Décision n° 52-R-2004
le 2 février 2004
RELATIVE aux questions reliées à la détermination par l'Office des transports du Canada des taux du coût du capital-actions ordinaire des compagnies de chemin de fer réglementées.
Référence no T6275-1-1
CONTEXTE
Dans la décision no R-181-2003 émise le 11 septembre 2003, l'Office des transports du Canada (ci-après l'Office) a entamé un dialogue avec la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (ci-après CN), la Compagnie de chemin de fer Canadien Pacifique (ci-après CP) et d'autres parties intéressées afin de discuter des questions récurrentes soulevées par les compagnies de chemin de fer à propos de l'estimation par l'Office des taux du coût du capital-actions ordinaire.
Les questions sont reliées au modèle approprié qui doit être utilisé afin de prévoir le coût des capitaux propres; plus précisément, l'utilisation de la méthode de la valeur actualisée nette (ci-après VAN) par rapport au modèle d'équilibre des actifs financiers (ci-après MEAF), et à certains éléments du MEAF; la période historique utilisée dans le calcul des estimations de la prime de risque du marché et l'utilisation de données américaines.
On a aussi invité les parties à présenter toute autre question reliée à la détermination par l'Office des taux du coût du capital pour CN et CP.
Les principes actuellement utilisés par l'Office pour déterminer les taux du coût du capital pour les compagnies de chemin de fer réglementées ont été établis dans le document intitulé Décision relative à la méthode d'établissement du coût du capital relative aux questions liées à la méthode d'établissement du coût du capital de la Commission canadienne des transports pour les chemins de fer réglementés; et relative aux projets de modifications au Règlement sur le calcul des frais ferroviaires en ce qui concerne le coût du capital (ci-après la décision de 1985) prise par le Comité des transports par chemin de fer de la Commission canadienne des transports le 31 juillet 1985, et dans la décision no 125-R-1997 - Relative aux questions ayant trait à la méthode d'établissement du coût du capital de l'Office (ci-après la décision de 1997) prise par l'Office le 6 mars 1997.
En 1996, l'Office a envisagé le besoin d'examiner la décision de 1985 à la lumière de la promulgation de la Loi sur les transports au Canada, L.C. (1996), ch. 10 (ci-après la LTC) et des faits nouveaux dans l'industrie ferroviaire, c.-à-d. la privatisation de CN et l'intention déclarée de Canadien Pacifique Limitée de se restructurer et de créer des actions émises dans le public pour ses avoirs ferroviaires dans CP. L'application des méthodes de calcul du coût de revient a été restreinte dans la LTC avec l'élimination des subventions. Cependant, l'Office avait encore un mandat permanent de réglementation économique dans d'autres secteurs, y compris le plafond des revenus du grain de l'Ouest, les prix d'interconnexion et les plaintes sur le service ferroviaire.
Les changements au mandat de l'Office découlant des modifications de la LTC promulguées par le projet de loi C-34, le 1er août 2000, ont altéré la façon dont les estimations du coût du capital étaient appliquées, particulièrement en ce qui a trait au mouvement du grain de l'Ouest, mais la méthode pour calculer ces estimations est la même que celle adoptée dans les décisions de 1985 et 1997.
Dans une lettre datée du 14 mars 2003, dans le cadre du processus consultatif pour la détermination du taux du coût du capital de la campagne agricole de 2003-2004, CN a mentionné deux sujets de préoccupation concernant le calcul du coût des capitaux propres; le premier étant les taux utilisés pour les estimations de la prime de risque du marché dans le MEAF et le deuxième étant le rejet de la méthode VAN. CN a réitéré ces préoccupations lors de processus consultatifs similaires pour les estimations du taux du coût du capital pour le taux d'interconnexion de 2004 et pour les taux à d'autres fins de réglementation de 2002. Dans les décisions no LET-R-97-2003 et LET-R-99-2003, toutes deux du 23 avril 2003, l'Office a répondu à ces préoccupations en indiquant que ce dialogue ayant trait aux enjeux reliés à la détermination des taux du coût du capital-actions ordinaire serait entamé avant la détermination des taux du coût du capital de la campagne agricole 2004-2005.
