Détermination n° AT-2021-151

le 12 octobre 2021

DEMANDES présentées par le Conseil des aéroports du Canada, l’Autorité aéroportuaire du Grand Toronto, l’Administration aéroportuaire de Regina, l’Administration aéroportuaire de Calgary, Aéroports de Montréal, l’Administration aéroportuaire de Victoria, l’Aéroport international Jean-Lesage de Québec, l’Administration de l’aéroport international de Thunder Bay Inc., l’Administration de l’aéroport international de St. John’s, l’Administration aéroportuaire de Prince George, le Conseil national des lignes aériennes du Canada, l’Association du transport aérien international, Airlines for America, Air Canada, Jazz Aviation LP, Sunwing Airlines Inc., Air Transat A.T. Inc., Motor Coach Canada et Marine Atlantique S.C.C, (demanderesses) pour des exemptions temporaires au titre du paragraphe 170(3) de la Loi sur les transports au Canada, LC 1996, c 10 (LTC), de l’application de certaines dispositions du Règlement sur les transports accessibles aux personnes handicapées, DORS/2019-244 (RTAPH).

Numéro de cas : 
20-09256

RÉSUMÉ

[1] L’Office des transports du Canada (Office) a reçu des demandes de la part des demanderesses pour des exemptions temporaires de l’application de certaines dispositions du RTAPH, présentées au titre du paragraphe 170(3) de la LTC, invoquant les répercussions de la pandémie de COVID-19 qui continuent de se faire sentir.

[2] Selon le paragraphe 170(3) de la LTC, l’Office peut, par arrêté pris avec l’agrément du gouverneur en conseil, soustraire à l’application de certaines dispositions du RTAPH les personnes, les moyens de transport, les installations ou locaux connexes ou les services qui y sont désignés. L’Office a déjà accordé de telles exemptions lorsque le fournisseur de services de transport qui les demandaient avait démontré à la satisfaction de l’Office être incapable de se conformer à certaines dispositions du RTAPH sans subir une contrainte excessive.

[3] Dans la détermination présente, l’Office se penchera sur la question de savoir si les demanderesses ont démontré qu’elles subiraient une contrainte excessive si elles devaient se conformer à l’une ou l’autre des dispositions visées par les exemptions demandées.

[4] Après avoir examiné tous les renseignements tirés des présentations et des réunions du groupe de travail avec l’industrie, dont les demanderesses, et des organismes de défense des droits des personnes handicapées, l’Office a déterminé, pour les motifs énoncés ci‑après, que les demanderesses n’ont pas démontré qu’elles subiraient une contrainte excessive si elles se conformaient à l’une ou l’autre des dispositions visées par les exemptions demandées. À ces causes, les demandes d’exemption sont rejetées.

CONTEXTE

[5] Le RTAPH prescrit à de nombreux fournisseurs de services de transport des exigences claires, cohérentes et contraignantes en matière d’accessibilité, pour les voyageurs, dans les modes de transport de compétence fédérale. La plupart des dispositions qu’il renferme — plus de 200 — sont entrées en vigueur le 25 juin 2020. Toutefois, l’entrée en vigueur de certaines dispositions s’échelonnera sur les deux prochaines années, afin de donner plus de temps aux fournisseurs de services de transport pour s’y conformer.

[6] Des exemptions temporaires de l’application de certaines dispositions du RTAPH ont été accordées en juin 2020 parce que des fournisseurs de services de transport étaient incapables de satisfaire à toutes les exigences qui entraient en vigueur le 25 juin 2020, en raison des perturbations causées par la pandémie de COVID-19. À la suite d’une consultation auprès de fournisseurs de services de transport et d’organismes de défense des droits des personnes handicapées, l’Arrêté d’exemption visant l’application du Règlement sur les transports accessibles aux personnes handicapées, DORS/2020-125, a été pris en vertu du paragraphe 170(3) de la LTC afin de repousser au 31 décembre 2020 la date d’entrée en vigueur de 22 dispositions du RTAPH préalablement fixée au 25 juin 2020.

[7] Entre août et décembre 2020, l’Office a reçu des demanderesses des demandes pour d’autres exemptions temporaires de l’application des dispositions ci-après du RTAPH, car elles étaient d’avis que leur situation opérationnelle et financière découlant des conséquences continues de la pandémie ne s’était pas améliorée :

  • article 4 – Renseignements généraux — format de communication de substitution;
  • article 8 – Fournir d’autres moyens pour accéder à l’information, et publication sur la façon d’accéder à des services de relais;
  • article 9 – Site Web — exigences;
  • article 10 – Annonces publiques;
  • article 11 – Guichets libre-service automatisés;
  • articles 15 à 23 – Exigences de formation;
  • article 32 – Préavis de 48 heures;
  • alinéa 35c)(ii) – Permettre à une personne qui ne voyage pas avec la personne handicapée de se rendre au point de contrôle afin de lui offrir de l’aide;
  • articles 39, 81, 164 et 205 – Appareils électroniques personnels, et divertissement à bord des aéronefs, des traversiers et des autobus préexistants;
  • article 43 – Rangement à bord — marchettes ou fauteuils roulants manuels pliants;
  • article 57 – Annonces à bord;
  • article 58 – Confirmation écrite des services;
  • article 59 – Conservation de la copie électronique;
  • article 75 – Indicateurs tactiles de rangées (exigence technique);
  • article 78 – Salle de toilette accessible en fauteuil roulant (exigence technique);
  • article 216 – Aide aux personnes handicapées — aire d’arrêt minute;
  • article 223 – Plateforme élévatrice, rampe ou escalier — exigences;
  • article 225 – Fauteuils roulants — exigences;
  • paragraphes 227(1), (2) et (3) – Dispositions relatives aux lieux d’aisance désignés du côté non sécurisé d’une gare;
  • paragraphe 227(4) – Lieux d’aisance désignés à l’intérieur de la zone sécurisée d’une gare.

LA LOI

[8] La partie V de la LTC confère à l’Office des pouvoirs pour protéger et mettre de l’avant le droit fondamental des personnes handicapées à un réseau de transport fédéral accessible, y compris le pouvoir de prendre un règlement afin de reconnaître et d’éliminer les obstacles, ou encore de prévenir de nouveaux obstacles dans le réseau de transport assujetti à la compétence législative du Parlement.

