont situés le long de l'emprise ferroviaire ou qui la traversent. Ces baux et ces conventions sont maintenus tant et aussi longtemps qu'existe « l'état dans lequel se trouvent » les emprises ferroviaires où sont enfouies les installations.
Utilisation éventuelle future
[61] Les Municipalités fondent leurs arguments en faveur du nivellement de l'emprise ferroviaire sur l'utilisation la plus probable des biens-fonds ferroviaires à l'avenir, soit les terres arables, les terres agricoles cultivées ou les pâturages. CP, quant à elle, fait valoir la possibilité de multiples utilisations différentes pour l'avenir.
[62] Des preuves ont été déposées établissant la vente de ces lignes de chemin de fer pour être utilisées à des fins de transport ou de corridors d'utilités publiques et de pistes d'excursion. Des preuves ont également été fournies démontrant que des compagnies de chemin de fer sont demeurées propriétaires de lignes de chemin de fer qu'elles avaient abandonnées. Aucune preuve n'a été présentée à l'appui de la vente de biens-fonds ferroviaires pour les besoins des propriétaires des « terrains voisins »; il semble donc que l'achat parcelle par parcelle par les propriétaires des terrains adjacents ne soit effectivement pas l'utilisation la plus probable.
[63] Cependant, il convient de souligner qu'en vertu des articles 145 et 146. 3 de la LTC, l'Office n'est pas tenu d'évaluer l'utilisation la plus probable de ces terrains, mais plutôt de déterminer la VNR d'une ligne de chemin de fer abandonnée peu importe les fins auxquelles elle sera utilisée. Dans la perspective de cette responsabilité, l'Office juge raisonnable de s'adonner à l'exercice de spéculation qui consiste à déterminer la VNR sans aller plus loin que le point où une ligne de chemin de fer est laissée dans un état convenable à la mise en place rentable du plus large éventail d'utilisations possibles. Pour déterminer le point où cela se produit, l'Office a examiné les conséquences financières possibles des travaux de remise en état de différentes envergures, prônés par les parties, dans la mesure où ils se rapportent aux utilisations éventuelles futures d'une ligne de chemin de fer.
[64] Si une emprise ferroviaire est nivelée de la façon indiquée par les Municipalités (c'est-à-dire, le talus coupé et nivelé, et les fossés remblayés au niveau des terrains adjacents, le ballast ayant été enlevé ou enfoui sur place), la possibilité d'offrir un autre service de transport (ferroviaire ou non), celle d'aménager un sentier de promenade, l'installation d'un corridor d'utilités publiques ou encore le maintien des activités d'exploitation deviendraient impossibles sans l'investissement de sommes considérables en vue de remplacer l'assiette des rails, comme ce serait le cas du développement d'un projet de mise en valeur économique qui dépendrait d'un tel moyen de transport. Compte tenu des coûts actuels estimatifs liés à l'aménagement d'une assiette des rails, soit environ 50 000 à 75 000 $ le mille, variant en fonction de l'état du terrainNote 1 (c'est-à-dire, les travaux d'excavation ou de remblayage pour le nivellement du terrain, les travaux de compactage et la prise en charge du système de drainage superficiel en place), l'Office est d'avis que les dépenses à engager pour installer une assiette des rails seraient, dans la plupart des cas, exagérées.
[65] Une fois que la procédure de récupération est jugée terminée, après l'enlèvement des matériaux de voies et le nivellement de la surface couverte de ballast de l'assiette des rails pour aplanir la surface et en faire disparaître les dangers, il ne resterait que l'emprise ferroviaire constituée d'une bande d'environ 100 pi de largeur où, au centre de cette dernière, le dessus de la section couverte de ballast de l'assiette est niveléNote 2. Dans cet état, elle pourrait servir aux utilisations énoncées au paragraphe précédent sans inclure les coûts liés aux réaménagement d'une assiette des rails. Cependant, afin de procéder à l'analyse, il faut examiner ce qui est nécessaire dans ce scénario au cas où l'utilisation éventuelle future nécessiterait l'enlèvement du ballast.
[66] Les parties ont discuté du fait que cet état constitue une responsabilité ou une possibilité pour un acheteur éventuel, faisant toutes deux référence à une compagnie de chemin de fer d'intérêt local qui a acheté une ligne de chemin de fer abandonnée, dont l'infrastructure avait déjà été enlevée sur un tronçon et qui, selon les parties, adjuge actuellement le contrat pour l'enlèvement du ballast sur ce tronçon et en effectue la vente.
[67] L'Office considère le ballast récupéré comme un bien commercialisable. Dans l'exemple susmentionné de la compagnie de chemin de fer d'intérêt local en Saskatchewan, les Municipalités font valoir que le ballast est enlevé au coût de 6,25 $ la verge cube. Aucune des deux parties n'a indiqué un prix de vente pour ces matériaux, mais d'après ses recherchesNote 3, l'Office a établi que le ballast de chemin de fer vaut environ 8,75 $ la tonne, ou 15,75 $ la verge cube (soit 1,8 tonne par verge cube). Même en actualisant la différence entre le coût de l'enlèvement et la valeur du ballast afin de prendre en considération l'état imparfait des matériaux utilisés et en ne tenant pas compte de la valeur des rebuts d'acier qu'on trouve parfois dans ces matériaux, il semble raisonnable de conclure que si l'utilisation future requière l'enlèvement du ballast, on pourrait le faire sans difficulté financière excessive.
