Décision n° 521-AT-A-2008

le 16 octobre 2008

le 16 octobre 2008

DEMANDE déposée par Marie Laporte-Stark concernant les difficultés qu'elle a éprouvées lors de son voyage avec Air Canada.

Référence no U3570/00-59


INTRODUCTION

[1] Le 13 septembre 2000, l'Office des transports du Canada (l'Office) a reçu une demande déposée par Marie Laporte-Stark concernant certaines difficultés qu'elle aurait éprouvées lors de son voyage avec Air Canada les 4 et 11 août 2000, entre Ottawa (Ontario) et Halifax (Nouvelle-Écosse).

QUESTIONS

[2] Les éléments suivants ont-ils constitué des obstacles abusifs aux possibilités de déplacement de Mme Laporte-Stark? Si tel est le cas, quelles mesures correctives seraient appropriées?

  1. L'impossibilité de se procurer des itinéraires de voyage dans un format substitut;
  2. L'inaccessibilité des bornes d'enregistrement libre-service à l'aéroport international Macdonald-Cartier d'Ottawa (l'aéroport d'Ottawa);
  3. Le niveau de services pour personnes ayant une déficience offerts par Air Canada au moment de l'enregistrement à l'aéroport d'Ottawa;
  4. Les questions d'orientation à l'aéroport d'Ottawa et à l'aéroport international Robert. L. Stanfield de Halifax (l'aéroport de Halifax);
  5. La réattribution des sièges par Air Canada sur le vol Halifax-Ottawa.

OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES

Les procédures contre Air Canada en vertu de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies (LACC) et l'extinction des réclamations

[3] Le 1er avril 2003, Air Canada a bénéficié d'une protection contre ses créanciers, en vertu d'une décision des tribunaux, afin de faciliter sa restructuration opérationnelle, commerciale, financière et organisationnelle. Dans le cadre de ce processus, la Cour supérieure de justice de l'Ontario (la Cour) a rendu une ordonnance, en vertu de la LACC, pour suspendre toutes procédures contre Air Canada et certaines de ses filiales (l'ordonnance de sursis). De ce fait, l'Office n'a pu continuer à traiter ce dossier. Le 23 août 2004, la Cour a rendu une ordonnance en vertu de la LACC (l'ordonnance d'homologation) qui levait l'ordonnance de sursis à compter du 30 septembre 2004. L'ordonnance d'homologation a également éteint toutes les demandes d'ordre financier déposées contre Air Canada le ou avant le 1er avril 2003.

[4] Après son retour au terme de sa protection en vertu de la LACC, Air Canada a déposé un mémoire dans lequel elle indique que chacune des demandes d'indemnisation ou de décision quant à l'existence d'un obstacle abusif aux possibilités de déplacement d'un passager ayant une déficience lors d'événements qui se sont produits avant le 1er avril 2003 sont des « réclamations » contre Air Canada et, de ce fait, ont été éteintes. L'Office a exprimé son désaccord et il a demandé des précisions à la Cour, laquelle s'est occupée du retour d'Air Canada au terme de sa protection envers ses créanciers. Air Canada a demandé que l'Office suspende l'ensemble des demandes concernées en attendant la décision de la Cour, ce dont a convenu l'Office.

[5] Par la suite, l'Office a déterminé que la meilleure façon de traiter les demandes visées consistait à procéder à leur examen. Le 30 juin 2005, l'Office a déterminé qu'il n'irait pas de l'avant avec sa requête auprès de la Cour en vue d'obtenir une interprétation de l'ordonnance d'homologation. L'Office a décidé que, bien que l'élément financier d'une procédure était éteint, il n'en allait pas de même de l'enquête et des mesures correctives afférentes à une réclamation liée à la présence d'un obstacle abusif déposée le ou avant le 1er avril 2003. L'ordonnance de suspension touchant, entre autres, la présente demande a donc été levée par l'Office.