[9] Le paragraphe 170(1) de la LTC prévoit ce qui suit :

L’Office peut, après consultation du ministre, prendre des règlements afin de reconnaître ou d’éliminer les obstacles ou de prévenir de nouveaux obstacles — notamment des obstacles dans les domaines de l’environnement bâti, des technologies de l’information et des communications ainsi que de la conception et de la prestation de programmes et de services — dans le réseau de transport assujetti à la compétence législative du Parlement, aux possibilités de déplacement des personnes handicapées et peut notamment, à cette occasion, régir :

a) la conception et la construction des moyens de transport ainsi que des installations et locaux connexes — y compris les commodités et l’équipement qui s’y trouvent —, leur modification ou la signalisation dans ceux-ci ou leurs environs;

b) la formation du personnel des transporteurs ou de celui employé dans ces installations et locaux;

c) toute mesure concernant les tarifs, taux, prix, frais et autres conditions de transport applicables au transport et aux services connexes offerts aux personnes ayant une déficience;

d) la communication d’information à ces personnes.

[10] Le RTAPH, pris en vertu du paragraphe 170(1) de la LTC, prescrit des obligations contraignantes en matière d’accessibilité visant de nombreux fournisseurs de services de transport de compétence fédérale. La plupart de ses dispositions — plus de 200 — sont entrées en vigueur le 25 juin 2020; toutefois, certaines entreront graduellement en vigueur au cours des deux prochaines années, soit jusqu’au 25 juin 2022.

[11] Le paragraphe 170(3) de la LTC prévoit ce qui suit :

L’Office peut, par arrêté pris avec l’agrément du gouverneur en conseil, soustraire à l’application de certaines dispositions des règlements les personnes, les moyens de transport, les installations ou locaux connexes ou les services qui y sont désignés.   

[12] Lorsqu’il étudie la possibilité d’accorder des exemptions en vertu du paragraphe 170(3) de la LTC, l’Office doit considérer le fait que la partie V de la LTC est, de par sa nature, une loi régissant les droits de la personne, et que les fournisseurs de services de transport de compétence fédérale ont l’obligation de veiller concrètement à ce que les personnes handicapées aient un accès égal à leurs services. Les fournisseurs de services de transport pourraient être dispensés de leurs obligations seulement si toutes les solutions pour y satisfaire leur causeraient une contrainte excessive. Par ailleurs, comme il a été établi par la Cour suprême du Canada dans son jugement CCD c VIA, au paragraphe 122 :

L’expression « contraintes excessives » laisse entendre qu’il se peut que l’accommodement relatif à la déficience d’une personne impose nécessairement certaines contraintes, mais qu’à moins qu’il n’en résulte un fardeau excessif ou déraisonnable, ces contraintes s’effacent devant la nécessité d’accommoder.

[13] Les mesures requises pour éliminer les obstacles représentent habituellement un certain fardeau pour les fournisseurs de services de transport; toutefois, il y a contrainte excessive uniquement lorsque des limites économiques, opérationnelles ou liées à la sécurité rendent l’élimination de l’obstacle impossible, peu pratique ou déraisonnable. En outre, le seul fait de prétendre à la contrainte ne suffit pas pour prouver l’existence d’une contrainte excessive; selon la décision rendue par la Cour suprême du Canada dans CCD c VIA, une preuve concrète est nécessaire pour établir l’existence d’une contrainte excessive (paragraphe 226).

[14] Les fardeaux financiers sont des facteurs pertinents et parfois essentiels à prendre en compte dans ce critère. Toutefois, devant l’importance des droits de la personne, les coûts à eux seuls ne suffisent pas pour conclure à la contrainte excessive, à moins qu’il soit prouvé que ces coûts sont prohibitifs. Un fournisseur de services de transport doit fournir la preuve qu’un coût a un impact très important et, en plus, que le coût et l’importance de son impact lui seraient préjudiciables au point qu’il serait déraisonnable, peu pratique ou impossible pour lui de fournir l’accommodement demandé.

[15] L’Office doit prendre les éléments en contexte pour évaluer la contrainte excessive et étudier chaque situation selon les circonstances qui leur sont propres. Toutefois, le seuil pour établir la contrainte excessive est élevé.

[16] Les demanderesses ont été informées le 16 novembre 2020 du cadre légal applicable à leurs demandes d’exemption. 

CONSUTLATIONS

[17] Dans le cadre de ses consultations publiques lancées le 18 janvier 2021 sur les demandes d’exemption, l’Office a publié ces demandes sur son site et a donné l’occasion aux intervenants, y compris aux personnes handicapées, de fournir des commentaires, lesquels ont également été publiés en ligne.

[18] L’Office a également créé un groupe de travail qui s’est réuni à trois reprises. Ces réunions, animées par des employés de l’Office, ont eu lieu les 9, 16 et 23 mars 2021. Vingt intervenants de l’industrie et neuf d’organismes de défense des droits des personnes handicapées (dont la liste figure à l’annexe A) ont participé à ces réunions.

[19] Ces réunions ont permis aux participants de mieux comprendre les exigences réglementaires, et de discuter de stratégies potentielles pour instaurer et respecter ces exigences, compte tenu des difficultés posées par la pandémie de COVID‑19.

[20] Après les réunions du groupe de travail, les transcriptions de chacune des réunions ont été versées aux archives de l’Office aux fins d’examen, puis elles ont été communiquées aux demanderesses ainsi qu’aux membres du groupe de travail. Les demanderesses ont ensuite eu jusqu’au 14 avril 2021 pour présenter des commentaires à propos des conséquences des discussions du groupe de travail, le cas échéant, sur leurs demandes d’exemption. Motor Coach Canada a été la seule demanderesse à déposer une présentation à ce sujet.

[21] Le 12 avril 2021, le gouvernement du Canada a annoncé qu’il avait conclu des ententes de financement par emprunt et par actions avec Air Canada, pour permettre à cette dernière, entre autres, d’avoir des liquidités par l’intermédiaire du programme de Crédit d’urgence pour les grands employeurs. Le gouvernement du Canada a également indiqué que des négociations avec d’autres transporteurs étaient en cours. L’Office a par la suite reçu une lettre rédigée conjointement par sept organismes de défense des droits des personnes handicapées concernant l’entente financière avec Air Canada, faisant valoir qu’il était impératif que les sommes soient réservées à la mise en œuvre rapide du RTAPH. Tous les renseignements ci-dessus ont été ajoutés aux archives, et les organismes de défense des droits des personnes handicapées de même que les demanderesses ont eu l’occasion de présenter leurs commentaires.

[22] L’Office a reçu des présentations d’Air Canada et d’Airlines for America concernant l’annonce du plan d’aide financière.

[23] Le gouvernement du Canada a par la suite conclu une entente avec Air Transat selon des paramètres d’aide financière semblables, et a indiqué qu’il pourrait également faire de même avec d’autres transporteurs.

LES DEMANDERESSES ON-T-ELLES DÉMONTRÉ QU'ELLES SUBIRAIENT UNE CONTRAINTE EXCESSIVE SI ELLES DEVAIENT SE CONFORMER À L'UNE OU L'AUTRE DES DISPOSITIONS VISÉES PAR LES EXEMPTIONS DEMANDÉES?

