Décision n° 7-C-A-2023

le 18 janvier 2023

Demande présentée par Karl Holzwarth, Patricia Van Veen, leur enfant mineur, Lisa Holzwarth et la succession de Kathleen Claire Holzwarth (demandeurs) contre Air Canada (défenderesse) concernant un retard de vol

Numéro de cas : 
21-50049

[1] Les demandeurs devaient prendre un vol de Kingston, Jamaïque, à Toronto (Ontario), le 19 décembre 2019. Cependant, leur vol a été retardé, et après quatre heures, ils ont décidé de demander un réacheminement pour prendre un vol prévu le lendemain.

[2] Les demandeurs réclament une indemnisation pour les inconvénients subis en raison du retard au titre du Règlement sur la protection des passagers aériens (RPPA).

[3] Dans la présente décision, le rôle de l’Office des transports du Canada (Office) est de déterminer si la défenderesse a correctement appliqué les conditions applicables aux billets que les demandeurs ont achetés conformément à son tarif.

[4] Si l’Office conclut que la défenderesse n’a pas correctement appliqué son tarif, il peut lui ordonner de prendre les mesures correctives qu’il estime indiquées ou de verser des indemnités aux demandeurs pour les dépenses qu’ils ont supportées en raison de la non-application du tarif.

Observations préliminaires

Dépôt hors délai

[5] Le 30 août 2022, la défenderesse a déposé une réponse tardive, mais n’a pas déposé de requête de dépôt hors délai conformément aux Règles de l’Office des transports du Canada (Instances de règlement des différends et certaines règles applicables à toutes les instances) (Règles pour le règlement des différends). L’Office accepte la réponse de la défenderesse de sa propre initiative, en vertu des Règles pour le règlement des différends, en raison de sa pertinence dans le cas présent, et la verse aux archives.

Renseignements personnels

[6] Dans sa réponse, la défenderesse a divulgué les dates de naissance et les numéros de passeport de tous les demandeurs. Dans la lettre d’ouverture des actes de procédure envoyée aux parties le 2 août 2022, l’Office a ordonné aux parties de retirer tout renseignement personnel non pertinent qui ne devait pas être versé aux archives publiques avant de présenter leurs documents. Par conséquent, la défenderesse aurait dû retirer les renseignements personnels des demandeurs avant de présenter sa réponse. Les demandeurs n’ont pas consenti à la divulgation de ces renseignements de nature sensible. Puisqu’ils ne sont pas pertinents dans le cas présent, l’Office les retire des archives de sa propre initiative.

Frais de sélection de sièges

[7] Les demandeurs affirment que lorsqu’ils ont été réacheminés sur leur nouveau vol, ils ont perdu la sélection de sièges de leur vol initial pour lesquels ils avaient payé des frais. Le tarif prévoit que les passagers qui n’ont pas obtenu les sièges pour lesquels ils ont payé des frais ont droit à un remboursement. Cependant, aucun élément de preuve n’indique le montant exact des frais payés par les demandeurs. Par conséquent, l’Office ne peut pas ordonner le remboursement des frais de sélection de sièges réclamés par les demandeurs.

Communication des renseignements

[8] La défenderesse a donné différentes explications pour justifier le retard du vol initial des demandeurs. Les demandeurs affirment que les renseignements qui leur ont été fournis le jour de leur vol, tant par l’intermédiaire de l’application mobile de la défenderesse que par l’équipe au sol à Kingston, indiquaient que leur vol était retardé en raison de problèmes d’effectifs. Ils soutiennent qu’ils ont décidé de prendre un autre vol à la lumière de ces renseignements. Ils ont fourni une copie de l’avis de retard qu’ils ont reçu le jour de leur vol, qui indique que leur vol était retardé en raison d’un problème technique avec l’aéronef qui devait être exploité pour leur vol, et ils affirment que la raison du retard a changé à deux reprises après qu’ils ont décidé de prendre un autre vol ce jour-là. Lorsque les demandeurs ont déposé une demande d’indemnisation au titre du RPPA, la défenderesse les a avisés que le retard avait été causé par des problèmes d’horaire indépendants de sa volonté et leur a fourni les détails d’un vol ayant eu lieu plus tôt. Enfin, dans sa réponse à la présente demande, la défenderesse soutient que le retard a été causé par un problème mécanique imprévu et de mauvaises conditions météorologiques.

[9] L’Office reconnaît que les raisons d’un retard de vol peuvent changer à mesure que le contexte évolue, mais conclut que les communications entre la défenderesse et les demandeurs concernant les raisons du retard prêtaient à confusion et étaient insuffisantes.

[10] Depuis l’incident qui a donné lieu à la présente demande, l’Office a clarifié ce que les transporteurs doivent communiquer aux passagers quant aux raisons des retards et des annulations sous le régime du RPPA. Ils doivent communiquer ces raisons aux passagers en temps opportun et de façon claire et précise lorsque plus d’un facteur a contribué au retard ou à l’annulation. Dans la décision 122-C-A-2021 (décision d’interprétation), l’Office a conclu que le transporteur doit non seulement préciser clairement le problème (p. ex. « problème d’horaire visant l’équipage » plutôt qu’un énoncé ambigu comme « problèmes d’horaire »), mais également expliquer la raison du problème (p. ex. « l’équipage a dépassé ses limites de temps de vol en raison de retards précédents causés par de mauvaises conditions météorologiques ») s’il la connaît au moment où il transmet l’information aux passagers.