[6] En 2006, Air Canada a demandé à la Cour de se prononcer sur les amendes imposées par le ministre des Transports avant le 1er avril 2003. Dans la décision de la Cour, il est mentionné que les amendes constituaient des « réclamations » aux fins de la LACC, des procédures en cas de réclamations et de l'ordonnance d'homologation. Air Canada a interprété la décision de la Cour comme suit : il y a extinction de toutes les demandes concernant les incidents survenus avant le 1er avril 2003.

[7] L'Office n'est pas d'accord avec cette interprétation d'Air Canada et il a énoncé sa position à cet égard dans la décision no 299-AT-A-2008. Dans le cas présent, l'Office maintient sa position voulant que la décision de la Cour soit strictement limitée aux amendes.

[8] L'Office est donc d'avis que les demandes de Mme Laporte-Stark ne sont pas éteintes aux termes de l'ordonnance d'homologation puisque la partie V de la Loi sur les transports au Canada, L.C. (1996), ch. 10, modifiée (la LTC) est, de par sa nature, une mesure législative en matière de droits de la personne, qui a pour objet d'éliminer les obstacles abusifs aux possibilités de déplacement des personnes ayant une déficience à l'intérieur du réseau de transport du Canada. Comme les mesures législatives en matière de droits de la personne sont quasi constitutionnelles et qu'elles représentent des questions générales d'intérêt public, il importe de bien saisir l'essence même de la protection des droits de la personne et de prévenir toute forme de discrimination. L'Office reconnaît donc que les ordonnances prescrites en vertu du paragraphe 172(3) de la LTC — qui enjoignaient à Air Canada de rembourser aux demandeurs les dépenses engagées en raison d'obstacles à leurs possibilités de déplacement — faisaient partie des « réclamations » selon la définition de celles-ci, et étaient par le fait même éteintes. Il maintient cependant qu'Air Canada n'est pas soustraite à ses obligations légales de se conformer aux exigences réglementaires, en particulier en ce qui concerne la protection des droits de la personne conférés aux personnes ayant une déficience.

FAITS, PREUVES ET MÉMOIRES

[9] Mme Laporte-Stark est aveugle et elle voyage en compagnie d'un animal aidant. Le 4 août 2000, elle a voyagé à bord du vol no 646 d'Air Canada entre Ottawa et Halifax. Le vol du retour a eu lieu le 11 août 2000 à bord du vol no 645 d'Air Canada.

[10] Mme Laporte-Stark a fait ses préparatifs de voyage auprès du bureau d'Aeroplan d'Air Canada. Elle a informé l'agent d'Aeroplan qu'elle était aveugle, qu'elle voyageait en compagnie d'un animal aidant et qu'elle aurait besoin d'un siège côté allée de manière à avoir suffisamment d'espace pour son animal aidant. Mme Laporte-Stark a informé l'agent que les sièges près cloison à bord de l'aéronef qui servirait au voyage, le Canadair CRJ (CL65), n'offrirait pas suffisamment d'espace pour son animal aidant et ne devraient donc pas lui être assignés.

[11] Air Canada fait valoir que le dossier passagers (PNR) contient les renseignements à propos des réversations des passagers, notamment le relevé des besoins reliés à une déficience. Le PNR de Mme Laporte-Stark révèle qu'elle est aveugle, qu'elle voyage en compagnie d'un animal aidant et, qu'avant le départ, on lui a assigné le siège 08C pour l'aller et le siège 04C pour le retour, à bord d'un CL65. Le siège 08C est situé dans la rangée près de la sortie de la section classe économique et le siège 04C est un siège ordinaire de la section classe économique. Le chapitre d'information centrale d'Air Canada (CIC) comporte les politiques et les procédures et s'adresse au personnel d'Air Canada. On peut lire dans ce dernier qu'en ce qui concerne l'aéronef CL65, tous les sièges, autres que les sièges près cloison, sont appropriés pour les passager qui voyagent en compagnie d'un animal aidant.

[12] Mme Laporte-Stark a demandé à Air Canada de lui envoyer un itinéraire de voyage par courriel ou de le rendre accessible sur le site Web d'Air Canada, puisqu'elle a accès à ces deux formats. L'agent d'Aeroplan lui a répondu que les itinéraires de voyage n'étaient pas accessibles aux passagers en format électronique parce que les agents de réservation n'avaient pas accès à un compte courriel.

