Décision n° 98-C-A-2017

le 3 novembre 2017

DEMANDE présentée par Jordan Bear et Joseph Clark (demandeurs) contre Air Transat A.T. Inc. exerçant son activité sous le nom de Air Transat.

Numéro de cas : 
17-01347

RÉSUMÉ

[1] Les demandeurs ont déposé une demande auprès de l’Office des transports du Canada (Office) concernant l’ajout d’un arrêt à leur vol aller simple de La Havane, Cuba, à Toronto (Ontario), Canada. L’itinéraire révisé était inacceptable pour les demandeurs; toutefois, Air Transat a refusé de leur rembourser leurs billets prétextant qu’ils étaient non remboursables, et parce que les demandeurs ont accepté les conditions générales de transport d’Air Transat, lesquelles indiquent que les horaires peuvent être modifiés sans préavis. Les demandeurs ont ensuite acheté des billets de remplacement auprès d’Air Canada.

[2] Les demandeurs réclament une indemnisation de 1 624,24 $, qui représente le coût total des deux billets initiaux achetés auprès d’Air Transat et les billets de remplacement qu’ils ont achetés par la suite.

[3] L’Office se penchera sur les questions suivantes :

  1. Air Transat a-t-elle correctement appliqué les conditions énoncées dans son tarif international intitulé Tariff Containing Rules Applicable to Scheduled Services for the Transportation of Passengers and Baggage or Goods Between Points in Canada on the One Hand and Points Outside Canada on the Other Hand, CTA(A) No. 4 (tarif), comme l’exige le paragraphe 110(4) du Règlement sur les transports aériens, DORS/88-58, modifié (RTA)? Si Air Transat n’a pas correctement appliqué les conditions de transport énoncées dans son tarif, quel recours, le cas échéant, est à la disposition des demandeurs?
  2. Les conditions du tarif d’Air Transat concernant la modification des itinéraires sont-elles imprécises et contraires à l’alinéa 122(c) du RTA?

[4] Pour les raisons énoncées ci-après, l’Office conclut que :

  1. Air Transat n’a pas correctement appliqué les conditions énoncées dans son tarif. En conséquence, l’Office ordonne à Air Transat de verser une indemnisation de 1 028,32 $ aux demandeurs, soit le coût des deux billets de remplacement qu’ils ont achetés auprès d’Air Canada.
  2. Les règles 1 et 5.2(a) du tarif d’Air Transat sont imprécises.

LA LOI

[5] Voici les extraits législatifs pertinents à cette affaire :

Règlement sur les transports aériens, DORS/88-58, modifié

110. (4) Lorsqu’un tarif déposé porte une date de publication et une date d’entrée en vigueur et qu’il est conforme au présent règlement et aux arrêtés de l’Office, les taxes et les conditions de transport qu’il contient, sous réserve de leur rejet, de leur refus ou de leur suspension par l’Office, ou de leur remplacement par un nouveau tarif, prennent effet à la date indiquée dans le tarif, et le transporteur aérien doit les appliquer à compter de cette date.

113.1 Si un transporteur aérien n’applique pas les prix, taux, frais ou conditions de transport applicables au service international qu’il offre et figurant à son tarif, l’Office peut lui enjoindre :

  1. de prendre les mesures correctives qu’il estime indiquées;
  2. de verser des indemnités à quiconque pour toutes dépenses qu’il a supportées en raison de la non-application de ces prix, taux, frais ou conditions de transport

POSITIONS DES PARTIES ET CONSTATATIONS DE FAITS

Air Transat a-t-elle correctement appliqué les conditions énoncées dans son tarif, comme l’exige le paragraphe 110(4) du RTA? Si Air Transat n’a pas correctement appliqué les conditions de transport énoncées dans son tarif, quel recours, le cas échéant, est à la disposition des demandeurs?

POSITION DES DEMANDEURS

[6] Les demandeurs indiquent que le 2 janvier 2017, ils ont acheté deux billets aller simple auprès d’Air Transat, au coût total de 595,92 $. Ils indiquent que les billets n’étaient pas les moins chers, mais qu’ils étaient prêts à payer plus pour prendre un vol sans escale vers leur destination. Les demandeurs ont fourni des copies de leur confirmation de réservation initiale, sur laquelle il est indiqué, dans les détails sur l’itinéraire de vol, qu’il s’agit d’un trajet sans escale.

