Décision n° 105-AT-C-A-2023

le 23 juin 2023

Demande présentée par Autumn Evoy, Erin Maxwell, Hunter Troup, Lara Plokhaar, Kandi Smiley et Edwina Brooks contre Air Canada, WestJet, Air Transat, K.L.M. Royal Dutch Airlines (KLM) et VIA Rail Canada Inc. (VIA), au titre de la Loi sur les transports au Canada

Numéro de cas : 
22-41428

Résumé

[1] L’Office des transports du Canada (Office) a été saisi de six demandes dans lesquelles les demanderesses réclament le droit de prendre les transports avec un animal qui a ou pourrait avoir le statut d’animal de soutien émotionnel (ASE). Puisque de plus en plus de personnes handicapées voudraient être accompagnées d’un ASE dans leurs déplacements, l’Office a décidé de joindre ces demandes. Ainsi, il pourra étudier de manière plus efficace et selon un point de vue plus général la question de savoir s’il faudrait exiger que les transporteurs acceptent les ASE dans les transports du réseau fédéral, et si oui, à quelles conditions.

[2] Aucun règlement n’exige que les transporteurs acceptent de transporter des ASE. Ils ont toutefois l’obligation de transporter les chiens d’assistance. Dans le Règlement sur les transports accessibles aux personnes handicapées (RTAPH), le chien d’assistance est un « [c]hien qui a reçu, de la part d’un organisme ou d’une personne spécialisé en formation de chiens d’assistance, une formation individualisée à la tâche pour répondre aux besoins liés au handicap d’une personne handicapée ». Les ASE, quant à eux, n’effectuent aucune tâche; c’est plutôt leur présence qui procure du réconfort ou un soutien affectif aux personnes ayant un handicap lié à la santé mentale.

[3] Dans la décision LET-AT-55-2022 (décision préliminaire), l’Office s’est penché sur la question de savoir si les ASE peuvent être transportés sans que les transporteurs se voient imposer une contrainte excessive, dans des situations où le demandeur a démontré qu’il a un handicap lié à la santé mentale et a besoin qu’un ASE l’accompagne dans les transports. Dans son analyse, l’Office a étudié les caractéristiques et les contraintes uniques des environnements de transport et a cherché à trouver un juste équilibre entre l’accommodement des personnes qui ont besoin d’un ASE et la santé et la sécurité des autres usagers du réseau de transport fédéral, notamment d’autres personnes handicapées qui ont leurs propres besoins liés à leur handicap, le public voyageur et le personnel des transports.

[4] L’Office a donné aux parties et aux personnes intéressées l’occasion de réagir aux conclusions préliminaires de l’Office. Après en avoir reçu la demande par VIA, WestJet, Air Canada, Air France, le Conseil national des lignes aériennes du Canada, l’Association du transport aérien international (IATA) et Airlines for America, l’Office a repoussé jusqu’au 13 février 2023 l’échéance initiale pour que les parties et les personnes intéressées déposent leurs présentations. Les parties ont ensuite eu jusqu’au 6 mars 2023 pour soumettre des commentaires sur l’ensemble des présentations.

[5] Dans la présente décision, après avoir examiné l’ensemble des présentations et des commentaires reçus des parties et de personnes intéressées, l’Office rend définitives les conclusions préliminaires ci-après qu’il a rendues dans la décision préliminaire, à savoir :

  • que les transporteurs se verront imposer une contrainte excessive s’ils sont tenus d’accepter d’autres espèces que des chiens en tant qu’ASE;
  • que les chiens domestiqués pourraient en général faire de bons ASE, mais que si le transport de chiens de soutien émotionnel (CSE) n’est pas réglementé, les transporteurs se verraient imposer une contrainte excessive en raison des risques pour la santé et la sécurité; des inquiétudes concernant le comportement et le bien‑être de l’animal; et des conséquences des fausses déclarations visant à faire passer des animaux de compagnie pour des CSE;
  • qu’avec des conditions et des garanties appropriées, les transporteurs pourraient transporter certains CSE sans se voir imposer de contraintes excessives.

[6] Par ailleurs, l’Office établit des conditions raisonnables pour gérer les risques inhérents au transport de CSE en se basant sur celles qu’il a énoncées dans la décision préliminaire et sur les présentations et les commentaires reçus.

[7] La présente décision orientera la détermination que l’Office rendra concernant, d’une part, toutes les questions qui restaient à régler dans les six cas joints à la présente instance et qui en sont à différentes étapes du processus décisionnel formel de l’Office et, d’autre part, concernant les cas éventuels qui pourraient mettre en cause des ASE. Grâce à la présente décision, l’Office pourra également donner des conseils aux personnes handicapées et aux transporteurs concernant l’acceptation d’ASE dans les transports. Toutefois, il tranchera chaque cas selon son bien‑fondé.

Contexte

Les demandes

[8] De sa propre initiative, l’Office a joint les six demandes afin de gagner en efficacité dans le règlement des questions liées aux ASE. Toutes les demanderesses veulent prendre avec elles dans leurs déplacements un animal qui est ou pourrait être qualifié d’ASE. Les décisions précédentes de l’Office dans leur cas en particulier ne sont pas remises en question dans la présente instance.

[9] Cinq des demandes dont l’Office a été saisi visent des transporteurs aériens et le transport de CSE en cabine sur des vols intérieurs ou internationaux. La sixième demande porte sur un trajet à bord d’un train de VIA avec un lapin.

[10] Dans la décision LET-AT-C-A-39-2019 (Maxwell c Air Canada), l’Office a conclu qu’Erin Maxwell est une personne handicapée et qu’elle a rencontré trois obstacles à ses possibilités de déplacement pour les raisons suivantes :

  • Air Canada n’a pas voulu que Mme Maxwell prenne un vol avec un ASE de grande taille, même si elle lui en avait donné l’autorisation;
  • d’après la politique même d’Air Canada, le passager accompagné d’un ASE dans les transports n’aura pas la certitude qu’il y aura assez de place pour les deux, sauf si le passager paye les frais d’un deuxième siège;
  • la façon dont le personnel d’Air Canada a traité Mme Maxwell lorsqu’elle a embarqué dans l’aéronef avec son ASE et s’est fait dire qu’il n’y avait pas assez de place pour les deux parce que le transporteur ne leur avait pas réservé deux sièges.

[11] Dans la décision LET-AT-R-38-2019 (Evoy c VIA), l’Office a conclu qu’Autumn Evoy est une personne handicapée qui a la phobie des chiens; qu’elle a besoin de se déplacer avec son lapin pour pallier son handicap; et qu’elle a rencontré un obstacle à ses possibilités de déplacement pour ne pas avoir pu prendre un train de VIA avec son lapin. Même si son lapin peut avoir le statut d’animal aidant au sens des lois ontariennes (Loi de 2005 sur l’accessibilité pour les personnes handicapées de l’Ontario), VIA est régie par une loi fédérale. Le lapin de Mme Evoy n’entre pas dans la définition d’un animal aidant prévue dans le code de pratiques intitulé Accessibilité des voitures de chemin de fer et conditions de transport ferroviaire des personnes ayant une déficience (élaboré avant le RTAPH). VIA fait remarquer qu’elle a mené un projet pilote de décembre 2015 à mai 2017 afin d’évaluer la possibilité qu’elle accepte de transporter dans ses trains des ASE certifiés autres que des chiens (par exemple, des chats et des lapins). VIA a décidé d’accepter uniquement les chiens en tant qu’ASE à bord de ses trains en se fondant sur des rapports du personnel qui font état de graves problèmes d’hygiène et de comportement durant le projet pilote.

[12] Dans la décision LET-AT-A-13-2020 (Plokhaar c KLM), l’Office a conclu que Lara Plokhaar est une personne handicapée et qu’elle a rencontré un obstacle à ses possibilités de déplacement parce qu’elle n’a pas pu prendre son vol de KLM avec son chien, un ASE, pour se rendre du Canada aux Pays-Bas.

[13] Dans la décision LET-AT-A-15-2020 (Troup c Air Canada), l’Office a conclu que Hunter Troup est une personne handicapée et qu’elle a rencontré un obstacle à ses possibilités de déplacement parce qu’elle n’a pas pu prendre son vol d’Air Canada avec son chien, un ASE, pour se rendre du Canada à Cuba. Dans le cadre de la même instance, l’Office a aussi conclu que le chien n’est pas un animal d’assistance au sens de la loi fédérale qui s’applique aux transporteurs aériens, même si le chien peut avoir le statut d’animal aidant selon les lois en vigueur en Ontario.

[14] Dans la décision LET-AT-A-42-2022 (Smiley c Air Canada), l’Office a conclu que Kandi Smiley est une personne handicapée et que son chien de grande taille est un ASE, mais pas un chien d’assistance. L’Office a par la suite déterminé dans la décision LET‑AT‑A-6-2023 qu’Air Canada n’avait pas correctement évalué les renseignements concernant la taille de son ASE et ne l’a donc pas avisée de la possibilité qu’elle ne puisse pas prendre son vol prévu avec son chien en raison du manque d’espace à bord des petits aéronefs.

[15] Dans la décision LET-AT-C-A-49-2021 (Brooks c plusieurs transporteurs), l’Office a refusé de prononcer une ordonnance provisoire pour exiger qu’Air Canada ou WestJet répondent aux besoins d’Edwina Brooks et acceptent de transporter son chien en cabine sur un vol à destination du Royaume‑Uni. Dans la décision LET‑AT-A-7-2023, il a refusé de prononcer une ordonnance provisoire semblable contre Air Transat. L’Office ne s’est pas encore prononcé sur la question de savoir si Mme Brooks est une personne handicapée, mais il a conclu que son chien n’est pas un chien d’assistance.

Approche du Canada concernant le transport des animaux de soutien émotionnel

[16] Les transporteurs ont depuis longtemps l’obligation de transporter les animaux d’assistance dans tous les modes de transport de compétence fédérale. Toutefois, les ASE n’entrent habituellement pas dans la définition de ce qui constitue un animal d’assistance parce que contrairement aux chiens d’assistance, ils n’ont pas obtenu de certificat délivré par un organisme qui se spécialise dans le dressage de chiens d’assistance, et ils n’ont pas été dressés pour effectuer des tâches particulières. Le RTAPH, en vigueur depuis 2020, exige que les transporteurs acceptent de transporter le chien d’assistance qui accompagne une personne handicapée si les conditions applicables sont satisfaites, mais le Canada n’a pas de règlement qui les oblige à transporter des ASE.

[17] En décembre 2019, l’Office a lancé d’autres consultations sur des questions d’accessibilité qu’il a décrites comme faisant partie de la phase II du RTAPH. Dans ces consultations, il demandait ce qu’il conviendrait d’exiger des fournisseurs de services de transport concernant le transport d’ASE et d’animaux d’assistance autres que des chiens. L’Office a indiqué dans un rapport de type « Ce que nous avons entendu » publié le 26 novembre 2020 que les commentaires reçus durant ces consultations ne l’ont pas orienté vers des solutions claires pour encadrer le transport des ASE. Il y a également indiqué qu’il continuerait d’étudier les options et de traiter au cas par cas les demandes concernant des ASE.

[18] L’Office a commandé un rapport d’expertise vétérinaire afin de mieux comprendre les facteurs entourant le transport d’animaux à bord de divers modes de transport. Le 7 juillet 2022, l’Office a publié sur son site Web le Rapport d’expertise sur le transport d’animaux de soutien émotionnel à bord du matériel de transport (rapport d’expertise).

[19] Le Résumé des présentations reçues par l’Office concernant les animaux de soutien émotionnel en 2019 a été publié le 7 décembre 2022. Il renferme un résumé plus complet des renseignements présentés durant les consultations sur la phase II du RTAPH concernant les ASE.

Approche des États-Unis concernant les animaux de soutien émotionnel dans les aéronefs

[20] Une grande partie des vols internationaux sont des vols transfrontaliers entre le Canada et les États-Unis. Pendant que l’Office menait ses consultations auprès de voyageurs et de personnes handicapées à propos du recours à des animaux d’assistance et des ASE à bord des aéronefs, le département américain des Transports a examiné les dispositions portant sur le transport aérien des ASE.

[21] Comme ceux du Canada, les transporteurs aériens américains ont depuis longtemps l’obligation de transporter les animaux d’assistance. Aux États-Unis, de 2008 jusqu’à janvier 2021, les transporteurs avaient également l’obligation légale de transporter les ASE. Le département américain des Transports a déterminé qu’il fallait changer les règles pour les raisons suivantes :

  • augmentation du nombre de plaintes reçues de passagers handicapés et de transporteurs aériens concernant des animaux d’assistance;
  • définitions incohérentes de la notion d’animal d’assistance entre les différents organismes fédéraux aux États-Unis;
  • perturbations causées en raison de demandes visant à transporter des espèces animales inhabituelles à bord des aéronefs et qui ont eu pour effet de miner la confiance du public dans les animaux d’assistance légitimes;
  • incidents mettant en cause des voyageurs qui font de fausses déclarations pour que leur animal de compagnie passe pour un animal d’assistance;
  • augmentation signalée du nombre de cas de mauvais comportements d’ASE.

[22] Après un vaste processus de consultations publiques, le département américain des Transports a modifié la disposition de sa loi sur l’accessibilité des transports aériens (Air Carrier Access Act) sur le transport des animaux d’assistance dans les aéronefs (règle définitive), en vigueur depuis le 11 janvier 2021, pour garantir que les passagers handicapés pourront continuer de prendre des vols avec des animaux d’assistance et pour réduire les risques de problèmes de santé ou de sécurité à l’aéroport ou à bord des aéronefs.

[23] La règle définitive définit un animal d’assistance comme suit : [traduction] « un chien, peu importe la race ou le type, qui a reçu un dressage personnalisé pour travailler ou effectuer des tâches en vue d’aider la personne reconnue légalement comme étant une personne handicapée; un handicap peut être physique, sensoriel, intellectuel, ou être un trouble de santé mentale ou d’ordre psychique ». Cette définition exclut tous les animaux qui n’ont pas été dressés pour effectuer des tâches, comme les ASE, les animaux de réconfort et les animaux d’assistance en cours de dressage.

[24] Le département américain des Transports a refusé de formuler des exigences distinctes et plus strictes concernant le transport d’ASE dans les aéronefs afin de ne pas perpétuer des systèmes de classement qui risqueraient d’entraîner de la confusion et de laisser la porte ouverte à des abus et à des risques accrus pour la sécurité. La règle définitive permet aux transporteurs aériens de reconnaître les ASE en tant qu’animaux de compagnie et non en tant qu’animaux d’assistance. Nombreux sont maintenant les transporteurs aériens qui ont, depuis, refusé de transporter des ASE en cabine, à l’exception des animaux de compagnie qui sont transportés dans des cages de transport, moyennant des frais.

La loi

[25] L’Office a le pouvoir de statuer sur les demandes dans lesquelles un demandeur affirme qu’il existe un obstacle abusif aux possibilités de déplacement des personnes handicapées dans le réseau de transport fédéral.

[26] Dans quatre des cas joints à la présente instance, l’Office devait déterminer si les demanderesses avaient rencontré un obstacle à leurs possibilités de déplacement, en s’appuyant sur l’ancienne formulation de la Loi sur les transports au Canada (LTC), qui a été modifiée par la Loi canadienne sur l’accessibilité afin de remplacer, dans la version anglaise, le terme « obstacle » par « barrier ». Le terme « obstacle » est resté le même dans la version française de la LTC et il est défini comme suit :

Tout élément — notamment celui qui est de nature physique ou architecturale, qui est relatif à l’information, aux communications, aux comportements ou à la technologie ou qui est le résultat d’une politique ou d’une pratique — qui nuit à la participation pleine et égale dans la société des personnes ayant des déficiences notamment physiques, intellectuelles, cognitives, mentales ou sensorielles, des troubles d’apprentissage ou de la communication ou des limitations fonctionnelles.

[27] Dans la présente décision, l’Office a fondé son analyse sur cette définition d’un obstacle.

[28] Par ailleurs, la version française de la LTC a été modifiée par la Loi canadienne sur l’accessibilité afin qu’y soient remplacés les termes « déficience » et « personne ayant une déficience » par « handicap » et « personne handicapée ».

[29] L’Office détermine s’il existe un obstacle abusif aux possibilités de déplacement d’une personne handicapée au moyen d’une approche en deux parties.

Partie 1 : Il revient au demandeur de démontrer, selon la prépondérance des probabilités :

    • qu’il a un handicap, c’est-à-dire toute déficience notamment physique, intellectuelle, cognitive, mentale ou sensorielle, tout trouble d’apprentissage ou de la communication (ou toute limitation fonctionnelle) de nature permanente, temporaire ou épisodique, manifeste ou non et dont l’interaction avec un obstacle nuit à la participation pleine et égale d’une personne dans la société;

et

    • qu’il a rencontré un obstacle, c’est-à-dire tout élément — notamment un élément de nature physique ou architecturale, qui est relatif à l’information, aux communications, aux comportements ou à la technologie ou qui est le résultat d’une politique ou d’une pratique — qui nuit à la participation pleine et égale dans la société des personnes ayant des handicaps notamment physiques, intellectuels, cognitifs, mentaux ou sensoriels, des troubles d’apprentissage ou de la communication ou des limitations fonctionnelles. Il doit y avoir un certain lien entre le handicap et l’obstacle.