[13] Mme Laporte-Stark n'a pu utiliser les bornes d'enregistrement libre-service à l'aéroport d'Ottawa. Par conséquent, elle n'a pu bénéficier de la prime de 250 milles Aeroplan, qu'un autre passager lui avait mentionné. Après qu'elle ait eu déposé sa demande auprès de l'Office, Air Canada l'a informée que son compte de milles Aeroplan avait été crédité du montant équivalent de milles, comme si elle avait utilisé la borne d'enregistrement.

[14] Mme Laporte-Stark fait valoir que lorsqu'elle parlait avec l'agent d'enregistrement à l'aéroport d'Ottawa, elle sentait bien que l'agent ne la regardait pas directement et qu'elle s'adressait plutôt à sa fille qui l'avait accompagnée à l'aéroport. Mme Laporte-Stark a demandé à l'agent si elle avait reçu de la formation sur la manière d'agir avec des passagers ayant une déficience, ce à quoi l'agent a répondu qu'elle ne se sentait pas à l'aise de parler avec une personne qui ne la regardait pas directement dans les yeux. Dans un mémoire ultérieur déposé à l'Office, la fille de Mme Laporte-Stark a écrit une lettre corroborant la chronologie des événements fournie par sa mère. En dernier lieu, Mme Laporte-Stark indique qu'elle n'a pas reçu d'aide lors de ses déplacements entre l'aire d'enregistrement et la porte d'embarquement.

[15] Air Canada fait valoir que l'agent d'enregistrement était mal à l'aise parce que Mme Laporte-Stark était tournée dans une autre direction. Air Canada précise que l'agent n'a pas dit qu'elle ne se sentait pas à l'aise de parler à une personne qui ne la regardait pas directement dans les yeux, comme le suggère Mme Laporte-Stark, mais qu'elle était mal à l'aise lorsque ses interlocuteurs tournaient la tête dans une autre direction. En outre, Air Canada indique dans une autre présentation que l'agent est malentendante et qu'il lui était difficile de communiquer avec Mme Laporte-Stark si cette dernière n'était pas tournée directement vers elle.

[16] À son arrivée aux aéroports d'Ottawa et de Halifax, Mme Laporte-Stark a eu de la difficulté à trouver le comptoir d'enregistrement et à obtenir de l'aide à cette fin. Mme Laporte-Stark décrit son expérience dans les dédales de cordons qui délimitent la ligne d'attente comme une expérience pratiquement impossible pour les personnes aveugles, qu'elles soient accompagnées ou non d'un chien-guide.

[17] Au cours de l'étape du préembarquement du vol de retour de Halifax à Ottawa, Mme Laporte-Stark a appris que son siège avait été changé et qu'on lui avait assigné un siège près cloison. Mme Laporte-Stark a alors informé l'agent de bord que le siège près cloison n'offrait pas suffisamment d'espace pour son animal aidant et elle a demandé qu'on lui redonne son siège, ce qui a été fait sans incident.

[18] Dans un mémoire du 19 octobre 2000, Air Canada indique que le changement de sièges de dernière minute n'était pas conforme à ses propres règles relatives à l'attribution des sièges près cloison aux personnes qui voyagent en compagnie d'un animal aidant à bord des aéronefs CL65.

ANALYSE ET CONSTATATIONS

[19] Une demande en vertu de l'article 172 de la LTC doit être présentée par une personne ayant une déficience ou en son nom. Mme Laporte-Stark est aveugle et elle utilise les services d'un chien-guide pour l'aider dans ses déplacements. Elle est donc une personne ayant une déficience aux fins de l'application des dispositions d'accessibilité de la LTC.

[20] Pour déterminer s'il existe un obstacle abusif aux possibilités de déplacement des personnes ayant une déficience au sens du paragraphe 172(1) de la LTC, l'Office doit d'abord déterminer si les possibilités de déplacement de la personne qui présente la demande ont été restreintes ou limitées par un obstacle. Le cas échéant, l'Office doit alors décider si l'obstacle était abusif.