Positions des parties

Les demanderesses

[24] Dans leurs présentations, les demanderesses font valoir que la pandémie de COVID‑19 leur a causé de graves perturbations financières et opérationnelles, et a entraîné des baisses sans précédent des volumes de passagers, l’annulation d’itinéraires de service habituels pour certains fournisseurs de services de transport, ainsi que des mises à pied massives.

[25] Le Conseil des aéroports du Canada (CAC), l’Autorité aéroportuaire du Grand Toronto (GTAA), l’Administration aéroportuaire de Regina, l’Administration aéroportuaire de Calgary, Aéroports de Montréal, l’Administration aéroportuaire de Victoria, l’Aéroport international Jean-Lesage de Québec, l’Administration de l’aéroport international de Thunder Bay Inc., l’Administration de l’aéroport international de St. John’s, l’Administration aéroportuaire de Prince George, le Conseil national des lignes aériennes du Canada (CNLAC), l’Association du transport aérien international (IATA), Airlines for America, Air Canada, Jazz Aviation LP (Jazz), Sunwing Airlines Inc. (Sunwing) et Air Transat A.T. inc. (Air Transat), Motor Coach Canada et Marine Atlantique indiquent que leur principale préoccupation était la perte de revenu considérable attribuable à la pandémie. Elles font également mention de leur besoin d’investir des ressources dans des mesures de biosécurité recommandées et réglementées, à l’échelle nationale et internationale, pour freiner la propagation du coronavirus et maintenir leurs activités. Avec la perte de revenu et d’employés à des postes clés, elles affirment que la mise en œuvre de certaines dispositions prévues dans le RTAPH s’avère difficile pour elles dans les circonstances actuelles. 

[26] Le CAC, l’Administration aéroportuaire de Victoria, l’Aéroport international Jean-Lesage de Québec, l’Administration de l’aéroport international de St. John’s, l’Administration aéroportuaire de Prince George, l’IATA, le CNLAC, Sunwing, Air Transat, Air Canada, Jazz et Motor Coach Canada indiquent également avoir besoin de plus de temps pour installer l’infrastructure de TI (technologie de l’information) nécessaire pour répondre aux exigences de certaines dispositions, notamment celles visant le site Web, la confirmation par écrit des services et la conservation des copies électroniques de documents. En ce qui concerne les voyages internationaux et les transporteurs étrangers, certaines parmi les demanderesses indiquent que, pour satisfaire à certaines exigences, des changements importants et coûteux doivent absolument être apportés à un grand nombre de systèmes et de plateformes pour les passagers et les non-passagers, y compris des systèmes d’autres transporteurs aériens afin de faciliter les partenariats pour le partage de codes. Elles affirment également poursuivre le travail pour répondre à ces exigences.

[27] Le CAC et la GTAA s’inquiètent des investissements considérables nécessaires pour satisfaire aux exigences visant les guichets libre-service automatisés.

[28] Plus particulièrement, la GTAA indique qu’elle avait commencé à remplacer les guichets libre-service pour l’enregistrement, pour le stationnement et ceux des organismes gouvernementaux (p. ex., l’Agence des services frontaliers du Canada), par des technologies plus récentes, mais que ces démarches ont été temporairement suspendues en raison du programme de dépenses en capital fortement ponctionné et du report de nombreux programmes en raison de la pandémie. La GTAA indique par ailleurs que la pandémie a poussé l’industrie à considérer d’autres technologies sans contact. Selon elle, il est déraisonnable, surtout lorsque les ressources financières se font rares, d’investir des millions dans des guichets pour respecter la date de mise en œuvre fixée au 25 juin 2022 dans le RTAPH, et d’autres millions dans de nouvelles technologies, sachant que des innovations rapides sont déjà en cours pour améliorer la santé et la sécurité. Lors des réunions du groupe de travail, la GTAA a laissé entendre qu’elle terminerait au plus tard en juin 2025 les guichets qui restent et son analyse de différents dispositifs intelligents ou technologies biométriques.

[29] Motor Coach Canada indique pour sa part que la pandémie a pratiquement eu raison de l’industrie du transport par autobus au Canada. Comme la demande a chuté de façon drastique, plus de 90 % des autocars sont stationnés depuis un an. Un récent sondage mené auprès des membres de Motor Coach Canada a révélé que 92 % des exploitants d’autocars avaient connu des baisses de revenus de 75 % à 100 % au cours des six derniers mois, période pendant laquelle cinq entreprises ont mis définitivement la clé dans la porte, et plus de 83 % estiment faire faillite dans les six prochains mois.

[30] En réponse aux transcriptions des réunions du groupe de travail, Motor Coach Canada indique que les exploitants n’ont pas d’argent pour se conformer aux dispositions du RTAPH, notamment celles visant les sites Web (article 9) et les appareils électroniques personnels dans les autobus préexistants (article 39 et 205). Selon Motor Coach Canada, même si les appareils électroniques personnels exigent des investissements beaucoup moindres que la mise à niveau de sites Web, leurs membres ont indiqué que leur situation financière est tellement précaire que même l’achat d’appareils électroniques personnels devient très difficile. Elle ajoute que si un exploitant fait face à des sanctions financières pour ne pas avoir respecté les exigences du RTAPH, il pourrait n’avoir d’autre choix que de cesser leurs activités pour de bon au terme d’une longue pandémie.

[31] En ce qui concerne l’incidence d’un plan de relance financière, Air Canada affirme que l’aide financière a été conclue pour répondre à des besoins particuliers d’Air Canada, et à des objectifs stratégiques clairs du gouvernement du Canada, dont les suivants :

  • offrir des remboursements aux clients admissibles qui ont acheté des billets non remboursables, mais qui n’ont pas effectué leur voyage en raison de la pandémie;
  • reprendre dans certaines collectivités régionales le service qui avait été suspendu en raison de l’incidence de la pandémie sur l’industrie du voyage;
  • préserver les niveaux d’emplois courants;
  • mener à bien l’acquisition de certains aéronefs.

[32] Air Canada indique que jamais au cours des négociations de l’entente elle n’a abordé la question de la mise en œuvre et le respect du RTAPH dans sa totalité ni la question des demandes d’exemption en cours. En conséquence, Air Canada affirme que les justifications pour ses demandes d’exemptions (p. ex., pénurie de ressources et de personnel) n’ont pas changé, et que lorsque l’Office examinera ses demandes d’exemption, il ne devrait pas tenir compte du financement qu’elle a reçu, car cet élément n’est pas pertinent.

[33] Selon Airlines for America, l’Office doit reconnaître qu’une telle aide financière n’est pas offerte aux transporteurs étrangers et n’a pas d’incidence sur le besoin d’exemptions de ces derniers, donc que cette aide ne devrait pas être prise en compte. Airlines for America fait valoir que même si des transporteurs aériens recevaient une aide de gouvernements étrangers, il faudrait aussi que l’Office ignore cet élément, car l’aide est souvent limitée ou assortie de conditions. Elle cite en exemple le gouvernement américain qui a exigé que l’aide financière soit utilisée pour payer les salaires.