[7] Selon les demandeurs, le 12 janvier 2017, Air Transat les a informés par courriel que le vol qu’ils avaient choisi était annulé. Ils affirment qu’Air Transat leur a plutôt envoyé un nouvel itinéraire qui comprenait une escale à Santa Clara, Cuba. Les demandeurs indiquent que le vol vers Toronto arrivait plus de deux heures plus tard que le vol qu’ils avaient initialement choisi. Ils ont fourni des copies de la confirmation de réservation révisée pour appuyer leur affirmation que leur itinéraire sans escale avait été changé pour un qui comptait une escale. Les demandeurs font valoir qu’Air Transat ne leur a pas donné la raison du changement à leur itinéraire initial.

[8] Les demandeurs affirment avoir communiqué avec Air Transat par téléphone le 12 janvier 2017 en après-midi et avoir demandé un remboursement, ce qu’Air Transat leur a refusé. En conséquence, ils ont acheté des billets de remplacement auprès d’Air Canada. Les demandeurs ont également fourni une capture d’écran du site Web d’Air Transat à 18 h 50 le 12 janvier 2017 qui, selon les demandeurs, montre qu’à ce moment-là, le vol en question continuait d’être annoncé comme étant un vol sans escale.

[9] Les demandeurs font valoir que les vols sans escale sont presque toujours plus chers que les autres en raison de leur commodité et de leur fiabilité. Ils affirment que de nombreux voyageurs paieront un surplus pour des vols sans escale, parce qu’avec des escales, il faut plus de temps, il y a un plus grand risque de perte de bagages ou de dommages causés à ceux-ci, et il pourrait y avoir d’autres retards. Pour ces raisons, les demandeurs estiment qu’il est manifestement injuste qu’Air Transat vende un voyage sans escale pour ensuite ajouter une escale sans possibilité de remboursement.

[10] À la lumière de ce qui précède, les demandeurs font valoir qu’ils ont droit à un remboursement conformément à la règle 5.2(b) du tarif d’Air Transat, qui prévoit un remboursement dans des cas où un vol direct est changé pour un vol avec correspondance. Selon les demandeurs, une lecture raisonnable et claire des termes « direct » et « correspondance » démontrerait que leur vol direct est effectivement devenu un vol avec correspondance. Les demandeurs demandent également une indemnisation de 1 028,32 $ qui représente la somme des billets de remplacement achetés auprès d’Air Canada. La réparation totale qu’ils réclament est donc de 1 634,24 $.

POSITION D’AIR TRANSAT

[11] Air Transat admet avoir ajouté une escale aux vols des demandeurs le 12 janvier 2017.

[12] Air Transat maintient toutefois que les demandeurs ont réservé des vols directs, et que selon la terminologie aérienne standard, un vol direct peut inclure une escale à un point intermédiaire. Pour soutenir cette affirmation, Air Transat renvoie l’Office à la définition d’un « vol direct » sur Wikipédia : « […] un vol direct relie deux points sans changement de numéro de vol; il est exploité par une compagnie aérienne et peut comprendre des escales à un point intermédiaire ». Dans cette même définition, il est indiqué que « Lorsqu’il y a changement du numéro de vol, le vol suivant est considéré comme un vol de correspondance ». Air Transat fait valoir que pour l’itinéraire révisé des demandeurs, ni le numéro de vol ni l’aéronef n’étaient changés pour le trajet vers Toronto. À la lumière de cette définition, Air Transat n’est pas d’accord avec l’affirmation des demandeurs selon laquelle ils ont droit à un remboursement conformément à la règle 5.2(b) de son tarif, car cette disposition ne s’applique que dans les cas où un vol direct est modifié pour devenir un vol de correspondance.

[13] Air Transat fait valoir qu’en aucun cas elle n’a confirmé ni garanti que le vol des demandeurs serait sans escale. Air Transat souligne de plus que, pour pouvoir conclure leur réservation, les demandeurs devaient accepter les conditions générales qui avertissent que les itinéraires de vol peuvent être modifiés. Pour soutenir sa position, Air Transat a fourni une copie de ses conditions de transport générales qui indiquent en partie que les horaires de vol peuvent être modifiés sans préavis.

[14] En ce qui a trait aux montants d’indemnisation réclamés par les demandeurs, Air Transat indique que, comme ils ont décidé unilatéralement d’annuler leur réservation valide en sachant que les billets achetés étaient entièrement non remboursables, ils ne peuvent pas raisonnablement demander un remboursement complet des deux billets inutilisés d’Air Transat et des billets qu’ils ont unilatéralement décidé d’acheter.