Démarche de l'Office pour conclure en la présence ou non d'un obstacle

[21] Le mandat que confère la partie V de la LTC à l'Office consiste à veiller à l'élimination des obstacles abusifs que les personnes ayant une déficience rencontrent lorsqu'elles se déplacent dans le réseau de transport de compétence fédérale. Le mot « obstacle » n'est pas défini dans la LTC, mais il se prête à une interprétation libérale, car il s'entend généralement de ce qui s'oppose au passage ou à l'obtention d'un résultat. Par exemple, les difficultés ou les obstacles aux possibilités de déplacement des personnes ayant une déficience peuvent survenir dans les installations des fournisseurs de services de transport; ou découler du matériel ou de l'application de politiques, de procédures ou de pratiques.

[22] Lorsqu'il se penche sur la question de savoir si une situation a constitué ou non un « obstacle » aux possibilités de déplacement d'une personne ayant une déficience, l'Office examine généralement l'incident relaté dans la demande afin de déterminer si la personne qui l'a présentée a établi à première vue :

  • qu'un obstacle aux possibilités de déplacement d'une personne ayant une déficience a été le résultat d'une distinction, d'une exclusion ou d'une préférence;
  • que l'obstacle était lié à la déficience de cette personne;
  • que l'obstacle est discriminatoire du fait qu'il a imposé un fardeau à la personne ou l'a privée d'un avantage.

Démarche de l'Office pour déterminer si l'obstacle et l'accommodement sont abusifs

[23] Si l'Office conclut qu'un élément du réseau de transport fédéral constitue un obstacle pour certaines personnes ayant une déficience, il doit par la suite déterminer si celui-ci est abusif, car ce n'est qu'à la suite d'une décision affirmative en ce sens qu'il peut enjoindre au fournisseur du service de transport de prendre les mesures qui s'imposent pour corriger la situation.

[24] Ainsi, dès que le demandeur établit dans sa demande qu'il y a obstacle aux possibilités de déplacement d'une personne ayant une déficience dans le réseau de transport fédéral, le fardeau de la preuve est déplacé vers le fournisseur du service de transport visé qui doit démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que l'obstacle n'est pas abusif. À cette fin, il doit établir que la source de l'obstacle :

  • est rationnellement liée à un objectif légitime, par exemple aux objectifs établis dans la politique nationale des transports énoncée à l'article 5 de la LTC;
  • a été adoptée de bonne foi en croyant sincèrement qu'elle est nécessaire pour réaliser cet objectif légitime;
  • est raisonnablement nécessaire pour réaliser cet objectif, de sorte qu'il lui est impossible de répondre aux besoins de la personne ayant une déficience sans se voir imposer une contrainte excessive.

[25] Le fournisseur du service de transport doit démontrer que des efforts d'accommodement raisonnable ont été déployés. Dans chaque cas, l'accommodement raisonnable varie dans une certaine mesure selon les circonstances et dépend d'un équilibre entre les intérêts des personnes ayant une déficience et ceux des fournisseurs de services. Il faut également tenir compte de l'importance et du caractère répétitif ou permanent de l'obstacle et de l'incidence de celui-ci sur les personnes ayant une déficience et sur les considérations et les responsabilités d'ordre commercial et opérationnel du fournisseur de services.

[26] Dans la plupart des cas, plusieurs options s'offriront pour répondre aux besoins des personnes ayant une déficience ou d'un groupe ayant les mêmes caractéristiques. Dans chaque cas, l'accommodement raisonnable se traduira par la solution la plus convenable qui respecte la dignité de la personne, répond à ses besoins et promeut l'indépendance, l'intégration et la pleine participation des personnes ayant une déficience dans le réseau de transport fédéral et qui n'impose pas de contrainte excessive au fournisseur du service de transport.

