Lettre-décision n° LET-AT-A-6-2023

le 14 février 2023

Demande présentée par Kandi Smiley contre Air Canada concernant des obstacles à ses possibilités de déplacement et les dispositions au tarif d’Air Canada

Numéro de cas : 
21-00896

Résumé

[1] Kandi Smiley a déposé une demande auprès de l’Office des transports du Canada (Office) contre Air Canada à qui elle reproche de ne pas avoir accepté son chien comme prévu à bord du vol qu’elle devait prendre.

[2] Mme Smiley réclame que les employés d’Air Canada reçoivent de la formation, et elle demande une indemnité pour atteinte à sa dignité et en raison de séquelles émotionnelles qui résultent de cet incident.

[3] Dans la décision LET-AT-A-42-2022 (décision), émise le 4 octobre 2022, l’Office a conclu que Mme Smiley est une personne handicapée. De plus, l’Office a conclu de façon préliminaire que son chien n’est pas un chien d’assistance. L’Office a donné à Mme Smiley l’occasion de s’opposer à cette conclusion préliminaire en déposant de nouvelles présentations, ainsi que l’occasion de commenter les extraits du site Web public de K9Will, l’organisme qui, selon ses présentations, a dressé son chien.

[4] L’Office se penchera sur les questions suivantes :

  1. L’Office devrait-il rendre définitive sa conclusion préliminaire selon laquelle le chien de Mme Smiley n’est pas un chien d’assistance?
  2. Mme Smiley a-t-elle rencontré un obstacle?

[5] Pour les motifs énoncés ci-dessous, l’Office :

  1. confirme sa conclusion préliminaire selon laquelle le chien de Mme Smiley est un animal de soutien émotionnel (ASE) et non pas un chien d’assistance au sens des règlements fédéraux sur l’accessibilité pris en vertu de la Loi sur les transports au Canada (LTC).

Même si l’Office doit encore déterminer si les ASE devraient être acceptés dans la cabine d’un aéronef, l’Office a évalué si Mme Smiley a rencontré un obstacle en raison de la façon dont Air Canada a fourni l’accommodement, du fait qu’Air Canada a accepté de transporter l’ASE de Mme Smiley dans le cas présent;

2. conclut que Mme Smiley a rencontré un obstacle en matière de communication du fait que le personnel du bureau médical d’Air Canada :

    • n’a pas correctement évalué les renseignements que Mme Smiley a fournis concernant la taille de son ASE afin, d’une part, de l’informer d’avance du changement de l’aéronef prévu pour son vol pour un aéronef plus petit, ce qui entraînait un manque d’espace à l’intérieur de la cabine pour accueillir son ASE et, d’autre part, de la possibilité de changer sa réservation pour un prochain vol à bord d’un plus gros aéronef;
    • n’a pas bien informé Mme Smiley de la possibilité qu’elle ne puisse pas prendre son vol comme prévu avec son chien.

[6] À la lumière de ces conclusions, l’Office devrait normalement se pencher sur la partie 2 de son approche en deux parties pour statuer sur les cas en matière d’accessibilité et ainsi déterminer si l’obstacle que la demanderesse a rencontré était abusif et, dans l’affirmative, quelles mesures correctives sont nécessaires. Toutefois, comme il a conclu que le chien de Mme Smiley est un ASE, l’Office a joint le présent cas à plusieurs autres demandes dans lesquelles les demanderesses réclament le droit de prendre les transports avec un animal qui est ou qui pourrait être un ASE. L’Office a décidé de joindre ces demandes pour étudier de manière plus efficace et selon un point de vue plus général la question de savoir s’il faudrait exiger que les transporteurs acceptent les ASE dans le réseau de transport fédéral et, dans l’affirmative, selon quelles conditions. L’Office a également indiqué qu’après qu’il aura rendu une décision finale dans l’instance sur les ASE, il se penchera sur chaque cas du groupe afin de régler toutes les questions restées en suspens. L’Office conclut donc qu’il est approprié d’attendre qu’il rende sa décision finale dans les demandes regroupées avant de statuer sur la partie 2 de son approche en deux parties dans le cas présent. Mme Smiley a eu l’occasion de participer pleinement au règlement des demandes regroupées.