Organismes de défense des droits des personnes handicapées

[34] En général, les organismes de défense des droits des personnes handicapées ne sont pas d’accord avec ces exemptions. Ils font valoir que les présentations soumises par les demanderesses ne renferment pas de preuves claires, objectives et quantifiables expliquant pourquoi elles sont incapables de se conformer au RTAPH, comme l’exigent les lois en matière de droits de la personne. Les organismes affirment que l’accès au réseau de transport fédéral est un droit pour les personnes handicapées, et ils insistent sur l’importance que les fournisseurs de services de transport répondent aux exigences énoncées dans le RTAPH.

[35] Les organismes de défense des droits des personnes handicapées s’inquiètent de ce qu’ils estiment être des réductions disproportionnées de la qualité ou de la disponibilité des services pour les personnes handicapées, sans compter les temps d’attente et les difficultés supplémentaires lorsqu’on demande de l’aide, en raison des mesures de distanciation physique liée à la pandémie et à la réduction des effectifs. Ils font valoir que la pandémie de COVID-19 a déjà compliqué davantage les déplacements des personnes handicapées, et qu’à défaut d’une garantie que les services et les accommodements prévus dans le RTAPH seront fournis, ces personnes seront confrontées à de nouveaux obstacles dans leurs déplacements.

[36] En outre, Canada sans barrières, l’Institut national canadien pour les aveugles (INCA), Kéroul, le Conseil canadien des aveugles, l’Alliance pour l’égalité des personnes aveugles du Canada, la Coalition nationale des personnes qui utilisent des chiens-guides et des chiens d’assistance au Canada, la Confédération des organismes de personnes handicapées du Québec, le Conseil des Canadiens avec déficiences, et l’Association des Sourds du Canada affirment tous dans leurs présentations que lorsque la pandémie a commencé, les fournisseurs de services de transport auraient déjà dû être en train d’intégrer des mesures de conformité au RTAPH, et qu’il serait raisonnable de s’attendre à ce qu’ils aient à tout le moins mis partiellement en œuvre les changements nécessaires.

[37] En ce qui concerne les demandes d’exemption temporaire de certaines obligations liées aux guichets libre-service automatisés déposées par le CAC, la GTAA, Aéroports de Montréal et l’Aéroport international Jean-Lesage de Québec, des représentants de l’INCA, de Canada sans barrières et du Conseil canadien des aveugles se sont dits préoccupés par l’utilisation de guichets munis de technologies sans contact ou biométriques, surtout ceux qui fonctionneraient par balayage de la rétine, qui peuvent s’avérer inaccessibles pour certaines personnes aveugles. Ces organismes sont prêts à explorer de nouvelles technologies, mais bon nombre soulignent l’importance et l’avantage pour les fournisseurs de services de transport de consulter des personnes handicapées avant de faire l’acquisition de nouvelles technologies.

[38] Certains organismes de défense des droits des personnes handicapées estiment que les sommes fournies par le gouvernement du Canada doivent être réservées pour mettre rapidement en œuvre les responsabilités imposées dans le RTAPH, et que la prestation d’une aide financière à certains transporteurs devrait être prise en compte dans la décision qui sera rendue concernant les demandes d’exemption.

[39] Finalement, les organismes de défense des droits des personnes handicapées affirment que si des exemptions sont envisagées, il faut fixer des dates fermes pour que les fournisseurs de services de transport se conforment à la réglementation.

ANALYSE ET DÉTERMINATION

[40] Les renseignements au dossier indiquent que la pandémie a causé de graves difficultés à la communauté des personnes handicapées, et a eu des impacts majeurs sur le plan financier et opérationnel pour les fournisseurs de services de transport.

[41] L’Office reconnaît les conséquences néfastes que la pandémie de COVID-19 a eues sur les fournisseurs de services de transport, mais le fait de réduire leur obligation en matière de droits de la personne n’est pas une solution convenable. Comme il a été indiqué précédemment, les transports accessibles constituent un droit fondamental, et les fournisseurs de services de transport ont l’obligation de veiller concrètement à ce que les personnes handicapées aient un accès égal à leurs services. Les fournisseurs de services de transport pourraient être dispensés de leurs obligations seulement si toutes les solutions pour y satisfaire leur causeraient une contrainte excessive.

[42] Le seuil pour prouver la contrainte excessive est à juste titre élevé, car il est reconnu qu’il s’agit de droits fondamentaux que les fournisseurs de services de transport sont légalement tenus de satisfaire.

[43] L’Office a appliqué le critère de la contrainte excessive dans son évaluation des demandes d’exemption temporaire de l’application de certaines dispositions du RTAPH. Même si l’Office a reconnu les difficultés que les fournisseurs de services de transport rencontrent en ce moment en conséquence de la pandémie de COVID-19, il conclut qu’en général, aucune des demanderesses n’a fourni assez de preuves pour démontrer que l’une ou l’autre des exigences sont impossibles à satisfaire pour des raisons liées au fonctionnement ou à la sécurité. De plus, l’industrie fait face à des difficultés financières causées par la pandémie, mais aucune des demanderesses n’a produit de preuve concrète pour démontrer que les répercussions financières ont été assez graves pour leur causer une contrainte excessive. Ainsi, les demanderesses n’ont pas satisfait au fardeau de la preuve, c.-à-d. qu’elles n’ont pas démontré qu’il est déraisonnable, peu pratique ou impossible de rendre leurs services accessibles.

[44] L’Office considérera maintenant chacune des demandes d’exemption de l’application de dispositions précises du RTAPH.

Article 4 – Renseignements généraux – format de communication de substitution

[45] Le CNLAC a demandé une exemption au nom de ses membres concernant cette disposition; toutefois, cette demande est basée sur la supposition erronée que cette disposition impose des obligations plus coûteuses que ce qui est requis en réalité. En particulier, il semble y avoir de la confusion en ce qui concerne le moment de fournir les renseignements dans certains formats, par exemple en braille. Durant les réunions du groupe de travail, les fournisseurs de services de transport ont obtenu des clarifications sur ce qu’ils doivent faire pour remplir leurs obligations prévues dans cette disposition, notamment de fournir des formats de substitution « sans délai », et sur le fait qu’elles s’appliquent uniquement aux renseignements qu’ils mettent à la disposition du public à propos de leurs services ou installations de transport. Après ces clarifications, aucune information ni preuve n’a été présentée pour démontrer que le fait de remplir l’obligation leur causerait une contrainte excessive. C’est pourquoi l’Office conclut qu’une exemption de l’application de l’article 4 n’est pas nécessaire ni justifiée, parce que l’obligation peut être remplie sans contrainte excessive.