[27] Afin d'établir qu'il est soumis à une contrainte excessive, le fournisseur du service de transport doit démontrer qu'il a considéré et déterminé qu'il n'y avait aucune autre solution pouvant mieux répondre aux besoins d'une personne ayant une déficience qui se trouve en présence d'un obstacle et qu'en raison de ces contraintes il serait déraisonnable, peu pratique, voire impossible, d'éliminer l'obstacle.

[28] Il est impossible d'établir une liste exhaustive des obstacles qu'un passager ayant une déficience peut rencontrer et des contraintes auxquelles les fournisseurs de services de transport sont soumis dans leurs efforts pour répondre aux besoins des personnes ayant une déficience. Un équilibre doit cependant être établi entre les diverses responsabilités de ces fournisseurs de services et le droit des personnes ayant une déficience de voyager sans rencontrer d'obstacle. C'est dans la recherche de cet équilibre que l'Office applique les concepts de caractère abusif et de contrainte excessive.

Dans le cas présent

1. L'impossibilité de se procurer des itinéraires de voyage dans un format substitut

Analyse de l'obstacle

[29] Mme Laporte-Stark a fait ses réservations directement auprès d'Air Canada et elle aurait aimé obtenir un itinéraire de voyage dans un format accessible pour elle, comme le courriel ou sur un site Internet.

[30] Air Canada a indiqué qu'il est impossible de fournir les itinéraires de voyage en format électronique puisque les agents de réservation n'ont pas accès à un compte courriel. Air Canada avait donc mentionné qu'elle acheminerait la demande de Mme Laporte-Stark, à propos de l'accessibilité des itinéraires de voyage, au groupe d'innovation du service à la clientèle.

[31] Dans le Code de pratiques : L'élimination des entraves à la communication avec les voyageurs ayant une déficience, (le Code de communication) paru en 2004, la section 1.1 prévoit que « [l]es fournisseurs de services de transports doivent élaborer et respecter leur propre politique sur les médias substituts pour s'assurer que les renseignements nécessaires au succès du déplacement sont à la disposition de tous les voyageurs sur des médias qui leur sont accessibles. » Le défaut des transporteurs de fournir des documents individuels de voyage dans un format accessible aux personnes aveugles peut donner lieu à une ignorance des détails du plan de voyage pour ces personnes. Une telle situation pourrait les mettre dans une position fâcheuse puisqu'elles devront se fier aux autres personnes pour les renseigner, ce qui limite leurs possibilités de déplacement et leur autonomie. L'Office conclut que le défaut d'Air Canada de fournir à Mme Laporte-Stark des itinéraires de voyage dans un format accessible a constitué un obstacle à ses possibilités de déplacement.

[32] Il importe de noter que Mme Laporte-Stark a déposé sa demande en 2000 et que les ressources électroniques n'étaient pas aussi accessibles qu'elle le sont aujourd'hui. La technologie a évolué et l'Office reconnaît qu'Air Canada offre maintenant des formats substituts accessibles. Au moment de réserver un billet sur le site Web, Air Canada offre maintenant la possibilité d'obtenir des itinéraires en format accessibles (HTML et format texte).

[33] Comme les itinéraires de voyage en format accessible sont maintenant disponibles auprès d'Air Canada, l'Office n'envisage aucune mesure relativement à cette affaire.

2. L'inaccesibilité des bornes d'enregistrement libre-service à l'aéroport d'Ottawa

Analyse de l'obstacle

[34] L'Office reconnaît que Mme Laporte-Stark ne pouvait pas se servir des bornes d'enregistrement libre-service à l'aéroport d'Ottawa puisque ces bornes n'ont pas été conçues pour être utilisées par des personnes ayant une déficience visuelle. Par conséquent, Mme Laporte-Stark n'a pu profiter de l'occasion d'accumuler 250 milles Aeroplan, une prime qui était accordée à titre de mesure pour encourager l'utilisation des bornes.

[35] Air Canada fait valoir que ses bornes d'enregistrement libre-service sont particulièrement conçues pour être utilisées par un grand nombre de clients, mais que la technologie de l'écran tactile dont ces machines sont pourvues, n'est pas accessible aux personnes aveugles. En outre, Air Canada soutient que le principal moyen d'enregistrement demeure le comptoir d'enregistrement qu'Air Canada décrit comme étant le moyen le plus commode et le plus efficace de s'enregistrer pour un vol.