Contexte

[7] Le 3 juin 2019, Mme Smiley a acheté des billets auprès d’Air Canada pour un vol de Toronto (Ontario) à Nanaimo (Colombie-Britannique), le 9 août 2019, puis de Vancouver (Colombie-Britannique) à Edmonton (Alberta), le 21 août 2019.

[8] Le 30 juillet 2019, Mme Smiley a communiqué avec Air Canada pour demander l’autorisation que son chien, un berger allemand de 72 livres, l’accompagne sur son vol, et Air Canada a approuvé sa demande. Mme Smiley affirmeque le 21 août 2019, lorsqu’elle est arrivée à la porte d’embarquement à l’aéroport international de Vancouver (aéroport), elle s’est fait dire qu’il n’y avait pas assez d’espace à bord de l’aéronef pour elle et son chien. Mme Smiley a été réacheminée avec son chien sur un vol qui partait deux heures plus tard. Mme Smiley affirme que cet incident a déclenché un épisode attribuable à un état de stress post-traumatique (ESPT).

Observation préliminaire

[9] Même si l’Office a ouvert les actes de procédure dans cette affaire au titre, à la fois, des dispositions sur les tarifs et de la partie V de la LTC, l’Office conclut que la question soulevée dans la demande est visée par les dispositions de la partie V sur les droits de la personne. En outre, l’Office est d’avis que, lorsqu’une affaire peut être visée soit par la partie V, soit par les dispositions sur les tarifs, la partie V devrait avoir préséance pour régler cette question, parce qu’elle donne la bonne perspective en matière de droits de la personne, de même que tous les pouvoirs pour ordonner les mesures correctives nécessaires dans le cas où l’Office conclurait que l’obstacle est abusif. En conséquence, l’Office s’appuiera sur la partie V de la LTC pour analyser la présente instance.

La loi

Accessibilité

[10] L’Office a le pouvoir de se prononcer sur des demandes dans lesquelles une personne affirmequ’il existe un obstacle abusif aux possibilités de déplacement des personnes handicapées dans le réseau de transport fédéral.

[11] Commeil l’a indiqué dans sa décision 33-AT-A-2019 (décision d’interprétation), l’Office détermine s’il existe un obstacle abusif aux possibilités de déplacement d’une personne handicapée au moyen d’une approche en deux parties.

Partie 1 : Il revient au demandeur de démontrer, selon la prépondérance des probabilités :

- qu’il a un handicap, c’est-à-dire une déficience notamment physique, intellectuelle, cognitive, mentale ou sensorielle, tout trouble d’apprentissage ou de la communication (ou toute limitation fonctionnelle) de nature permanente, temporaire ou épisodique, manifeste ou non et dont l’interaction avec un obstacle nuit à la participation pleine et égale d’une personne dans la société.

et

- qu’il a rencontré un obstacle, c’est-à-dire tout élément — notamment un élément de nature physique ou architecturale, qui est relatif à l’information, aux communications, aux comportements ou à la technologie ou qui est le résultat d’une politique ou d’une pratique — qui nuit à la participation pleine et égale dans la société des personnes ayant des déficiences notamment physiques, intellectuelles, cognitives, mentales ou sensorielles, des troubles d’apprentissage ou de la communication ou des limitations fonctionnelles. Il doit y avoir un certain lien entre le handicap et l’obstacle.