Partie 2 : Si l’Office détermine qu’un demandeur a un handicap et qu’il a rencontré un obstacle, il incombe alors à la partie défenderesse de prendre l’une ou l’autre des mesures suivantes :

    • expliquer, en tenant compte des solutions proposées par le demandeur, comment elle propose d’éliminer l’obstacle en apportant une modification générale à la règle, à la politique, à la pratique, à la technologie ou à la structure physique visée ou, si la modification générale n’est pas possible, en adoptant une mesure d’accommodement personnalisée;

ou

    • démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle ne peut pas éliminer l’obstacle sans se voir imposer une contrainte excessive.

[30] Dans la présente décision, l’Office se concentre sur la portion de l’analyse prévue à la partie 2 qui est commune à tous les cas joints, c’est-à-dire qu’il déterminera si le transport d’ASE causerait une contrainte excessive aux transporteurs.

Chiens d’assistance au sens du Règlement sur les transports accessibles aux personnes handicapées

[31] Dans le RTAPH sont énoncées les obligations des transporteurs et les responsabilités du propriétaire d’un chien d’assistance concernant le transport de l’animal.

[32] Un transporteur doit, si une personne handicapée le demande, accepter de transporter son chien d’assistance et permettre à l’animal d’accompagner la personne à bord.

[33] Un transporteur peut exiger que la personne handicapée munisse le chien d’une laisse ou d’un harnais afin de le maîtriser pendant le transport. Il peut également exiger qu’au moment de faire sa réservation, la personne lui fournisse une déclaration qui atteste que le chien d’assistance a reçu, de la part d’un organisme ou d’une personne spécialisé dans la formation de chiens d’assistance, une formation individualisée pour la tâche afin de répondre aux besoins liés au handicap de la personne handicapée.

[34] Avant le départ, le transporteur peut également exiger que la personne handicapée présente une pièce d’identité ou un autre document délivré par l’organisme ou la personne spécialisé en formation de chiens d’assistance. Le document doit identifier la personne handicapée et attester que le chien d’assistance a reçu, de la part d’un organisme ou d’une personne spécialisé dans la formation de chiens d’assistance, une formation individualisée pour la tâche afin de répondre aux besoins liés au handicap de la personne handicapée.

[35] Le transporteur fournit à la personne handicapée un siège passager adjacent à son siège pour que le chien d’assistance puisse s’étendre aux pieds de la personne de manière à assurer la sécurité et le bien-être de la personne et du chien si le siège passager de la personne n’offre pas assez d’espace au plancher en raison de la taille du chien. Dans le cas d’un vol intérieur, le transporteur doit fournir gratuitement le siège supplémentaire.

Preuve étudiée par l’Office

[36] Durant la période de commentaires sur la décision préliminaire, l’Office a reçu des présentations des différentes parties ainsi que des commentaires de personnes intéressées qui ont soulevé un grand éventail de questions qui n’étaient pas toutes liées à l’enjeu dont l’Office a été saisi. Le résumé ci-après renferme des informations reçues durant la période de commentaires à savoir si les ASE pouvaient être transportés dans le réseau de transport fédéral sans que les transporteurs se voient imposer une contrainte excessive; les points de vue présentés durant les consultations menées par l’Office sur la phase II du RTAPH concernant le transport des ASE dans les modes de transport fédéraux; ainsi que l’opinion sur la santé comportementale des animaux, dont il a été question dans le rapport d’expertise.

Rapport d’expertise

[37] Afin de mieux comprendre les facteurs qui interviennent dans le transport d’animaux à bord des différents modes de transport, l’Office a commandé le rapport d’expertise effectuée par Colleen Wilson, docteure en médecine vétérinaire, spécialiste du comportement animal, et vétérinaire agrégée de l’American College of Veterinary Behaviorists (le collège décrit un vétérinaire agrégé comme étant un médecin qui se spécialise dans l’avancement des travaux sur la santé comportementale des animaux à travers la recherche, l’étude du comportement basée sur la science et la pratique de la médecine comportementale clinique.

[38] Colleen Wilson affirme que le chien est le seul animal qui peut apprendre à contrôler pleinement ses fonctions d’élimination. D’autres préoccupations sont soulevées dans le rapport concernant diverses espèces animales, par exemple les conditions environnementales et les maladies transmissibles entre animal et humain (zoonoses). Toutefois, l’incapacité à contrôler les fonctions d’élimination est un facteur important qui justifie de ne pas autoriser des espèces autres que les chiens dans une cabine passagers, compte tenu des risques pour la sécurité et la santé des humains.

[39] De plus, Colleen Wilson affirme que seuls les chiens peuvent être dressés pour s’habituer à des environnements uniques de transport, et être dressés de façon fiable pour suivre des ordres et se retenir de manifester un comportement agressif envers les personnes et les animaux d’assistance, et ainsi pouvoir être jugés inoffensifs et appropriés dans un environnement de transport. Les chiens d’assistance, comme les chiens-guides pour aveugles, sont élevés, sélectionnés et préparés pendant des années en vue d’affronter et de tolérer toutes sortes d’environnements, de situations et de déclencheurs qui provoqueraient de l’anxiété et de la peur chez la plupart des animaux pendant le transport.

[40] Sur le sujet du dressage adéquat des CSE, Colleen Wilson indique que le dressage d’animaux n’est pas un domaine réglementé. Elle a tout de même donné quelques exemples de programmes de dressage et d’évaluation, mais elle a également expliqué que les évaluateurs sont généralement choisis en fonction de leur adhésion à des clubs canins et de leur expérience en dressage de chiens. Ils n’ont pas besoin d’atteindre un certain niveau de formation ou d’expérience basée sur la science, ce qui signifie que rien ne garantit qu’ils reconnaîtront l’anxiété ou la peur chez les chiens. Par conséquent, aucun établissement réputé ne peut garantir qu’un animal évalué ne présentera aucun risque pour la sécurité dans un environnement de transport public.

[41] Colleen Wilson reconnaît que les animaux qui se comportent mal compromettent la sécurité de tous ceux qui sont dans le même véhicule de transport qu’eux. Les animaux mal dressés ou non dressés présentent un risque pour la sécurité des passagers, des animaux d’assistance et de leur propriétaire. Lorsqu’ils sont effrayés, ces animaux peuvent réagir de façon agressive et causer des blessures aux passagers et à l’équipage.

[42] Colleen Wilson indique que de petits animaux peuvent tenir dans une cage de transport pour animal de compagnie, mais que ces contenants sont acceptables seulement pour de courtes périodes, par exemple pour emmener l’animal chez le vétérinaire. Les trajets de quelque durée que ce soit, surtout pour les petits animaux moins domestiqués, autres que les chiens, soulèvent des préoccupations en matière de santé et de sécurité publiques pour le personnel et les autres passagers. Colleen Wilson insiste sur le fait que, bien que les cages de transport puissent servir à contenir l’animal, son bien‑être sera compromis lors de trajets le moindrement longs. Il est à noter que les cages utilisées pour le transport doivent permettre la ventilation, d’où pourraient s’écouler des déjections, ce qui augmenterait le risque de transmission de zoonoses.

Positions des parties

[43] Les demanderesses Erin Maxwell, Autumn Evoy et Lara Plokhaar, de même que les défenderesses Air Transat et KLM, n’ont pas présenté de réponse à la décision préliminaire.

Kandi Smiley

[44] Mme Smiley convient qu’un chien d’assistance ou un CSE devrait être dressé de manière à bien se comporter, et elle propose que des certificats de comportement soient présentés avant les vols. Elle souligne qu’il n’existe pas d’attestation nationale pour les chiens d’assistance et que les critères d’attestation varient d’une province à l’autre.

[45] Selon elle, il est erroné d’affirmer que les CSE n’effectuent pas de tâches. Elle soutient que son chien doit avoir accès à elle pour lui prêter assistance. Elle est donc d’avis que l’utilisation d’une cage de transport est littéralement impossible puisque le stress sur le propriétaire aussi bien que sur l’animal pourrait être très dommageable. Elle affirme qu’un chien trop gros pour entrer dans une cage qui tient sous un siège aura besoin d’un dressage.

Edwina Brooks

[46] Mme Brooks fait valoir qu’un CSE devrait être accepté comme étant l’équivalent d’un chien d’assistance du fait qu’il s’agisse d’une nécessité pour les personnes dont l’état de santé l’exige.

[47] Mme Brooks affirme qu’elle a été incapable de trouver un vol direct entre le Canada et le Royaume-Uni qui accepterait son chien dans la cabine. Elle souligne que son chien satisfait à toutes les conditions sur le transport de CSE indiquées sur le site Web d’Air Transat. Toutefois, elle a dû prendre un vol via les États-Unis pour trouver un transporteur qui accepterait son chien de grande taille à bord d’un vol en direction du Royaume-Uni, mais son temps de vol a considérablement allongé, et elle a subi une grande détresse et une contrainte excessive. Elle affirme qu’elle a été informée par le ministère responsable de l’environnement, des aliments et des affaires rurales du Royaume-Uni que les transporteurs aériens canadiens n’avaient pas obtenu une approbation pour la procédure d’exploitation obligatoire qui les autoriserait à transporter des animaux dans la cabine sur des vols à destination du Royaume-Uni.

[48] Mme Brooks affirme que grâce à des sites Web offrant de faux documents d’ASE, des passagers ont pu emmener toutes sortes d’espèces d’animaux à bord des aéronefs. Cette fraude a amené les transporteurs aériens à bannir l’ensemble des ASE, ce qui a eu un effet négatif sur les personnes qui ont besoin de leur ASE, dont des CSE. Mme Brooks comprend que les transporteurs dans tous les modes doivent être vigilants lorsqu’ils acceptent des animaux, mais elle fait valoir qu’ils devraient être capables de faire la distinction entre de faux et de vrais documents, et qu’ils devraient accepter que les CSE soient une nécessité pour les personnes qui en ont besoin.

[49] Elle prétend que le règlement actuel n’est pas inclusif, car des obstacles persistent.

Hunter Troup

[50] Dans la décision LET-AT-A-15-2020, l’Office a conclu que le chien de Mme Troup est un ASE. Mme Troup fait valoir qu’il est injuste et discriminatoire de classer dans la catégorie des ASE des chiens d’assistance qui sont dressés par leur propriétaire. Elle indique que ni l’Office ni les transporteurs n’ont de preuve que son chien est un CSE parce qu’ils ne l’ont pas observé. Elle affirme que selon le RTAPH, son chien d’assistance n’est pas certifié et elle fait valoir qu’il entre dans la définition d’un chien d’assistance ayant reçu un dressage personnalisé de la part d’une personne spécialisée en formation de chiens d’assistance. Elle offre d’attester auprès du transporteur qu’elle a dressé son chien par exemple pour l’exécution de certaines tâches et pour détecter les alertes médicales, et qu’elle lui a fait suivre un processus de désensibilisation.

[51] Mme Troup affirme qu’il n’y a pas d’institution de dressage au Canada. Elle fait donc valoir qu’il n’est pas garanti qu’un chien d’assistance dressé par un dresseur professionnel performera au même niveau qu’un chien d’assistance pleinement certifié. Elle dit que les dresseurs n’enseignent pas au chien, mais plutôt à l’utilisateur sur la façon de dresser le chien. Un chien d’assistance faillira si son propriétaire n’a pas fait le travail qu’il faut pour dresser le chien.

[52] Elle affirme que de nombreux types d’agrément existent pour les dresseurs, mais que certaines organisations, comme la Canadian Association of Service Dog Trainers, imposent des frais et permettent seulement aux dresseurs offrant un type précis de dressage de s’inscrire, tandis que d’autres, comme l’Assistance Dogs International, division nord-américaine (ADI) et l’International Guide Dog Association (IGDA), autorisent seulement des dresseurs à but non lucratif à s’inscrire. Elle dit que les utilisateurs doivent donc dresser eux-mêmes leur chien ou embaucher un dresseur pour les aider. Elle fait valoir que la plupart des utilisateurs prennent la formation très à cœur et dressent leur chien d’assistance de manière à ce qu’il dépasse les normes actuelles de l’ADI/l’IGDA ou celles des trois provinces (Colombie‑Britannique, Alberta et Nouvelle‑Écosse) qui fournissent au public un programme volontaire de certification pour les chiens d’assistance.

[53] Mme Troup indique que chaque province reconnaît les chiens d’assistance, même lorsqu’ils sont dressés par leur propriétaire, à condition qu’ils tiennent un journal de dressage ou présentent une preuve de dressage fournie par le dresseur, ainsi qu’une lettre du médecin indiquant le besoin de la personne d’avoir un chien d’assistance. Elle affirme que chaque province sauf l’Ontario exige qu’un chien d’assistance soit dressé pour pallier un handicap, tandis que l’Ontario exige qu’il serve pour pallier un handicap, mais sans préciser qu’il soit dressé à l’exécution de tâches.

[54] Elle soutient que le dressage d’un chien d’assistance est intense et prend du temps. Elle affirme qu’un dressage par le maître coûte quand même cher, mais beaucoup moins que d’acquérir un chien provenant d’un programme ou d’envoyer un chien chez un dresseur pendant des mois. Elle affirme qu’il lui est difficile d’avoir accès à un dresseur privé et de se payer de tels services, et qu’elle ne peut se permettre d’acheter un chien d’un organisme sans but lucratif qui coûte, selon elle, en moyenne entre 25 000 CAD et 35 000 CAD. 

[55] Mme Troup soutient qu’il est déraisonnable que des transporteurs demandent une certification pour son chien. Elle affirme qu’il lui faudrait payer des dizaines de milliers de dollars pour obtenir un bout de papier qu’elle pourrait écrire elle-même. Elle affirme qu’elle a dressé des chiens toute sa vie et a suivi des cours sur l’enseignement de l’obéissance pour pouvoir dresser tous ses chiens. En ce qui concerne un dressage pour l’assistance, elle affirme qu’elle a fait ses propres recherches, lu de nombreux rapports, visionné plus de 200 heures de dressage professionnel sur YouTube et à la télé, et s’est jointe à des groupes Facebook consacrés aux chiens d’assistance en Ontario.

[56] Mme Troup soutient que certains types d’animaux d’assistance pourraient ne pas avoir été dressés par une institution professionnelle reconnue, en raison des types de tâches qu’ils exécutent, comme de procurer une présence réconfortante et rassurante. La plupart des programmes sans but lucratif dressent des chiens afin qu’ils exécutent des tâches précises pour des handicaps précis. Les tâches qu’ils font ne répondent pas aux besoins propres à chaque personne handicapée, alors l’utilisateur pourrait ne pas se qualifier pour obtenir un chien d’un programme sans but lucratif. Elle affirme également qu’il faut attendre longtemps avant d’obtenir un chien provenant d’un tel programme.

[57] Mme Troup affirme qu’à l’heure actuelle, son chien doit rester dans une cage si elle veut le garder en cabine. C’est pourquoi il ne peut pas exécuter les tâches pour lesquelles il a été dressé. Elle fait valoir que son chien est son dispositif d’assistance et que ce n’est pas différent d’une personne utilisant une canne, un fauteuil roulant ou une marchette qui doit être à sa portée lorsqu’elle en a besoin. Elle indique qu’il pourrait ne pas être possible pour une personne qui a besoin d’un dispositif médical de se déplacer sans celui-ci. Si cette personne se voit refuser l’accès à son dispositif, elle pourrait s’isoler et sentir qu’elle n’a aucune valeur aux yeux de la société.

[58] Mme Troup comprend que les ASE n’ont pas le même dressage, la même certification ni le même statut que les chiens d’assistance; que les transporteurs canadiens peuvent ne pas accepter les ASE; et que les règles et les frais habituels pour le transport d’animaux de compagnie pourraient s’appliquer. Elle dit également qu’aucune province ne reconnaît aux ASE le droit de se trouver dans des lieux publics, outre le droit à leur présence dans les logements dans des circonstances particulières.

[59] Mme Troup soutient que l’Office a autorisé des transporteurs à interpréter le RTAPH comme ils l’entendent, ce qui se traduit par de la discrimination contre des personnes ayant un chien d’assistance dressé pour exécuter des tâches.

WestJet

[60] WestJet est d’accord avec la conclusion selon laquelle les transporteurs se verraient imposer une contrainte excessive s’ils devaient accepter d’autres espèces que des chiens en tant qu’ASE, ou être tenus de transporter des CSE sans restrictions. Toutefois, WestJet est grandement préoccupée par la conclusion de l’Office selon laquelle les transporteurs pourraient transporter certains CSE sans subir de contraintes excessives, si des conditions et des garanties appropriées étaient convenues.

[61] WestJet soutient que les ASE ne sont pas faits pour être transportés en aéronef, car il est essentiel que tout animal à bord d’un aéronef pour aider une personne handicapée soit dressé de manière à satisfaire à des normes de sécurité et de santé dans les transports aériens. Il est fort probable que durant des vols, les ASE manifestent un comportement agressif et perturbateur, et ne contrôlent pas leur fonction d’élimination puisqu’ils n’ont pas été dressés en conséquence.

[62] WestJet soutient que les transporteurs composent régulièrement avec de fausses déclarations sur le dressage et le comportement des animaux transportés qui finissent par mal se comporter et créer de graves problèmes de sécurité et de santé tant pour les passagers que l’équipage. WestJet maintient qu’il y a de nombreuses fausses organisations en ligne qui délivrent des documents autorisant des ASE dans les transports, en raison des avantages financiers d’une part pour ceux qui cherchent à éviter de payer les frais pour le transport d’animaux de compagnie et, d’autre part, pour la petite industrie des documents contrefaits. Comme il n’existe pas d’organisme approuvé ni de norme universelle pour les CSE, il est très difficile de valider la documentation.