[36] L'Office a déjà examiné la question d'accessibilité des bornes d'enregistrement libre-service. Dans la décision no 263-AT-A-2000, l'Office a examiné l'accessibilité des bornes d'enregistrement libre-service d'Air Canada à l'aéroport d'Ottawa et a conclu, qu'à l'époque, l'inaccessibilité des bornes était sans contredit un inconvénient, mais pas un obstacle pour les personnes aveugles. L'Office avait fondé sa décision sur le fait que, bien que représentant un inconvénient, l'objectif des bornes était d'améliorer le service d'enregistrement et non de le remplacer, et que la manière la plus appropriée pour s'enregistrer selon Air Canada était toujours le service d'enregistrement.

[37] Depuis que Mme Laporte-Stark a déposé sa demande, les bornes d'enregistrement libre-service sont devenues des attributs importants dans le réseau de transport. Cette importance est reflétée dans le Code de communication de l'Office qui prévoit à la section 1.3 que « [l]à où on utilise des guichets automatiques ou des kiosques d'information informatisés [...] au moins l'une de ces machines [y compris les bornes d'enregistrement] dans chaque secteur de service distinct doit pouvoir être utilisée de façon indépendante et sûre par une personne en fauteuil roulant, aveugle, malvoyante, ayant un trouble de la parole, sourde ou malentendante » d'ici le 1er juin 2009.

[38] L'Office s'attend donc à ce que là où Air Canada utilise de telles machines, au moins l'une des bornes d'enregistrement libre-service soit accessible dans chaque secteur de service d'ici le 1er juin 2009.

[39] L'incident traité dans la décision susmentionnée et l'incident traité dans la présente décision ont eu lieu au même moment ou presque, et au même aéroport. À cette époque, les bornes d'enregistrement libre-service étaient de nouveaux services; elles n'étaient toutefois pas encore considérées comme étant les installations les plus appropriées pour autant que le principal moyen d'enregistrement demeurait le comptoir d'enregistrement. L'Office conclut donc que l'inaccessibilité des bornes d'enregistrement libre-service à l'aéroport d'Ottawa ne constituait pas alors un obstacle aux possibilités de déplacement de Mme Laporte-Stark.

[40] Par conséquent, l'Office ne prévoit aucune mesure corrective relativement à cette affaire.

3. Le niveau de services pour personnes ayant une déficience offerts par Air Canada au moment de l'enregistrement à l'aéroport d'Ottawa

Analyse de l'obstacle

[41] Les services pour personnes ayant une déficience que Mme Laporte-Stark a reçus au comptoir d'enregistrement soulèvent certaines préoccupations à propos de la formation offerte en matière de sensibilisation aux besoins des personnes ayant une déficience et de la communication efficace entre les parties.

[42] La rupture de la communication entre Mme Laporte-Stark et l'agent d'enregistrement a donné lieu à un échange qui a perturbé Mme Laporte-Stark et qui a eu des répercussions négatives sur l'aide dont Mme Laporte-Stark avait besoin. Il appert également que Mme Laporte-Stark et l'agent d'enregistrement ont une perception différente de la même conversation. Cette situation met en relief le besoin de communiquer clairement et efficacement, de même que le besoin pour les parties d'exprimer clairement leurs besoins respectifs. L'Office conclut que l'agent d'enregistrement en question a fait preuve d'un manque de sensibilité quant aux besoin des personnes ayant une déficience, ce qui n'a fait qu'exacerber la rupture de la communication et du service.

[43] Compte tenu de ce qui précède, l'Office conclut que les services axés sur les personnes ayant une déficience reçus par Mme Laporte-Stark de la part de l'agent d'enregistrement d'Air Canada à l'aéroport d'Ottawa ont constitué un obstacle aux possibilités de déplacement de Mme Laporte-Stark.

