Lettre-décision n° LET-AT-C-A-7-2024
Demande présentée par Edwina Brooks (demanderesse) contre Air Canada, Air Transat et WestJet (défenderesses) concernant un obstacle allégué à ses possibilités de déplacement avec son animal de soutien émotionnel (ASE)
Résumé
[1] La demanderesse a déposé une demande auprès de l’Office des transports du Canada (Office) contre les défenderesses concernant leur refus de répondre à ses besoins en transportant son ASE en cabine lors d’un vol à destination de Londres, Royaume-Uni.
[2] La demanderesse soutient qu’elle doit se déplacer avec son ASE parce qu’elle souffre d’anxiété chronique, de crises de panique, de dépression et de phobie sociale. Au début de 2021, la demanderesse a communiqué avec les défenderesses pour réserver un vol à destination du Royaume-Uni avec son chien en tant qu’ASE, mais les défenderesses l’ont informée qu’elles ne transportaient plus d’ASE et que seuls les chiens d’assistance pouvaient être transportés en cabine lors des vols à destination du Royaume-Uni.
[3] La demanderesse réclame une ordonnance pour que les défenderesses transportent les ASE à bord de vols entre le Canada et le Royaume-Uni, et pour que le terme « ASE » soit remplacé par « chien d’assistance » afin de ne pas automatiquement désigner le propriétaire comme étant une personne qui a un trouble de santé mentale.
[4] Le 16 juillet 2021, l’Office a émis la décision LET-AT-C-A-49-2021. Dans cette décision, l’Office a conclu qu’il n’y avait pas lieu d’ordonner des mesures provisoires, car, compte tenu de la complexité du droit et des éléments de preuve, il ne pouvait pas conclure qu’une preuve prima facie solide avait été établie et que celle‑ci justifierait de rendre une ordonnance provisoire. En plus d’avoir ouvert les actes de procédure sur la demande, l’Office a également conclu que le chien de la demanderesse est un ASE, car celui-ci ne répond pas à la définition d’un chien d’assistance aux termes du Règlement sur les transports accessibles aux personnes handicapées (RTAPH).
[5] Le 17 décembre 2021, l’Office a émis la décision LET-AT-C-A-65-2021 dans laquelle il a refusé la requête des défenderesses visant le rejet de la demande et a donné comme directive à la demanderesse de remplir le formulaire de renseignements médicaux de l’Office à l’appui de son allégation de handicap.
[6] Le 25 janvier 2022, la demanderesse a déposé le formulaire de renseignements médicaux. Le 15 février 2022, les défenderesses ont déposé une réponse conjointe et le 25 février 2022, la demanderesse a déposé une réplique.
[7] Le 14 décembre 2022, l’Office a joint la demande de la demanderesse à cinq autres demandes dans lesquelles les demanderesses réclament le droit de prendre les transports avec un animal qui a ou qui pourrait avoir le statut d’ASE pour étudier de façon plus efficace et selon un point de vue plus général la question de savoir s’il faudrait exiger que les transporteurs acceptent les ASE dans le réseau de transport fédéral, et si oui, à quelles conditions.
[8] Le 9 janvier 2023, la demanderesse a déposé une demande d’ordonnance provisoire exigeant qu’Air Transat réponde à ses besoins en transportant son ASE dans la cabine de l’aéronef lors d’un vol de Toronto (Ontario) à Manchester, Royaume-Uni, à la fin du mois de janvier 2023. Le 16 février 2023, l’Office a émis la décision LET-AT-A-7-2023 dans laquelle il a rejeté la demande d’ordonnance provisoire de la demanderesse, étant donné qu’il n’était pas convaincu, lors d’un examen préliminaire du cas, qu’il y aurait une forte probabilité, sur la base du droit et des éléments de preuve présentés, que celle-ci obtienne gain de cause dans la décision finale.