[63] WestJet fait remarquer que les dispositions du RTAPH portant sur les chiens d’assistance comprennent déjà des chiens d’assistance psychiatrique. Elle fait valoir que toute personne qui cherche à utiliser un CSE devrait faire dresser son chien pour fournir de l’assistance psychiatrique afin qu’il soit visé par l’actuel cadre réglementaire. Elle fait valoir que toute obligation d’accepter les CSE devrait être fondée sur des données convenables, et elle indique qu’elle n’est pas au courant d’études médicales évaluées par les pairs qui démontrent un appui à des CSE. Elle dit que dans l’étude intitulée « Exploring Benefits of Emotional Support Dogs (ESAs): A Longitudinal Pilot Study with Adults with Serious Mental Illness (SMI) », qui porte sur les avantages des chiens de soutien émotionnel pour les adultes ayant de graves troubles de santé mentale, il est conclu qu’aucune preuve scientifique ne vient appuyer le recours à un ASE dans des cas d’anxiété. L’étude ne porte pas sur le contexte propre au transport aérien, mais selon WestJet, l’étude démontre que des études additionnelles devraient être menées avant qu’un règlement ne soit élaboré.

[64] WestJet maintient que de nouveaux obstacles seraient créés pour les passagers qui utilisent des CSE de grande taille si les transporteurs devaient être tenus de transporter de petits chiens en tant que CSE dans des cages. La situation pourrait mener à des plaintes de discrimination perçue, ou encourager certains passagers à faire entrer de force un chien de grande taille dans une cage trop petite pour qu’il puisse faire le trajet en toute sécurité, ce qui obligerait un transporteur à intervenir ou risquerait de blesser l’animal.

[65] WestJet maintient également que des transporteurs doivent disposer d’un recours définitif au cas où un passager voudrait faire comme les autres et sortir son chien de sa cage parce que d’autres passagers qui prennent les transports avec leur animal de compagnie pourraient croire que c’est permis. Elle fait également valoir que les transporteurs devraient avoir des recours, par exemple refuser à l’avenir le transport à la personne qui se serait prévalue de manière frauduleuse d’un programme de CSE.

[66] En ce qui concerne la documentation, WestJet soutient que l’Office devrait clarifier le type de professionnels de la santé qui peuvent délivrer un certificat d’approbation. Il serait suffisant d’exiger que la documentation soit présentée au plus tard 96 heures avant le vol. Toutefois, le fait d’exiger que les transporteurs fournissent le service sans restriction même sans avoir les documents exigés constituerait une contrainte excessive, car cela ouvrirait la porte à de graves abus.

[67] WestJet se dit préoccupée du fait que l’article 59 du RTAPH, qui renferme les exigences de conservation des renseignements, s’applique à la documentation que l’Office propose d’exiger concernant les CSE. Elle demande que l’article du RTAPH exclue le transport des CSE, parce qu’il faudra présenter à chaque réservation la preuve d’une vaccination à jour et d’une bonne santé pour autoriser l’animal dans les transports. Elle fait également valoir qu’il devrait être obligatoire de présenter à chaque réservation une preuve médicale que la personne a un trouble de santé mentale et qu’elle a besoin d’un CSE, parce qu’un handicap peut être temporaire ou épisodique, et pourrait avoir été réglé ou traité avec succès avec des médicaments, donc ne plus justifier qu’elle soit accompagnée d’un CSE dans les transports.

[68] Si la décision définitive admet toute forme de déplacement avec des CSE, WestJet fait valoir que cela devrait être limité aux vols intérieurs. Le fait d’élargir cette disposition aux vols à l’extérieur du Canada impose une contrainte excessive aux transporteurs qui seraient tenus de déterminer ce qui est légalement acceptable dans tous les pays étrangers où ils exploitent leurs entreprises.

Air Canada

[69] Air Canada est d’accord avec les présentations de l’IATA et abonde dans le même sens. Dans la présente décision, il est fait référence à ces présentations comme étant celles des Associations de compagnies aériennes, qui sont résumées plus loin sous la rubrique « Industrie des transports et syndicats ».

VIA

[70] VIA affirme qu’elle soutient les conclusions présentées dans la décision préliminaire, et que l’Office a trouvé un juste équilibre entre l’approche du département des Transports des États‑Unis de refuser les accommodements impliquant des ASE et celle les autorisant sans restrictions dans les transports.

[71] VIA fait valoir que l’étude au cas par cas des demandes d’accommodement impliquant un ASE et encouragée par la Commission canadienne des droits de la personne (Commission) et le centre ARCH Disability Law Centre (centre ARCH) causerait une contrainte excessive pour elle-même et pour son personnel de première ligne. VIA ne saurait trop insister sur l’importance de critères et de règles claires pour les transporteurs et le public voyageur. Lorsque son personnel de première ligne doit composer avec des passagers hostiles qui exigent un accommodement pour prendre le transport avec un ASE non qualifié, on ne peut pas s’attendre à ce qu’il analyse, une à une, une foule de circonstances souvent complexes pour déterminer si la demande d’accommodement pour prendre le transport avec un ASE est acceptable.

[72] VIA reconnaît qu’il pourrait être nécessaire, pour un passager qui a un réel besoin psychologique, d’avoir un chien d’assistance dûment certifié et dressé. Elle est d’accord pour que l’accès des ASE soit limité pour l’ensemble des raisons décrites dans les présentations déposées par d’autres parties et des personnes intéressées, à savoir les fausses déclarations pour faire passer des animaux de compagnie pour des ASE; le danger que ces animaux représentent pour les chiens d’assistance dressés; le danger potentiel pour les membres d’équipage ou les passagers; les questions de santé, d’hygiène, de réactions allergiques et de nuisance; le préjudice à l’acceptabilité des chiens d’assistance; et la grande variété de certificats médicaux soutenant des demandes en lien avec des ASE.

Commentaires de personnes intéressées

Commission canadienne des droits de la personne

[73] La Commission reconnaît que les questions liées aux animaux qui aident des personnes handicapées à participer à la société et à ne pas faire l’objet de discrimination doivent être appréciées de manière à trouver un équilibre entre des considérations de santé et de sécurité, de sécurité opérationnelle et de conséquences financières, comme la perte de revenus découlant des fraudes. Toutefois, elle fait valoir qu’en raison de deux préoccupations centrales concernant l’analyse que fait l’Office des droits de la personne, il ne devrait pas rendre sa décision préliminaire définitive.

[74] D’abord, la Commission fait valoir que la décision préliminaire n’est pas fondée sur une analyse des besoins propres à chaque personne handicapée qui changent en fonction des circonstances précises de chaque cas, selon ce qui est prévu dans la jurisprudence en matière de droits de la personne. Elle affirme que dans sa décision préliminaire, l’Office formule des restrictions générales qu’il entend appliquer à d’éventuelles plaintes mettant en cause des ASE, peu importe le bien-fondé de chaque cas. Elle craint que cette analyse puisse effectivement empêcher l’Office d’évaluer une à une les plaintes dont il sera saisi à l’avenir.

[75] La Commission est préoccupée par les conclusions de l’Office selon lesquelles seuls les chiens pourront être classés ASE, et qu’ils devront être assez petits pour tenir dans une cage, ce qui réduira considérablement le nombre d’ASE acceptés dans les transports. Elle affirme qu’en raison de cette décision de l’Office, la plupart des passagers qui ont besoin d’un ASE ne pourront pas les emmener avec eux dans les transports, sauf si l’animal est défini en tant que chien d’assistance au sens du RTAPH. Elle soutient qu’il n’y a pas eu d’analyse individuelle satisfaisante des droits de la personne pour soutenir un résultat aussi restrictif.

[76] Compte tenu de la relation entre les questions d’accommodement et de contrainte excessive, la Commission fait valoir que le règlement individuel de chaque cas de la présente instance doit comprendre une enquête pour déterminer si un transporteur en particulier, dans le contexte propre à la demanderesse en question, a démontré par des éléments de preuve clairs et probants qu’il ne peut pas répondre aux besoins d’une partie demanderesse sans subir une contrainte excessive. Selon la Commission, l’Office doit se demander si, dans chacun des cas, le transporteur a étudié toutes les options raisonnables d’accommodement, sans appliquer les conditions restrictives proposées de n’accepter que les petits chiens enfermés dans une cage.

[77] La Commission soutient donc que l’Office devrait modifier la décision préliminaire de manière à restreindre ses conclusions sur la contrainte excessive uniquement aux cas précis dont il est saisi, après une évaluation strictement individuelle.

[78] Deuxièmement, la Commission est d’avis que la décision préliminaire ne repose pas sur des éléments de preuve clairs et probants de contrainte excessive basés sur la santé, la sécurité et les coûts, non plus sur la preuve selon laquelle les transporteurs auraient examiné d’autres façons de faire moins discriminatoires et qu’ils les auraient rejetées en se basant sur des questions de santé, de sécurité et de coûts. Elle fait valoir qu’une conclusion de contrainte excessive ne peut pas être seulement basée sur une impression, de simples anecdotes ou encore la crainte injustifiée de conséquences négatives qui pourraient survenir de près ou de loin si le demandeur obtenait l’accommodement. La Commission fait également valoir que la preuve dont dispose l’Office n’est pas assez solide pour soutenir une conclusion de contrainte excessive, qu’il entend appliquer à l’ensemble des personnes, des animaux et des transporteurs (par aéronef, train, autobus ou traversier, qu’il s’agisse de petits ou de gros transporteurs).

[79] La Commission affirme que le résumé présenté par l’Office sur la vaste gamme de points de vue d’intervenants obtenus durant les consultations sur la Phase II du RTAPH semble être largement empirique et ne pas avoir été remis en question pour les besoins de la présente instance. Elle fait également remarquer que l’Office a reconnu, dans la décision préliminaire, que ces consultations ne l’ont pas orienté vers des solutions pour encadrer le transport des ASE. Elle soutient que l’Office devrait être prudent s’il compte s’appuyer sur ces informations pour soutenir une règle ou une norme généralisée qui ne reposera pas sur un règlement habilitant.

[80] La Commission fait également valoir que le rapport d’expertise commandé par l’Office en dehors de la présente instance ne tient pas compte du contexte propre à chacune des six demanderesses; et qu’il ne semble pas que les parties aient eu l’occasion de contre-interroger son auteure ni de présenter leur propre preuve d’expert concernant les conclusions auxquelles l’auteure se range.

[81] La Commission soutient que la conclusion de l’Office fondée sur le rapport d’expertise et selon laquelle seuls des chiens sont sécuritaires en tant qu’ASE dans les transports semble être contraire à la pratique courante dans l’industrie du transport aérien d’autoriser sur leurs vols les animaux de compagnie, comme des chats, dans des cages. Elle affirme que la décision de l’Office pourrait mener à des conséquences incongrues et involontaires, par exemple le cas d’un chat de la catégorie d’animal de compagnie qui serait autorisé à bord tandis qu’un chat en tant qu’ASE serait interdit.

[82] La Commission affirme que l’Office n’a pas assez d’éléments de preuve pour soutenir sa conclusion selon laquelle il est raisonnable, pour les transporteurs, d’exiger une preuve obtenue auprès d’un professionnel de la santé qui attesterait qu’un passager a un handicap lié à la santé mentale et qu’il a besoin d’un CSE dans ses déplacements. Elle fait valoir que la seule preuve que l’Office détient pour soutenir sa conclusion selon laquelle il y a un taux élevé de fraude concernant les ASE provient des observations de certains intervenants qui ont participé aux consultations sur la phase II du RTAPH. La Commission soutient qu’à moins d’avoir de bonnes raisons de croire qu’il est devant un cas d’abus ou de fraude, le transporteur devrait accepter de bonne foi les demandes d’accommodement et comprendre que les personnes handicapées sont les expertes concernant leur handicap et savent comment répondre à leurs propres besoins lorsqu’elles prennent les transports.

[83] La Commission souligne également que la décision préliminaire ne renferme aucun renseignement ni détail à propos du nombre de plaintes que l’Office a reçues concernant des animaux perturbateurs ou des incidents d’agression ou de mauvais comportements par un animal non maîtrisé qui auraient amené les transporteurs à les traiter comme une menace à la santé et à la sécurité.

[84] Enfin, la Commission craint que la décision préliminaire ne permette pas de déterminer si des déplacements avec un CSE dans une cage constitueraient un accommodement convenable pour une personne handicapée qui a besoin de la présence de son chien pour être réconfortée. Dans la mesure où l’avantage que présente l’animal est fondé sur l’interaction et le toucher, il semblerait qu’avec les conditions proposées dans la décision préliminaire, les avantages disparaîtraient.

[85] La Commission soutient que, tant qu’une norme réglementaire appropriée ne sera pas en vigueur pour éliminer les obstacles aux personnes handicapées qui ont besoin d’un ASE dans les transports, elles doivent pouvoir exercer leur droit à un accommodement en fonction de leur propre cas, et avoir confiance qu’on évaluera les circonstances qui s’appliquent à elles, de même que les solutions offertes par le transporteur concerné.

La communauté des personnes handicapées

[86] L’Office a reçu des présentations des organisations suivantes concernant la décision préliminaire :

  • Le centre ARCH, qui a des bureaux provinciaux et nationaux, est un cabinet spécialisé exclusivement en droit des personnes handicapées. Il représente des clients qui comparaissent devant l’Office, et il a soumis des présentations lors du processus législatif de la Loi canadienne sur l’accessibilité et des modifications connexes à la Loi sur les transports au Canada, et lors de l’élaboration du RTAPH et des consultations de l’Office sur la phase II de ce même règlement.
  • L’organisme Assistance Dogs International (ADI), qui a 106 programmes certifiés de dressage de chiens d’assistance, compte quelque 15 000 équipes maître-chien d’assistance certifiées actives. L’ADI établit, pour des organismes de dressage de chiens d’assistance dans de nombreux pays, des normes sur la santé des chiens, la formation sur le bien-être, le placement de chiens, ainsi que la prise en charge de clients. L’organisme gère également un programme pour certifier des organisations membres. Il a inclus dans sa présentation un document rédigé en 2022 par l’organisme Canine Companions et qui s’intitule « White Paper: Poorly Trained Service Dogs—The Impact on Trained Service Dog Teams » (livre blanc de 2022). Ce document porte sur l’impact des chiens mal dressés sur les chiens dressés, et il présente les résultats d’un sondage mené auprès de clients de l’ADI de partout dans le monde qui utilisent des chiens d’assistance (équipes que forme un maître et un chien‑guide, un chien pour personnes malentendantes, un chien d’assistance pour les personnes ayant un handicap physique, un chien d’assistance pour alerte médicale, un chien d’assistance psychiatrique ou un chien d’aide en institution. L’ADI a également participé à des consultations sur la phase II du RTAPH.
  • La Canadian Foundation for Animal-Assisted Support Services (CFAS) fait la promotion de la disponibilité, de la crédibilité et de la viabilité des services aux personnes à l’aide d’animaux. Son travail comprend l’établissement de normes canadiennes pour assurer la qualité et la sécurité publique des services, de même que la santé et le bien-être des animaux.
  • Dreamcatcher Nature-Assisted Therapy (Dreamcatcher) a présenté trois mémoires distincts, un provenant d’une psychologue agréée, un deuxième d’une thérapeute en santé mentale et un troisième d’une travailleuse sociale clinicienne agréée.
  • Les organismes suivants ont soumis une présentation conjointe : National Coalition of People Who Use Guide and Service Dogs au Canada, Conseil des Canadiens avec déficiences, Conseil canadien des aveugles, Canada sans barrières et Utilisateurs de chiens-guides du Canada (Coalition). De plus, durant les consultations sur la phase II du RTAPH, ils ont soumis de nouveau une présentation élaborée par l’Alliance pour l’égalité des personnes aveugles, le Conseil canadien des aveugles, Utilisateurs de chiens-guides du Canada et National Coalition of Persons Who use Guide and Service Dogs.
  • Amber Pye, propriétaire de l’organisme It Takes a Village Dog Training.

[87] La présente décision tient également compte de 15 présentations écrites reçues d’intervenants de la communauté des personnes handicapées au cours des consultations sur la phase II du RTAPH, et qui ont été résumées dans un rapport de type « Ce que nous avons attendu ».

[88] De nombreuses organisations soutenant des personnes handicapées ont soumis des présentations dans lesquelles elles reconnaissent les avantages que des animaux peuvent procurer sur les plans physique, psychologique et émotif.

[89] L’ADI, la CFAS et la Coalition affirment que le terme « ASE » est trompeur et prête à confusion. L’ADI affirme que selon ses recherches, il y a de la confusion concernant les ASE et les chiens d’assistance psychiatrique : les ASE procurent du réconfort, n’ont reçu aucun dressage et peuvent être de n’importe quelle espèce, tandis que les chiens d’assistance psychiatrique ont été entraînés, d’une part, pour exécuter des tâches afin d’aider une personne à pallier un handicap et, d’autre part, pour bien se comporter en public. L’ADI affirme que de nombreux particuliers qui ont un ASE, principalement des chiens, ne comprennent pas quelle différence apporte le dressage.

[90] La CFAS fait remarquer que l’étiquetage de chiens en tant que chiens d’assistance psychiatrique révèle le diagnostic d’une personne, ce qui n’est pas exigé par la loi et ne respecte pas la vie privée d’une personne. La CFAS dit que ce terme vaste implique qu’une personne a un diagnostic médical et qu’un professionnel de la santé a recommandé l’utilisation d’un chien d’assistance psychiatrique.