Analyse du caractère abusif de l'obstacle

[44] Air Canada ne propose aucune explication quant à la raison pour laquelle l'agent d'enregistrement n'a pas révélé sa propre déficience à Mme Laporte-Stark. Bien qu'Air Canada ait invoqué des modifications à son programme de formation portant sur la façon d'attirer l'attention des passagers aveugles, la rupture de la communication susmentionnée a grandement été influencée pas le fait que l'employée d'Air Canada était malentendante. À cet égard, Air Canada n'a pas précisé ce qu'elle prévoyait faire pour veiller à ce que cette employée reçoive la formation et l'orientation particulière à sa propre déficience et comment cette formation pourrait se refléter sur l'efficacité de la communication avec les passagers aveugles ou malvoyants.

[45] En ce qui a trait à l'agent d'enregistrement, la formation portant sur la manière de répondre aux besoins des personnes ayant une déficience prévue dans le Règlement sur la formation du personnel en matière d'aide aux personnes ayant une déficience, DORS/94-42, aurait permis d'assurer à Mme Laporte-Stark les services appropriés pour ses besoins. Parallèlement, l'agent aurait dû informer Mme Laporte-Stark de sa propre déficience de manière à pouvoir suivre la conversation et faciliter le dialogue. Air Canada n'a pas été en mesure de démontrer comment offrir une telle formation à l'employée en question aurait pu lui causer une contrainte excessive. L'Office conclut donc que l'obstacle qu'ont constitué les services pour personnes ayant une déficience offerts par Air Canada au moment de l'enregistrement à l'aéroport d'Ottawa était abusif.

[46] L'Office reconnaît qu'il s'agit là d'un incident isolé. Par conséquent, l'Office juge approprié d'imposer une mesure corrective particulière à l'agent d'enregistrement d'Air Canada qui a servi Mme Laporte-Stark à l'aéroport d'Ottawa. Ainsi, Air Canada doit faire en sorte que l'agent reçoive une formation de manière à pouvoir communiquer efficacement avec les personnes ayant une déficience malgré sa propre déficience auditive, si ce n'est déjà fait.

4. Les questions d'orientation aux aéroports d'Ottawa et de Halifax

Analyse de l'obstacle

[47] Il est évident à la lecture des plaidoiries de Mme Laporte-Stark que cette dernière a éprouvé des difficultés à s'orienter dans les aéroports d'Ottawa et de Halifax. À cet égard, l'Office reconnaît que Mme Laporte-Stark a pu avoir à faire face à un obstacle.

[48] Bien que l'Office soit préoccupé par l'efficacité de la signalisation dans les aéroports, cette question relève d'abord des autorités aéroportuaires. L'Office ne prévoit donc prendre aucune mesure corrective contre Air Canada relativement à cette affaire.

[49] En outre, depuis l'incident, l'Office a publié son Code de pratiques : Accessibilité des gares de voyageurs (le Code des gares).

[50] Il est prévu à la section 2.1.2 du Code des gares que :

À l'étape de la conception de nouvelles constructions ou de rénovations[,] les exploitants de gares doivent intégrer des méthodes d'orientation qui permettent aux personnes de s'orienter et de trouver le parcours menant à destination.

Les bâtiments devraient être conçus de manière à minimiser le recours à des panneaux indicateurs pour s'orienter. Parmi les éléments à peser à ce chapitre, l'utilisation de couleurs contrastantes, l'orientation des motifs sur les planchers et les murs, les indicateurs tactiles, ainsi que l'utilisation de caractéristiques architecturales telles que les murs et les colonnes, l'acoustique et l'éclairage. Tous ces éléments peuvent aider les personnes à trouver leur destination.

[51] L'Office incite les autorités aéroportuaires à embaucher des experts-conseils en orientation chaque fois qu'un projet de rénovation ou d'agrandissement est prévu. Les experts-conseils en matière d'orientation peuvent donner des conseils judicieux et utiles concernant l'installation d'appareils sanitaires, la signalisation et même l'éclairage approprié dans les aéroports.