[9] À l’issue d’un processus décrit plus en détail dans la section Contexte ci-dessous, l’Office a émis la décision LET-105-AT-C-A-2023 (décision définitive sur les ASE) le 23 juin 2023. Dans cette décision, l’Office a confirmé ses conclusions préliminaires, qui sont les suivantes :
- les transporteurs se verront imposer une contrainte excessive s’ils sont tenus d’accepter d’autres espèces que des chiens en tant qu’ASE;
- les chiens domestiqués pourraient en général faire de bons ASE, mais, si le transport de chiens de soutien émotionnel (CSE) n’est pas réglementé, les transporteurs se verraient imposer une contrainte excessive en raison des risques pour la santé et la sécurité; des inquiétudes concernant le comportement et le bien‑être de l’animal; et des conséquences des fausses déclarations visant à faire passer des animaux de compagnie pour des CSE;
- sous réserve de conditions et de garanties appropriées, les transporteurs pourraient transporter certains CSE sans se voir imposer de contraintes excessives.
[10] L’Office a également établi des conditions raisonnables pour gérer les risques inhérents au transport des CSE, à savoir :
- La personne handicapée fournit des documents remplis par son médecin ou un professionnel de la santé qui détient une licence et est en règle auprès de son ordre professionnel, et qui prouvent qu’il traite la personne pour un handicap lié à la santé mentale, et qu’elle a besoin d’un CSE pour surmonter son handicap;
- La personne handicapée fournit un certificat délivré par un vétérinaire qui :
a) identifie le CSE par son nom et sa race;
b) identifie la personne handicapée qui a besoin de ce chien en tant que CSE;
c) atteste que le CSE a reçu tous ses vaccins et que son état de santé lui permet de prendre les transports, notamment qu’il n’a pas
de maladies contagieuses, de tiques, ni de puces;
d) indique si le vétérinaire a eu connaissance de comportements inappropriés par le CSE, comme des comportements agressifs, des
gémissements ou des jappements excessifs, ou s’il a déjà causé des blessures à autrui.
Si la période de validité du certificat délivré par le vétérinaire n’a pas été prescrite dans le pays, la province, l’État ou le territoire de
destination ou de provenance, le certificat devra être daté de moins de deux mois avant la date du trajet initial indiqué sur l’itinéraire.
3. La personne handicapée doit fournir la documentation indiquée ci-dessus au transporteur au moins 96 heures avant le transport.
4. Si la demande est présentée moins de 96 heures d’avance, le transporteur aérien fera tout son possible pour transporter la personne
handicapée et son CSE.
5. Le CSE doit rester pendant toute la durée du trajet dans une cage de transport adéquate qui doit pouvoir tenir et rester aux pieds de la
personne handicapée ou, dans un aéronef, sous le siège qui se trouve devant elle. La cage doit satisfaire aux conditions et aux
restrictions du transporteur pour le transport d’un CSE dans une cage en cabine, et le CSE doit rester dans sa cage durant tout le temps
qu’il passera dans la cabine passagers.
6. La personne handicapée doit démontrer au transporteur que son CSE satisfait à toutes les exigences de transport, d’entrée ou de sortie
en vigueur dans le pays, la province, l’État ou le territoire de destination ou de provenance, ce qui inclut celle de fournir toute la
documentation exigée, s’il y a lieu.
[11] L’Office s’est penché à nouveau sur la demande de la demanderesse afin de décider des questions en suspens. Le 23 octobre 2023, l’Office a émis la décision LET-AT-C-A-38-2023 (décision sur le handicap et l’obstacle) dans laquelle il a conclu que la demanderesse est une personne handicapée; qu’elle a rencontré un obstacle lorsque les défenderesses ont toutes refusé de répondre à ses besoins en transportant son chien en cabine en tant qu’ASE lors d’un vol à destination du Royaume-Uni en mars 2021; et qu’aucun règlement sur l’accessibilité pris au titre de la Loi sur les transports au Canada (LTC) ne s’applique à cet incident. À la lumière de ces conclusions, l’Office a le pouvoir d’ordonner toute mesure corrective prévue dans la LTC s’il conclut, au cours de la partie 2 de la présente instance, que l’obstacle est abusif.
[12] Dans la présente décision, l’Office se penchera sur la question de savoir si les défenderesses peuvent éliminer l’obstacle sans se voir imposer une contrainte excessive et déterminera si des mesures correctives sont justifiées.