À la suite du processus consultatif, CN a présenté un mémoire. Aucune autre partie n'a déposé une réponse. Au départ, l'Office avait l'intention de résumer les commentaires et les positions dans un rapport du personnel et de donner aux personnes intéressées l'occasion de participer davantage à ce processus en leur donnant le droit de commenter le rapport. Cependant, en raison du peu de réponses reçues, l'Office a décidé, dans la décision no LET-R-257-2003 du 23 décembre 2003, d'examiner les questions soulevées dans les mémoires reçus et de rendre la présente décision.
RÉSUMÉ DES QUESTIONS ET CONSTATATIONS DE L'OFFICE
1. Modèles axés sur le marché appropriés
Les trois modèles axés sur le marché actuellement utilisés par l'Office afin d'estimer le coût du capital-actions sont les suivants :
- Le MEAF, une méthode utilisée pour estimer le coût des capitaux propres en comparant le rendement et les caractéristiques de risque des actions d'une entreprise individuelle à la moyenne du marché.
- La méthode VAN, une méthode utilisée pour estimer le taux du coût du capital-actions ordinaire selon la somme des taux de rendement actuels des actions de l'entreprise et le taux prévu d'augmentation des dividendes.
- Le modèle de la prime du capital-risque (ci-après le modèle PCR), une famille de méthodes utilisées pour estimer le taux du coût du capital-actions ordinaire selon le principe qu'un investissement dans les capital-actions ordinaires implique un plus grand risque qu'un investissement dans les emprunts ou les actions privilégiées et, donc, nécessite un plus grand rendement ou une meilleure prime au-delà de ce qui est nécessaire pour les obligations ou les actions privilégiées.
La discussion était basée sur la question suivante :
- L'Office devrait-il utiliser un mélange de différents modèles comme le MEAF, la méthode VAN et/ou le modèle PCR?
Position de CN
CN indique qu'elle a constamment proposé une moyenne de la méthode VAN et du MEAF, puisqu'elle considère les deux méthodes valides, mais foncièrement biaisées. La méthode VAN décrit plus exactement les attentes actuelles de rendement pour une entreprise précise, mais peut être biaisée vers le haut lorsque les taux de croissance des revenus/dividendes sont très élevés et pas nécessairement durables. Le MEAF, n'étant pas particulièrement sensible aux attentes actuelles, est un meilleur indicateur des attentes générales à long terme. CN ajoute que la justification de l'Office pour l'utilisation traditionnelle de la méthode du MEAF (c.-à-d. qu'elle est utilisée parce qu'elle a toujours été utilisée) ne respecte pas l'intention des décisions de 1985 et de 1997 de l'Office relatives à la méthode d'établissement du coût du capital.
Analyse et décision de l'Office
La décision de 1997 déclare ce qui suit :
[...] l'Office est d'avis qu'il faut continuer à utiliser les trois méthodes axées sur le marché (c.-à-d. la méthode VAN, le MEAF et la méthode de la prime de risque) pour estimer le coût des actions ordinaires de CPL. Comme dans le cas de la décision de 1985, le résultat des trois méthodes sera évalué chaque année et l'on retiendra le modèle ou la combinaison de modèles qui convient le mieux.
L'Office reconnaît qu'en raison de la difficulté de projeter un taux de rendement minimum raisonnable pour l'avenir en utilisant diverses méthodes potentielles de calcul du coût du capital-actions ordinaire qui existent, il est tout simplement impossible de désigner une méthode comme « la bonne » ou « la meilleure » méthode, puisque chacune d'entre elles a ses propres faiblesses et désavantages.
