Décision n° 90-C-A-2017
DEMANDE présentée par Lise Boily contre Air Canada exerçant également son activité sous le nom d’Air Canada rouge (Air Canada).
RÉSUMÉ
[1] Lise Boily a déposé une demande auprès de l’Office des transports du Canada (Office) contre Air Canada concernant son refus de la transporter entre Ottawa (Ontario), Canada et Paris, France, via Montréal (Québec), Canada, le 18 février 2017.
[2] Mme Boily demande un remboursement total de 2079 $, soit un montant de 1579 $ au titre des frais qu’elle a engagés pour l’achat de son deuxième billet pour voyager le 19 février 2017 et un montant de 500 $ au titre des frais qu’elle a engagés pour l’obtention express d’un passeport.
[3] L’Office se penchera sur les questions suivantes :
- Air Canada a-t-elle correctement appliqué les conditions énoncées dans la règle 65 de son tarif intitulé International Passenger Rules and Fares Tariff, NTA(A) No. 458 (tarif), qui incorpore par renvoi la Convention pour l’unification de certaines règles relatives au transport aérien international – Convention de Montréal (Convention de Montréal) en ce qui a trait à la responsabilité des transporteurs relativement aux documents de voyage, comme l’exige le paragraphe 110(4) du Règlement sur les transports aériens, DORS/88‑58, modifié (RTA)?
- Si Air Canada n’a pas correctement appliqué les conditions énoncées dans son tarif, quel recours, le cas échéant, est à la disposition de Mme Boily?
[4] Pour les motifs énoncés ci-après, l’Office conclut qu’Air Canada a correctement appliqué les conditions énoncées dans la règle 65 de son tarif.
CONTEXTE
[5] Le 1er décembre 2016, Mme Boily a réservé un billet en classe affaires pour voyager entre Ottawa et Paris, avec une correspondance à Montréal, dont le vol de départ était prévu le 18 février 2017. Mme Boily a procédé aux formalités de pré-enregistrement 72 heures avant son départ, fournissant le numéro et la date d’expiration de son passeport. Le jour du vol, elle a complété les formalités d’enregistrement.
[6] Une fois au comptoir d’enregistrement d’Air Canada, Mme Boily s’est vu refuser l’embarquement en raison de la date d’expiration de son passeport.
[7] Mme Boily a voyagé le 19 février 2017 et est arrivée à Paris à 8 h 45 le 20 février. Elle affirme qu’en raison du refus d’Air Canada de la transporter à bord du vol du 18 février, elle est arrivée en retard pour sa conférence du 20 février 2017.
LA LOI
[8] Le paragraphe 110(4) du RTA énonce ce qui suit :
Lorsqu’un tarif déposé porte une date de publication et une date d’entrée en vigueur et qu’il est conforme au présent règlement et aux arrêtés de l’Office, les taxes et les conditions de transport qu’il contient, sous réserve de leur rejet, de leur refus ou de leur suspension par l’Office, ou de leur remplacement par un nouveau tarif, prennent effet à la date indiquée dans le tarif, et le transporteur aérien doit les appliquer à compter de cette date.
[9] Le paragraphe 113.1 du RTA se lit comme suit :
Si un transporteur aérien n’applique pas les prix, taux, frais ou conditions de transport applicables au service international qu’il offre et figurant à son tarif, l’Office peut lui enjoindre :
- de prendre les mesures correctives qu’il estime indiquées;
- de verser des indemnités à quiconque pour toutes dépenses qu’il a supportées en raison de la non-application de ces prix, taux, frais ou conditions de transport.