[91] Les organismes représentant des utilisateurs de chiens d’assistance ou encore des dresseurs certifiés de chiens d’assistance se sont systématiquement opposés à l’idée que des transporteurs reconnaissent un statut spécial à des ASE non dressés. L’ADI, la Coalition et Dreamcatcher soutiennent tous que les ASE devraient être interdits dans les lieux publics du réseau de transport fédéral parce qu’ils n’ont pas subi de vérification de sécurité et n’ont pas été dressés pour être en public. L’ADI et la Coalition font également valoir que les CSE qui ne répondent pas à la définition de « chien d’assistance » au sens du RTAPH devraient être traités en tant qu’animaux de compagnie.

[92] La Coalition et l’ADI insistent sur le fait que les chiens d’assistance doivent suivre un dressage beaucoup plus rigoureux et que les passagers qui ont des ASE non dressés représentent un risque pour leur propre sécurité, celle de leur animal et celle des autres passagers. L’ADI affirme également que les ASE, les chiens d’assistance incorrectement dressés et les animaux de compagnie que leur propriétaire fait passer pour des chiens d’assistance ont une incidence négative sur les équipes certifiées maître-chien d’assistance.

[93] L’ADI fait référence au livre blanc de 2022, qui présente les résultats d’un sondage auprès de 1 503 utilisateurs de chiens d’assistance certifiés de l’Europe, de l’Océanie (Australie et Nouvelle-Zélande) et de l’Amérique du Nord. Des personnes sondées, 93,1 % disent avoir rencontré des animaux de compagnie et des chiens d’assistance non maîtrisés et mal dressés dans des lieux publics où les animaux de compagnie sont interdits. Des répondants de l’Europe et de l’Océanie indiquent ne pas avoir rencontré de chiens d’assistance non maîtrisés ou mal dressés dans des aéroports, et 34,33 % des utilisateurs sondés de l’Amérique du Nord ont pour leur part indiqué que cela leur était arrivé.

[94] Le livre blanc de 2022 révèle que 80 % des personnes sondées pensent que le problème des chiens d’assistance mal dressés a augmenté ces dernières années, tandis que 79,5 % de ces mêmes personnes signalent que des chiens d’assistance mal dressés ont nui à leur indépendance et à leur qualité de vie. Dans ce même livre, il est indiqué que les utilisateurs de chiens d’assistance pourraient limiter les lieux publics où ils se rendent avec leur chien d’assistance par peur, anxiété ou frustration provoquée par le souvenir de malheureuses rencontres dans des lieux publics.

[95] L’ADI affirme qu’aux États-Unis, des problèmes passés survenus dans des moyens de transport en raison d’ASE ayant la même classification que des chiens d’assistance ont généré des dizaines de milliers de plaintes auprès du département américain des Transports. L’ADI affirme qu’elle a donné des formations à ce département et à des transporteurs pour leur faire connaître les différents types de chiens d’assistance, et leur apprendre comment ils aident leur maître et partenaire et comment distinguer un chien d’assistance réel d’un animal mal dressé ou se faisant faussement passer pour un chien d’assistance. L’ADI a également fait des recherches dans les plaintes provenant de compagnies aériennes et de ses propres utilisateurs de chiens d’assistance certifiés qui prennent l’avion. L’ADI affirme que ce travail a amené le département américain des Transports à réviser sa loi sur l’accessibilité des transports aériens afin de définir ce qu’est un chien d’assistance, avec un extrait précis sur le dressage et les capacités du chien.

[96] La Coalition et l’ADI font valoir que si un CSE est autorisé dans la zone passagers d’un véhicule de transport, d’un aéroport ou d’une gare, il doit être maintenu en tout temps — depuis le trottoir jusqu’à la cabine et vice versa — dans une cage qui peut tenir sous un siège, parce que des chiens d’assistance pourraient être perturbés dans n’importe quelle aire publique, avant ou après les contrôles de sécurité, par exemple dans les files d’attente, les toilettes et les escaliers. Le propriétaire du chien doit veiller à ce qu’il ait un comportement approprié, et les conditions proposées dans la décision préliminaire doivent être strictement appliquées pour empêcher que des chiens d’assistance ne soient perturbés.

[97] La CFAS soutient que la condition selon laquelle les chiens dans une cabine doivent être placés dans une cage qui tiendra sous le siège limitera les races des chiens qui pourront être transportés dans la cabine, ce qui pourrait poser problème pour certaines personnes.

[98] La Coalition recommande que soit faite une distinction claire entre les chiens d’assistance et les CSE ou les animaux de compagnie. Si le transporteur décide d’accepter des documents à l’appui provenant d’un professionnel de la santé qui indique qu’un passager a besoin d’un CSE, un accommodement peut être fourni simplement en n’imposant pas les frais pour le transport d’animaux de compagnie. La Coalition fait valoir que cette distinction aidera également les transporteurs qui devront refuser l’accommodement dans le cas de chiens qui sont trop gros pour tenir dans une cage durant le transport.

[99] La Coalition fait remarquer que les chiens-guides sont dressés pour satisfaire à des normes internationales complètes établies par la Fédération internationale des chiens‑guides, et que c’est cette fédération qui certifie les écoles où un tel dressage est offert. Durant les consultations sur la phase II du RTAPH, le même point a été soulevé par l’Alliance pour l’égalité des personnes aveugles, le Conseil canadien des aveugles, Utilisateurs de chiens-guides du Canada et la National Coalition of Persons Who use Guide and Service Dogs. Dans cette première présentation, l’on expliquait qu’à l’issue de leur dressage, les chiens-guides doivent être capables de rester calmes et posés dans diverses situations : bruits forts et soudains, présence d’autres chiens ou animaux, travail parmi des inconnus, déplacements dans des conditions de circulation complexes, et attitude à bord de divers modes de transport. Ces chiens sont extrêmement bien socialisés et ne doivent pas être territoriaux, aboyer de manière inappropriée ni renifler et lécher les gens.

[100] L’ADI et la Coalition indiquent que l’ADI a élaboré des normes de dressage internationales complètes pour les chiens d’assistance qui travaillent pour des personnes ayant un handicap autre que visuel ou auditif, et qu’elle certifie des écoles et des dresseurs qui offrent un tel dressage. La Coalition affirme que ces chiens d’assistance sont dressés pour exécuter une grande variété de tâches, par exemple tirer un fauteuil roulant, servir de point d’appui, ramener des objets, ou encore alerter et prêter assistance en cas d’urgence médicale.

[101] Durant les consultations sur la phase II du RTAPH, la fondation INCA a fait valoir que des professionnels de la santé comme les travailleurs en santé mentale ou les psychiatres pourraient être en mesure de juger des avantages possibles qu’une personne pourrait tirer de la présence d’un ASE. Toutefois, ils ne sont pas qualifiés pour vérifier qu’un ASE acquis par une personne handicapée a été correctement dressé et que la personne a reçu des instructions sur la façon de travailler avec l’animal.

[102] La fondation INCA mentionne également que les chiens-guides sont dressés pour rester calmes pendant de longs vols et dans des situations où les lieux d’aisance sont rares et espacés. Même dans ce cas, il n’y a aucune garantie qu’un chien ne réagira pas de manière inappropriée dans une situation stressante. Les ASE qui ne font pas l’objet d’une sélection, d’un dressage et d’une certification aussi rigoureux présentent plus de risques de mauvais comportements inacceptables en public. Des risques peuvent se présenter lorsque des animaux non entraînés prennent les transports, ce qui peut compromettre la sécurité de l’utilisateur du chien‑guide ou du chien d’assistance.

[103] La Coalition fait remarquer que l’ADI peut délivrer un certificat dans le cas d’un chien dressé par son propriétaire ou un dresseur non certifié si le chien satisfait à ces normes internationales. La Coalition recommande que seuls les chiens‑guides et les chiens d’assistance qui répondent aux normes de la Fédération internationale des chiens‑guides ou de l’ADI soient acceptés sans restriction dans les transports dans les espaces réservés aux passagers.

[104] Amber Pye se demande pourquoi l’Office n’a pas consulté de manière proactive des représentants de programmes d’aide aux propriétaires, par exemple la division des chiens d’assistance de la Canadian Association of Professional Dog Trainers, et la Canadian Association of Service Dog Trainers. Ni l’une ni l’autre n’a participé aux consultations sur la phase II du RTAPH ou n’a soumis de présentation dans le cadre de la présente instance.

[105] Durant les consultations sur la phase II du RTAPH, des groupes communautaires ont soumis plusieurs présentations afin de manifester leur appui à l’obligation, pour les transporteurs, d’accepter les ASE dans les transports. Selon l’Association canadienne pour la santé mentale, il aurait été démontré, dans le cadre d’une revue méthodique résumant les éléments de preuve concernant des animaux de compagnie pour les personnes ayant un handicap épisodique, que les ASE avaient le potentiel d’encourager le mouvement et la socialisation, ce qui contribuerait donc à l’amélioration de la santé mentale et de la gestion des troubles de santé mentale. Même si dans leurs présentations, des membres de cette communauté appuyaient l’idée d’accepter des ASE et des animaux d’assistance autres que les chiens dans les transports, ils insistaient souvent sur l’importance d’imposer des exigences en matière de dressage et de documentation qui seraient normalisées par l’Office ou vérifiées par des tiers.

[106] La Coalition soutient qu’énormément de travail a été fait pour établir les droits et les responsabilités des utilisateurs de chiens-guides et de chiens d’assistance légitimes qui sont protégés par le RTAPH. Elle fait valoir que les droits et les responsabilités sont indissociables. Avant d’accorder ces droits aux propriétaires de CSE, ils doivent faire la preuve qu’ils peuvent gérer leur chien pour qu’il ait un comportement convenable.

[107] Des points de vue semblables ont été exprimés lors des consultations sur la phase II du RTAPH. Par exemple, Canada sans barrières laisse entendre qu’il serait important que les ASE reçoivent un dressage sur la manière de se comporter qui serait comparable à celui, obligatoire, pour les chiens d’assistance.

[108] La Pacific Assistance Dogs Society a également fait valoir que si des personnes handicapées souhaitent avoir leur ASE avec elles dans l’espace public, elles ont une responsabilité, envers le public et les animaux eux-mêmes. En effet, elles doivent faire dresser leur animal pour qu’il réponde aux normes relatives à l’espace public qui ont été établies pour les chiens d’assistance certifiés.

[109] Dans sa présentation, le centre ARCH soumet des arguments semblables à ceux de la Commission canadienne des droits de la personne. Il soutient que la preuve sur laquelle l’Office appuie sa conclusion préliminaire de contrainte excessive ne satisfait pas aux normes établies par la jurisprudence sur les droits de la personne.

[110] Le centre ARCH fait valoir que dans sa décision préliminaire, l’Office semble insinuer que l’information reçue durant les consultations sur la phase II du RTAPH suffit pour établir ce qui est, en fait, une nouvelle norme, même s’il a conclu, après ces consultations, qu’il n’y avait aucune avenue réglementaire claire pour la suite en ce qui concerne les ASE.

[111] Le centre ARCH soutient qu’une partie défenderesse doit fournir des éléments de preuve concrets pour justifier qu’elle ne peut pas répondre à un besoin lié à un handicap. Une preuve ne peut pas être basée sur des impressions ou des conjectures. Par exemple, il ne suffit pas de démontrer qu’un accommodement coûterait cher; la preuve doit montrer que les coûts sont si élevés qu’ils se traduiraient par une contrainte excessive.

[112] Le centre ARCH affirme également qu’aux archives de la présente instance, il y a peu de preuves objectives quantifiables, voire aucune, qui révèlent le nombre de cas de fausses déclarations visant à faire passer un chien de compagnie pour un CSE. Le centre ARCH affirme également qu’il n’existe aucune analyse à savoir si les incidents de fraude sont assez fréquents pour que l’Office conclue à un taux de fraude élevé à cet égard, soit l’une des raisons pour lesquelles l’Office conclut que le transport de CSE se traduirait par une contrainte excessive pour les transporteurs. Le centre ARCH fait valoir que les présentations soumises lors des consultations sur la phase II du RTAPH, de même que le rejet, par l’Office, d’une demande parce que certains documents présentés en preuve n’étaient pas crédibles, ne sont pas des types d’éléments de preuve concrets nécessaires pour soutenir, en droit, une conclusion de contrainte excessive.

[113] Le centre ARCH souligne que la décision préliminaire de l’Office repose en grande partie sur le rapport d’expertise, qui semble être la seule preuve d’expert dont dispose l’Office au sujet de la sécurité. Le centre ARCH fait valoir qu’il est problématique de s’appuyer sur un seul rapport d’expertise de portée générale, parce que la présente décision établira une nouvelle norme pour le transport des ASE, et pourrait être appliquée à grande échelle. Le centre ARCH affirme que le rapport d’expertise est de nature générale; que son auteure ne semble pas avoir tenu compte de l’espèce d’ASE ni du contexte de transport propres à chaque demande de la présente instance, et que la fiabilité de la preuve d’expert n’a pas été mise à l’épreuve au moyen d’un contre‑examen.

[114] Le centre ARCH affirme que la décision préliminaire mine le droit des personnes handicapées qui utilisent des ASE de demander un accommodement adapté à leurs besoins. Il fait valoir qu’il y a un risque très réel que la présente décision ait des conséquences négatives sur l’accès aux services de transport de personnes handicapées qui utilisent des ASE autres que des chiens. Le centre soutient que le souhait de fournir aux passagers dans le réseau de transport fédéral des certitudes et une certaine prévisibilité ne doit pas brimer le droit à un accès égal aux transports.

[115] Le centre ARCH affirme également que les transporteurs pourront faire référence à la présente décision pour justifier leur refus que des ASE autres que des chiens accompagnent une personne dans les transports, puisque l’Office a déjà déterminé qu’il y aurait contrainte excessive s’il fallait accepter d’autres espèces. Il fait valoir que les transporteurs pourront refuser les demandes de transport avec des ASE sans procéder à une évaluation individuelle ou encore se décharger de leur obligation essentielle et habituelle de fournir un accommodement à des personnes handicapées. Selon le centre ARCH, cette façon de faire serait incompatible avec le droit en matière de droits de la personne, parce qu’elle mine le principe juridique fondamental selon lequel le handicap et les besoins d’une personne sont uniques, et que ceux qui ont la responsabilité de fournir les accommodements doivent le faire selon un procédé adapté à la personne.

[116] Le centre ARCH fait valoir que dans son analyse, l’Office met beaucoup d’efforts pour rendre une conclusion générale de contrainte excessive dans laquelle il n’envisage pas d’approche adaptée. Il fait valoir que ce qui constitue une contrainte excessive dépend des circonstances de chaque cas. Même si les facteurs et les circonstances des cas étudiés dans la décision préliminaire varient, le centre ARCH soutient que l’Office, dans son analyse, ne tient pas compte de leurs différences importantes.

Industrie des transports et syndicats

[117] En réponse à la décision préliminaire, voici ce que l’Office a reçu :

  • une présentation conjointe de l’IATA, du Conseil national des lignes aériennes du Canada et d’Airlines for America (collectivement « associations de compagnies aériennes »), également adoptée par Air Canada;
  • une présentation du Conseil des aéroports du Canada qui représente plus de 100 aéroports;
  • une présentation d’American Airlines.

[118] Dans la présente décision, l’Office a consigné dans un rapport de type « Ce que nous avons entendu » les présentations écrites reçues de représentants de l’industrie et de syndicats en 2019 et en 2020, durant les consultations sur la phase II du RTAPH.

[119] Les associations de compagnies aériennes et le Conseil des aéroports du Canada conviennent que les transporteurs et les aéroports subiraient une contrainte excessive s’ils acceptent des espèces d’ASE autres que des chiens en raison des risques connexes pour la santé et la sécurité. Pour les mêmes raisons, les associations de compagnies aériennes conviennent qu’il y aurait contrainte excessive pour les transporteurs si ceux-ci devaient être tenus d’accepter à bord des aéronefs des animaux non dressés sortis de leur cage. Le Conseil des aéroports du Canada fait également remarquer que s’il devait accepter d’autres espèces que des chiens en tant qu’ASE, les aéroports auraient de la difficulté à aménager de nombreux types de lieux d’aisance, ce qui viendrait annuler les progrès récents qu’ils ont réalisés grâce à la publication de pratiques exemplaires pour les lieux d’aisance intérieurs.

[120] Les associations de compagnies aériennes sont d’accord avec l’opinion de l’auteure du rapport d’expertise selon laquelle la plupart des espèces ne peuvent pas être dressées pour répondre à certaines normes nécessaires de sécurité et de santé dans les transports aériens. Les associations affirment qu’en raison de l’absence de dressage, il est fort probable que durant un vol, un ASE manifeste un comportement agressif et perturbateur, et ne contrôle pas ses fonctions d’élimination. Pour soutenir son point de vue, elles font référence à des incidents passés survenus parce que le département américain des Transports avait autorisé le transport de dindes, de reptiles et d’araignées en tant qu’ASE. Elles soutiennent que cette permission a non seulement mis à risque la santé et la sécurité des membres d’équipage et des autres passagers, y compris des personnes accompagnées d’animaux d’assistance, mais qu’elle a également compromis l’exploitation sécuritaire et efficace du moyen de transport, surtout en contexte de transport aérien. Enfin, elles disent s’inquiéter du bien-être et du comportement des animaux eux-mêmes.

[121] Des présentations reçues de transporteurs et de syndicats durant les consultations sur la phase II du RTAPH ont également porté sur les risques pour la santé et la sécurité liés au transport de passagers accompagnés d’ASE. Ils y indiquaient que des employés avaient été témoins d’incidents où des ASE ont blessé des membres du personnel et des passagers, ont uriné et déféqué à bord du moyen de transport (notamment sur les sièges) et ont eu d’autres comportements inappropriés.