Conformément aux stipulations de la décision de 1997, le calcul du coût du capital-actions ordinaire en utilisant les trois méthodes est évalué par l'Office et l'on retiendra le modèle ou la combinaison de modèles qui reflète le mieux la situation des marchés financiers. Dans le cadre des récentes déterminations des taux du coût du capital, la méthode du MEAF était considérée par l'Office comme étant le meilleur indicateur pour les prévisions du coût du capital-actions ordinaire. Cela n'empêche pas les situations à l'avenir où d'autres méthodes pourraient être considérées, quelle que soit la pondération que l'Office estime approprié de leur donner à ce moment.
Cependant, surtout compte tenu du fait que CN et CP sont maintenant des sociétés indépendantes cotées en bourse qui ont accumulé des antécédents de marché, l'Office préfère donner une pondération prioritaire à la méthode du MEAF. Le MEAF est connu et accepté dans la pratique réglementaire et financière et n'est pas assujetti au degré de conjecture nécessaire pour estimer un taux de croissance prévu ou une prime de risque comme c'est le cas avec les méthodes VAN et PRCA respectivement. Le MEAF permet une projection transparente quantifiable, qui incorpore les données conciliables par rapport à l'ensemble du marché et les facteurs spécifiques à une entreprise (bêta), pour en arriver à une prévision du coût du capital-actions ordinaire.
À cet égard, l'Office a aussi examiné la pratique élaborée par d'autres organismes de réglementation, nationaux et étrangers. Le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (ci-après le CRTC), l'Office national de l'énergie du Canada (ci-après l'ONE) et la Commission de la concurrence et de la consommation de l'Australie (ci-après l'ACCC), lorsqu'ils calculent le coût du capital-actions ordinaire afin d'établir des taux, favorisent la prévision en utilisant une méthode de la prime du capital-risque, soit le modèle PCR ou le MEAF, considérant que les lacunes de la méthode VAN sont suffisantes pour écarter son utilisation. Le seul organisme de réglementation étudié qui s'est fié à la méthode VAN (uniquement) était le Surface Transportation Board des États-Unis (ci-après le STB), qui utilise des estimations du rendement des capitaux propres afin d'effectuer des analyses comparatives et pas seulement pour établir des taux.
L'Office conclut qu'aucun changement n'est nécessaire en ce qui a trait à la méthodologie attribuée dans les décisions de 1985 et 1997 pour savoir quels modèles axés sur le marché utiliser et comment ils doivent être évalués par l'Office lors des évaluations du coût des capitaux propres. Par conséquent, l'Office continuera à évaluer les trois modèles reconnus et accordera la pondération appropriée à chaque modèle ou combinaison de modèles qui reflète le mieux la situation des marchés de capitaux.
2. Éléments du MEAF
Les trois variables de base dans la formule du MEAF sont le taux de rendement hors risque, la prime de risque du marché et le coefficient bêta.
a) Taux de rendement hors risque
Le taux de rendement hors risque est le taux de rendement d'un investissement hors risque ou une approximation convenable (c.-à-d. obligations du gouvernement du Canada). La discussion était basée sur les questions suivantes ayant trait aux taux de rendement hors risque :
- L'Office devrait-il continuer à utiliser le rendement des obligations à court terme (1 à 3 ans) et à long terme (10 ans et plus) comme des approximations pour les taux de rendement hors risque?
- La période de temps pour la détermination des taux de rendement hors risque devrait-elle être révisée?
Position de CN
CN considère la méthode actuelle pour la détermination des taux de rendement hors risque comme étant généralement acceptable, sous réserve que la flexibilité devrait exister pour s'ajuster pour toutes les erreurs ou les circonstances inhabituelles qui pourraient être reflétées dans les taux.
Analyse et décision de l'Office
La décision de 1997 prévoyait que l'Office devrait évaluer les taux d'obligations à court et à long terme au cours du mois de janvier et surveiller ces taux en ce qui à trait à leur caractère raisonnable pour l'établissement des taux du coût du capital-actions ordinaire. L'Office utilise la moyenne des taux d'obligations du gouvernement du Canada à court terme (1 à 3 ans) et à long terme (10 ans et plus) comme approximation pour le taux de rendement hors risque. La flexibilité préconisée par CN pour tenir compte des erreurs et des circonstances inhabituelles est déjà une pratique de l'Office. Dans certaines déterminations où les taux de rendement hors risque sont établis selon l'information du marché de janvier, les taux ont été pris dans certaines périodes de temps autres que janvier, puisqu'ils reflétaient mieux une prévision raisonnable de la détermination en question.