[10] La règle 65 du tarif d’Air Canada prévoit en partie ce qui suit :
FORMALITÉS ADMINISTRATIVES – PASSEPORTS, VISAS ET CARTES DE TOURISTE
A. OBSERVATION DES RÈGLEMENTS
Le passager doit se conformer aux lois, aux règlements, aux ordonnances, aux demandes et aux exigences de voyage des pays de départ, de transit et de destination et des pays survolés ainsi qu’aux règles, aux règlements et aux directives du transporteur. Le transporteur ne peut être tenu responsable des conseils ou des renseignements fournis à un passager par un mandateur ou un employé du transporteur concernant la façon d’obtenir les documents nécessaires ou de se conformer à ces lois, règlements, ordonnances, demandes, exigences ou directives, qu’ils aient été fournis verbalement, par écrit ou autrement, ni des conséquences subies par un passager par suite de son défaut d’obtenir ces documents ou de se conformer à ces lois, règlements ordonnances, demandes, exigences ou directives.
B. PASSEPORTS ET VISAS
1. Il incombe à chaque passager qui souhaite franchir une frontière internationale d’obtenir tous les documents de voyage nécessaires et de se conformer à toutes les exigences de voyage des états en question. Le passager est tenu de présenter tous les documents de sortie, d’entrée et autres documents requis par les lois et, à moins de dispositions contraires dans les lois applicables, d’indemniser le transporteur pour la perte ou les dommages subis ou les frais engagés par ce transporteur en raison de l’omission du passager de se conformer aux obligations du présent paragraphe. Le transporteur n’est pas responsable envers le passager des pertes subies ni des frais engagés en raison de son défaut de se conformer à la présente disposition. Le transporteur se réserve le droit de refuser de transporter tout passager qui ne s’est pas conformé aux lois, aux règlements, aux ordonnances, aux demandes et aux exigences applicables ou qui présente des documents incomplets. Aucun transporteur ne peut être tenu responsable des conseils ou des renseignements fournis à un passager par un mandataire ou un employé du transporteur concernant la façon d’obtenir ces documents ou de se conformer à ces lois, qu’ils aient été fournis verbalement, par écrit ou autrement. De plus, le transporteur se réserve le droit de retenir, de photocopier ou de reproduire autrement un document de voyage présenté par un passager et accepté comme condition d’embarquement.
[…]
POSITIONS DES PARTIES
Position de Mme Boily
[11] Mme Boily affirme que bien qu’Air Canada ait noté la date d’expiration de son passeport, elle ne l’a pas informée qu’elle ne pourrait pas voyager en date du 18 février 2017 ni au moment du processus de « vérification sécuritaire », ni lors du pré-enregistrement. Mme Boily se demande pourquoi le transporteur exige cette documentation si « elle ne sert à rien ».
[12] Mme Boily affirme qu’il incombe à Air Canada d’informer ses passagers de tout manquement concernant la conformité des documents de voyage nécessaires. Mme Boily estime que cette responsabilité est d’autant plus grande envers les passagers en classe affaires à qui Air Canada doit offrir « un traitement particulier, personnalisé et attentif ». À titre comparatif, Mme Boily souligne que les compagnies privées de voyages effectuent de telles vérifications pour les passagers et les avisent de tout manquement.
Position d’Air Canada
[13] Air Canada explique que lorsque Mme Boily s’est présentée pour l’embarquement de son vol le 18 février 2017, Air Canada a dû lui refuser l’embarquement étant donné que son passeport expirait le 17 avril 2017, soit moins de trois mois suivant son voyage. Air Canada explique que sa décision est fondée sur les données du Travel Information Manual (TIM), banque de données maintenue par l’Association internationale du Transport Aérien (IATA), qui indique qu’un citoyen canadien en partance du Canada vers la France doit détenir un passeport qui soit valide pendant les trois mois suivant son voyage.
[14] Air Canada ajoute que les exigences en matière d’entrée dans divers pays peuvent changer rapidement et que c’est pourquoi les documents de voyage nécessaires ne sont vérifiés qu’au moment du voyage, en fonction de la nationalité du passager, du point de départ du vol et de la destination ultime, de tout point d’escale, ainsi que du but du voyage.
[15] Air Canada renvoie à son tarif qui prévoit qu’il incombe aux passagers de s’assurer qu’ils détiennent les documents de voyage nécessaires. Air Canada ajoute qu’il y est également prévu que le transporteur ne peut être tenu responsable des dommages résultant de l’absence de la documentation de voyage adéquate.