[122] Durant ces consultations, Air Canada a fait état de plusieurs cas où des voyageurs ont refusé d’obéir aux instructions du personnel de bord qui leur demandait de maîtriser leur animal, de le garder sur le plancher et de l’empêcher de monter sur les sièges ou de se retrouver dans l’allée, ce qui a créé d’importants problèmes de sécurité. Des animaux non attachés qui montent sur des sièges ou se retrouveraient dans l’allée risquent de blesser les autres en cas de turbulences soudaines et de nuire à l’évacuation des passagers en cas d’urgence. De même, souvent lorsque des propriétaires d’animaux de compagnie, qui ont suivi les instructions à la lettre concernant leur animal, en voient d’autres en dehors de leur cage qui ne sont manifestement pas dressés et qui ne sont pas des animaux d’assistance reconnaissables, ils font aussi sortir le leur, ce qui augmente les risques pour la sécurité. La situation a été décrite comme étant désormais un problème important pour le personnel de bord.

[123] Dans des présentations reçues durant les consultations sur la phase II du RTAPH, des représentants de l’industrie et des syndicats soulevaient également des préoccupations sur les risques d’allergie pour les membres d’équipage et les autres passagers, et leur exposition à des animaux qui pourraient transmettre des maladies.

[124] Les associations de compagnies aériennes font remarquer que la décision préliminaire n’aborde pas la question de l’expérience dans les aéroports ni n’exige de mesures d’atténuation à ces endroits. Elles font référence aux données de sondage présentées dans le livre blanc de 2022 de l’ADI qui indique que 34,33 % des utilisateurs de chiens d’assistance légitimes dans des régions ayant autorisé des ASE ont dû composer avec des chiens non maîtrisés ou mal dressés dans certains aéroports.

[125] Les associations de compagnies aériennes et American Airlines ne sont pas d’accord pour que des normes distinctes soient établies pour les CSE, et elles estiment qu’ils devraient être traités en tant qu’animaux de compagnie. Les associations de compagnies aériennes résument les préoccupations à savoir que l’obligation, pour les transporteurs, d’accepter de transporter des CSE dans des cages sans frais entraînera des iniquités et de la fraude :

  • La situation entraîne des problèmes d’équité pour les passagers se déplaçant avec des chiens de grande taille qui ne se qualifient pas à titre de chiens d’assistance au titre du RTAPH et qui ne tiennent pas dans des cages de transport. La frustration de passagers, dans de telles situations, sera immanquablement et injustement dirigée contre les transporteurs et leurs employés de première ligne.
  • Certains passagers non handicapés avec de petits chiens de compagnie pourraient faire de fausses déclarations les concernant eux et leur chien pour éviter de payer les frais pour le transport d’animaux de compagnie.

[126] Les associations de compagnies aériennes et American Airlines affirment qu’en conséquence de politiques antérieures établies par le département américain des Transports, des passagers présentent déjà de faux documents concernant leur handicap ou encore leurs besoins d’un CSE. Cette situation donne lieu à des vérifications longues et fastidieuses par le personnel du transporteur, à des frais pour le transport d’animaux de compagnie non perçus et à des problèmes de sécurité dans la cabine (comme des allergies) que les transporteurs atténuent au moyen de leurs politiques sur le transport des animaux de compagnie.

[127] Lors des consultations sur la phase II du RTAPH, de nombreux représentants de l’industrie et de la communauté des personnes handicapées se disaient inquiets des faux certificats qu’il est possible de se procurer pour une bouchée de pain. Selon les transporteurs, il est affirmé sur ces certificats que la personne a besoin d’un ASE pour pallier son prétendu handicap d’après les conclusions de pseudo professionnels de la santé qui ne rencontrent même pas la personne et ne procèdent à aucune évaluation indépendante et fiable de son handicap ou de son besoin d’être accompagnée d’un ASE. Il est également possible d’acheter des documents, des harnais et des vêtements portant la mention d’animal d’assistance ou de travail. Un transporteur a affirmé que les questions posées au sujet de la documentation concernant ces chiens suscitent parfois beaucoup de colère et de contrariété chez les passagers. Dans plusieurs présentations, on exprimait des craintes concernant le nombre de chiens illégaux et mal dressés présents dans l’espace public et l’opinion publique négative qui risquait de rejaillir sur les chiens d’assistance qui ont reçu un dressage hautement spécialisé.

[128] Afin d’illustrer qu’il y a certainement de la fraude, les associations de compagnies aériennes présentent les chiffres suivants, pour les États-Unis, entre 2018 et 2019 : le nombre de passagers se déplaçant avec des animaux d’assistance dressés a augmenté d’un modeste 2,8 %; le nombre de passagers se déplaçant avec des animaux de compagnie a augmenté de 5,97 %, tandis que le nombre de passagers se déplaçant avec des ASE a bondi de plus de 10,7 %. L’un de ses membres a constaté une augmentation de 27,9 % du nombre d’ASE, tandis que l’augmentation du total de ses passagers n’a été que de 6,1 % durant la même période.

[129] Les associations de compagnies aériennes font également référence aux données de sondage présentées dans le livre blanc de 2022 de l’ADI concernant les utilisateurs de chiens d’assistance. Il y est indiqué que les fraudes rattachées aux ASE ont eu une incidence profonde sur de nombreuses équipes maître-chien, notamment un scepticisme croissant quant à la légitimité des chiens d’assistance, des blessures réelles ou des changements de comportement chez des chiens d’assistance qui ont mis fin à leur carrière. Les associations de compagnies aériennes craignent également qu’à défaut d’exigences visant la certification, des passagers handicapés pourraient acquérir sans le savoir un animal non dressé qui aurait des conséquences fâcheuses sur leur capacité de prendre les transports.

[130] Durant les consultations sur la phase II du RTAPH, un grand nombre de représentants de l’industrie ont fait valoir que le transport de tout ASE devrait faire l’objet de contrôles appropriés, par exemple au moyen d’un certificat médical délivré par un professionnel de la santé qui traite le patient en rapport avec son handicap, en plus d’une confirmation, par un vétérinaire ou un organisme spécialisé, que l’animal ne risque pas d’aboyer, de grogner, d’être agressif ou de ne pas contrôler ses fonctions d’élimination durant le transport. Dans la majorité des présentations, il était indiqué que les ASE devraient être traités de la même manière dans tous les modes de transport.

[131] Les associations de compagnies aériennes se demandent si un CSE gardé dans une cage au pied du passager procure les avantages nécessaires d’un accommodement. Elles affirment également que les conditions proposées par l’Office ne permettent pas de régler la cause première des demandes frauduleuses, ne renferment pas de méthodes claires pour déterminer la validité d’un document et ne donnent pas aux transporteurs de recours ni de ressources lorsqu’ils sont en présence de demandes frauduleuses.

[132] Les associations de compagnies aériennes et American Airlines affirment que s’il revient aux transporteurs d’évaluer la validité des documents à l’appui joints aux demandes de transport avec un CSE, ils se retrouveront avec un fardeau administratif complexe et des difficultés relativement au service à la clientèle. American Airlines se préoccupe également du risque de faire face à des mesures légales. Elle fait valoir que cette responsabilité constituerait une contrainte excessive pour les transporteurs.

[133] Elles affirment que les transporteurs ne peuvent pas confirmer qu’un document est valide, ou que le médecin ou le professionnel de la santé (par exemple un dermatologue) traite réellement le passager ou a reçu la formation nécessaire pour prescrire la présence d’un CSE dans les transports.

[134] Les associations de compagnies aériennes font valoir que dans les conditions proposées par l’Office, il n’est pas obligatoire de présenter une preuve que le chien qui accompagne le passager est un CSE authentique ni que les documents médicaux présentés au transporteur concernent bel et bien ce chien. Il n’existe aucune exigence concernant la documentation sur le dressage que le CSE aurait reçu, ce qui laisse les transporteurs déterminer quelle documentation suffirait pour les convaincre que l’animal a été dressé en toute légitimité pour travailler dans l’environnement public et fermé d’un vol. Il n’y a aucune obligation de garantir que le chien ne va pas aboyer de manière incontrôlable durant tout le vol et ainsi créer de graves perturbations et problèmes de sécurité pour les passagers et les membres d’équipage. Les propositions de l’Office ne prévoient non plus de possibilités d’évaluer le comportement d’un chien avant le vol.

[135] Les associations de compagnies aériennes soutiennent que l’Office doit, d’une part, avoir les ressources, la capacité et la volonté d’établir des règles concernant les passagers qui tentent de prendre des vols avec un animal de compagnie qu’ils auront fait passer pour un CSE et, d’autre part, être prêt à engager des poursuites dans des cas de fraude, y compris contre des médecins, des professionnels de la santé, des vétérinaires et d’autres personnes sans scrupules qui y auraient participé.

[136] American Airlines s’inquiète qu’un éventuel système à deux vitesses pour les passagers qui se déplacent avec des chiens qui ne sont pas des chiens d’assistance dressés intensifiera les pressions pour élargir les accommodements aux CSE. Elles ne sont pas d’accord avec les conditions proposées dans la décision préliminaire et, si elles sont adoptées, elles insistent pour qu’elles soient strictement respectées.

[137] American Airlines plaide pour que l’Office fasse comme aux États-Unis, qui traitent les ASE comme des animaux de compagnie, sauf si ces derniers ont reçu un dressage reconnu qui permet de les distinguer. Elle fait valoir que les exigences énoncées dans la décision préliminaire ne devraient pas s’appliquer aux transporteurs américains, parce que la complexité et la confusion que causent des exigences incohérentes entre le Canada et les États-Unis entraîneraient pour eux une contrainte excessive de plus.

[138] Les associations de compagnies aériennes font valoir que l’exonération des frais pour le transport d’animaux de compagnie peut seulement s’appliquer au transport intérieur, conformément au paragraphe 31(2) du RTAPH auquel figurent des exceptions à l’interdiction d’appliquer des frais pour des services que le transporteur est déjà tenu de fournir, selon le RTAPH. Autrement, selon elles, l’exonération des frais contreviendrait à des accords internationaux sur la liberté de fixer les prix.

[139] Les associations de compagnies aériennes reconnaissent que des passagers handicapés ont peu d’options pour satisfaire aux exigences du RTAPH sur les chiens d’assistance. Elles font valoir que le Canada devrait créer un organisme national qui serait chargé de trouver une définition globale et uniforme de ce qu’est un chien d’assistance, d’établir des normes de dressage, et de valider et de certifier les chiens d’assistance dressés, y compris les chiens d’assistance psychiatrique, qui seraient autorisés dans les transports et plus généralement dans la société. Cette mesure éliminerait le besoin de CSE et d’un nouveau cadre pour les chiens non dressés à bord des aéronefs. Elles font valoir que grâce à cette approche, les passagers handicapés ayant un chien d’assistance légitime auraient l’autorisation de prendre les transports, et la sécurité et l’hygiène à bord des aéronefs ne seraient pas compromises. De même, cela réduirait au minimum les risques de demandes frauduleuses qui causent de graves problèmes opérationnels pour les transporteurs et compromettent la sécurité des passagers, du personnel et des chiens d’assistance légitimes. Les associations de compagnies aériennes soutiennent que sans un système national, les transporteurs ne peuvent pas évaluer si un chien a été correctement dressé pour ne pas compromettre la sécurité durant les déplacements.

[140] Les associations de compagnies aériennes et American Airlines font valoir que les propositions présentées dans la décision préliminaire devraient faire l’objet d’un processus réglementaire complet et de modifications dans le RTAPH pour les raisons suivantes : la présente instance ne comprend aucune analyse coûts-avantages; les résultats des consultations ne sont pas soupesés; et les modifications sont trop importantes pour être appliquées uniquement aux transporteurs parties à la présente instance.

[141] American Airlines affirme que dans une analyse coûts-avantages, il faudrait déterminer d’une part s’il est plus avantageux économiquement pour une personne handicapée de consacrer du temps et de l’argent afin d’obtenir des documents véritables pour répondre à son besoin d’être accompagnée d’un CSE, ou de payer les frais imposés pour le transport d’animaux de compagnie et, d’autre part, ce qu’il en coûte aux transporteurs pour gérer de telles demandes d’accommodement. American Airlines fait valoir qu’il serait plus simple d’autoriser les transporteurs à traiter les CSE en tant qu’animaux de compagnie, que le processus pourrait être géré équitablement et que les coûts seraient réduits.

Le public

[142] Aucun particulier n’a présenté de commentaires sur la décision préliminaire. Toutefois, l’Office a analysé plus de 70 commentaires reçus durant les consultations sur la phase II du RTAPH et les a consignés dans le rapport « Ce que nous avons entendu ». La plupart des répondants n’étaient pas d’accord pour accueillir davantage d’ASE dans les transports, pour les raisons suivantes :

  • les comportements inappropriés des ASE;
  • les fausses déclarations de la part de personnes qui cherchent à se déplacer avec leur animal de compagnie;
  • les autres voyageurs inquiets des allergies aux animaux.

[143] L’opposition dans les réponses du public est variable, car certaines personnes s’opposent à la présence de tout animal en cabine dans les aéronefs. La plupart reconnaissent toutefois la légitimité d’une exception pour les chiens-guides dressés.

[144] La majorité des personnes en faveur d’exigences réglementaires pour que les transporteurs acceptent les ASE soulignent également l’importance d’une certification et d’un dressage adéquats. Certaines ont suggéré l’établissement de normes fédérales, notamment la création par l’Office d’un programme d’autorisation de transport. De nombreux répondants ont également suggéré que des limites soient imposées quant au nombre, à la taille et à l’emplacement des animaux acceptés à bord des véhicules de transport.

Analyse et déterminations

[145] La question de savoir si les transporteurs devraient être tenus de transporter un ASE qui accompagne une personne handicapée est litigieuse, les points de vue étant très arrêtés de part et d’autre. Aucun règlement n’exige que les ASE soient transportés. Toutefois, les transporteurs doivent répondre aux besoins des personnes handicapées qui sont liés à leur handicap tant que la contrainte ne devient pas excessive.

[146] Selon ce que l’Office a affirmé dans sa décision d’interprétation 33-AT-A-2019, les mesures nécessaires pour éliminer les obstacles imposent habituellement un certain fardeau aux transporteurs. La contrainte devient excessive seulement lorsqu’il est impossible, peu pratique ou déraisonnable d’éliminer l’obstacle. Les contraintes peuvent être attribuables à des questions de coûts, de viabilité économique et de sécurité. Ce sont là les critères que l’Office appliquera pour déterminer si les obstacles constatés sont abusifs dans les cas joints à la présente instance.

[147] Selon la preuve déposée à ce jour par les parties dans chacun des cas joints à la présente instance, et selon l’information sur les ASE obtenue lors des consultations publiques menées par l’Office sur la phase II du RTAPH, et l’information provenant du rapport d’expertise et des réactions à la décision préliminaire, l’Office tire les conclusions suivantes concernant le transport des ASE.

1. Approche de l’Office

Analyse des droits de la personne

[148] La Commission et le centre ARCH sont d’avis que les conclusions de l’Office dans sa décision préliminaire ne sont pas basées sur une analyse individuelle des accommodements qui tiendraient compte des circonstances précises de chaque cas, selon ce qui est prévu dans la jurisprudence en matière de droits de la personne. Ils font valoir que l’Office, dans sa décision préliminaire, énonce des restrictions de nature générale qu’il entend appliquer à d’éventuelles plaintes concernant des ASE, sans égard au bien-fondé de chaque cas. Ils craignent que ces conclusions n’empêchent effectivement l’Office d’effectuer une évaluation adaptée à chaque plainte éventuelle.

[149] Dans sa façon d’analyser les demandes en matière de transports accessibles, l’Office utilise bel et bien une approche individualisée qui cadre avec les principes des droits de la personne décrits précédemment sous la rubrique « La loi », ainsi que dans la décision d’interprétation. Dans la première partie de son analyse, l’Office répond à des questions centrées sur la partie demanderesse : a-t-elle un handicap? a-t-elle rencontré un obstacle à ses possibilités de déplacement? y a-t-il un lien entre le handicap et l’obstacle?

[150] Dans la deuxième partie de l’analyse de l’Office, il incombe alors au transporteur d’expliquer comment il propose d’éliminer l’obstacle ou de démontrer qu’il ne peut pas éliminer l’obstacle sans se voir imposer une contrainte excessive. À cette étape, l’analyse reflète généralement les critères formulés par le centre ARCH et la Commission : déterminer si le transporteur en cause dans le cas précis de la partie demanderesse a démontré par des éléments de preuve clairs et probants qu’il ne peut pas répondre aux besoins de la partie demanderesse sans subir une contrainte excessive.

[151] La Commission reconnaît qu’il faut atteindre juste équilibre entre les droits des personnes handicapées de prendre pleinement part à la société sans discrimination, et les autres facteurs en présence, comme ceux liés à la santé, à la sécurité et aux conséquences financières des accommodements. Dans certains cas, cette analyse doit non seulement être faite au moyen de ces facteurs dans le contexte particulier du transporteur, mais également en tenant compte des conséquences plus vastes pour le réseau de transport fédéral et les autres qui l’empruntent. Donc, pour déterminer comment fournir un accommodement aux personnes handicapées qui ont besoin d’un ASE, l’Office a tenu compte des conditions uniques des environnements de transport aérien et ferroviaire de passagers; des implications pour les autres éléments du réseau de transport fédéral dans son ensemble; et des droits des autres personnes handicapées.