L'Office estime que les instruments utilisés aujourd'hui pour représenter les approximations hors risque sont appropriés et les pratiques de surveillance utilisées ne devraient pas être modifiées.
b) Bêta
Le bêta est une mesure de la volatilité relative du rendement des actions d'une entreprise par rapport à la moyenne du marché. La discussion était basée sur les questions ayant trait au bêta suivantes :
- Quelle source devrait être utilisée pour l'estimation du bêta de CN et de CP?
- L'estimation du bêta devrait-elle être basée sur les transactions de la Bourse de Toronto (TSX), du New-York Stock Exchange (NYSE) ou d'un autre indice boursier?
- Quelle devrait être la durée de la période de mesure?
- À quelle fréquence les données devraient-elles être mesurées dans cette période de temps (de façon quotidienne, hebdomadaire, mensuelle, semestrielle ou annuelle)?
- L'Office devrait-il continuer à inclure un ajustement pour la tendance à long terme du bêta afin de le converger à 1,0?
Position de CN
Selon CN, c'est un principe acquis que le bêta et la prime de risque du marché utilisés dans le MEAF devraient être mesurés par rapport à la même approximation de marché. CN appuie l'utilisation d'un index général pondéré selon la valeur comme une approximation pour l'ensemble du marché, mentionnant l'index S&P 500 (L'indice S&P 500 est un échantillon représentatif des 500 compagnies qui dominent le marché dans les principales industries de l'économie des É.-U. Puisqu'il se concentre sur le segment à forte capitalisation du marché avec une couverture de plus de 80% des capitaux propres américains, il est souvent utilisé comme une approximation pour l'ensemble du marché américain. CN et CP ne sont pas cotées dans cet indice) et l'index du NYSE (L'indice composé NYSE mesure toutes les actions ordinaires cotées dans le New York Stock Exchange et quatre indices de sous-groupes : industriel, transport, services et finances. Il s'agit d'une mesure approfondie du rendement de toutes les actions ordinaires cotées dans le NYSE) comme étant acceptables, mais considérant l'index S&P/TSX comme étant trop restreint et donc inadéquat. CN appuie une période de mesure de cinq ans utilisant les données hebdomadaires et mensuelles, puisque cela fournit assez de points de données pour une analyse de régression raisonnable. Les observations quotidiennes sont considérées excessivement « bruyantes » par CN. Cette dernière appuie aussi un ajustement du bêta pour la convergence à long terme.
Analyse et décision de l'Office
En ce qui concerne une source de données appropriée qui sera utilisée pour estimer le bêta de CN et CP, l'Office est d'accord avec CN pour ce qui est de l'utilisation d'un index général prépondéré selon la valeur. Afin de refléter le Toronto Stock Exchange, septième plus grand marché des valeurs mobilières au monde et troisième plus grand marché en Amérique du Nord, l'Office estime que l'indice composé S&P/TSX, qui couvre environ 95% du marché canadien de capitalisation des actions, est une mesure de marché générale acceptable, convenable pour calculer les valeurs du bêta canadien à des fins réglementaires. En ce qui a trait au caractère approprié de l'utilisation de l'indice NYSE ou de l'indice S&P500, l'utilisation des sources de données américaines pour le bêta et d'autres éléments du calcul du MEAF est traitée dans la section suivante.