[68] L'Office conclut, comme il l'a toujours fait dans le passé, que pour laisser le plus de latitude du point de vue de l'adaptabilité rentable du plus large éventail d'utilisations éventuelles futures, il faut prévoir la récupération d'une ligne de chemin de fer seulement au point où l'assiette des rails, y compris le ballast, est laissée intacte et dans un état sécuritaire.
Possibilités de commercialisation
[69] Les possibilités de commercialisation constituent une autre raison invoquée par les Municipalités pour faire valoir l'importance de niveler les emprises ferroviaires. À leur avis, il faut niveler l'assiette des rails des terrains d'emprises abandonnées pour qu'ils puissent être commercialisés. Pour appuyer leur raisonnement, les Municipalités présentent des preuves démontrant que CP demeure le propriétaire inscrit de plusieurs corridors ferroviaires abandonnés en Saskatchewan.
[70] À cet égard, l'Office conclut que sans examen des efforts déployés par CP, de ses intentions et de ses projets à long terme par rapport à la propriété de ces terrains, on ne peut supposer que CP demeure, contre sa volonté, le propriétaire de terrains impossibles à commercialiser. L'Office note également que le fait qu'une compagnie de chemin de fer se départisse ou non de ses terrains après en avoir abandonné l'exploitation n'est pas pertinent à la détermination de la VNR.
Considérations environnementales
[71] Pour ce qui est des considérations environnementales, CP fait valoir qu'elle juge nécessaires les études environnementales précises des terrains, de leurs caractéristiques et de la faune qui s'y trouve avant de prendre une décision dans cette perspective concernant le nivellement éventuel des tronçons, en citant la Saskatchewan Watershed Authority comme organisme provincial responsable de la préservation et de l'intendance des milieux humides dans cette province. Les Municipalités font valoir que ce genre d'études ne fait pas partie du mandat de cet organisme ni de la loi qui l'habilite et que CP n'a présenté aucune preuve établissant que les subdivisions constituent des écosystèmes fragiles ou qu'elles abritent ce genre d'écosystèmes.
[72] De façon générale, les lignes de chemin de fer sont en place depuis de nombreuses années, dans bien des cas, y compris les lignes visées, depuis une centaine d'années. Étant donné que les cours d'eau se sont adaptés à l'emprise ferroviaire avec le temps, la perturbation de cette emprise pourrait modifier les caractéristiques de drainage en place depuis la construction d'une ligne de chemin de fer, et son nivellement pourrait entraîner une inondation majeure des terrains adjacents. L'Office reconnaît qu'il s'agit d'un facteur à prendre en considération avant d'entreprendre des travaux de nivellement de grande envergure de l'emprise.
[73] En ce qui a trait à ces subdivisions, un examen de la Saskatchewan Watershed Authority Act et des Drainage Control Regulations, auxquels les Municipalités font référence, indique que selon ces autorités, CP, en sa qualité de compagnie de chemin de fer, peut être exemptée de l'obligation d'obtenir préalablement l'autorisation d'entreprendre ce genre de travaux, mais qu'elle pourrait être l'objet d'une plainte et d'une enquête si quelqu'un d'autre se juge lésé après coup. Il semblerait donc que CP aurait intérêt à atténuer ce genre de risque en évaluant à fond la situation avant de prendre quelque mesure que ce soit.
Conclusion
[74] Compte tenu de tous les éléments susmentionnés, l'Office détermine que de façon générale, les coûts de nivellement de l'emprise ne sont pas pertinents à la détermination d'une VRN en vertu de l'article 145 de la LTC.
[75] De plus, l'Office ne peut rien trouver, concernant les lignes de chemin de fer visées, qui permet de les distinguer des autres lignes de chemin de fer à cet égard. Par conséquent, il ne poussera pas plus loin l'analyse des coûts allégués par les Municipalités pour le nivellement des emprises ferroviaires.
[76] L'Office conclut que dans la mesure où le nivellement de la surface de l'assiette des rails représente un coût raisonnable par rapport au démantèlement d'une ligne de chemin de fer, il est déjà inclus dans les coûts d'enlèvement, de récupération et de transport qui font partie d'une détermination de la VNR.
[77] Par conséquent, compte tenu du coût d'enlèvement et de récupération des matériaux de voies (2 132 400 $ pour la subdivision Radville et 1 274 018 $ pour la subdivision Bromhead), déjà calculé par l'Office, ce qui comprend les frais de nivellement de l'assiette des rails une fois les matériaux enlevés, aucun autre coût supplémentaire ne sera inclus pour le nivellement des emprises, comme le réclament les Municipalités dans les cas en instance.