[11] L’Office continue de surveiller les communications entre les transporteurs aériens et les passagers pour veiller à ce que les exigences du RPPA soient respectées.

Retard de vol

[12] Les demandeurs devaient initialement arriver à Toronto à 19 h le 19 décembre 2019. Après qu’ils ont été réacheminés sur un nouveau vol, leur nouvelle heure d’arrivée était 19 h 32, le 20 décembre 2019.

[13] Comme mentionné précédemment, la défenderesse a donné aux demandeurs différentes explications quant à la raison pour laquelle leur vol était retardé. Les demandeurs affirment que le retard était attribuable au transporteur et, par conséquent, qu’ils ont doit à une indemnité puisque leur arrivée à leur destination a été retardée.

[14] Dans sa réponse, la défenderesse affirme que l’un de ses aéronefs devait partir de Toronto pour se rendre à Kingston le 19 décembre 2019 et ensuite être utilisé pour le vol initial des demandeurs. Elle soutient que ce vol a été retardé de 7 heures et 5 minutes et affirme que la raison principale de ce retard était un problème de dernière minute avec le système de gouverne de profondeur qui a été détecté sur l’aéronef qui devait initialement être utilisé avant son départ de Toronto. La défenderesse affirme que l’aéronef a été déclaré hors service pour réparations à 4 h 37 le 19 décembre 2019. Pour que le moins de passagers possible subissent d’inconvénients, elle a remplacé cet aéronef par un autre, qui est arrivé à Toronto à 11 h 46. L’aéronef de remplacement a ensuite été retardé à Toronto en raison du froid extrême, de la neige au sol et des conditions glissantes.

[15] La défenderesse affirme que ce retard était nécessaire par souci de sécurité et qu’elle a pris toutes les mesures raisonnables pour atténuer les conséquences du retard en faisant appel à l’aéronef étant disponible le plus rapidement possible pour le vol retardé, et, par conséquent, que les demandeurs n’ont pas droit à une indemnité pour les inconvénients subis.

[16] Lorsque les parties présentent des versions contradictoires des événements, l’Office doit déterminer laquelle des versions est la plus probable, en fonction des preuves.

[17] Dans la décision d’interprétation, l’Office a affirmé que le facteur ayant contribué le plus considérablement à la perturbation de vol (p. ex. la cause du retard le plus long) est le critère qu’il faut utiliser pour déterminer à quelle catégorie appartient un retard de vol lorsque de nombreuses raisons y ont contribué. La défenderesse a fourni les rapports opérationnels Netline des deux vols précédents et du vol des demandeurs, qui soutiennent l’affirmation de la défenderesse selon laquelle le problème mécanique imprévu avec l’aéronef devant initialement être utilisé pour le vol est le facteur ayant contribué le plus considérablement au retard et qu’un autre aéronef a été utilisé pour les vols.

[18] La défenderesse a également fourni une déclaration signée de la part de son gestionnaire principal, Navigabilité opérationnelle et conformité, qui indique que le programme de maintenance de l’aéronef était à jour et qu’aucun problème n’avait été décelé avec le système de gouverne de profondeur au cours des six semaines précédant le 19 décembre 2019. Le gestionnaire principal affirme que l’aéronef avait été utilisé pour un autre vol ce jour-là et que le problème a été découvert lors de la vérification obligatoire préalable au départ de l’aéronef de Toronto vers Kingston, et que le problème n’aurait pas pu être décelé ou prévenu plus tôt.

[19] D’après ces éléments de preuve, l’Office conclut que la cause principale du retard du vol précédent de Toronto à Kingston était un problème mécanique attribuable à la défenderesse, mais nécessaire par souci de sécurité.

[20] Au titre du RPPA, le retard qui est directement imputable à un retard précédent attribuable au transporteur, mais nécessaire par souci de sécurité, est également considéré comme attribuable au transporteur mais nécessaire par souci de sécurité si le transporteur a pris toutes les mesures raisonnables pour atténuer les conséquences du retard précédent.

[21] L’Office conclut que la défenderesse a pris toutes les mesures raisonnables pour atténuer les conséquences du retard précédent sur le vol initial des demandeurs en remplaçant l’aéronef qui devait être utilisé par le premier aéronef disponible. La décision des demandeurs de prendre un autre vol après un retard de quatre heures est comprenable, mais l’Office conclut qu’ils n’ont pas droit à une indemnisation pour les inconvénients subis au titre du RPPA puisque la cause du retard de leur vol initial était attribuable au transporteur, mais nécessaire par souci de sécurité. La défenderesse a correctement appliqué son tarif lorsqu’elle a réacheminé les demandeurs à leur demande et n’est pas responsable des dépenses qu’ils pourraient avoir supportées après qu’ils ont décidé de prendre un nouveau vol.

[22] À la lumière de ce qui précède, l’Office rejette la demande.

Dispositions en référence Identifiant numérique (article, paragraphe, règle, etc.)
Règlement sur les transports aériens, DORS/88-58 110(4)
Règlement sur la protection des passagers aériens, DORS/2019-150 11(2); 11(3); 13(1); 17(1)(a)(ii)
Règles de l’Office des transports du Canada (Instances de règlement des différends et certaines règles applicables à toutes les instances), DORS/2014-104  5(2); 12
International Rules, Fares & Charges on behalf of Air Canada Applicable to the Transportation of Passengers and Baggage between points in Canada/USA and points in Areas 1/2/3 and between the USA and Canada, CTA 458 5(C); 10(C)(2)(a)(i); 80(C)(4)(a)

Membre(s)

Heather Smith
Date de modification :