[13] Pour les motifs énoncés ci-dessous, l’Office conclut que la demanderesse a rencontré un obstacle abusif et ordonne à chacune des défenderesses de présenter aux aéroports de Gatwick, de Heathrow et de Manchester une demande de RMOP (formulaire de méthode de fonctionnement pour le transport d’animaux de compagnie ou de chiens d’assistance en cabine), qui leur permettra de transporter un ASE dans la cabine d’un aéronef dans les conditions décrites dans la décision définitive sur les ASE et énumérées ci-dessus. Les défenderesses doivent fournir à l’Office et à la demanderesse une copie de chaque demande de RMOP et de la réponse de chaque aéroport. En cas de refus de la demande de RMOP pour chaque aéroport, l’Office déterminera s’il convient de revoir, d’annuler ou de modifier sa décision.
Contexte
[14] L’Office a mené des consultations sur la phase II du RTAPH, qui comprenaient un examen de ce qu’il fallait exiger, le cas échéant, des fournisseurs de services de transport en ce qui concerne le transport des ASE et des animaux d’assistance autres que les chiens, et a examiné les questions liées aux ASE de façon plus complète et systématique que ne le permettrait un processus décisionnel individuel.
[15] Les consultations de l’Office sur la phase II du RTAPH ont pris fin le 28 février 2020. L’Office a indiqué par la suite dans son rapport « Ce que nous avons entendu », publié le 26 novembre 2020, que les commentaires reçus durant ces consultations ne l’ont pas orienté vers des solutions réglementaires claires pour encadrer le transport des ASE et qu’il continuerait d’étudier les options et de traiter au cas par cas les demandes concernant des ASE déposées auprès de l’Office par des passagers handicapés.
[16] Le processus décisionnel individuel de l’Office cherche à atteindre un juste équilibre entre les droits d’une personne handicapée de prendre pleinement part à la société sans discrimination et les autres facteurs en présence qui pourraient constituer une contrainte excessive pour les fournisseurs de services de transport — comme ceux liés à la santé, à la sécurité ou aux conséquences financières d’une mesure d’accommodement. Pour ce qui est des cas liés aux ASE dont il était saisi, l’Office était d’avis que ses processus décisionnels devaient non seulement prendre en compte ces facteurs dans le contexte particulier des transporteurs qui étaient parties, mais également examiner les conséquences plus vastes pour le réseau de transport fédéral et les autres usagers qui l’empruntent.
[17] L’Office a commandé un rapport d’expertise vétérinaire afin de mieux comprendre les facteurs qui interviennent dans le transport d’animaux à bord des divers modes de transport de compétence fédérale. Le 6 juillet 2022, l’Office a publié sur son site Web le Rapport d’expertise sur le transport d’animaux de soutien émotionnel à bord du matériel de transport (rapport d’expertise).
[18] En décembre 2022, l’Office a publié le résumé détaillé des présentations qu’il a reçues concernant les ASE pendant les consultations sur la phase II du RTAPH. L’Office est d’avis que les comptes rendus de ces consultations renferment un large éventail d’éléments de preuve concrets provenant d’un groupe de parties et de personnes intéressées de tous horizons. Ils présentent une gamme complète de droits, d’intérêts et de préoccupations concernant la présence d’ASE dans le réseau de transport fédéral.
[19] L’Office a ensuite joint six demandes dans lesquelles les demanderesses réclament le droit de prendre les transports avec un animal qui a ou qui pourrait avoir le statut d’ASE et a émis la décision LET-AT-55-2022 (décision préliminaire sur les ASE). Dans la décision préliminaire sur les ASE, l’Office a étudié la question de savoir si les ASE peuvent être transportés sans que les transporteurs se voient imposer une contrainte excessive, dans des situations où une demanderesse a démontré qu’elle a un handicap attribuable à un trouble de santé mentale et a besoin qu’un ASE l’accompagne dans les transports. Dans son analyse, l’Office a tenu compte des caractéristiques et des contraintes uniques des environnements de transport aérien et ferroviaire de passagers; a examiné les conséquences pour les autres éléments du réseau de transport fédéral dans son ensemble; et a cherché à trouver un juste équilibre entre l’accommodement des personnes qui ont besoin d’un ASE et la santé et la sécurité des autres usagers du réseau de transport fédéral, notamment d’autres personnes handicapées qui ont leurs propres besoins liés à un handicap, en particulier les autres usagers qui se déplacent avec des chiens d’assistance, le public voyageur et le personnel des transports.