L'Office est d'avis qu'une série appropriée de données pour le calcul du bêta devrait couvrir plusieurs scénarios économiques différents et comporter suffisamment de points de données pour la précision statistique sans introduire de l'information historique erronée ou du « bruit » quotidien qui pourrait biaiser les résultats de régression. L'Office favorise l'utilisation d'une période de mesure de cinq ans, lorsque c'est possible. Il estime à deux ans la période de mesure minimale acceptable, mais il est d'avis que toute période de moins de cinq ans devrait être considérée seulement s'il n'existe pas d'antécédents de cinq ans, à moins que des événements précis d'une compagnie ou d'une industrie, comme les changements dans l'orientation de la compagnie, dictent qu'une période plus courte devrait être utilisée. L'Office est d'avis que la fréquence de mesure des données devrait être hebdomadaire ou mensuelle et que le bêta devrait être ajusté pour la tendance de retour à la moyenne. L'Office note que ces critères de mesure sont conformes aux calculs effectués par les services de bêta commerciaux. L'Office constate aussi que ces paramètres pour calculer les valeurs bêta devraient être appliqués uniformément à CN et à CP; avec des données obtenues du même indice, à la même fréquence et pour la même période, là où cela est possible (Jusqu'à ce qu'il y ait cinq ans de données du marché pour CP, la période de mesure pour CP devrait être du moment de son inscription indépendante à la cote dans le TSX et le NYSE (septembre 2001) jusqu'à aujourd'hui).
c) Estimations de la prime de risque du marché
La prime de risque du marché (PRM) est la différence entre le taux de rendement moyen dans l'ensemble du marché et les investissements qui sont considérés hors risque pour la même série de données ou période d'analyse. La discussion était basée sur les questions suivantes ayant trait à la prime de risque du marché :
- L'Office devrait-il continuer à utiliser les données de l'Institut canadien des actuaires?
- Si oui, sur quelle période antécédente la prime de risque du marché devrait-elle être calculée?
- Si non, l'Office devrait-il utiliser les données Ibbotson?
- Si oui, le point de référence du marché devrait-il être le S&P 500 ou le New York Stock Exchange?
Position de CN
CN réitère la position qu'il s'agit d'un principe fondamental que le bêta et la prime de risque du marché utilisés dans le MEAF doivent être mesurés par rapport à la même approximation de marché et est en faveur de l'utilisation de l'indice S&P 500 ou de l'indice NYSE.
CN s'oppose à l'utilisation continue des données des études de l'Institut canadien des actuaires (ICA) puisque cela crée une incompatibilité en ce qui a trait à ce qui précède en introduisant une approximation de marché différente (indice S&P/TSX) que celle utilisée dans les calculs du bêta Value Ligne de CN (indice composé NYSE). CN considère l'indice S&P/TSX trop restreint pour être représentatif des marchés plus généraux des actions disponibles et utilisés par les investisseurs de CN. CN ajoute que l'utilisation de l'indice S&P/TSX est mal fondée et ignore la réalité selon laquelle les marchés des actions américains sont très pertinents pour CN.
CN privilégie l'utilisation de la plus longue période possible pour le calcul de la prime de risque du marché parce que la moyenne sur une longue période de temps minimise l'effet de distorsion d'une année inhabituelle et parce qu'une longue période incorpore un ensemble de résultats, de périodes de haut et de bas rendements, de marchés volatiles et tranquilles, de guerre et de paix, d'inflation et de déflation, de prospérité et de récession.
CN critique l'utilisation par l'Office d'une période mobile de 45 ans, déclarant que même si à long terme les moyennes reflètent la relation normale entre les risques et les rendements, la moyenne peut être faussée si la relation normale est absente au début et à la fin de la période. Plus précisément, CN croit que cela était le cas dans le calcul par l'Office de la prime de risque du marché de 2003. CN considère que la PRM a été sous-estimée de plus de 2% parce que la moyenne a été calculée sur une période qui a débuté et qui s'est terminée avec une grosse prime négative.
CN affirme que les problèmes avec les données de l'ICA sont évidents dans les résultats du coût des capitaux propres qu'ils produisent, qui différaient grandement en 2003 du coût du capital calculé grâce à la méthode VAN ainsi que du coût coté par la communauté financière.