[78] La VNR finale établie dans la décision no 378-R-2008 pour la subdivision Radville et la VNR finale établie dans la décision no 385-R-2008 pour la subdivision Bromhead sont confirmées de nouveau et elles restent inchangées.
[79] En vertu du paragraphe 146.3(3) de la LTC, le délai dont disposent Bengough et Souris Valley pour accepter l'offre de CP vient à échéance 30 jours après la date de cette détermination.
Membres
- Geoffrey C. Hare
- John Scott
Annexe A
Dispositions législatives
Les dispositions suivantes proviennent de la Loi sur les transports au Canada
Paragraphe 27(4)
L'Office peut, notamment sous condition, apporter ou autoriser toute modification aux procédures prises devant lui.
Article 32:
L'Office peut réviser, annuler ou modifier ses décisions ou arrêtés, ou entendre de nouveau une demande avant d'en décider, en raison de faits nouveaux ou en cas d'évolution, selon son appréciation, des circonstances de l'affaire visée par ces décisions, arrêtés ou audiences.
Article 145:
(1) La compagnie de chemin de fer est tenue d'offrir aux gouvernements, administrations de transport de banlieue et administrations municipales de leur transférer tous ses intérêts à leur valeur nette de récupération ou moins si personne ne manifeste d'intérêt ou aucune entente n'est conclue dans le délai prescrit, ou si le transfert n'est pas effectué conformément à l'entente.
(2) L'offre est faite simultanément :
a) au ministre si la ligne franchit, selon le cas :
(i) les limites d'une province ou les frontières du Canada,
(ii) une réserve ou une terre ayant déjà été une réserve au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur les Indiens,
(iii) une terre faisant l'objet d'un accord, entre la compagnie de chemin de fer et le ministre, ayant pour but le règlement de revendications territoriales autochtones,
(iv) une région métropolitaine;
b) au ministre chargé des transports dans toute province dont la ligne franchit le territoire;
c) au président de toute administration de transport de banlieue dont la ligne franchit le territoire;
d) au greffier ou à un premier dirigeant de toute administration municipale dont la ligne franchit le territoire.
(3) Sous réserve du paragraphe 146.3(3), les destinataires de l'offre disposent, après sa réception, des délais suivants pour l'accepter :
a) trente jours pour le gouvernement fédéral;
b) trente jours pour le gouvernement provincial, mais si le gouvernement fédéral n'accepte pas l'offre qui lui est d'abord faite, chaque gouvernement provincial visé dispose de trente jours supplémentaires une fois expiré le délai mentionné à l'alinéa a);
b.1) trente jours pour chaque administration de transport de banlieue, une fois expirés les délais mentionnés aux alinéas a) et b);
c) trente jours pour chaque administration municipale, une fois expirés les délais mentionnés aux alinéas a), b) et b.1).
(4) La communication, par écrit, de l'acceptation à la compagnie éteint le droit des autres destinataires de l'offre; celle-ci leur notifie l'acceptation de l'offre.
(5) Si les parties ne peuvent s'entendre, dans les quatre-vingt-dix jours suivant l'acceptation de l'offre, sur la valeur nette de récupération, l'Office la détermine, sur demande de l'une d'elles.
Article 146.3
- Le destinataire de l'offre faite au titre des articles 145 ou 146.2 peut, avant l'expiration du délai imparti pour l'accepter, demander à l'Office de déterminer la valeur nette de récupération de la ligne, de la voie d'évitement ou de l'épi, selon le cas.
- Le demandeur envoie, sans délai, copie de sa demande à la compagnie de chemin de fer. Celle-ci en avise immédiatement les autres destinataires de l'offre à l'égard desquels le délai d'acceptation n'est pas expiré.
- Le demandeur dispose, après décision de l'Office, d'un délai de trente jours pour accepter l'offre. Les délais — de trente jours — dont disposent respectivement les autres destinataires pour l'accepter commencent à courir à compter de l'expiration du délai applicable au demandeur.
- Le demandeur est tenu de rembourser à l'Office les frais afférents à sa demande.
Notes
- Note 1
-
Estimation fournie par le personnel du service d'ingénierie de l'Office
- Note 2
-
Une emprise est habituellement nivelée au même niveau que les terrains adjacents, qui sont contigus les uns aux autres et dont les limites sont souvent difficiles à reconnaître. Les assiettes de rails mesurent environ 10 à 12 pi de largeur et elles sont faites de différents substrats, dont plusieurs types différents de roches utilisées pour le ballast. Le niveau des assiettes d'une emprise est variable : il va de l'emprise jusqu'à plusieurs pieds au-dessus d'elle. De même, la topographie des emprises, tout comme celle des terrains contigus, peut varier considérablement d'une ligne de chemin de fer à l'autre, voire d'un tronçon à l'autre sur la même ligne ferroviaire.
- Note 3
-
Ressources naturelles Canada : Annuaire des minéraux du Canada, 2006; Granulats, Tableau 1. Canada : production de pierres, page 29.8.
Membre(s)
- Date de modification :