[15] Air Transat affirme également que le 20 janvier 2017, l’itinéraire a été révisé pour annuler l’escale, et que le système envoie automatiquement des avis aux passagers lorsque des changements sont apportés.

CONSTATATIONS DE FAITS

Type de billet acheté

[16] Les demandeurs allèguent qu’ils ont réservé un vol sans escale et ils ont fourni une copie de leur confirmation de réservation initiale et celle révisée pour soutenir leur affirmation. Toutefois, Air Transat maintient que les demandeurs ont réservé un vol direct.

[17] L’Office note que sous la colonne « via » de la confirmation de réservation initiale, le mot « sans escale » est clairement inscrit. Sur la confirmation de réservation révisée, « sans escale » est remplacé par les mots « arrêt à Santa Clara ». Air Transat affirme tout de même que les demandeurs ont réservé un « vol direct » et que selon Wikipédia, un vol direct peut inclure une escale.

[18] Dans la décision no 88-C-A-2015, l’Office a accepté que les termes « direct » et « sans escale » ne sont pas interchangeables, car le premier terme signifie que les passagers ne quittent pas l’aéronef avant son arrêt final alors que le deuxième terme signifie que l’arrêt suivant est la destination finale des passagers.

[19] L’Office note qu’Air Transat n’a pas abordé la question des confirmations de réservation déposées par les demandeurs, sur lesquelles il est clairement indiqué qu’ils ont réservé un vol sans escale. Air Transat s’appuie plutôt sur une définition de source ouverte de Wikipédia de ce qu’est un « vol direct », mais n’a fourni aucune preuve supplémentaire pour soutenir sa position selon laquelle elle n’a ni confirmé ni garanti que le vol serait sans escale.

[20] Selon la preuve déposée par les demandeurs, au moment de conclure leur réservation le 2 janvier 2017, Air Transat leur a confirmé par écrit qu’ils avaient effectivement réservé un vol sans escale. Toutefois, le 12 janvier 2017, Air Transat a révisé l’itinéraire des demandeurs pour ajouter un arrêt. En révisant l’itinéraire de cette façon, Air Transat a changé la nature du service prévu au contrat des demandeurs.

[21] De plus, l’Office conclut que, lorsqu’ils ont appris le 12 janvier 2017 que le vol inclurait dorénavant une escale, les demandeurs ont informé Air Transat qu’ils voulaient un remboursement.

Règle 5.2(e)

[22] La règle 5.2(e)(i) du tarif énonce la responsabilité d’Air Transat concernant les horaires et les activités comme suit :

[traduction]

En cas de réacheminement involontaire d’un vol, le transporteur veillera à ce que le passager soit acheminé ou transporté vers sa destination finale, conformément au contrat de transport. Si aucun transport raisonnable ne peut être organisé, Air Transat offrira au passager un paiement en espèces ou un crédit-voyage. Dans la détermination du montant du paiement en espèces ou du crédit-voyage offert, Air Transat tiendra compte de toutes les circonstances de la situation, y compris toutes dépenses engagées raisonnablement par le passager en raison de la surréservation ou de l’annulation, par exemple pour les frais d’hébergement, des repas ou d’autres frais de transport. Le transporteur établira le montant de l’indemnité offerte en ayant comme objectif de rembourser au passager toutes ses dépenses raisonnables de cette nature. Le choix entre un paiement en espèces ou le crédit-voyage sera à la discrétion du passager.

[23] Le tarif d’Air Transat ne définit pas le terme « réacheminement involontaire », mais le manuel des résolutions lors de conférences sur les services passagers de l’IATA (Passenger Services Conference Resolution Manual) le définit comme suit :

[traduction]

Changement à l’itinéraire indiqué sur le billet d’un passager en raison d’une interruption de l’exploitation du vol d’un transporteur ou de son incapacité à fournir le transport pour le siège confirmé.

[24] Ni Air Transat ni les demandeurs n’ont présenté d’argument sur l’application de la règle 5.2(e) du tarif d’Air Transat au vol des demandeurs. Toutefois, l’Office note que le changement par Air Transat de l’itinéraire des demandeurs d’un vol sans escale à un vol avec escale, puis la confirmation de réservation révisée remise par la suite, cadrent avec la définition que donne l’IATA d’un « réacheminement involontaire ». Par conséquent, l’Office conclut que la situation des demandeurs est visée par la règle 5.2(e) du tarif d’Air Transat. En conséquence, la demande sera étudiée dans l’optique des dispositions de cette règle.