5. La réattribution des sièges par Air Canada sur le vol Halifax-Ottawa

Analyse de l'obstacle

[52] L'Office est d'avis que la réattribution du siège de Mme Laporte-Stark à bord du vol de retour Halifax-Ottawa était inappropriée et que cette démarche était en fait contraire à la politique du transporteur et aux souhaits du passager. En général, dans un cas comme celui-ci, lorsqu'un siège a fait l'objet d'une présélection par une personne ayant une déficience, le personnel du transporteur ne devrait jamais changer l'assignation sans avoir d'abord consulté le passager.

[53] Air Canada reconnaît que la réattribution des sièges à bord de l'aéronef CL65 n'est pas pratique courante, et qu'en fait, cette façon de faire est contraire à sa politique. Dans le CIC 59/8 d'Air Canada, les directives qui s'adressent au personnel précisent que le siège près cloison du CL65 n'offre pas suffisamment d'espace pour un animal aidant. Compte tenu du fait que le changement de siège de Mme Laporte-Stark a été fait sans qu'elle ait été consultée, et qu'Air Canada reconnaisse qu'une telle réattribution de siège n'aurait pas dû avoir lieu, l'Office conclut que la réattribution de sièges a constitué un obstacle aux possibilités de déplacement de Mme Laporte-Stark.

Analyse du caractère abusif de l'obstacle

[54] Bien que la réattribution des sièges ait pu représenter un inconvénient pour Mme Laporte-Stark, l'équipage de l'aéronef CL65 a reconnu le problème et y a remédié immédiatement en redonnant son siège à Mme Laporte-Stark dès que cette dernière a soulevé le problème. Air Canada a également indiqué que tous les agents de Halifax ont été informés de l'incident et qu'on leur a rappelé de ne pas attribuer le siège près cloison d'un CL65 à un passager qui voyage en compagnie d'un animal aidant. Par ailleurs, Mme Laporte-Stark ayant bénéficié du préembarquement, la réattribution de siège et le problème étaient déjà réglés lorsque les autres passagers sont montés à bord.

[55] Compte tenu des mesures prises par Air Canada pour remédier à la situation, tant à bord de l'aéronef que par l'information transmise au personnel, l'Office conclut que de telles mesures aideront à prévenir la récurrence de tels incidents et ne prévoit aucune mesure corrective relativement à cette affaire.

CONCLUSION

[56] L'Office conclut que :

  • bien que l'impossibilité de se procurer un itinéraire de voyage dans un format substitut ait constitué un obstacle aux possibilités de déplacement de Mme Laporte-Stark et compte tenu du fait qu'Air Canada a introduit des formats substituts d'itinéraire de voyage, l'Office ne prévoit aucune mesure corrective relativement à cette affaire;
  • l'inaccessibilité des bornes d'enregistrement libre-service à l'aéroport d'Ottawa au moment où Mme Laporte-Stark a voyagé ne constituait pas un obstacle puisque le comptoir d'enregistrement était, à l'époque, le méthode d'enregistrement la plus appropriée;
  • les services pour personnes ayant une déficience reçus au moment de l'enregistrement à l'aéroport d'Ottawa ont constitué un obstacle aux possibilités de déplacement de Mme Laporte-Stark. Air Canada doit faire en sorte que l'agent d'enregistrement dont il est question reçoive, si ce n'est déjà fait, une formation de manière à pouvoir communiquer efficacement avec les personnes ayant une déficience malgré sa propre déficience auditive;
  • en ce qui concerne l'orientation et les difficultés de déplacement dans les secteurs d'enregistrement des aéroports d'Ottawa et de Halifax, comme la question relève d'abord et avant tout de l'administration aéroportuaire, aucune mesure ne sera prise contre Air Canada;
  • bien que l'Office conclut que la réattribution de siège sur le vol de retour Halifax-Ottawa a constitué un obstacle abusif aux possibilités de déplacement de Mme Laporte-Stark, et compte tenu des mesures prises par Air Canada pour atténuer adéquatement les préoccupations de Mme Laporte-Stark, l'Office ne prévoit aucune mesure corrective relativement à cette affaire.

Membres

  • J. Mark MacKeigan
  • John Scott
Date de modification :