Article 8 – Fournir d’autres moyens pour accéder à l’information, et publication sur la façon d’accéder à des services de relais

[46] L’article 8 exige que si un fournisseur de services de transport met à la disposition du public un site Web permettant d’accéder au compte client, de consulter l’itinéraire de voyage, l’horaire de voyage ou l’état du voyage, d’obtenir les coordonnées du fournisseur de services de transport, d’effectuer une réservation ou de la modifier ou de s’enregistrer, alors il doit d’une part offrir à toute personne handicapée la possibilité d’effectuer ces actions au moyen de systèmes de communication qui n’exigent pas l’utilisation d’un site Web, tels que le téléphone, les courriels ou les services de relais téléphonique ou vidéo d’une tierce partie. L’article 8 exige également que chaque fois qu’un fournisseur de services de transport publie l’adresse du site Web à consulter pour effectuer ces actions, il doit publier la manière d’accéder aux services, comme son numéro de téléphone, son adresse courriel, et le numéro de téléphone à composer pour les services de relais téléphonique ou vidéo.

[47] L’Administration aéroportuaire de Victoria est la seule à avoir demandé l’exemption temporaire de l’application de cette exigence du RTAPH. Durant les réunions du groupe de travail, des clarifications ont été fournies concernant la manière d’accéder à des services de relais téléphonique ou vidéo. Il a également été noté que ces services sont offerts sans frais au Canada, que des renseignements supplémentaires se trouvent sur le site Web du service de relais vidéo canadien, et que cette disposition n’exige pas de se doter d’un téléscripteur ou d’un appareil ATS.

[48] L’Administration aéroportuaire de Victoria n’a pas participé aux réunions du groupe de travail, mais après les clarifications mentionnées précédemment, le CAC, au nom de l’Administration aéroportuaire de Victoria, n’a pas soulevé d’autres préoccupations, et aucune autre information ni preuve n’a été présentée pour démontrer que le fait de remplir l’obligation lui causerait une contrainte excessive. En conséquence, l’Office conclut qu’une exemption de l’application de l’article 8 n’est pas nécessaire ni justifiée.

Article 9 – Site Web – exigences

[49] La page Web d’un fournisseur de services de transport est souvent le premier endroit où se rend une personne qui pourra ainsi, en toute autonomie, réserver un voyage et obtenir les renseignements nécessaires pour faciliter ses déplacements. Il est d’autant plus essentiel que les personnes handicapées aient accès à ces renseignements, car nombre d’entre elles consultent le site Web des fournisseurs de services de transport pour faire des recherches sur des aspects d’accessibilité pour leur voyage et se renseigner sur des

caractéristiques d’accessibilité, comme les embarcadères et débarcadères désignés, l’emplacement des salles de toilettes accessibles ou encore les lieux d’aisance pour les chiens d’assistance, ainsi que les détails des politiques d’accessibilité des transporteurs, par exemple sur les allergies ou les personnes de soutien.

[50] L’accessibilité des sites Web figure au nombre des exigences du RTAPH que les demanderesses sont censées satisfaire au titre de l’article 1.2 du Code de pratiques sur l’élimination des entraves à la communication avec les voyageurs ayant une déficience (Code de pratiques sur les communications) publié en 2004. Les normes d’accessibilité des sites Web ont continué d’évoluer au fil des changements technologiques, et les demanderesses devront peut-être investir davantage de ressources pour satisfaire aux exigences relatives au site Web énoncées dans le RTAPH. Toutefois, l’Office est d’avis que les demanderesses devraient pouvoir instaurer les mesures nécessaires pour se conformer à cette exigence pour les raisons suivantes : des normes d’accessibilité Web sont en place depuis longtemps, de longs délais ont déjà été consentis aux fournisseurs de services de transport dans des arrêtés d’exemptions antérieures, et il est important que les personnes handicapées aient accès en toute autonomie au site Web d’un fournisseur de services de transport.

[51] Comme il a été noté dans les discussions générales concernant les contraintes financières, bien que certaines demanderesses s’inquiètent des ressources et des coûts nécessaires pour mettre en œuvre les exigences du RTAPH liées au site Web, les coûts à eux seuls ne suffisent pas pour conclure à la contrainte excessive. Motor Coach Canada indique que ses membres feront faillite s’ils instaurent ces dispositions; toutefois, elle n’a présenté aucune preuve concrète pour démontrer un lien entre les coûts de la mise en œuvre de cette exigence et les conséquences potentielles sur ses membres.

[52] L’Office conclut que les demanderesses n’ont pas fourni assez de renseignements ou de preuves pour démontrer que le respect de cette obligation leur causerait une contrainte excessive. En conséquence, l’Office conclut qu’une exemption de l’application de l’article 9 n’est pas nécessaire ni justifiée.

Article 10 – Annonces publiques

[53] Pour certaines exigences, comme de faire des annonces publiques à l’intérieur des gares en formats audio et visuel, le moyen idéal pour les demanderesses de respecter cette exigence concernant une annonce visuelle consiste à utiliser un système automatisé. Toutefois, il importe de noter que le règlement ne dicte pas la forme que doit prendre l’annonce visuelle. Ainsi, des moyens moins dispendieux, comme des enseignes, pourraient être utilisés pour répondre à l’exigence, au lieu d’avoir recours aux moyens plus chers et techniquement plus complexes que certaines demanderesses envisageaient au départ, même s’ils ne sont que temporaires, en attendant de trouver une solution entièrement automatisée.

[54] En conséquence, les demanderesses n’ont pas démontré qu’elles ne peuvent satisfaire à l’exigence de se doter d’un système d’annonces audio et vidéo sans subir une contrainte excessive. C’est pourquoi l’Office conclut qu’une exemption de l’application de l’article 10 n’est pas nécessaire ni justifiée.

Article 11 – Guichets libre-service automatisés

[55] Les exigences visant les guichets libre-service automatisés accessibles énoncées dans le RTAPH sont établies à partir des normes du Code de pratiques sur les communications que les demanderesses étaient censées satisfaire au préalable. Selon ce code de pratiques volontaires, les transporteurs et les exploitants de gare devaient s’assurer qu’au 31 décembre 2022, au moins 25 % des guichets libre-service automatisés répondent aux normes de ce code, soit les mêmes normes figurant dans le RTAPH. Même si le RTAPH exige que tous ces guichets soient accessibles, au lieu des 25 % suggérés dans le code volontaire, les exploitants de gare ont eu trois ans (jusqu’au 25 juin 2022) pour se conformer à cette exigence.

[56] En ce qui concerne l’affirmation du CAC et de la GTAA selon laquelle ils se penchent sur de nouvelles technologies, l’Office comprend que la pandémie a motivé l’industrie des transports à examiner d’autres technologies sans contact. Toutefois, les retards causés par cette recherche ne devraient pas se faire aux dépens du droit fondamental des personnes handicapées de se déplacer en toute autonomie dans le réseau de transport fédéral.