[16] Air Canada explique qu’au moment de l’embarquement, ses agents vérifient les documents de voyage des passagers pour s’assurer qu’ils sont conformes aux exigences en matière d’entrée des pays visés, mais que cette mesure a pour seul but d’éviter toute amende susceptible d’être infligée à Air Canada.
ANALYSE ET DÉTERMINATIONS
[17] Conformément à un principe bien établi sur lequel s’appuie l’Office lorsqu’il examine de telles demandes, il incombe au demandeur de prouver, selon la prépondérance des probabilités, que le transporteur n’a pas correctement appliqué les conditions de transport énoncées dans son tarif ou qu’il ne les a pas appliquées de façon uniforme.
[18] Les parties ne contestent pas le fait que la date d’expiration du passeport de Mme Boily n’était pas conforme aux exigences de la France en matière d’entrée au pays.
[19] L’Office a déjà accepté, dans la décision n° 212-C-A-2015 (Sivilotti c. Air Transat), que les transporteurs devraient être autorisés à utiliser différentes sources d’information pour les aider à déterminer ce que les divers pays pourraient exiger en matière d’entrée. En ce qui a trait au fait qu’Air Canada s’appuie sur le TIM pour déterminer les exigences en matière d’entrée dans divers pays étrangers, l’Office, dans la décision no 178-C-A-2008 (Reeves c. Air Canada), a déclaré ce qui suit :
D’après la preuve, pour déterminer si les documents de voyage de M. Reeves étaient en règle, Air Canada s’est servie du TIM, un document généralement reconnu dans l’industrie du transport aérien comme étant une source d’information fiable en ce qui a trait aux exigences en matière d’entrée dans divers pays. L’Office estime qu’Air Canada a agi de façon appropriée et raisonnable en se servant du TIM pour établir les exigences d’entrée.
Les dispositions du TIM proviennent des exigences nationales en matière d’immigration des divers états et territoires qui y sont répertoriés. Il s’agit, de fait, d’un résumé de lois, de règlements et de politiques d’ordre national. Dans l’interprétation de ces dispositions, il est raisonnable qu’un transporteur aérien adopte une méthode fondée sur le sens ordinaire des termes, ainsi que peuvent le faire, et le font, les tribunaux lorsqu’ils interprètent des lois et des règlements.
[20] À la lumière de ce qui précède, l’Office conclut qu’il était légitime pour Air Canada de s’appuyer sur le TIM pour déterminer les exigences en matière d’entrée en France, et que son refus de transporter Mme Boily était approprié compte tenu des renseignements fournis dans le TIM.
[21] Aux termes de la règle 65(B)(1) du tarif d’Air Canada, il incombe au passager qui souhaite franchir une frontière internationale d’obtenir les documents de voyage nécessaires et de se conformer aux exigences de voyage du pays en question. Cette même règle prévoit que le transporteur peut refuser de transporter des passagers qui n’ont pas les documents nécessaires. Comme Mme Boily n’avait pas les documents nécessaires pour son vol vers la France, Air Canada a correctement appliqué les conditions énoncées dans son tarif à cet égard.
[22] De plus, l’Office est d’avis qu’il n’est pas de la responsabilité du transporteur d’aviser chacun des passagers des exigences applicables en matière d’immigration des divers états et territoires, ainsi que de la validité des documents de voyage nécessaires. Comme Air Canada l’a souligné, ces exigences changent fréquemment et sont assujetties à plusieurs facteurs (par ex. la nationalité du passager, la durée du séjour, le but du voyage). Il ne serait pas raisonnable d’imposer cette responsabilité aux transporteurs pour chacun de ses passagers.
[23] L’Office conclut donc que Mme Boily n’a pas démontré qu’Air Canada n’a pas correctement appliqué les conditions énoncées dans son tarif.
CONCLUSION
[24] À la lumière de ce qui précède, l’Office rejette la demande de Mme Boily.
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