[20] L’Office a donné aux parties et aux personnes intéressées l’occasion de répondre aux conclusions préliminaires de l’Office. L’Office a reçu des présentations concernant la décision préliminaire sur les ASE de la plupart des parties, y compris la demanderesse, Air Canada et WestJet, et a tenu compte de leurs présentations. Air Transat n’a pas formulé de commentaires. Comme indiqué dans la décision LET-105-AT-C-A-2023 (décision définitive sur les ASE), l’Office est convaincu que le fondement de la preuve pour sa décision est solide et que l’éventail complet des points de vue sur les questions concernant les ASE a été pris en compte tout au long du processus ayant mené à la décision préliminaire sur les ASE.
[21] Comme indiqué ci-dessus, dans la décision définitive sur les ASE, l’Office a confirmé les conclusions préliminaires et a établi des conditions raisonnables pour gérer les risques inhérents au transport des CSE. L’une de ces conditions est que le CSE doit pouvoir être transporté confortablement dans une cage de transport convenable qui doit entrer et demeurer sous le siège qui se trouve devant la personne handicapée pour la durée du vol.
La loi
Accessibilité
[22] L’Office a le pouvoir de se prononcer sur des demandes dans lesquelles une personne affirme qu’il existe un obstacle abusif aux possibilités de déplacement des personnes handicapées dans le réseau de transport fédéral.
[23] L’Office détermine s’il y a un obstacle abusif aux possibilités de déplacement d’une personne ayant une déficience au moyen d’une approche en deux parties :
Partie 1 : Il revient au demandeur de démontrer, selon la prépondérance des probabilités :
-
- qu’il a un handicap, c’est-à-dire toute déficience notamment physique, intellectuelle, cognitive, mentale ou sensorielle, tout trouble d’apprentissage ou de la communication (ou toute limitation fonctionnelle) de nature permanente, temporaire ou épisodique, manifeste ou non et dont l’interaction avec un obstacle nuit à la participation pleine et égale d’une personne dans la société;
et
-
- qu’il a rencontré un obstacle, c’est-à-dire tout élément — notamment un élément de nature physique ou architecturale, qui est relatif à l’information, aux communications, aux comportements ou à la technologie ou qui est le résultat d’une politique ou d’une pratique — qui nuit à la participation pleine et égale dans la société des personnes ayant des déficiences notamment physiques, intellectuelles, cognitives, mentales ou sensorielles, des troubles d’apprentissage ou de la communication ou des limitations fonctionnelles. Il doit y avoir un certain lien entre le handicap et l’obstacle.
Partie 2 : Si l’Office détermine qu’un demandeur a un handicap et qu’il a rencontré un obstacle, il incombe alors à la défenderesse de prendre l’une ou l’autre des mesures suivantes :
-
- expliquer, en tenant compte des solutions proposées par le demandeur, comment elle propose d’éliminer l’obstacle en apportant une modification générale à la règle, à la politique, à la pratique, à la technologie ou à la structure physique visée ou, si la modification générale n’est pas possible, en adoptant une mesure d’accommodement personnalisée;
ou
-
- démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle ne peut pas éliminer l’obstacle sans se voir imposer une contrainte excessive.
[24] Dans la présente décision, l’Office se penchera sur la partie 2 de son approche en deux parties.
Portée des pouvoirs de l’Office d’ordonner des mesures correctives
[25] Lorsque l’Office conclut qu’il existe un obstacle abusif aux possibilités de déplacement d’une personne handicapée, il a le pouvoir d’ordonner que la défenderesse prenne les mesures correctives indiquées et, s’il y a lieu, verse à la personne handicapée une indemnité pour les frais que cette dernière a supportés ou les pertes de salaire qu’elle a subies en raison de l’obstacle abusif. L’Office a également le pouvoir d’ordonner le versement d’une indemnité pour les souffrances et les douleurs subies en raison de l’obstacle abusif ou une indemnité lorsque l’obstacle abusif résulte d’un acte délibéré ou inconsidéré, jusqu’à un maximum de 20 000 CAD chacun (sous réserve de rajustements annuels).