CN appuie l'utilisation des données d'Ibbotson Associates aux fins d'estimer la prime de risque du marché, puisque Ibbotson Associates est une source de bonne réputation et respectée à laquelle se fie la communauté financière. CN affirme que Ibbotson Associates fournit des estimations de prime basées sur le S&P 500 et le NYSE en utilisant des séries de données qui débutent en 1926, moment où des données financières de qualité sont devenues disponibles, et comprend des périodes de volatilité extrêmes à la fin des années 1920 et 1930.
Analyse et décision de l'Office
i) Utilisation de données canadiennes obtenues de l'ICA
Pour ce qui est de l'utilisation des données fournies par l'ICA, l'Office note que les gouvernements canadiens cherchent régulièrement à obtenir le point de vue de l'ICA en ce qui a trait aux questions pertinentes à la pratique de l'actuariat. Il note aussi que l'ICA coopère avec les gouvernements et les organismes publics, fait des contributions opportunes et pertinentes aux questions de politique publique et que toutes les données publiées par l'ICA sont soumises à un processus d'examen et d'approbation approfondis. L'Office a aussi examiné les sources de données à l'origine des compilations statistiques de l'ICA. L'Office est d'avis que l'intégrité des données de l'ICA n'est pas mise en doute et estime qu'il s'agit d'une source de données valide aux fins de l'évaluation du taux du coût des capitaux propres dans le contexte réglementaire canadien.
ii) Période de temps
En ce qui a trait à la période de temps ou à la série de données évaluées pour la prime de risque du marché, la décision de 1985 prévoit ce qui suit :
Le Comité estime aussi que la prime de risque du marché n'est pas constante avec le passage du temps, car elle change avec les conditions du marché. [...] De plus, le Comité a des réserves quant à l'utilisation de primes historiques à très long terme qui ne refléteraient pas les modifications apportées à la Loi de l'impôt sur le revenu ou d'autres facteurs.
Et la décision de 1997 précise ce qui suit :
Dans le cas de la prime de risque du marché, une durée uniforme, fondée sur celle qui se rapporte à une obligation à taux hors risque, doit être utilisée pour calculer la prime de risque d'un portefeuille du marché. Pour réagir aux changements dans les conditions du marché, l'Office évaluera en permanence la prime de risque du marché, pour déterminer l'apport à fournir au MEAF.
À cet égard, l'Office reconnaît le principe généralement accepté qu'une moyenne basée sur une longue série de données minimise l'effet de distorsion d'une année inhabituelle et incorpore un ensemble de résultats. L'Office note aussi que les moyennes à long terme sur des périodes de 30 ans ou plus ont tendance à produire des résultats stables. Cependant, en se basant sur ses conclusions précédentes, l'Office estime qu'une très longue période de temps est inappropriée puisque cela met l'accent sur les données récentes et du début. L'Office est d'avis qu'en prévoyant l'avenir, le passé distant ne peut être considéré aussi pertinent que le passé récent. L'Office considère que les données du marché reflètent les pratiques commerciales, le comportement et les attentes des investisseurs, les politiques gouvernementales, les pratiques comptables, les règles sur les régimes fiscaux et les politiques des temps modernes sont de meilleures variables explicatives des rendements futurs raisonnables des capitaux propres. L'Office estime aussi qu'une période de temps mobile permet de s'assurer que ces réflexions restent contemporaines.
iii) Points de référence appropriés pour les estimations de la prime de risque du marché et du bêta
En ce qui a trait à un point de référence approprié qui sera utilisé pour les estimations de la prime de risque du marché et du bêta, la question de base à traiter est le caractère approprié de l'utilisation des données américaines dans les calculs du coût des capitaux propres.