Partie 2 : Si l’Office détermine qu’un demandeur a un handicap et qu’il a rencontré un obstacle, il incombe alors à la défenderesse de prendre l’une ou l’autre des mesures suivantes :

- expliquer, en tenant compte des solutions proposées par le demandeur, comment elle propose d’éliminer l’obstacle en apportant une modification générale à la règle, à la politique, à la pratique, à la technologie ou à la structure physique visée, ou à tout autre élément constituant un obstacle ou, si la modification générale n’est pas possible, en adoptant une mesure d’accommodement personnalisée;

ou

- démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle ne peut pas éliminer l’obstacle sans se voir imposer une contrainte excessive.

Chiens d’assistance

[12] Les dispositions réglementaires pertinentes relativement aux services aériens intérieurs en vigueur au moment de l’incident sont celles prévues dans le Règlement sur les transports aériens (RTA). Selon ce règlement, un transporteur aérien doit accepter de transporter sans frais un animal aidant, à condition que la personne en ait besoin et qu’il soit attesté par certificat que l’animal a été dressé par un organismeprofessionnel de dressage des animaux aidants.

[13] En 2020, les dispositions réglementaires ont changé. Le Règlement sur les transports accessibles aux personnes handicapées (RTAPH) définit désormais expressément le terme« chien d’assistance » commeétant un « chien qui a reçu, de la part d’un organismeou d’une personne spécialisé en formation de chiens d’assistance, une formation individualisée à la tâche pour répondre aux besoins liés au handicap d’une personne handicapée ».

ASE

[14] Les ASE n’effectuent aucune tâche. C’est plutôt leur présence qui procure du réconfort ou un soutien affectif aux personnes ayant un handicap attribuable à des troubles de santé mentale. Aucune disposition réglementaire n’exige que les ASE soient acceptés dans les transports, mais les transporteurs doivent répondre aux besoins liés aux handicaps des personnes handicapées tant que la contrainte ne devient pas excessive.

1.  L’Office devrait-il rendre définitive sa conclusion préliminaire selon laquelle le chien de Mme Smiley n’est pas un chien d’assistance?

[15] Puisqu’il a conclu de façon préliminaire dans la décision que le chien de Mme Smiley n’est pas un chien d’assistance, l’Office a donné à Mme Smiley l’occasion de s’opposer à cette conclusion préliminaire en déposant de nouvelles présentations, ainsi que l’occasion de commenter les extraits du site Web public de K9Will.

[16] Le 9 novembre 2022, Mme Smiley a déposé sa réponse à la décision. Elle affirme qu’il ne devrait pas être important de savoir si son chien est un chien d’assistance ou un ASE, puisque la question porte sur le traitement d’une personne handicapée qui, à titre d’accommodement, prend les transports avec son animal. Mme Smiley répète que, avant le vol, la compagnie aérienne a accepté de transporter son chien et a autorisé son chien à bord d’un aéronef.

[17] Dans la décision, l’Office a conclu de façon préliminaire que même si Mme Smiley a présenté quelques renseignements à propos de son chien et de son dressage, ils étaient insuffisants pour prouver que son chien est un animal aidant qui a été dressé par un organisme professionnel de dressage des animaux aidants, conformément au RTA, ou un chien d’assistance qui a reçu une formation de la part d’un organisme ou d’une personne spécialisé en formation de chiens d’assistance, conformément au RTAPH.

[18] Mme Smiley n’a pas fourni d’autres renseignements à propos du dressage de son chien dans sa réponse à la décision. En l’absence d’autres éléments de preuve, l’Office ne peut pas considérer le chien de Mme Smiley comme étant un animal aidant au sens du RTA en vigueur au moment de l’incident, ou un chien d’assistance au sens du RTAPH, maintenant en vigueur. Par conséquent, l’Office adopte l’analyse qu’il a faite dans la décision et s’appuie sur elle pour confirmer sa conclusion préliminaire selon laquelle le chien de Mme Smiley n’est pas un animal aidant au sens du RTA ni un chien d’assistance au sens du RTAPH. Puisque le handicap de Mme Smiley est lié à un trouble de santé mentale, l’Office conclut que le chien est un ASE.