ANALYSE ET DÉTERMINATIONS

Air Transat a-t-elle correctement appliqué les conditions énoncées dans son tarif, comme l’exige le paragraphe 110(4) du RTA? Si Air Transat n’a pas correctement appliqué les conditions de transport énoncées dans son tarif, quel recours, le cas échéant, est à la disposition des demandeurs?

[25] Lorsqu’une demande est déposée auprès de l’Office, le demandeur doit, selon la prépondérance des probabilités, établir que le transporteur aérien n’a pas appliqué les conditions de transport établies dans le tarif applicable.

Règle 5.2(B)

[26] La règle 5.2(b) du tarif d’Air Transat prévoit ce qui suit :

[traduction]

Lorsqu’un changement d’itinéraire postérieur à l’achat d’un voyage représente un changement d’un service direct à un service de correspondance, le transporteur doit rembourser, à la demande du passager, la totalité de la portion inapplicable du tarif payé.

[27] Les demandeurs font valoir qu’une lecture raisonnable et claire des termes « direct » et « correspondance » démontrerait que leur service a effectivement été changé de l’un à l’autre et qu’en conséquence, ils ont droit à un remboursement aux termes de la règle 5.2(b) du tarif.

[28] Air Transat n’est pas d’accord, estimant que la règle 5.2(b) ne s’applique pas aux demandeurs. Selon Air Transat, la règle 5.2(b) concerne les vols directs qui sont modifiés pour devenir des vols avec correspondance. Air Transat fait valoir que ni le numéro de vol ni l’aéronef n’ont été changés pour le trajet vers Toronto.

[29] L’Office n’est pas d’accord avec la position des demandeurs qui indiquent que, de la façon dont la règle 5.2(b) est écrite, elle s’applique à leur vol. Selon la règle 5.2(b) du tarif d’Air Transat, pour parler de service de correspondance, il aurait fallu au moins un changement d’aéronef sur l’itinéraire révisé. Un examen de l’itinéraire révisé des demandeurs démontre qu’un seul numéro a été associé à leur vol. De plus, rien n’indique sur l’itinéraire de réservation qu’il y a eu un changement d’aéronef dans l’itinéraire révisé.

[30] À la lumière de ce qui précède, l’Office conclut que la règle 5.2(b) ne s’applique pas au vol des demandeurs.

RÈGLE 5.2(e)

[31] Selon la règle 5.2(e) du tarif d’Air Transat, en cas de réacheminement involontaire, Air Transat veillera à ce que le passager soit acheminé ou transporté à sa destination finale, conformément au contrat de transport. Si aucun transport raisonnable ne peut être organisé, Air Transat doit indemniser le passager de ses dépenses raisonnables engagées en raison d’une surréservation ou de l’annulation d’un vol.

[32] Ayant conclu qu’il y avait eu réacheminement involontaire dans le cas présent, l’Office note que la règle 5.2(e) exige qu’Air Transat veille à ce que le passager soit acheminé ou transporté vers sa destination finale, conformément au contrat de transport. Il est également indiqué dans la règle que si aucun transport raisonnable ne peut être organisé, Air Transat offrira au passager un paiement en espèces ou un crédit-voyage. À cet égard, la règle exige que le transport fourni par le transporteur aérien en cas de réacheminement involontaire soit raisonnable. Sinon, le transporteur doit offrir au passager un paiement en espèces ou un crédit voyage.

[33] Le libellé d’un contrat entre les passagers et un transporteur aérien est important. Si le tarif d’Air Transat lui permet de modifier ses obligations contractuelles en cas de réacheminement involontaire, une telle disposition doit être lue dans son sens étroit. Dans le cas présent, les demandeurs ont acheté un billet sans escale. Air Transat a réacheminé les demandeurs sans leur demander si l’option était raisonnable pour eux.

[34] Air Transat ne peut pas unilatéralement modifier l’itinéraire d’un vol sans escale, comme ce que prévoit le contrat de transport, puis ajouter une escale selon ce qu’elle-même estime être un « transport raisonnable ». Air Transat n’a expliqué ni à l’Office ni aux demandeurs pourquoi une escale a été ajoutée à l’itinéraire confirmé des demandeurs. En conséquence, l’Office peut seulement présumer qu’Air Transat l’a fait en tenant seulement compte de ses propres intérêts commerciaux.