[57] En outre, si des fournisseurs de services de transport souhaitaient déployer une autre technologie, ils peuvent demander une exemption au titre du paragraphe 170(4) de la LTC, même si cela signifie qu’il y aura un léger retard de mise en œuvre. Selon cette disposition, l’Office peut, sur demande et après consultation du ministre, soustraire toute personne à l’application d’une disposition s’il est convaincu qu’elle a pris ou prendra des mesures au moins équivalentes à celles qui doivent être prises au titre des dispositions du RTAPH pour prévenir de nouveaux obstacles. À cette fin, l’Office encourage ces fournisseurs de services de transport à développer de nouvelles technologies, mais sans jamais oublier le critère d’accessibilité, et de considérer sérieusement les difficultés que les organismes de défense des droits des personnes handicapées ont mentionnées durant les réunions du groupe de travail concernant les technologies sans contact et par balayage de la rétine, pour veiller à ce que les principes d’aménagement pour l’accessibilité universelle continuent d’être observés.

[58] Pour ces raisons, l’Office conclut que les demanderesses n’ont pas démontré que le respect des exigences relatives aux guichets libre-service automatisés leur causerait une contrainte excessive.

Articles 15 à 23 – Exigences de formation

[59] En ce qui concerne les exigences de formation énoncées aux articles 15 à 23 du RTAPH, les employés des fournisseurs de services de transport doivent s’appuyer sur ces dispositions afin de comprendre et d’acquérir les connaissances et les compétences nécessaires pour s’acquitter des tâches de leur emploi, et ainsi de fournir un service approprié aux personnes handicapées, de manière sécuritaire et respectueuse de leur dignité.

[60] Nombre des exigences de formation énoncées dans le RTAPH ressemblent à celles qui figurent depuis longtemps dans le Règlement sur la formation du personnel en matière d’aide aux personnes ayant une déficience (RFP), en vigueur depuis 1994. Par exemple, les exigences présentées dans le RTAPH à l’article 17 sur l’aide physique; à l’article 18 sur la manipulation des aides à la mobilité; et à l’article 19 sur l’utilisation de l’équipement spécialisé ou aide, correspondent dans une large mesure aux exigences existantes des articles 5, 6 et 7 du RFP.

[61] Cependant, de nouvelles exigences nécessiteront peut-être que les demanderesses investissent des ressources pour mettre à jour leurs programmes de formation afin de tenir compte de ces exigences, par exemple : paragraphe 16(2), détails sur le contenu de la formation; paragraphe 20(2), supervision du personnel non formé; et paragraphe 23(2), consultation de personnes handicapées au sujet de l’élaboration des programmes de formation. L’Office est d’avis que les demanderesses devraient pouvoir mettre en œuvre les mesures nécessaires pour se conformer, puisque nombre de ces exigences datent de longtemps, et que des délais prolongés ont déjà été consentis aux fournisseurs de services de transport grâce au précédent arrêté d’exemption. 

[62] De plus, bien que les demanderesses ont fait valoir que la pandémie a rendu difficile la prestation de la formation, par exemple en raison des exigences de distanciation physique ou d’employés travaillant à l’extérieur du lieu de travail, la formation aux employés qui fournissent des services aux personnes handicapées doit être maintenue et peut se faire en grande partie grâce aux moyens technologiques en place, comme la vidéoconférence.

[63] Considérant l’information ci-dessus, l’Office conclut que les demanderesses n’ont pas démontré que le respect des exigences en matière de formation indiquées aux articles 15 à 23 leur causerait une contrainte excessive.

Article 32 – Préavis de 48 heures

[64] Motor Coach Canada a été la seule à présenter une demande d’exemption temporaire de l’application de cette exigence. Les transporteurs par autobus maintenant assujettis au RTAPH devaient auparavant satisfaire aux normes établies dans le Code de pratiques des autocaristes, qui renferme des dispositions sur des préavis de 24 et de 48 heures.

[65] Cette disposition fait partie des demandes d’exemption pour lesquelles les fournisseurs de services de transport ont obtenu, durant les réunions du groupe de travail, des clarifications sur ce qu’ils doivent faire pour remplir leurs obligations. Après les réunions du groupe de travail, Motor Coach Canada a reconnu que les personnes risquaient d’avoir de la difficulté à fournir le préavis de 96 heures que l’entreprise demandait dans sa demande d’exemption temporaire, et a indiqué qu’à son avis, les exploitants seront capables de respecter la période de 48 heures exigées. Pour cette raison, l’Office conclut qu’une exemption de l’application de l’article 32 n’est pas nécessaire ni justifiée.

Sous-alinéa 35c)(ii) – Permettre à une personne qui ne voyage pas avec la personne handicapée de se rendre au point de contrôle afin de lui offrir de l’aide

[66] Une demande d’exemption temporaire de l’application de cette disposition du RTAPH a été présentée par Air Transat, préoccupée par l’interprétation de cette exigence. Air Transat a demandé des clarifications à savoir s’il revenait au transporteur de choisir comment satisfaire à cette exigence, c.-à-d. qu’un transporteur sera réputé satisfaire à l’exigence s’il met à la disposition du passager un membre de son personnel pour l’aider au cours du processus de contrôle de sûreté. Après les clarifications fournies durant les réunions du groupe de travail concernant ce que les fournisseurs de services de transport devaient faire pour remplir leurs obligations conformément à cette disposition, Air Transat a convenu qu’elle pouvait satisfaire à cette exigence. Pour cette raison, l’Office conclut qu’une exemption de l’application du sous-alinéa 35c)(ii) n’est pas nécessaire ni justifiée.

Articles 39, 81, 164 et 205 – Appareils électroniques personnels, et divertissement à bord des aéronefs, des traversiers et des autobus préexistants

[67] Des demandes d’exemption temporaire de l’application de ces dispositions ont été reçues d’Air Transat, de Marine Atlantique et de Motor Coach Canada. Durant les réunions du groupe de travail, Air Transat et Marine Atlantique ont indiqué avoir des difficultés à offrir du contenu comparable avec sous-titrage codé ou description sonore en raison des règles sur la diffusion protégée par droit d’auteur. Elles ont fait état d’autres obstacles logistiques, comme le besoin de charger les tablettes entre chaque utilisation et de charger du contenu au préalable, comparativement à la connectivité Wi-Fi. Motor Coach Canada a soulevé des préoccupations concernant les coûts pour mettre cette disposition en œuvre.

[68] Air Transat et Marine Atlantique ont évoqué des difficultés à obtenir du contenu pour les appareils électroniques personnels, mais elles n’ont pas démontré que le respect de cette obligation leur causerait une contrainte excessive.