[152] Les cabines passagers dans les aéronefs et les voitures de chemin de fer sont de taille et de configuration différentes, mais elles ont aussi d’importantes caractéristiques communes : il s’agit d’espaces publics exigus que bien des personnes, avec ou sans handicap, trouvent restreints et stressants. Pour les animaux, les espaces sont exigus, mais surtout généralement peu familiers, et cela leur cause du stress. Les actions et les comportements de chaque personne ou animal dans ces espaces sont susceptibles d’affecter les autres qui sont présents, à savoir le personnel du transporteur et les passagers, y compris d’autres personnes handicapées qui utilisent des chiens d’assistance. Après que le transport commence, toutes les personnes et tous les animaux restent ensemble dans ces espaces exigus parfois pendant des périodes prolongées. Dans son analyse, l’Office doit tenir compte de ces aspects en contexte de transport, surtout lorsqu’il se penche sur les préoccupations en matière de santé et de sécurité.

[153] De la même façon qu’avec les déplacements des personnes handicapées dans le réseau de transport fédéral, le transport d’ASE suppose nécessairement un accès public aux autres composantes du réseau de transport, par exemple aux gares. La présente décision porte donc essentiellement sur l’accès d’ASE dans l’espace public, soit dans des aéronefs et des voitures de chemin de fer de passagers, mais la portée de l’analyse par l’Office doit nécessairement englober les conséquences de la présence d’ASE dans d’autres composantes du réseau de transport fédéral.

[154] Finalement, l’accès public au réseau de transport fédéral est depuis longtemps protégé pour les personnes qui ont besoin d’un chien d’assistance, à condition qu’elles satisfassent à des prérequis rigoureux pour garantir le comportement irréprochable du chien d’assistance et sa fiabilité dans les lieux publics. Par définition, un ASE ne satisfait pas à de tels prérequis. En conséquence, il convient d’analyser minutieusement les répercussions que le transport d’ASE pourrait avoir sur l’équipe maître-chien d’assistance.

[155] La présente décision devrait aider l’Office à étudier la question des contraintes excessives propres à chacun des cas de la présente instance et dans ceux qu’il recevra à l’avenir, y compris en ce qui concerne d’autres environnements du réseau de transport fédéral, comme les autobus, les traversiers et les gares. Toutefois, dans la présente décision, l’Office n’aborde pas la totalité des questions et des facteurs qui pourraient être pertinents à chacune des circonstances, mais cela ne l’empêchera pas d’analyser d’autres facteurs propres à chacun des cas qu’il recevra à l’avenir. L’Office statuera sur les questions de chaque cas qui lui restait à régler, et il continuera d’étudier chacune des circonstances dans les nouvelles demandes. Si leur cas passe à la deuxième partie de l’analyse de l’Office, les demanderesses auront l’occasion de répondre aux présentations du transporteur sur la contrainte excessive, et de faire valoir que les conclusions de la présente décision ne devraient pas s’appliquer à leur cas en particulier.

Preuve pour la décision

[156] La Commission et le centre ARCH sont d’avis que la décision préliminaire n’est pas basée sur des éléments de preuve clairs et probants de contrainte excessive, et il n’y est pas non plus démontré qu’il aurait étudié ou écarté d’autres approches moins discriminatoires en s’appuyant sur des facteurs associés à la santé, la sécurité ou aux coûts.

[157] Plus particulièrement, la Commission et le centre ARCH affirment qu’aux archives de la présente instance, il y a peu de preuves objectives quantifiables, voire aucune, qui révèlent le nombre de cas de fausses déclarations visant à faire passer des animaux de compagnie pour des ASE, non plus d’analyses à savoir si les incidents de fraude sont assez fréquents pour que l’Office conclue à un taux de fraude élevé à cet égard.

[158] L’Office fait remarquer que la preuve pour tenter de quantifier l’ampleur de ce type de fausses déclarations en Amérique du Nord a été faite durant les consultations sur la phase II du RTAPH, qui ont été résumées dans le rapport « Ce que nous avons attendu ». En outre, en réponse à la décision préliminaire, les associations de compagnies aériennes ont présenté des statistiques qui, selon elles, illustrent l’ampleur de la situation dans le réseau de transport aérien des États-Unis, avant que le département des Transports des États-Unis n’adopte sa règle définitive en 2021. L’ADI a également présenté les résultats de sondages menés auprès de ses utilisateurs de chiens d’assistance et qui révèlent les conséquences négatives sur les équipes maître‑chien d’assistance lorsque des animaux non ou mal dressés sont présents dans les lieux publics de transport.

[159] L’Office ne peut pas et ne devrait pas écarter ou ignorer des éléments de preuve qualitatifs largement reconnus par des intervenants de tous horizons. Pendant plus d’une décennie, les transporteurs, les syndicats de travailleurs de l’industrie des transports, la communauté des personnes handicapées, et le grand public, n’ont cessé de signaler les conséquences négatives dans le réseau de transport fédéral des fausses déclarations visant à faire passer des animaux de compagnie pour des ASE ou des animaux d’assistance. Ces préoccupations ont été consignées dans les consultations sur la phase II du RTAPH et répétées dans des présentations en réponse à la décision préliminaire, y compris dans celles de plusieurs demandeurs.

[160] Comme le domaine des ASE n’est pas réglementé et qu’il n’y a pas de mécanismes standards pour le dressage ou l’évaluation, il est vulnérable à ces types de fausses déclarations. À cet égard, l’Office ne peut pas ignorer le fait qu’il existe plusieurs façons pour des passagers de faire passer un animal de compagnie pour un ASE ou un animal d’assistance, et que les outils pour y arriver sont faciles d’accès. Les sites Web permettent à des personnes d’obtenir pour une bouchée de pain et sans examen médical un certificat attestant du besoin d’être accompagné par un ASE ou un animal d’assistance pour un prétendu handicap. Il est également possible de se procurer sur Internet des harnais et d’autres articles sur lesquels il est inscrit qu’il s’agit d’un animal d’assistance en train de travailler, sans preuve que l’animal satisfait à des normes de dressage pour avoir droit à de telles désignations. Dans un cas récent, la demanderesse a déclaré qu’un certificat d’enregistrement d’animal d’assistance ou de soutien délivré par TheraPetic constituait une preuve que son chien était un chien d’assistance. L’Office a refusé d’accepter le certificat comme preuve que le vendeur en ligne avait une quelconque expertise dans le dressage de chiens d’assistance ou qu’il avait effectivement dressé le chien pour exécuter une tâche pour répondre à des besoins liés à un handicap, soit deux exigences réglementaires pour obtenir la désignation de chien d’assistance au titre du RTAPH (voir la décision 90-AT-A-2022, Tinkess c Air Canada).

[161] En conséquence, l’Office est d’avis que les répercussions négatives de telles fausses déclarations sont assez importantes pour justifier d’obtenir des protections contre l’abus potentiel et d’imposer des restrictions sur le transport de CSE dont il sera question plus loin. Quoi qu’il en soit, ce n’était que l’une des quatre raisons pour lesquelles l’Office a conclu, de façon préliminaire, que le transport sans restriction de CSE occasionnerait des contraintes excessives pour les transporteurs.

[162] La Commission canadienne des droits de la personne soutient également que l’Office devrait être prudent s’il compte s’appuyer sur les résultats des consultations de 2019 et de 2020 sur la phase II du RTAPH pour rendre ses conclusions dans la présente décision, car cette information n’a pas permis d’établir des options réglementaires claires relativement aux ASE. La Commission et le centre ARCH estiment que la preuve dont dispose l’Office est basée sur des anecdotes et des impressions, et ils laissent entendre qu’elle est fondée sur des conjectures.

[163] Même si l’Office décide d’exercer son pouvoir de prendre un règlement sur les ASE, il doit statuer sur les six demandes jointes dont il a été saisi. Il est irréaliste de s’attendre à ce que des organisations représentant des utilisateurs de chiens d’assistance ou des dresseurs certifiés de chiens d’assistance, ou d’autres représentant la communauté des personnes handicapées ou le grand public, participent à chaque demande mettant en cause une personne qui réclame de prendre les transports avec un ASE. Toutefois, les droits et les intérêts qu’ils représentent sont également en cause dans chaque cas. L’analyse de ces perspectives ne peut pas uniquement dépendre de la question de savoir si un transporteur décide d’en tenir compte dans ses propres déclarations de contrainte excessive.

[164] L’Office est également d’avis que les archives des consultations renfermaient une foule d’éléments de preuve concrets provenant d’un groupe de parties et de personnes intéressées de tous horizons. Publiés en 2019 et en 2020, les résumés des consultations sur la phase II du RTAPH ne comprenaient pas certains détails concrets tirés de plus de 100 commentaires et présentations d’intervenants ou du grand public, ainsi que d’argumentaires présentés lors de neuf rencontres. L’Office est tout de même d’avis qu’ils présentent la gamme complète de droits, d’intérêts et de préoccupations concernant la présence d’ASE dans le réseau de transport fédéral. Les préoccupations soulevées restent véritables et valables. Il était possible pour des parties et des personnes intéressées de démontrer que ces préoccupations n’étaient plus exactes ni valables; toutefois, rien de concret n’a été présenté.

[165] Après la fin des consultations, l’Office a également commandé un rapport d’expertise. La Commission et le centre ARCH font valoir que ce rapport est problématique parce que l’Office s’appuie sur une seule opinion d’expert pour formuler des conclusions qui pourraient avoir une incidence à grande échelle; que le rapport d’expertise est de nature générale et ne tient pas compte des espèces particulières d’ASE ni des contextes de transport propres aux demanderesses; et que la fiabilité de la preuve d’expert n’a pas été mise à l’épreuve au moyen d’un contre‑examen.

[166] L’Office est d’accord avec la Commission et le centre ARCH pour affirmer que le rapport d’expertise est de nature générale, dans la mesure où il est fondé sur la science, est neutre et qu’il ne tient pas compte du contexte de transport propre à chaque cas. Il n’en demeure pas moins qu’il porte sur l’ensemble des espèces d’ASE étudiées dans la présente instance, et sur bien d’autres. Les conseils d’expert qu’il renferme concernant la présence d’animaux dans différents environnements de transport s’appliquent de façon générale à tout le réseau de transport fédéral.

[167] Les parties et les personnes intéressées ont eu l’occasion de répondre au rapport d’expertise, ainsi qu’à d’autres éléments de preuve présentés dans le rapport « Ce que nous avons attendu », le résumé de la preuve reçu par l’Office sur les animaux de soutien émotionnel en 2019 et dans la décision préliminaire. Ils auraient pu présenter leur propre preuve d’expert concernant les conclusions de l’auteure, mais ils ne l’ont pas fait. Aucune partie ni personne intéressée n’a remis en question le fond de la preuve d’expert. Même si le contre-examen n’est pas souvent utilisé dans les instances de l’Office, il est autorisé sous le régime des Règles de l’Office des transports du Canada (Instances de règlement des différends et certaines règles applicables à toutes les instances); toutefois, l’Office n’a pas reçu de demande de contre-examen du rapport d’expertise, d’éléments de preuve ni de questions qui l’auraient amené à douter de sa fiabilité. L’Office s’appuie donc sur la preuve d’expert.

[168] Après avoir passé à la loupe toutes les présentations liées à la qualité de la preuve, l’Office est convaincu que le fondement de la preuve pour la présente décision est solide et que l’éventail complet des points de vue sur les questions concernant les ASE a été pris en compte tout au long du processus ayant mené à la décision préliminaire.

2. Espèces sécuritaires et acceptables dans les transports en tant qu’animal de soutien émotionnel

[169] Les personnes qui ont un handicap lié à la santé mentale ont recours à une grande variété d’espèces d’ASE pour les avantages physiques, psychologiques et émotifs qu’ils peuvent procurer. À ce jour, l’Office a reçu des plaintes seulement de la part de demandeurs se déplaçant avec des chiens, sauf un des cas joints à la présente instance. Dans ce cas en particulier, la demanderesse a besoin d’un lapin à titre d’ASE pour atténuer les symptômes de son handicap lorsqu’elle prend les transports, et elle affirme qu’elle ne pourrait pas utiliser un chien en tant qu’ASE. L’Office reconnaît qu’un chien pourrait ne pas convenir en tant qu’ASE pour de nombreuses raisons : allergies, pratiques sociales ou religieuses, phobie ou simple préférence personnelle.

[170] Toutefois, afin de déterminer si un transporteur peut, sans se voir imposer de contraintes excessives, répondre aux besoins uniques liés au handicap d’une personne qui demande à être accompagnée d’un ASE, l’Office doit tenir compte des éléments suivants :

  • santé et sécurité du personnel et des autres passagers, y compris de ceux qui se déplacent avec des chiens d’assistance;
  • préoccupations quant au bien-être tant de l’ASE que des chiens d’assistance;
  • exploitation sécuritaire et efficace du moyen de transport, surtout dans le contexte du transport aérien.

[171] L’Office accepte la conclusion qui ressort du rapport d’expertise à savoir que les chiens domestiqués sont les seuls qui peuvent être considérés comme étant sécuritaires et convenables dans un contexte de transport, car ils peuvent être dressés de manière fiable à contrôler pleinement leurs fonctions d’élimination, à suivre les ordres et à ne pas manifester un comportement agressif envers les personnes et les chiens d’assistance.

[172] Les risques pour la santé et la sécurité humaines que posent les ASE ont très bien été démontrés dans le rapport d’expertise, lors des consultations publiques sur la phase II du RTAPH, et dans les présentations soumises en réponse à la décision préliminaire.

[173] Le comportement agressif ou dangereux que peut avoir un animal parce qu’il a peur ou ne se sent pas bien dans des environnements de transport inconnus peut causer des blessures physiques au personnel, aux autres passagers et même au propriétaire de l’ASE, et peut perturber le bien-être mental de toute personne qui se trouve près de l’animal. Le bien-être mental pourrait également être perturbé en raison de bruits inappropriés, par exemple lorsque l’animal grogne, gémit ou jappe, surtout durant de longues périodes.

[174] Le comportement animal inapproprié peut également entraver l’exploitation sécuritaire et efficace du moyen de transport, ce qui est particulièrement inquiétant dans les aéronefs. Dans la décision LET-AT-C-A-67-2019 et la décision 29-AT-C-A-2020 (Kormod c Porter), par exemple, l’Office a conclu que le transporteur avait eu raison de faire débarquer une personne handicapée parce que son ASE était agité, sautait sur les sièges et se comportait de façon erratique à partir du moment où l’aéronef a quitté la porte d’embarquement. Son propriétaire était incapable de faire en sorte que son ASE reste calmement à ses pieds, et s’il y avait eu de la turbulence ou une urgence, l’ASE non attaché aurait pu bloquer les allées ou devenir un projectile, donc compromettre la sécurité de son propriétaire et des autres à bord du vol.

[175] Les animaux dont la sécurité n’a pas été évaluée ou qui n’ont pas été dressés pour bien se comporter en public risquent de manifester les types de comportements inappropriés décrits précédemment n’importe où dans le réseau de transport fédéral, entre le débarcadère et la cabine du passager. En plus des risques pour la santé et des inconvénients que pose leur incapacité à contrôler leurs fonctions d’élimination, le comportement inapproprié d’un animal de compagnie ou d’un ASE pourrait compromettre le bien-être physique et mental du personnel de transport et des autres passagers et, comme le répète la Coalition, pourrait perturber le travail des chiens d’assistance avant et après les contrôles de sécurité, par exemple dans les files d’attente, les toilettes et les escaliers.

[176] Le RTAPH protège l’accès des équipes maître-chien d’assistance à tous les modes de transport fédéraux. Ces équipes qui ont reçu une formation personnalisée sont autorisées dans les lieux publics parce que le propriétaire a reçu une formation pour maîtriser le chien, et le chien d’assistance a été dressé pour bien se comporter en public.

[177] Les ASE ne reçoivent pas un dressage d’un aussi haut niveau que celui que reçoivent les chiens d’assistance, et pourraient ne pas avoir été dressés du tout. Il n’existe pas de dressage pour amener une espèce autre que le chien domestiqué à s’habituer à subir des stress types en contexte de transport. Un animal anxieux et peureux pourrait manifester un comportement agressif envers les gens ou les animaux d’assistance. C’est pourquoi l’Office se range à la conclusion du rapport d’expertise selon laquelle il faut présumer que les ASE sont peu fiables et imprévisibles en public.

[178] Les ASE peu fiables et imprévisibles posent plusieurs risques importants pour les équipes maître-chien d’assistance, surtout dans des lieux fermés comme les cabines de passagers. Les chiens d’assistance font l’objet d’un dressage intensif, chacun est évalué individuellement, et ils sont extrêmement précieux pour les personnes handicapées qui en ont besoin. Si un chien d’assistance se fait attaquer par un ASE peu fiable et imprévisible, il risque d’être blessé et de changer de comportement, ce qui pourrait mettre fin à sa capacité de travailler en tant que chien d’assistance.

[179] La peur de rencontres négatives avec des ASE peu fiables et imprévisibles peut faire changer les habitudes des propriétaires de chiens d’assistance et perturber leur indépendance et leur qualité de vie. Dans son livre blanc de 2022, l’ADI fait référence à des recherches universitaires et à des résultats de sondages menés auprès de ses utilisateurs de chien d’assistance, lesquels révèlent que l’utilisateur d’un chien d’assistance pourrait décider d’éviter les lieux publics s’il estime qu’il y a des animaux mal dressés en public, que la légitimité de leur animal d’assistance pourrait être remise en question, et que l’accès à des lieux publics pourrait lui être refusé.

[180] Il est indiqué dans le rapport d’expertise que le chien domestiqué est la seule espèce qui peut être entraînée à contrôler entièrement ses fonctions d’élimination. Les animaux incapables de le faire risquent de transmettre des maladies aux humains, même s’ils restent dans une cage de transport, car ces contenants doivent être ventilés. Cela pose un risque pour la santé et la sécurité des membres d’équipage et des passagers, parmi lesquels se trouvera inévitablement quelqu’un considéré comme étant très vulnérable à la transmission de maladies, par exemple des personnes âgées, des enfants de moins de cinq ans ou encore des femmes enceintes. Cette préoccupation est présente dans l’ensemble du réseau de transport fédéral.