[35] L’Office note que le remplacement d’un vol sans escale de La Havane à Toronto par un vol avec escale à Santa Clara ne constituait pas un transport raisonnable. Les demandeurs affirment que le vol initial d’Air Transat n’était pas le moins cher; toutefois, ils ont consenti à payer un supplément pour prendre un vol sans escale jusqu’à destination. Les demandeurs font également valoir que l’itinéraire révisé aurait ajouté deux heures de déplacement à leur voyage et qu’à ce titre, ils le trouvaient inacceptable. En effet, la solution était à ce point inacceptable pour les demandeurs qu’ils ont acheté des billets de remplacement sans garantie qu’ils obtiendraient une indemnisation d’Air Transat.

[36] À la lumière de ce qui précède, l’Office conclut que les demandeurs ont établi, selon la prépondérance des probabilités, qu’en n’indemnisant pas les demandeurs des dépenses qu’ils ont engagées en conséquence du réacheminement involontaire, Air Transat n’a pas correctement appliqué les conditions énoncées dans son tarif concernant ses responsabilités en matière d’horaires et d’activités.

[37] Les demandeurs ont fourni des preuves pour appuyer leur présentation dans laquelle ils font valoir qu’en conséquence du réacheminement involontaire, ils ont engagé des dépenses de 1 028,32 $, soit le coût des billets pour un vol sans escale acheté en remplacement auprès d’un autre transporteur.

Les conditions du tarif d’Air Transat concernant la modification des itinéraires sont-elles imprécises et contraires à l’alinéa 122(c) du RTA?

[38] La compétence de l’Office sur les questions relatives aux tarifs internationaux est établie à la partie V, section II intitulée Service international, du RTA.

[39] L’article 122 du RTA exige que les conditions de transport indiquées dans le tarif du transporteur énoncent clairement la politique du transporteur en ce qui a trait, au moins, à certains éléments.

[40] Plus précisément, l’alinéa 122a) du RTA prévoit ce qui suit :

Les tarifs doivent contenir :

  1. les conditions générales régissant le tarif, énoncées en des termes qui expliquent clairement leur application aux taxes énumérées.

[41] De plus, le sous-alinéa 122c)(iv) du RTA prévoit ce qui suit :

Les tarifs doivent contenir :

c. les conditions de transport, dans lesquelles est énoncée clairement la politique du transporteur aérien concernant au moins les éléments suivants :

[...]

iv. le réacheminement des passagers.

v. l’inexécution du service et le non-respect de l’horaire,

[…]

[42] Comme l’Office l’a indiqué dans la décision no 227-C-A-2013 (Lukács c. WestJet), un transporteur aérien satisfait aux obligations relatives à la clarté du tarif lorsque, de l’avis d’une personne raisonnable, les droits et les obligations du transporteur et des passagers sont définis de telle façon à éviter quelque doute, ambiguïté ou incertitude que ce soit.

POSITION DES DEMANDEURS

[43] Les demandeurs indiquent que la définition que donne Air Transat du terme « service direct » dans son tarif ne permet pas une compréhension raisonnable du mot « direct ». Les demandeurs font valoir que selon la définition d’Air Transat, un vol de Toronto à Chicago est équivalent à un vol de Toronto à Mexico à Buenos Aires à Cape Town à Sydney à Paris à Chicago, tant qu’un seul numéro de vol est utilisé, et qu’on ne change pas d’aéronef. Les demandeurs affirment que si Air Transat change unilatéralement l’itinéraire d’un passager de cette manière, selon les dispositions de son tarif, ce passager ne devra pas s’attendre à avoir un quelconque recours. Les demandeurs concluent donc que la définition que donne Air Transat du terme « direct » est déraisonnable, tant dans le langage de tous les jours que dans la terminologie propre à l’industrie aérienne puisque, selon les demandeurs, aucun autre transporteur canadien n’utilise une définition semblable dans son tarif.

POSITION D’AIR TRANSAT

[44] Air Transat indique que selon la terminologie aérienne standard, un vol direct peut inclure une escale à un point intermédiaire. Pour soutenir cette affirmation, Air Transat renvoie l’Office à la définition d’un « vol direct » sur Wikipédia : « […] un vol direct relie deux points sans changement de numéro de vol; il est exploité par une compagnie aérienne et peut comprendre des escales à un point intermédiaire ».