[69] En ce qui concerne l’affirmation de Motor Coach Canada selon laquelle ses membres feront faillite s’ils instaurent ces dispositions, Motor Coach Canada n’a pas soumis les preuves nécessaires pour étayer son affirmation.

[70] En conséquence, l’Office conclut que les demanderesses n’ont pas démontré que le respect des exigences prévues aux articles 39, 81, 164 et 205 leur causerait une contrainte excessive. 

Article 43 – Rangement à bord — marchettes ou fauteuils roulants manuels pliants

[71] Air Transat est le seul fournisseur de services de transport ayant présenté une demande d’exemption temporaire de l’application de cette disposition.  

[72] L’article 43 exige qu’un transporteur fasse des efforts raisonnables pour permettre à la personne qui utilise une marchette ou un fauteuil roulant manuel pliant de le ranger à bord de l’aéronef. Lorsque c’était impossible de le faire en raison de contraintes d’espace par exemple, les transporteurs pouvaient accepter l’aide à la mobilité pour le transport à titre de bagage enregistré prioritaire. Dans sa présentation, Air Transat a indiqué ne pas avoir assez d’espace de rangement dans la cabine de l’aéronef pour satisfaire à cette exigence, et qu’elle rangeait plutôt ces fauteuils roulants dans la soute à bagages.

[73] Après les clarifications fournies durant les réunions du groupe de travail concernant ce que les fournisseurs de services de transport doivent faire pour remplir leurs obligations au titre de cette disposition, Air Transat affirme les respecter puisqu’elle fait déjà des efforts raisonnables pour ranger l’équipement à bord de manière sécuritaire. Pour cette raison, l’Office conclut qu’une exemption de l’application de cette disposition n’est pas nécessaire ni justifiée.

Article 57 – Annonces à bord

[74] Air Transat est le seul fournisseur de services de transport ayant présenté une demande d’exemption temporaire de l’application de cette disposition.

[75] De même que pour les exigences d’annonces publiques à l’intérieur d’une gare, même si les demanderesses préfèrent utiliser un système automatisé pour satisfaire à ces exigences, il est possible d’utiliser des moyens plus simples pour y arriver, par exemple en se servant de notes ou d’enseignes écrites à la main, ou encore en communiquant directement avec le passager.

[76] Pour cette raison, l’Office conclut qu’une exemption n’est pas nécessaire ni justifiée, car l’exigence peut être satisfaite par un moyen qui ne causera pas de contrainte excessive aux demanderesses.

Articles 58 et 59 – Confirmation écrite des services et conservation de la copie électronique

[77] Des demandes d’exemption temporaire de l’application des articles 58 et 59 ont été présentées par le CNLAC, Air Canada, Jazz, Airlines for America et l’IATA. L’Office reconnaît les complexités de l’infrastructure de TI nécessaire pour satisfaire à ces exigences, mais les demanderesses n’ont présenté aucune donnée financière ni preuve des conséquences financières que cette exigence représente pour elles.

[78] Pour ces raisons, l’Office conclut que les demanderesses n’ont pas fourni assez d’informations ou de preuves pour démontrer que le seuil de la contrainte excessive a été atteint.

Articles 75 et 78 – Indicateurs tactiles de rangées et salle de toilette accessible en fauteuil roulant (exigences techniques)

[79] Air Transat a présenté une demande d’exemption temporaire de l’application de l’article 75, indicateurs tactiles de rangées, et de l’article 78, salle de toilette accessible en fauteuil roulant. Les exigences de ces deux articles font partie des dispositions pour lesquelles des exemptions ont été demandées du fait qu’on supposait à tort qu’elles s’appliquaient aux aéronefs préexistants.

[80] Le paragraphe 66(1) du RTAPH indique que les dispositions de la section 1 du RTAPH, qui incluent les articles 75 et 78, ne s’appliquent en général pas aux aéronefs préexistants et que selon la définition de ce terme au paragraphe 66(4), elles ne s’appliquent en général qu’aux aéronefs ayant été achetés ou loués à partir du 25 juin 2020. L’exception est prévue au paragraphe 66(3), où il est indiqué que les modifications aux commodités ou à l’équipement utilisés dans un aéronef préexistant satisfont aux exigences techniques prévues dans le RTAPH.

[81] Après cette clarification apportée lors des réunions du groupe de travail, les demanderesses ont convenu qu’elles pouvaient satisfaire à ces exigences. Pour cette raison, l’Office conclut que des exemptions de l’application de ces dispositions ne sont pas nécessaires ni justifiées.

Article 216 – Aide à l’aire d’arrêt minute

[82] L’article 216 du RTAPH exige que l’exploitant d’une gare, à la demande de la personne handicapée, fournisse l’aide relativement à ses bagages et à un fauteuil roulant, notamment de lui fournir un fauteuil roulant au besoin. Il y est également exigé que l’exploitant de gare, sur demande, aide la personne à se rendre à la zone d’enregistrement ou vers un représentant du transporteur, et entre l’aire ouverte au public et l’aire d’arrêt minute.

[83] Cette disposition sert à répondre à des préoccupations de longue date de la communauté des personnes handicapées selon lesquelles elles ne reçoivent pas une aide adéquate pour se déplacer dans un aéroport ou une gare, particulièrement entre le débarcadère et l’enregistrement.

[84] Les demanderesses ont soulevé des préoccupations concernant les ressources nécessaires pour instaurer cette disposition, par exemple la disponibilité du personnel et l’installation de l’infrastructure, comme des interphones, des téléphones et des enseignes. Durant les réunions du groupe de travail, il a été question de moyens moins dispendieux pour répondre à cette exigence, même s’ils ne sont que provisoires, comme un numéro de téléphone auquel les passagers peuvent appeler pour obtenir de l’aide, à condition que ce numéro soit maintenu en tout temps.

[85] Les demanderesses ont également soulevé des préoccupations concernant les problèmes relatifs à la COVID-19 et à la sécurité; toutefois, ces préoccupations peuvent être atténuées et le seront grâce au port du masque et à la désinfection des mains, mais aussi à mesure que la population sera vaccinée.

[86] À la lumière de ce qui précède, l’Office conclut que les demanderesses n’ont pas démontré que le respect de cette obligation leur causerait une contrainte excessive, donc qu’une exemption n’est pas justifiée.

Article 223 – Plateforme élévatrice, rampe ou escalier — exigences

[87] Aéroports de Montréal et l’Aéroport international Jean-Lesage de Québec s’inquiétaient des ressources nécessaires pour instaurer cette disposition devant les conséquences de la pandémie sur l’affluence de passagers et les difficultés financières qui en ont découlé. Toutefois, il convient de rappeler que les coûts en soi ne suffisent pas pour conclure à la contrainte excessive et, dans tous les cas, les demanderesses n’ont pas présenté d’estimations de coûts ni autres preuves pour étayer ce qu’elles affirment. En outre, l’Office note que les demanderesses ont jusqu’au 25 juin 2022 pour satisfaire à cette exigence.