[181] Il est également indiqué dans le rapport d’expertise que le bien-être animal peut être compromis en raison de caractéristiques propres à l’espèce, des besoins psychologiques ou de l’état émotif des animaux qui ne peuvent pas être dressés pour tolérer le confinement dans de petits espaces bondés; de nouveaux contextes de transport; ou la présence d’animaux d’assistance. Parmi les espèces animales dont les caractéristiques physiques entraînent de graves risques pour leur bien-être, notons les oiseaux, les reptiles et les lapins. Une grande variété de petits animaux ou d’espèces exotiques domestiquées vivront du stress, de l’anxiété, de la peur ou de la détresse dans des environnements de transport types qui, en soi, compromettent le bien-être de l’animal et pourraient le rendre malade.

[182] Il pourrait y avoir des situations où des animaux autres que des chiens domestiqués seraient bien dressés et pourraient agir à titre d’ASE dans la vie de tous les jours d’une personne, mais il n’y a pas de garantie que ces animaux peuvent contrôler leurs fonctions d’élimination ni qu’ils se comporteront correctement dans l’environnement stressant de la cabine passagers d’un aéronef ou d’une voiture de chemin de fer, comme il en a été question précédemment.

[183] L’Office conclut qu’il n’est pas raisonnable de s’attendre à ce que des transporteurs étudient et évaluent chaque animal, ou qu’ils s’appuient sur les garanties affirmées par le maître de l’animal, du fait que le transporteur n’est pas un expert du comportement animal, et en raison des conséquences fâcheuses possibles pendant le transport si le dressage que l’animal a reçu s’avère insuffisant. L’Office reconnaît que tous les acteurs de l’industrie des transports ont besoin de critères clairs qui pourront être appliqués systématiquement et qui ne reposeront pas sur l’évaluation subjective faite par des personnes qui n’ont pas les qualifications nécessaires. Les passagers ont besoin de savoir à quoi s’attendre et quel type de mesures d’accommodement sont à leur disposition.

[184] Pour ces motifs, l’Office conclut que les transporteurs subiraient une contrainte excessive s’ils devaient être obligés d’accepter de transporter des espèces autres que des chiens en tant qu’ASE.

[185] Les personnes handicapées qui utilisent des ASE autres que des chiens pourraient avoir la possibilité de prendre les transports avec leur animal sous réserve de la politique applicable du transporteur concernant les animaux de compagnie. Toutefois, à la lumière des préoccupations abordées ci-dessus, l’Office n’exigera pas que les transporteurs autorisent ces animaux dans la cabine de passagers.

[186] Dans l’analyse qui suit, l’Office fera uniquement référence à des chiens de soutien émotionnel (CSE).

3. Transport des chiens de soutien émotionnel

[187] De toute évidence, pour les personnes handicapées qui ont besoin qu’un CSE les accompagne dans leurs déplacements pour atténuer les symptômes liés à leur handicap, le fait de ne pas pouvoir emmener leur chien dans les transports constitue un obstacle à leurs possibilités de déplacement, comme l’Office l’a confirmé dans Maxwell c Air Canada, Troup c Air Canada et Plokhaar c KLM.

[188] Pour déterminer si un transporteur peut, sans se voir imposer de contraintes excessives, répondre aux besoins uniques liés au handicap d’une personne qui demande à être accompagnée d’un CSE, l’Office a tenu compte, entre autres, des facteurs suivants :

  • la santé et la sécurité du personnel et des autres passagers, y compris de ceux qui prennent les transports avec des animaux d’assistance;
  • l’exploitation sécuritaire et efficace du moyen de transport, surtout en contexte de transport aérien;
  • les préoccupations quant au bien-être et au comportement des CSE et des animaux d’assistance;
  • les conséquences des fausses déclarations visant à faire passer des animaux de compagnie pour des CSE.

Risques pour la santé et la sécurité humaines

[189] L’Office reconnaît que les CSE peuvent compromettre la santé et la sécurité du personnel et de passagers, y compris celle du propriétaire d’un tel CSE. Même si aucune nouvelle préoccupation n’a été soulevée dans les présentations en réponse à la décision préliminaire, il a été démontré au moyen des consultations publiques sur la phase II du RTAPH et dans le rapport d’expertise qu’il y avait de grandes inquiétudes concernant les conditions d’insalubrité et les risques de transmission de maladies attribuables à des CSE non dressés ou non maîtrisés qui sont incapables de contrôler leurs fonctions d’élimination. Ces types d’incidents augmentent également le fardeau des transporteurs qui doivent désinfecter les lieux où se trouvent des passagers, ce qui peut être difficile à faire pendant le transport.

[190] Selon le rapport d’expertise, il est pratique courante pour les propriétaires de chiens de soumettre leur animal à un examen vétérinaire peu de temps avant un voyage et d’obtenir les documents attestant que l’animal est traité avec les médicaments préventifs recommandés contre les parasites; qu’il n’est pas porteur de zoonoses contagieuses; et qu’il n’a pas d’autres problèmes médicaux. Toutefois, l’Office convient que même un chien en santé présente un risque pour la santé de quiconque entre en contact avec l’animal. Parmi les exemples présentés dans le rapport, il est question de chiens nourris avec des aliments crus et qui pourraient propager la salmonelle, la bactérie E. coli ou la listériose.

[191] Il convient également de noter les risques de réactions allergiques aux CSE, surtout dans des milieux fermés comme la cabine d’un aéronef. L’Office est conscient que les allergies peuvent être difficiles pour les passagers, et surtout pour les membres d’équipage qui ne peuvent pas prendre de médicaments qui pourraient diminuer leur vigilance pendant qu’ils font leur travail.

[192] Finalement, une preuve abondante démontre les graves risques que posent les CSE non dressés et non maîtrisés pour la sécurité physique des membres d’équipage et des autres passagers en raison d’attaques ou d’autres comportements agressifs. Un CSE qui est agressif ou qui jappe, grogne, gémit ou manifeste d’autres types de comportements inappropriés parce qu’il est stressé, anxieux ou apeuré risque aussi de perturber le bien-être mental des membres d’équipage et des autres passagers en contexte de transport. Ces problèmes sont étroitement liés au fait qu’il n’existe pas de programmes de dressage professionnel ou de certification pour des CSE.

Risques pour la sécurité et l’efficacité de l’exploitation

[193] Lorsqu’un CSE a un comportement agressif, a peur ou est anxieux, il compromet la sécurité et la sûreté des membres d’équipage et des passagers, de même que l’exploitation sécuritaire du moyen de transport. Les transporteurs doivent protéger la sécurité et la sûreté des membres d’équipage et des passagers durant le transport, comme l’Office l’a indiqué dans Kormod c Porter dans le contexte du transport aérien. Le risque de mauvais comportements des CSE durant un trajet est un facteur important à considérer, car les CSE ne reçoivent pas le même niveau de dressage que les chiens d’assistance, par définition.

[194] Il est ressorti des consultations sur la phase II du RTAPH et dans le rapport d’expertise que les CSE pourraient ne pas être disposés à travailler dans des lieux publics, surtout dans des environnements de transport stressants, contrairement aux chiens d’assistance qui ont été entraînés pour le faire. L’Office note que des établissements de dressage professionnel d’animaux d’assistance, comme Canadian Guide Dogs for the Blind, intègrent dans leurs programmes de dressage un volet important sur le comportement dans les lieux publics. Ce volet a, en partie, fait reconnaître la fiabilité des chiens-guides et leur acceptation partout dans les lieux publics. Les environnements de transport sont uniques en ce sens que, habituellement, l’animal transporté se retrouvera confiné dans de petits espaces bondés et parfois isolés durant de longues périodes. En contexte de transport aérien, ce ne sont pas tous les types de dressage sur le comportement dans les lieux publics qui suffiront pour qu’un animal tolère l’environnement d’une cabine pressurisée et les changements de la pression d’air lors du décollage et de l’atterrissage.

[195] L’Office reconnaît que certaines craintes concernant la sécurité qui sont attribuées aux CSE naissent du fait que le propriétaire est incapable de maîtriser son chien ou refuse d’obéir aux instructions des membres d’équipage qui lui demande de laisser le chien sur le plancher, et de l’empêcher de monter sur les sièges ou de se retrouver dans l’allée (voir Kormod c Porter). Des animaux non attachés qui montent sur des sièges pourraient blesser les autres en cas de secousses ou de turbulences soudaines, surtout si l’animal est gros et lourd. Même si la personne qui prend les transports avec un CSE est disposée à assumer ces risques, il n’est pas raisonnable de s’attendre à ce que les autres personnes dans l’environnement de transport en fassent autant. Par souci de sécurité, aucun CSE ne peut être installé dans une rangée près d’une issue de secours. De manière plus générale, des animaux non dressés et non attachés qui se retrouveraient dans l’allée pourraient nuire à l’évacuation des passagers en cas d’urgence.

Comportement et bien-être animal

[196] Comme l’indique le rapport d’expertise, les CSE pourraient ne pas être génétiquement adaptés ou correctement dressés pour tolérer les caractéristiques uniques des environnements de transport (confinement dans de petits espaces bondés, nouveaux environnements de transport et présence d’animaux d’assistance, par exemple). Le stress, l’anxiété, la peur et la détresse qu’un CSE non dressé peut éprouver dans un contexte de transport habituel sont préoccupants en soi pour le bien-être animal. De plus, comme il a été expliqué précédemment, ces émotions peuvent amener l’animal à avoir des écarts de conduite ou mettre les animaux d’assistance à risque d’être attaqués. Même si un chien d’assistance ne subit pas de blessures physiques, une rencontre négative avec un CSE pourrait le faire changer de comportement qui l’empêcherait de continuer de servir de chien d’assistance. Enfin, en cas de turbulence, l’animal qui n’est pas attaché risque en plus de se blesser, surtout s’il est transporté sur les cuisses de son maître.

Conséquences de fausses déclarations visant à faire passer des animaux de compagnie pour des chiens de soutien émotionnel

[197] Outre les risques pour la santé et la sécurité, l’exploitation sécuritaire et efficace et le bien-être de l’animal dont il a été question précédemment, l’Office reconnaît que les passagers qui présentent de fausses déclarations visant à faire passer des animaux de compagnie pour des CSE ou des chiens d’assistance minent la confiance du public à l’égard des animaux d’assistance et de leur propriétaire, qui ont tous les deux reçu une formation de haut niveau pour travailler ensemble. Cette situation nuit également aux efforts visant à éliminer les obstacles aux possibilités de déplacement des personnes handicapées.

[198] Pendant plus d’une décennie, comme l’Office l’a mentionné, des intervenants de tous horizons ont signalé que les passagers usaient de plusieurs stratagèmes visant à faire passer un animal de compagnie pour un ASE ou un animal d’assistance, et que les outils pour y arriver sont faciles d’accès. Durant les consultations sur la phase II du RTAPH, des répondants de l’industrie, de groupes de protection des droits des personnes handicapées et du public ont fait remarquer qu’en échange de quelques dollars, et sans traitement légitime lié à un handicap, une personne peut obtenir un certificat qui atteste qu’elle a besoin d’un ASE pour pallier son prétendu handicap, et peut acheter des harnais et des vêtements portant la mention d’animal d’assistance ou de travail. (voir Tinkess c Air Canada). Plusieurs présentations en réponse à la décision préliminaire abondaient dans le même sens.

[199] L’Office reconnaît que les transporteurs subissent les contrecoups économiques lorsque des passagers se déclarent faussement comme étant des personnes handicapées et prétendent que leur chien est un CSE afin d’éviter de payer les frais pour le transport d’animaux de compagnie. L’Office estime que les mesures d’atténuation énoncées plus loin aideront les transporteurs à régler les cas de fausses déclarations concernant des animaux de compagnie, comme ils le feraient dans d’autres secteurs de leur entreprise qui sont vulnérables à la fraude.

Conclusion concernant le transport des chiens de soutien émotionnel

[200] Pour ces motifs, l’Office conclut que si le transport de CSE n’est pas réglementé, les transporteurs se verraient imposer une contrainte excessive en raison des risques pour la santé et la sécurité des membres d’équipage et des autres passagers, y compris des autres passagers handicapés; des risques pour l’exploitation sécuritaire et efficace du moyen de transport, particulièrement dans le contexte du transport aérien; des préoccupations quant au bien-être des CSE et des chiens d’assistance, surtout dans l’environnement pressurisé et très restreint de la cabine d’un aéronef; ainsi que des conséquences des fausses déclarations visant à faire passer des animaux de compagnie pour des CSE. Toutefois, l’Office est d’avis, à titre préliminaire, que des mesures d’atténuation peuvent être adoptées pour permettre le transport en bonne et due forme de certains CSE.

4. Mesures d’atténuation

[201] Certaines parties et certains intervenants font valoir que l’Office ne devrait pas créer de normes distinctes pour les CSE qui, selon eux, devraient être traités en tant qu’animaux de compagnie. Plus particulièrement, les transporteurs font valoir que les règles dans le réseau de transport fédéral devraient être les mêmes que celles du réseau de transport aérien des États‑Unis, qui classent les CSE en tant qu’animaux de compagnie. Ils affirment également que des exigences incompatibles entre le Canada et les États-Unis risquent de créer de la complexité et de la confusion, ce qui causerait une contrainte excessive aux transporteurs aériens. Toutefois, l’Office conclut qu’on ne lui a pas démontré, au cours de la présente instance, que les différences dans les approches réglementaires entre les deux pays causeraient une contrainte excessive aux transporteurs aériens.

[202] Dans de nombreuses présentations, certains soulignent que des personnes handicapées ne pourront pas prendre les transports avec des CSE de grande taille dans la cabine de passagers en raison des conditions établies par l’Office, ou font valoir que des personnes handicapées ne pourront pas tirer pleinement avantage de leur CSE pendant leurs déplacements. L’Office reconnaît ces inconvénients, mais il est convaincu que les conditions sont nécessaires pour garantir la sécurité du personnel des transporteurs, des passagers et des chiens d’assistance. Grâce à ces conditions, les transporteurs pourront répondre aux besoins de certains passagers accompagnés de CSE dans la cabine, sans subir de contrainte excessive, et ces passagers auront accès au réseau de transport fédéral même si les transporteurs changent leur politique sur le transport des animaux de compagnie en cabine.

[203] Dans plusieurs présentations, la question des coûts a été soulevée. Mme Troup affirme que les coûts pour certifier son chien en tant que chien d’assistance sont exorbitants. American Airlines fait valoir qu’il pourrait être plus rentable pour les personnes handicapées de payer les frais pour le transport d’animaux de compagnie plutôt que de consacrer du temps et de l’argent afin d’obtenir des documents véritables pour répondre à son besoin d’être accompagnée d’un CSE. L’Office reconnaît que, comme avec d’autres exemples d’accommodement, les mesures proposées ont également un coût pour les personnes handicapées, mais les transporteurs doivent avoir accès à des documents en règle qui démontrent la nécessité d’une mesure d’accommodement et divers autres éléments essentiels, notamment sur la vaccination du chien. Des personnes handicapées pourraient choisir de faire transporter leur CSE aux termes de la politique du transporteur sur les animaux de compagnie, lorsque cette option est disponible; toutefois, il est important que la personne présente un préavis si elle a besoin d’un accommodement lié à un handicap afin que le transporteur puisse y répondre durant le transport.

[204] L’Office conclut donc que les transporteurs peuvent accepter certains CSE sans se voir imposer une contrainte excessive, si les conditions énoncées ci-après sont remplies. L’Office conclut que ces conditions sont nécessaires pour gérer les risques inhérents au transport de CSE et pour trouver un juste équilibre entre les intérêts des personnes handicapées qui utilisent un CSE et ceux de l’industrie et du grand public, notamment des personnes handicapées qui utilisent des chiens d’assistance.

1. Documents à l’appui pour les personnes handicapées

[205] Les personnes handicapées ont la responsabilité d’informer le transporteur des accommodements dont elles ont besoin. Comme les handicaps liés à des troubles de santé mentale sont invisibles, les transporteurs vont habituellement exiger des preuves, par exemple une opinion par écrit du médecin ou du professionnel de la santé traitant la personne pour son trouble, et qui indique que la personne a un handicap et a besoin d’un CSE pour surmonter ce handicap. De plus, de nombreux transporteurs exigent que soit rempli leur propre formulaire médical pour d’autres types de mesures d’accommodement liées à un handicap, notamment dans le cadre du programme « une personne, un tarif », pour faire en sorte qu’ils détiennent les renseignements dont ils ont besoin pour fournir le bon accommodement. L’Office reconnaît depuis longtemps qu’il est raisonnable et nécessaire pour les transporteurs d’établir ces types d’exigences en matière de documentation, pourvu qu’ils n’alourdissent pas le fardeau des personnes handicapées avec des demandes déraisonnables de renseignements — voir la décision 379-AT-A-2016 (Rector c VIA) et la décision 19-AT-A-2013 (Provencher, au nom de sa fille c Air Canada).