RÉPONSE DES DEMANDEURS

[45] Les demandeurs répondent que l’une des sources citées par Air Transat dans sa réponse indique que s’il y a un arrêt à un vol facturé comme étant un vol sans escale, à moins d’une urgence, le ministère des Transports considère cette pratique comme étant trompeuse. Les demandeurs font valoir que la réponse d’Air Transat est manifestement fausse en ce qui a trait à l’enjeu principal, à savoir la nature du produit annoncé et vendu.

ANALYSE ET DÉTERMINATIONS

Définition d’un « service direct »

[46] Dans la règle 1 du tarif d’Air Transat, le terme « service direct » est défini comme suit :

[traduction]

« Service direct » s’entend d’un itinéraire avec ou sans escale et comportant seulement un numéro de vol depuis le point de départ jusqu’au point de destination; il ne comporte ni arrêt intermédiaire ni changement d’aéronef.

[47] Comme il a été mentionné ci-dessus, dans la décision no 88-C-A-2015, l’Office a accepté que les termes « direct » et « sans escale » ne sont pas interchangeables, car le premier terme signifie que les passagers ne quittent pas l’aéronef avant son arrêt final alors que le deuxième terme signifie que l’arrêt suivant est la destination finale des passagers.

[48] L’Office conclut que la définition de « service direct » dans la règle 1 du tarif d’Air Transat n’informe pas clairement les passagers qu’on pourrait ajouter un ou plusieurs arrêts à un itinéraire convenu au préalable. Comme le font valoir les demandeurs, de la façon dont il est écrit, le tarif d’Air Transat lui permettrait d’ajouter unilatéralement de nombreux arrêts, entraînant un retard sur l’itinéraire des passagers, sans qu’ils n’aient de recours. De plus, selon cette définition, une personne raisonnable aurait certainement des doutes quant à la nature du produit qu’elle achète.

Changements d’horaire

[49] En ce qui a trait à l’éventuel changement des itinéraires, la règle 5.2(a) du tarif d’Air Transat prévoit ce qui suit :

[traduction]

  1. Le transporteur s’efforcera de transporter les passagers et leurs bagages avec diligence raisonnable. Les heures figurant dans les horaires et dans les contrats à l’égard des services réguliers, sur les billets, sur les lettres de transport aérien ou ailleurs ne sont pas garanties. Les horaires de vol peuvent être modifiés sans préavis. Le transporteur s’engage néanmoins à déployer des efforts raisonnables pour informer les passagers des retards et des modifications d’horaire et, dans la mesure du possible, de la raison du retard ou de la modification d’horaire.

[50] L’Office note que la règle 5.2(a) prévoit que les horaires de vol peuvent être modifiés sans préavis, mais cette disposition ne précise pas ce que de tels changements pourraient supposer. Par exemple, la disposition ne prévoit pas qu’Air Transat peut ajouter des arrêts à l’itinéraire d’un passager. L’Office conclut donc que dans sa formulation actuelle, la règle 5.2(a) crée un doute raisonnable, de l’ambiguïté ou de l’incertitude concernant les droits et les obligations du transporteur et des passagers, en cas de changement à l’itinéraire prévu d’un passager. L’Office conclut donc que la règle 5.2(a) est imprécise.

CONCLUSION

[51] En fonction de ce qui précède, l’Office conclut qu’Air Transat n’a pas correctement appliqué les conditions énoncées dans son tarif.

[52] L’Office conclut également que les règles 1 et 5.2(a) du tarif d’Air Transat sont imprécises.

ORDONNANCE

[53] En vertu de l’article 113.1 du RTA, l’Office ordonne à Air Transat de déposer les éléments suivants auprès de l’Office pour qu’il les approuve, et d’apporter à son tarif toutes les révisions connexes, s’il y a lieu, au plus tard le 18 décembre 2017.

  1. Une règle tarifaire 5.2(a) révisée qui précise les changements qu’Air Transat pourrait apporter à un itinéraire confirmé, y compris l’ajout d’un arrêt. Air Transat peut consulter la décision n° 31-C-A-2015 pour des renseignements à cet égard. La règle tarifaire 5.2(a) révisée doit également indiquer qu’un passager peut invoquer les dispositions de la Convention de Montréal en matière de responsabilité en cas de retard de passagers.
  2. Une règle tarifaire 1 reformulée, qui définit les termes « service direct » et « service sans escale » conformément aux conclusions rendues dans la présente décision.

[54] L’Office ordonne à Air Transat de verser aux demandeurs une indemnisation de 1 028,32. Cette indemnisation doit être versée dès que possible, et au plus tard le 18 décembre 2017.

Membre(s)

Stephen Campbell
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