2.  Mme Smiley a-t-elle rencontré un obstacle?

Les positions des parties

Mme Smiley

[19] Mme Smiley soutient que le superviseur d’Air Canada avec qui elle s’est entretenue à la porte d’embarquement de son vol prévu de Vancouver à Edmonton l’a informée qu’il n’y avait pas assez de place pour elle et son chien à bord du vol. Mme Smiley indique qu’elle a expliqué au superviseur qu’elle avait envoyé les mesures de son chien par courriel au bureau médical le 30 juillet 2019, et que le 31 juillet 2019, elle a reçu l’autorisation de prendre le vol avec son chien. Mme Smiley indique qu’elle a tout de même été dirigée vers la porte d’embarquement pour attendre le prochain vol disponible dans lequel il y aurait suffisamment d’espace pour elle-même et son chien.

[20] Mme Smiley reconnaît qu’Air Canada l’a informée avant le vol qu’elle pourrait être tenue de réserver à ses frais un siège supplémentaire pour que son chien ait de la place. Elle soutient qu’un siège supplémentaire n’est pas nécessaire puisque son chien est dressé et peut tenir sur le plancher devant deux sièges, mais Air Canada ne l’a pas questionnée quant à la possibilité que son chien s’installe et demeure dans l’espace occupé par deux sièges et ne lui a pas offert cette option non plus. Mme Smiley indique qu’elle a suivi toutes les règles et qu’Air Canada connaissait déjà la taille de son chien.

[21] Mme Smiley indique que le plan présenté par Air Canada sur la disposition des sièges dans le Jazz CR9 montre de nombreux endroits où son chien aurait pu être installé si Air Canada pensait qu’il était trop gros. Elle soutient également qu’un avertissement devrait apparaître dans le système de réservation lorsqu’il y a un changement d’aéronefs pour que des mesures soient prises dans le but de répondre aux besoins liés au handicap d’une personne handicapée.

[22] Mme Smiley indique que si Air Canada devait évaluer son chien à son arrivée à l’aéroport, quelqu’un aurait dû le lui faire savoir d’avance. Elle indique qu’Air Canada n’a pas expliqué qu’elle risquait de ne pas pouvoir prendre son vol comme prévu. Mme Smiley soutient que si cela lui avait été expliqué d’avance, elle aurait su à quoi s’attendre et aurait pu au moins s’y préparer. Elle indique que si elle l’avait su d’avance, la situation aurait été différente.

[23] Mme Smiley indique qu’Air Canada n’a pas été discrète lorsqu’elle lui a refusé le transport. Elle soutient que l’incident lui a causé du stress, de l’embarras et de l’humiliation devant son fils et d’autres passagers, et que ces effets ont persisté. Elle explique qu’elle s’est sentie comme si elle représentait un fardeau et qu’elle avait des attentes ridicules. Elle affirme que cette situation est un cas de discrimination qui lui a causé beaucoup de douleurs et de souffrances. Mme Smiley indique que cela démontre que le personnel d’Air Canada appelé à interagir avec des personnes handicapées devrait suivre une formation supplémentaire.

Air Canada

[24] Air Canada indique que l’aéronef utilisé pour le vol de Mme Smiley de Toronto à Nanaimo était un Airbus 319, avec des rangées de trois sièges de chaque côté de l’allée. L’aéronef utilisé pour son vol de Vancouver à Edmonton devait être un Airbus 320 avec une configuration de sièges semblable. Toutefois, le 13 juin 2019, cet aéronef a été changé pour un Jazz CR9, qui ne comptait que deux sièges de chaque côté de l’allée.