Il est reconnu que les facteurs comme l'augmentation de l'accès à l'information du marché boursier grâce à Internet, l'augmentation de l'accès aux transactions de valeurs mobilières américaines et la diminution de leur coût, l'assouplissement de certaines contraintes d'imposition et l'utilisation de structures synthétiques afin de se soustraire aux limites d'investissements étrangers ont contribué à une mondialisation des marchés nationaux du monde et ont augmenté la concurrence pour les investisseurs. Il va sans dire que CN et CP doivent être capables d'attirer des investissements de capitaux dans ce climat à un niveau international. Cependant, les éléments de la formule du MEAF ne peuvent pas être manipulés n'importe comment simplement pour arriver à une valeur du coût des capitaux propres qui soit plus élevée et plus intéressante pour les investisseurs potentiels. L'Office doit faire l'estimation la plus rigoureuse possible, dans l'intérêt de toutes les parties concernées.
Compte tenu des commentaires de CN, du contexte d'investissement susmentionné, et sachant qu'une proportion importante des actionnaires de CN et de CP proviennent du NYSE, l'Office a effectué un nouvel examen détaillé de sa position sur l'utilisation principale, sinon exclusive des données canadiennes pour le calcul du MEAF, comme il est mentionné dans les décisions de 1985 et 1997. Au cours de ce nouvel examen, l'Office a noté ce qui suit :
- Les États-Unis et le Canada ont des régimes réglementaires, des structures d'imposition, des politiques monétaires et des contextes de marché très différents.
- Le taux du coût du capital-actions ordinaire établi par l'Office est appliqué respectivement aux actifs canadiens de CN et de CP.
- D'autres organismes réglementaires ont étudié cette question dans le contexte de leurs responsabilités.
Le CRTC, au moment de choisir un taux de rendement de référence pour toutes les compagnies de téléphone assujetties à un taux plafond (Décision Télécom CRTC 98-2-1, Mise en œuvre de la réglementation par plafonnement des prix et questions connexes), a affirmé que l'augmentation de l'intégration accrue des marchés mondiaux de capitaux peut avoir une incidence sur l'ensemble de la prime de risque du marché des titres de participation au Canada, puisqu'elle devrait, en théorie, rapprocher la prime de risque du marché canadien de celle qu'on connaît sur le marché des titres de participation aux États-Unis. Le CRTC a ajouté que, compte tenu de la tendance vers la convergence de l'intégration des marchés nationaux, une certaine importance devrait être accordée aux données américaines. La décision ne précise pas l'importance, mais précise qu'il ne conviendrait pas d'accorder une importance égale.
L'ONE, au moment de choisir un taux de rendement sur le capital-actions de référence pour un pipeline théorique qui sera utilisé pour les droits exigibles des compagnies pipelinières individuelles (Décision no RH-2-94 de l'ONE, Coût du capital des sociétés pipelinières), accordait moins d'importance (montant non spécifié) aux données américaines de prime de risque du marché qu'aux données canadiennes équivalentes. Dans une décision ultérieure (Décision no RH-4-2001 de l'ONE, TransCanada Pipelines Limitée - Rendement équitable ayant trait aux questions de coût du capital), l'ONE a affirmé qu'il ne croyait pas qu'il soit approprié de se fier de façon importante aux données américaines parce que ce serait faire fi du fait que les firmes américaines font face à des circonstances d'investissement énormément différentes.
La Commission de la concurrence et de la consommation de l'Australie, à l'égard des considérations de prix reliées à la commercialisation des réseaux nationaux (voies ferrées et aéroports) au moyen de l'accès d'une tierce partie à une infrastructure appartenant à l'État (Ébauche de décision de l'ACCC révisée - proposition tarifaire aéronautique pour l'aéroport de Sydney, septembre 2000, mentionnée dans l'ébauche de décision de l'ACCC - ouverture du marché de l'Australian Rail Track Corporation, novembre 2001), a affirmé qu'il faut faire attention lorsqu'on compare les résultats financiers d'autres pays en raison des différences inhérentes des facteurs qui touchent le risque de marché, comme les régimes fiscaux.