Contrainte excessive et mesures correctives
Positions des parties
Les défenderesses
[26] Les défenderesses expliquent que le Royaume-Uni impose des restrictions strictes concernant les types d’animaux autorisés à entrer sur son territoire par voie aérienne : il ne reconnaît pas les ASE et n’accepte que les chiens d’assistance reconnus qui ont été approuvés au préalable par le centre d’accueil des animaux de l’aéroport d’arrivée. Par conséquent, les défenderesses soutiennent que l’ASE de la demanderesse ne satisfait pas aux exigences légales d’entrée au Royaume-Uni, car il n’est pas considéré comme un chien d’assistance reconnu.
[27] Air Transat soutient que, selon les règles établies par l’Agence britannique de santé animale et végétale (APHA), elle doit se conformer à un RMOP spécifique pour chaque aéroport au Royaume-Uni où elle exerce ses activités. Elle explique qu’un RMOP est basé sur un modèle prescrit qui comprend des dispositions non négociables. Air Transat fournit un extrait du modèle de RMOP qui prévoit que seuls les chiens d’assistance reconnus peuvent être transportés en cabine. Elle affirme que cela exclut les ASE, puisque leur statut n’est pas reconnu par les autorités britanniques. Air Transat déclare également que le centre d’accueil des animaux ne fait pas partie de l’APHA et que, par conséquent, une autorisation délivrée par le centre d’accueil des animaux ne peut être considérée comme une autorisation d’entrer au Royaume-Uni avec un ASE et ne remplace pas un RMOP.
[28] À titre d’exemple, les défenderesses affirment que le site Web de British Airways indique clairement que seuls les animaux d’assistance reconnus sont autorisés en cabine et que les ASE doivent être transportés en tant qu’animaux de compagnie dans la soute.
[29] Les défenderesses déclarent que la demanderesse n’a pas démontré que son ASE répondait à toutes les exigences de transport et d’entrée au Royaume-Uni, ce que les personnes handicapées doivent faire selon la décision définitive sur les ASE. Par conséquent, les défenderesses affirment que l’obstacle que la demanderesse a rencontré résulte d’un règlement pris par les autorités britanniques et qu’elles subiraient une contrainte excessive si on leur demandait de supprimer un obstacle qui ne relève ni de leur contrôle ni de leur autorité.
[30] Les défenderesses signalent également que la demanderesse a déjà indiqué dans ses présentations que son chien atténue son anxiété et prévient les crises de panique par le contact physique, ce qui signifie qu’il lui faudrait retirer son ASE de sa cage de transport pendant le vol. Les défenderesses soutiennent que, ce faisant, la demanderesse contreviendrait à la condition énoncée dans la décision définitive sur les l’ASE, à savoir que le CSE doit pouvoir être placé confortablement dans une cage de transport convenable, qui doit être placée et maintenue sous le siège devant la personne handicapée en tout temps lorsque l’animal se trouve dans la cabine passagers.
La demanderesse
[31] La demanderesse déclare que les autorités britanniques l’ont informée que les transporteurs ne sont pas autorisés à transporter son ASE en cabine lors d’un vol du Canada à destination du Royaume-Uni en l’absence d’un RMOP. Elle explique qu’elle peut prendre un vol des États-Unis à destination du Royaume-Uni avec son ASE en cabine, mais pas à partir du Canada, parce que les défenderesses n’ont pas présenté de demande de RMOP comme l’ont fait les transporteurs américains. La demanderesse mentionne que, dans des présentations antérieures, elle a demandé pourquoi les défenderesses n’avaient pas présenté de demande de RMOP, et précise qu’elle n’a toujours pas obtenu de réponse.
[32] La demanderesse dépose un échange de courriels qu’elle a eu avec le Centre pour le commerce international de l’APHA, daté du 15 novembre 2023, dans lequel elle demande si elle peut prendre un vol de Toronto (Ontario) à destination directe des aéroports de Gatwick, de Heathrow ou de Manchester avec son ASE en cabine. Un agent administratif du Centre répond que le transporteur doit avoir présenté une demande de RMOP à l’aéroport d’arrivée au Royaume-Uni pour pouvoir transporter des ASE en cabine et que, après avoir réservé son vol, le passager doit contacter le centre d’accueil des animaux de l’aéroport d’arrivée au Royaume-Uni pour obtenir une approbation préalable.