[25] Air Canada soutient qu’elle n’aurait pas pu être au courant de la limite d’espace avant le vol. Air Canada reconnaît que Mme Smiley a communiqué avec le bureau médical pour faire autoriser son chien à bord d’un aéronef et qu’elle en a fourni les mesures avant le vol. Air Canada explique que selon les renseignements reçus, le personnel du bureau médical a déterminé que le chien aurait suffisamment d’espace si deux sièges étaient libres. Air Canada soutient qu’elle a avisé Mme Smiley que le transporteur n’offre pas de siège supplémentaire gratuit pour des ASE, mais qu’elle pouvait acheter un autre siège si elle le souhaitait. Air Canada affirme que si le personnel du bureau médical pensait que trois sièges étaient nécessaires, il aurait informé Mme Smiley que l’accommodement n’était pas possible à bord du Jazz CR9 et il l’aurait réacheminée sur un autre vol. Selon Air Canada, ce n’est qu’au moment où Mme Smiley est arrivée à la porte d’embarquement que le personnel a réalisé qu’en raison de la configuration des sièges et du peu d’espace au sol à bord du Jazz CR9, il serait impossible que Mme Smiley et son chien prennent ce vol.

[26] Selon Air Canada, le chien de Mme Smiley aurait eu besoin de l’espace devant trois sièges pour s’allonger à ses pieds, ce qui n’était pas possible à bord du Jazz CR9. Air Canada soutient que, compte tenu de la taille du chien, il est raisonnable de penser qu’il doit avoir utilisé une partie de l’espace au plancher devant un troisième siège à bord du vol de Mme Smiley à destination de Nanaimo qui a été effectué au moyen d’un Airbus 319. Air Canada indique que si Mme Smiley a remarqué que son chien avait besoin de l’espace devant un troisième siège à bord de ce vol vers Nanaimo, elle aurait dû appeler au bureau médical pour en aviser le personnel et s’assurer qu’elle serait assise dans une rangée comptant trois sièges à bord du prochain vol.

[27] Air Canada explique que si un chien ne tient pas dans l’espace devant la personne handicapée qui l’accompagne et qu’il n’y a pas d’autres sièges avec suffisamment d’espace pour que le chien y soit installé en sécurité, des agents de bord d’Air Canada essayeront de trouver un passager dans un siège adjacent qui serait prêt à partager l’espace à ses pieds avec l’animal, ou un passager occupant un siège où il y a suffisamment d’espace pour le chien et qui aurait été prêt à changer de siège. Toutefois, Air Canada soutient que c’était impossible dans ce cas‑ci, compte tenu de la taille du chien et de la configuration du Jazz CR9.

[28] Air Canada indique que le chien de Mme Smiley aurait obstrué l’allée du Jazz CR9, donc qu’il n’aurait pas pu être transporté en toute sécurité. Air Canada affirme que, selon le Règlement de l’aviation canadien, le transporteur aérien doit s’assurer que les allées sont libres de tout obstacle; selon les Normes de service aérien commercial, l’exploitant doit établir des procédures pour faire en sorte que l’embarquement et le débarquement de tous les passagers s’effectuent en toute sécurité; et selon ses propres procédures, approuvées par Transports Canada, il doit être indiqué que rien n’entrave l’accès aux allées et aux sorties lors de l’embarquement et du débarquement des passagers, en cas d’urgence. Air Canada conclut qu’il était impossible de transporter le chien de Mme Smiley à bord du Jazz CR9.

[29] Air Canada soutient que, lorsqu’elle a réalisé que le chien compromettrait la sécurité de Mme Smiley et de tous les autres passagers à bord, elle a réacheminé Mme Smiley sur le prochain vol disponible effectué au moyen d’un aéronef plus gros et dont le départ était prévu deux heures plus tard. Air Canada indique que Mme Smiley est arrivée à Edmonton avec 2 heures et 17 minutes de retard sur l’horaire prévu. Selon Air Canada, cet accommodement était raisonnable et Mme Smiley n’a pas présenté d’éléments pour prouver qu’elle a rencontré un obstacle lié à son handicap.