Selon Ibbotson Associates (Stocks, Bonds, Bills and Inflation; Valuation Edition, 2002 Yearbook), le coût du capital particulier au pays dans lequel les capitaux propres sont utilisés devrait être déterminé sans aucun égard à l'endroit où les capitaux propres ont été levés. Les facteurs comme le marché des actions, le système politique et la réglementation du marché propres au pays où l'investissement est déployé sont ceux qui ont un effet sur le risque associé à l'investissement et ils diffèrent des risques associés aux mêmes capitaux propres déployés ailleurs. Ibbotson précise qu'à la condition qu'il y ait suffisamment de données historiques, comme c'est le cas pour le Canada, des statistiques historiques de la prime de capital-risque peuvent être calculées pour n'importe quel marché [international]. Ibbotson fournit les rapports de primes de risque canadiens, basés sur des données à partir de 1936.
Un investisseur éclairé saurait que CN et CP sont des entreprises canadiennes, assujetties aux lois et aux règlements d'impôt sur le revenu, comme le sont les industries canadiennes de produits de base qui composent la majeure partie de leur clientèle. L'investisseur éclairé saurait aussi que, en général, ces compagnies de chemin de fer sont intrinsèquement liées à l'économie canadienne, peu importe où les capitaux propres sont levés.
Les prévisions du coût des capitaux propres déterminées par l'Office sont utilisées lors de l'élaboration du taux du coût du capital principalement pour les programmes canadiens de trafic ferroviaire (c.-à-d. le plafond des revenus du grain de l'Ouest, la réglementation sur les prix d'interconnexion, les plaintes sur les services internes ferroviaires/d'expédition, etc.).
L'Office conclut qu'il continuera à évaluer la prime de risque du marché de façon continue en utilisant une période de temps assez longue pour incorporer plusieurs cycles économiques, périodes de rendement faible et élevé, périodes de volatilité et de stabilité, ainsi que pour refléter l'impact des événements inhabituels et des changements importants qu'a subi le monde moderne. L'Office conclut aussi que la période de temps évaluée en sera une qui permettra à ces facteurs de ne pas être indûment dilués par les données historiques, qui produira des résultats qui sont plutôt stables, année après année, tout en reflétant toutes les tendances de façon réaliste.
En ce qui a trait au point de référence approprié qui doit être utilisé pour la détermination du coût des capitaux propres, l'Office a considéré tous les éléments susmentionnés. Conscient que le principal facteur de détermination de cette question n'est pas la composition des actionnaires, mais plutôt la pertinence et la relativité de l'expérience américaine avec coût des capitaux propres qui a concentré son application sur un segment précis du marché ferroviaire canadien, l'Office détermine que les estimations du coût des capitaux propres devraient continuer à être basées sur des données canadiennes.
CONCLUSIONS
1. Modèles axés sur le marché appropriés
L'Office continuera à évaluer les trois modèles axés sur le marché appropriés décrits dans les décisions de 1985 et 1997 dans ses évaluations du coût des capitaux propres.
2. Éléments du MEAF
a) Taux de rendement hors risque
L'Office continuera à évaluer les taux d'obligations à court et à long terme au cours du mois de janvier et à surveiller le caractère raisonnable de ces taux afin de déterminer le taux de rendement hors risque.
b) Bêta
L'Office estime que les paramètres suivants pour calculer les valeurs du bêta devraient être appliqués uniformément à CN et à CP; cinq ans (lorsque cela est possible) de données mensuelles ou hebdomadaires obtenues à partir du S&P/TSX.
c) Estimations de la prime de risque du marché
L'Office conclut qu'il continuera à évaluer la prime de risque du marché de façon continue en utilisant une période de temps assez longue pour incorporer plusieurs cycles économiques, périodes de rendement faible et élevé, périodes de volatilité et de stabilité, ainsi que pour refléter l'impact des événements inhabituels et des changements importants qu'a subi le monde moderne. En ce qui concerne le point de référence approprié à utiliser pour la détermination du coût des capitaux propres, l'Office détermine que les estimations du coût des capitaux propres devraient toujours être basées sur des données canadiennes.
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