[88] Les demanderesses n’ont pas démontré que le respect de cette obligation leur causerait une contrainte excessive, donc l’Office conclut qu’une exemption n’est pas justifiée.

Article 225 – Exigences concernant les fauteuils roulants

[89] Le CAC, la GTAA, Aéroports de Montréal, l’Aéroport international Jean-Lesage de Québec et l’Administration aéroportuaire de Prince George ont soulevé des préoccupations concernant les ressources humaines et financières nécessaires pour instaurer cette exigence. Toutefois, les demanderesses n’ont pas étayé ces affirmations avec des preuves objectives. L’Office conclut donc que les demanderesses n’ont pas démontré que le respect de cette exigence leur imposerait une contrainte excessive. Par conséquent, l’Office conclut qu’une exemption n’est pas justifiée.

Article 227 – Dispositions relatives aux lieux d’aisance désignés

[90] Les demandes d’exemption temporaire de l’application de cette disposition ont été présentées par le CAC, l’Aéroport international Jean-Lesage de Québec, et l’Administration de l’aéroport international de St. John’s.

[91] L’article 227 énonce les exigences sur les lieux d’aisance désignés pour les animaux d’assistance du côté sécurisé et non sécurisé des gares.

[92] Avant d’être visés par le RTAPH, les exploitants de gare étaient censés respecter les normes prévues à l’article 2.5 du Code de pratiques sur l’accessibilité des gares de voyageurs (Code des gares), publié en 2007. Ces exploitants étaient fortement encouragés à voir à ce que les voyageurs se déplaçant avec un animal d’assistance puissent avoir accès, y compris du côté sécurisé entre deux vols de correspondance, à des endroits permettant aux animaux d’assistance de se soulager. Le RTAPH renferme des normes d’accessibilité à jour, notamment sur la signalisation.

[93] Les demanderesses devront peut-être investir quelques ressources pour satisfaire aux exigences du RTAPH relativement à un lieu d’aisance pour les chiens d’assistance, mais l’Office estime qu’elles devraient pouvoir mettre en place les mesures nécessaires pour se conformer à cette disposition, sachant que les exploitants de gare sont censés satisfaire depuis longtemps aux exigences prévues dans le Code des gares, et que l’installation d’enseignes pour indiquer où se trouvent les lieux d’aisance, conformément aux paragraphes 227(1) à (3), n’est pas un projet compliqué. 

[94] En conséquence, l’Office conclut que les demanderesses n’ont pas démontré que le respect de cette obligation leur causerait une contrainte excessive, et qu’une exemption n’est pas justifiée.

CONCLUSION

[95] Les transports accessibles sont un droit fondamental des personnes handicapées, et le RTAPH est un outil important pour veiller à ce que cet objectif soit atteint dans le réseau de transport fédéral. Un fournisseur de services de transport peut être dégagé de cette obligation de rendre ses services accessibles uniquement si toutes les solutions pour le faire lui causeraient une contrainte excessive, c.-à-d. que l’élimination de l’obstacle est impossible, peu pratique ou déraisonnable.

[96] Devant l’importance des droits de la personne qui sont en jeu, le seuil de la contrainte excessive est élevé. Tout accommodement vient avec un coût, et il ne suffit pas pour un fournisseur de services de transport de simplement affirmer que les coûts seraient trop élevés. Des preuves sont nécessaires pour soutenir de telles affirmations, et il revient aux fournisseurs de services de transport de prouver l’existence d’une contrainte excessive.

[97] Dans le cas de ces demandes d’exemption temporaire de l’application de diverses dispositions du RTAPH, à certains égards, il est apparu clairement durant les réunions du groupe de travail que les demandes étaient fondées sur une compréhension incomplète ou inexacte de ce que la réglementation exige, mais aussi qu’il y avait des moyens moins dispendieux pour y arriver. Dans d’autres cas, les demanderesses affirmaient que les coûts pour se conformer à ces dispositions étaient trop élevés; toutefois, l’Office a conclu que, dans tous les cas, soit aucune preuve n’a été fournie pour étayer leurs affirmations, soit que celles qui avaient été présentées ne suffisaient pas pour justifier de mettre de côté des obligations si importantes en matière de droits de la personne. En outre, l’Office a également pris en compte le temps que les fournisseurs de services de transport ont eu pour mettre en œuvre le RTAPH depuis son enregistrement en juin 2019, soit avant que la pandémie ne frappe et grâce à des exemptions temporaires déjà consenties. Il a également mis en opposition d’une part le temps et la complexité des démarches nécessaires pour obtenir les autorisations du gouverneur en conseil qui lui permettraient d’accorder des exemptions de l’application du RTAPH, et d’autre part le fait que la politique de conformité de l’Office mise surtout sur l’éducation avant d’émettre des procès-verbaux de violation et des sanctions administratives pécuniaires. Il a finalement conclu que les exemptions seraient inappropriées dans les circonstances.

[98] Compte tenu des renseignements aux archives, l’Office conclut que les demanderesses n’ont pas démontré que le respect des exigences prévues dans les dispositions du RTAPH pour lesquelles elles ont demandé des exemptions temporaires leur causerait une contrainte excessive.

[99] À la lumière de ce qui précède, l’Office rejette les demandes d’exemption.


ANNEXE À LA DÉTERMINATION No AT-2021-151

Industrie :

  • Conseil des aéroports du Canada;
  • Autorité aéroportuaire du Grand Toronto;
  • Administration aéroportuaire de Calgary;
  • Aéroport internationale John C. Munro de Hamilton;
  • Administration de l’aéroport international de Thunder Bay Inc.;
  • Aéroport internationale Erik Nielsen de Whitehorse;
  • Aéroport Skyxe de Saskatoon;
  • Aéroport international Jean-Lesage de Québec;
  • Conseil national des lignes aériennes du Canada;
  • Sunwing Airlines;
  • Air Transat;
  • Air Canada;
  • Jazz Aviation;
  • WestJet;
  • Air North;
  • Association du transport aérien international;
  • Association du transport aérien du Canada;
  • Airlines for America;
  • Marine Atlantique;
  • Motor Coach Canada.

 
Organismes de défense des droits des personnes handicapées :

  • Fédération nationale des retraités;
  • Confédération des organismes de personnes handicapées du Québec;
  • Canada sans barrières;
  • Institut national canadien pour les aveugles;
  • Conseil des Canadiens avec déficiences;
  • Coalition nationale des personnes qui utilisent des chiens-guides et des chiens d’assistance du Canada;
  • Lésions médullaires Canada;
  • Alliance pour l’égalité des personnes aveugles du Canada;
  • Conseil canadien des aveugles.

Membre(s)

Elizabeth C. Barker
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