Analyse et détermination
[33] Dans la décision sur le handicap et l’obstacle, l’Office a indiqué que si les défenderesses veulent soulever des questions concernant la disponibilité d’un RMOP pour permettre de répondre aux besoins des personnes handicapées, elles doivent le faire dans leur réponse à cette décision. L’Office note que, bien que les défenderesses indiquent dans leur réponse que la réglementation britannique n’autorise pas le transport d’ASE en cabine pour un vol à destination du Royaume-Uni, elles n’ont toutefois fourni aucune preuve qu’elles ont essayé de présenter une demande de RMOP pour les ASE et que cela leur a été refusé par les autorités britanniques. En outre, l’échange de courriels entre la demanderesse et le Centre pour le commerce international de l’APHA semble indiquer qu’il était possible qu’elle puisse prendre un vol avec son ASE. L’Office prend également note de l’affirmation de la demanderesse selon laquelle elle peut prendre un vol des États-Unis à destination du Royaume-Uni avec son ASE en cabine puisque les transporteurs américains ont présenté une demande de RMOP. En conséquence, l’Office conclut que les demanderesses n’ont pas démontré qu’elles subiraient une contrainte excessive si elles devaient présenter une demande de RMOP et obtenir l’autorisation de transporter des ASE dans la cabine des aéronefs à destination du Royaume-Uni.
[34] L’Office conclut donc que la demanderesse a rencontré un obstacle abusif lorsque les défenderesses ont toutes refusé de répondre à ses besoins en transportant son chien en cabine en tant qu’ASE lors d’un vol à destination du Royaume-Uni en mars 2021. En conséquence, l’Office ordonne à chacune des demanderesses de présenter une demande de RMOP aux aéroports de Gatwick, de Heathrow et de Manchester.
[35] Les défenderesses soutiennent que la demanderesse contreviendrait à la condition selon laquelle son ASE doit être placé sous le siège devant elle en tout temps lorsqu’il se trouve dans la cabine passagers. Toutefois, la demande de la demanderesse a été jointe aux procédures relatives aux ASE, de sorte qu’elle sait qu’elle doit respecter cette condition pour se déplacer avec son ASE. Comme indiqué dans la décision définitive sur les ASE, l’Office reconnaît que le fait de placer l’ASE dans une cage de transport peut limiter le soutien émotionnel, l’assistance et le réconfort qu’il peut apporter. Toutefois, l’Office estime que cette exigence de transport est essentielle pour la santé et la sécurité de l’ensemble des passagers, du personnel et des chiens d’assistance. Il incombe à la demanderesse de déterminer si elle peut remplir cette condition avant de réserver son vol.
Ordonnance
[36] L’Office ordonne à chacune des défenderesses de présenter aux aéroports de Gatwick, de Heathrow et de Manchester une demande de RMOP qui leur permettra de transporter des chiens de soutien émotionnel dans la cabine de leurs aéronefs. Dans leur demande, elles doivent indiquer que les chiens de soutien émotionnel seraient transportés dans une cage de transport sous le siège devant le passager. Chaque défenderesse doit fournir à l’Office, aux autres défenderesses et à la demanderesse une copie de sa demande de RMOP avant 17 h, heure locale de Gatineau, le 12 mars 2024. En outre, chaque défenderesse doit transmettre une copie de la réponse de chaque aéroport à sa demande de RMOP aux autres défenderesses et à la demanderesse dans un délai de deux jours ouvrables à compter de sa réception.
[37] Dans la décision sur le handicap et l’obstacle, l’Office a conclu qu’aucun règlement en matière d’accessibilité pris en vertu de la LTC n’est applicable à cet incident. Par conséquent, il a le pouvoir d’ordonner toute mesure corrective prévue dans la LTC s’il conclut, au cours de la partie 2 de la présente instance, que l’obstacle est abusif. L’Office déterminera s’il y a lieu d’ouvrir les actes de procédure sur l’indemnisation une fois que les défenderesses auront déposé la réponse de chaque aéroport à leur demande de RMOP.
[38] Toute la correspondance et tous les actes de procédure doivent renvoyer au cas 21‑50109 et être déposés auprès du Secrétariat de l’Office à secretariat@otc-cta.gc.ca.
Dispositions en référence | Identifiant numérique (article, paragraphe, règle, etc.) |
---|---|
Loi sur les transports au Canada, LC 1996, c 10 | 32; 169.5; 172(1); 172(2); 172(3) |
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