[206] Comme il en a été précédemment question, l’Office est conscient que certains passagers fournissent de faux documents pour appuyer leur affirmation selon laquelle ils ont besoin d’un CSE en raison d’un prétendu handicap. Certains représentants de l’industrie font valoir que le fait d’exiger que les transporteurs évaluent la validité des documents médicaux à l’appui constitue une contrainte excessive en raison des difficultés à établir l’authenticité de la documentation, et des coûts administratifs pour ce faire. Toutefois, les transporteurs ont de l’expérience dans l’examen et la vérification de ce type de documents. De nombreux transporteurs ont des groupes spécialisés au sein de leur organisation qui examinent les documents médicaux lorsqu’ils effectuent des réservations pour des personnes handicapées. En effet, dans Tinkess c Air Canada, le transporteur a découvert que la preuve que la demanderesse avait déposée pour appuyer sa demande d’accommodement afin de faire transporter son chien en tant qu’animal d’assistance n’était pas fiable. L’Office conclut donc que les transporteurs n’ont pas démontré, dans la présente instance, qu’ils subiraient une contrainte excessive s’ils devaient évaluer eux-mêmes la validité des documents à l’appui.

2. Documents à l’appui pour les chiens de soutien émotionnel

[207] L’Office est d’avis que les risques pour la santé associés au transport non réglementé de CSE dans la cabine de passagers sont assez importants et il accepte les recommandations du rapport d’expertise sur la gestion de ces risques. En conséquence, l’Office conclut qu’il est raisonnable pour les transporteurs d’exiger un certificat délivré par un vétérinaire en règle avec son ordre professionnel et qui, à la fois,

  • identifie le CSE par son nom et sa race;
  • identifie la personne handicapée qui a besoin de ce chien en tant que CSE;
  • atteste que le CSE a reçu tous ses vaccins et que son état de santé lui permet de voyager, notamment qu’il n’a pas de maladies contagieuses, de tiques, ni de puces;
  • indique si le vétérinaire a eu connaissance de comportements inappropriés par le CSE, comme des comportements agressifs, des gémissements ou des jappements excessifs, ou s’il a déjà causé des blessures à autrui.

[208] La personne handicapée doit s’assurer que le certificat délivré par un vétérinaire répond à toutes les autres exigences du pays, de la province, de l’État ou du territoire de destination. Si la période de validité du certificat n’a pas autrement été prescrite, il devra être daté de moins de deux mois avant la date du trajet initial indiqué sur l’itinéraire, comme il est recommandé dans le rapport d’expertise.

[209] L’Office fait remarquer que les renseignements qu’un vétérinaire fournit concernant le CSE n’entrent pas dans les obligations du transporteur prévues dans le RTAPH qui l’obligent à conserver les renseignements du passager. La personne handicapée qui prend les transports avec un CSE a donc la responsabilité de conserver le certificat délivré par le vétérinaire. Le passager pourrait, par exemple, devoir soumettre de nouveau un certificat en vigueur dans le cas d’un nouvel itinéraire, tant et aussi longtemps que le certificat est valide.

[210] Il est raisonnable pour un transporteur de poser des questions aux passagers qui prennent les transports avec un CSE à propos du tempérament de l’animal; de son dressage, par exemple à l’obéissance générale et au contrôle de ses fonctions d’élimination; et de ses comportements, notamment tout historique d’agressions ou de blessures qu’il aurait causés à autrui. Toutefois, compte tenu des risques associés aux CSE et de tout ce qui incite une personne à mentir afin de faire passer un chien pour un chien d’assistance, l’Office conclut que toute garantie qu’un passager fournit concernant le tempérament, le dressage et le comportement de son chien ne peut pas remplacer l’attestation de dressage obtenue d’un organisme ou d’une personne spécialisé en formation de chiens d’assistance, selon ce que prévoit le RTAPH (voir Tinkess c Air Canada, paragraphe 31, pour une liste des exigences visant les chiens d’assistance).

[211] À l’heure actuelle, le dressage des CSE n’est pas une industrie réglementée. Un propriétaire ou une école de dressage pourrait entraîner des chiens bien dressés avec un comportement irréprochable, mais il n’existe pas de programmes reconnus et normalisés de dressage et de certification des CSE sur le comportement dans les lieux publics, ni de formation pour le maître et son chien en tant qu’équipe. Il n’est pas non plus du mandat de l’Office de créer un régime de certification de CSE pour le réseau de transport fédéral.

[212] Selon le rapport d’expertise, même un évaluateur expérimenté pourrait avoir de la difficulté à reconnaître l’anxiété ou la peur chez un chien, si son évaluation repose uniquement sur le comportement de l’animal dans un contexte de mise à l’épreuve. Le comportement d’un chien et les techniques pour le dresser doivent être évalués pour déterminer si l’animal pourrait être autorisé dans des lieux publics. En conséquence, l’Office conclut que d’abord que les transporteurs n’ont pas l’expertise spécialisée nécessaire pour bien déterminer qu’un CSE aura un comportement irréprochable en public, ensuite qu’ils subiraient une contrainte excessive si l’on exigeait d’eux qu’ils se prononcent à cet égard.

[213] Les transporteurs doivent protéger la sécurité et la sûreté des passagers. Dans ce contexte, comme l’Office l’a fait remarquer dans Kormod c Porter, le comportement d’un CSE est en tout point lié aux actions de son propriétaire. Les transporteurs doivent donc avoir la capacité de refuser le transport à un passager si le CSE se comporte mal ou si le passager est incapable de le maîtriser.

3. Préavis

[214] Afin que le transporteur puisse répondre aux besoins d’une personne handicapée et vérifier que toutes les exigences sont remplies, notamment par l’examen des documents mentionnés ci-dessus, il est raisonnable que le transporteur exige un préavis de la personne qui veut prendre un transport avec un CSE. La nécessité de présenter un préavis d’au moins 96 heures correspond au délai d’avis prescrit dans le RTAPH pour qu’une personne handicapée reçoive certains services.

[215] Si une personne handicapée ne respecte pas le délai de préavis, le transporteur doit faire tous les efforts raisonnables pour répondre à son besoin d’être accompagnée du CSE, conformément au RTAPH. Toutefois, l’Office encourage fortement l’ensemble des personnes handicapées à fournir un préavis suffisant de même que des documents en règle pour elles-mêmes et leur CSE lorsqu’elles présentent leur demande, afin de réduire au minimum le risque de ne pas recevoir un accommodement convenable.

4. Chien de soutien émotionnel dans une cage

[216] Parce qu’il n’existe pas de programmes reconnus et normalisés de dressage et de certification de CSE sur le comportement dans les lieux publics, ni de formation pour le maître et son chien en tant qu’équipe, l’Office ne peut pas imposer d’obligations de formation précise en tant que mesure d’atténuation efficace pour que les transporteurs acceptent l’équipe que forme la personne handicapée et son CSE. En conséquence, l’Office est d’avis qu’il est raisonnable d’imposer à titre de condition de transport que les CSE restent pendant toute la durée du trajet dans une cage de transport qui doit pouvoir tenir et rester devant le siège que la personne handicapée occupe ou, dans un aéronef, sous le siège qui se trouve devant elle, comme c’est le cas pour tous les effets personnels qui ne sont pas rangés dans un compartiment supérieur. Cette mesure visant à garder le CSE dans une cage de transport réduit les risques pour la santé et la sécurité du personnel, des autres passagers et des chiens d’assistance. Elle atténue également les risques que des personnes trébuchent sur un animal non attaché qui se trouverait dans une allée, ou que l’animal devienne un projectile en cas de turbulence.

[217] L’Office fait remarquer que la plupart des transporteurs permettent déjà le transport des animaux de compagnie dans la cabine passagers de cette manière, moyennant des frais. Il existe des préoccupations légitimes à savoir que certains passagers pourraient essayer de faire tenir un gros chien dans une petite cage en raison de cette condition imposée pour les CSE, ou encore que le bien-être d’un CSE pourrait être compromis parce que le trajet aura été très long. Le propriétaire du CSE doit tenir compte du bien‑être de son animal dans ses plans de voyage. Comme les transporteurs transportent déjà des animaux de compagnie et d’autres animaux, l’Office s’attend à ce qu’ils aient des stratégies pour gérer les préoccupations qui pourraient être soulevées concernant le bien-être des animaux et le service à la clientèle. L’Office conclut donc que l’exigence de transporter le CSE dans la cabine de passagers s’il est gardé dans une cage et qu’il y est confortable ne constituerait pas une contrainte excessive pour les transporteurs.

[218] L’Office reconnaît que la condition qu’il propose ne répond pas aux besoins de la personne handicapée dont le CSE est trop gros pour être dans une cage de transport qui peut tenir sous son siège et celui devant elle. Toutefois, compte tenu des complications possibles pendant le transport si le chien n’a pas reçu un dressage convenable, la condition reflète les réalités suivantes : les transporteurs ne peuvent pas s’appuyer sur un programme normalisé de dressage ou de certification pour les CSE; ils n’ont pas l’expertise nécessaire pour évaluer chaque chien; et ils ne peuvent pas uniquement se fier aux garanties données par une personne qui prend les transports avec un CSE. L’Office reconnaît que tous les acteurs de l’industrie des transports ont besoin de critères clairs qui ne reposeront pas sur l’évaluation subjective des chiens faite par des personnes non qualifiées.

[219] L’Office reconnaît également que, puisque le CSE sera dans une cage de transport, le soutien affectif et le réconfort qu’il peut procurer pourraient être limités. Toutefois, l’Office estime que cette exigence de transport est essentielle pour la santé et la sécurité de l’ensemble des passagers, du personnel et des chiens d’assistance.

5. Refus de transport

[220] Pour régler les préoccupations selon lesquelles les transporteurs devraient avoir un recours si un CSE se comporte mal, l’Office est d’avis que les transporteurs auraient raison de refuser le transport dans les situations suivantes : un passager qui laisse sortir son CSE de sa cage pendant le transport; le CSE qui compromet la santé ou la sécurité des autres parce qu’il manifeste un comportement agressif ou indésirable et incontrôlé, ou qu’il jappe, grogne ou gémit; ou le CSE qui urine ou défèque dans sa cage pendant le transport.

[221] En dernier lieu, l’Office est d’avis que le transporteur se verrait imposer une contrainte excessive si, parce qu’il est tenu de transporter un CSE, il contrevient aux lois en vigueur dans le pays, la province, l’État ou le territoire où se rend le voyageur. Par exemple, selon certaines règles de tarifs internationaux, les passagers ont la responsabilité de satisfaire aux exigences d’entrée et de sortie du lieu de destination. De même, une personne qui souhaite être accompagnée d’un CSE dans les transports doit s’assurer que le chien satisfait également à toutes les exigences de transport et d’entrée. Ce ne sont pas tous les pays qui autorisent le transport de CSE ou d’animaux de compagnie dans la cabine d’un aéronef. De même, un autre pays pourrait imposer pour leur transport des exigences ou des conditions qui diffèrent de celles formulées dans la présente décision. La personne qui prend les transports avec un CSE a la responsabilité de fournir au transporteur toute la documentation requise pour le transport, l’entrée ou la sortie, selon le cas. Le transporteur pourrait refuser de transporter un CSE si ces exigences ne sont pas respectées.

6. Frais

[222] Dans la décision 6-AT-A-2008 (plainte sur les transports accessibles : tarifs et frais supplémentaires – une personne, un tarif), l’Office a reconnu le principe d’accessibilité de longue date selon lequel les personnes handicapées ne doivent pas être désavantagées économiquement en raison de leur handicap et ne devraient pas payer plus cher pour leurs services de transport que les autres passagers qui n’ont pas de handicap, non plus dans les circonstances où les transporteurs doivent fournir des services différents pour garantir un accès équivalent au réseau de transport fédéral.

[223] Certains représentants de l’industrie font valoir que l’exonération des frais pour le transport d’animaux de compagnie peut seulement s’appliquer au transport intérieur, conformément au RTAPH; ils affirment qu’autrement, cette exonération contreviendrait à des accords internationaux sur la liberté de fixer les prix. L’Office n’est pas encore convaincu que de telles contraventions surviendraient réellement. Il fait également remarquer que le RTAPH ne renferme aucune disposition concernant les CSE. Les exceptions énoncées dans le RTAPH s’appliquent à des services qui concernent souvent le besoin d’une personne handicapée d’obtenir un siège adjacent supplémentaire en raison de son handicap; toutefois, ce siège supplémentaire n’est pas exigé dans le cas d’un CSE dans une cage qui peut tenir sous le siège devant la personne handicapée. En conséquence, le principe général selon lequel les personnes handicapées devraient obtenir sans frais un accommodement lié à un handicap, selon le RTAPH, devrait s’appliquer aussi à celles qui prennent les transports avec un CSE.

[224] L’Office conclut donc qu’il est interdit d’imposer des frais à des personnes handicapées qui prennent les transports avec un CSE si elles respectent toutes les conditions indiquées ci-dessus.

Conclusion

[225] Pour les motifs énoncés ci-après, l’Office conclut :

  • que les transporteurs se verront imposer une contrainte excessive s’ils sont tenus d’accepter d’autres espèces que des chiens en tant qu’ASE;
  • que les chiens pourraient en général faire de bons ASE, mais que si le transport de CSE n’est pas réglementé, les transporteurs se verraient imposer une contrainte excessive en raison des risques pour la santé et la sécurité; des inquiétudes concernant le comportement et le bien-être de l’animal; et des conséquences des fausses déclarations visant à faire passer des animaux de compagnie pour des CSE;
  • qu’avec des conditions et des garanties appropriées, les transporteurs pourraient transporter certains CSE sans se voir imposer de contraintes excessives.

[226] L’Office conclut que le fait d’exiger des transporteurs qu’ils acceptent de transporter les CSE dans les cabines de passagers n’entraînera aucune contrainte excessive si les conditions suivantes sont remplies :

  1. La personne handicapée fournit des documents remplis par son médecin ou un professionnel de la santé qui détient une licence et est en règle auprès de son ordre professionnel, et qui prouvent qu’il traite la personne pour un handicap lié à la santé mentale, et qu’elle a besoin d’un CSE pour surmonter son handicap;
  2. La personne handicapée fournit un certificat délivré par un vétérinaire qui :
    • identifie le CSE par son nom et sa race;
    • identifie la personne handicapée qui a besoin de ce chien en tant que CSE;
    • atteste que le CSE a reçu tous ses vaccins et que son état de santé lui permet de voyager, notamment qu’il n’a pas de maladies contagieuses, de tiques, ni de puces;
    • indique si le vétérinaire a eu connaissance de comportements inappropriés par le CSE, comme des comportements agressifs, des gémissements ou des jappements excessifs, ou s’il a déjà causé des blessures à autrui.

Si la période de validité du certificat délivré par le vétérinaire n’a pas été prescrite dans le pays, la province, l’État ou le territoire de destination ou de provenance, le certificat devra être daté de moins de deux mois avant la date du trajet initial indiqué sur l’itinéraire.

3. La personne handicapée doit fournir la documentation indiquée ci-dessus au transporteur au moins 96 heures avant le transport.

Si la demande est présentée moins de 96 heures d’avance, le transporteur aérien fera tout son possible pour transporter la personne handicapée et son CSE. Toutefois, l’Office encourage fortement l’ensemble des personnes handicapées à fournir un préavis suffisant de même que des documents en règle pour elles-mêmes et leur CSE lorsqu’elles présentent leur demande, afin de réduire au minimum le risque de ne pas recevoir un accommodement convenable.

4. Le CSE doit rester pendant toute la durée du trajet dans une cage de transport adéquate qui doit pouvoir tenir et rester devant le siège que la personne handicapée occupe ou, dans un aéronef, sous le siège qui se trouve devant elle. La cage doit satisfaire aux conditions et aux restrictions du transporteur pour le transport d’un CSE dans une cage en cabine, et le CSE doit rester dans sa cage pendant tout le temps qu’il passera dans la cabine de passagers.

5. La personne handicapée doit démontrer au transporteur que son CSE satisfait à toutes les exigences de transport, d’entrée ou de sortie en vigueur dans le pays, la province, l’État ou le territoire de destination ou de provenance, ce qui inclut celle de fournir toute la documentation exigée, s’il y a lieu.

6. Il est interdit d’imposer des frais à des personnes handicapées qui prennent les transports avec un CSE si elles respectent toutes ces conditions.

[227] Un transporteur pourrait refuser de transporter toute personne handicapée et son CSE si le chien compromet la santé ou la sécurité d’autrui parce qu’il manifeste de l’agressivité ou a d’autres comportements inappropriés, ou si son propriétaire fait sortir l’animal de sa cage durant le transport.

[228] Dans la présente instance, l’Office n’a pas abordé la question des politiques des transporteurs sur le transport d’animaux de compagnie, ni n’a rendu de décision à cet égard.

Séparation des demandes

[229] Dans la décision préliminaire, l’Office a, de sa propre initiative et par souci d’efficacité, joint les six demandes de la présente instance afin d’examiner les questions communes liées aux ASE. Maintenant qu’une décision définitive a été rendue, l’Office, par la présente, sépare les six demandes de la présente instance de manière à pouvoir statuer sur toutes les questions qui restaient à régler dans chacun des cas, un à un.


Disposition en référence Identifiant numérique (article, paragraphe, règle, etc.)
Loi sur les transports au Canada, LC 1996, c 10 172(1); 172(3)
Règlement sur les transports accessibles aux personnes handicapées, DORS/2019-244 1(1); 31(2); 32(1); 32(4); 51(1); 51(2); 51(4)
Règles de l’Office des transports du Canada (Instances de règlement des différends et certaines règles applicables à toutes les instances), DORS/2014-104 5(2); 23; 27; 39
Loi de 2005 sur l’accessibilité pour les personnes handicapées de l’Ontario, LO 2005, c 11 S.O.

Membre(s)

France Pégeot
Elizabeth C. Barker
Mark MacKeigan
Mary Tobin Oates
Heather Smith
Date de modification :