Analyse et déterminations

[30] Même si l’Office n’a pas encore tranché à savoir s’il faut exiger que les ASE soient acceptés dans la cabine des aéronefs, Air Canada a accepté de transporter l’ASE de Mme Smiley dans le cas présent et, en conséquence, l’Office évaluera si Mme Smiley a rencontré un obstacle en raison de la façon dont Air Canada a fourni l’accommodement. En outre, Air Canada a, à terme, répondu au besoin de Mme Smiley puisqu’elle a transporté son ASE jusqu’à sa destination, quoiqu’avec un léger retard, de sorte que l’obstacle ne constitue pas un refus de transporter l’ASE. 

[31] D’après la preuve, il est évident que le personnel du bureau médical a autorisé l’ASE de Mme Smiley à bord de l’aéronef sachant que le vol de Vancouver à Edmonton serait effectué au moyen d’un Jazz CR9, qui compte deux sièges de chaque côté de l’allée. Air Canada a tenté de présenter cette situation comme étant un problème découlant d’un changement d’aéronefs, mais en fait, la preuve montre que le changement de l’Airbus 320 pour un Jazz CR9 était prévu depuis le 13 juin 2019, soit six semaines avant l’autorisation donnée par le bureau médical le 31 juillet 2019. Mme Smiley avait communiqué les mesures de son chien au bureau médical le 30 juillet 2019, de sorte que s’il y avait eu un doute quant à la capacité du transporteur d’accepter l’ASE à bord d’un aéronef plus petit, le personnel du bureau médical aurait dû l’aviser du problème à ce moment-là et lui proposer de prendre le prochain vol effectué au moyen d’un aéronef plus gros, dont le départ était prévu un peu plus de deux heures plus tard.

[32] Au lieu de quoi le personnel du bureau médical n’a pas communiqué l’information exacte à Mme Smiley et a laissé traîner le problème qui a été réglé à la dernière minute à l’aéroport. Le fait pour le personnel d’Air Canada de confirmer l’espace disponible pour l’ASE seulement après son arrivée à l’aéroport, même s’il avait déjà reçu des mesures détaillées bien avant le vol, crée de l’incertitude pour la personne handicapée qui se demande si elle pourra prendre son vol. Dans le cas de Mme Smiley, l’incident lui a causé du stress, de l’embarras et de l’humiliation devant son fils et d’autres passagers, et lui a provoqué de la douleur, des souffrances et des effets persistants. Même si Mme Smiley est arrivée à destination avec seulement 2 heures et 17 minutes de retard sur l’horaire prévu, il est important de noter que l’effet de ce retard et l’expérience globale ont été très graves pour Mme Smiley en raison de la nature de son handicap et de la façon dont Air Canada a géré la situation. L’Office conclut donc que Mme Smiley a rencontré un obstacle en matière de communication du fait que le personnel du bureau médical d’Air Canada n’a pas correctement évalué les renseignements que Mme Smiley a fournis concernant la taille de son ASE afin, d’une part, de l’informer d’avance du changement de l’aéronef prévu pour son vol pour un aéronef plus petit, ce qui entraînait un manque d’espace à l’intérieur de la cabine pour accueillir son ASE et, d’autre part, de la possibilité de changer sa réservation pour un prochain vol à bord d’un plus gros aéronef.

[33] Il est important qu’un passager handicapé reçoive des communications exactes et claires, surtout en ce qui concerne des circonstances où l’accommodement pourrait être modifié et l’empêcher de prendre un vol comme prévu. De plus, l’Office reconnaît depuis longtemps que les personnes handicapées ont droit à la même garantie que les autres passagers, à savoir qu’elles pourront prendre les transports. Pour la plupart des gens, la réservation offre cette certitude. Toutefois, pour qu’une personne handicapée puisse avoir cette certitude, elle doit aussi obtenir l’assurance que le transporteur répondra correctement à ses besoins liés à son handicap. L’Office a par exemple reconnu ce fait dans la décision 252‑AT‑A‑2014 (Kruger c Air Canada), la décision 430‑AT‑A‑2011 (Covell, Daviau et Spence c Air Canada) et la décision 4‑AT‑A‑2010 (Huyer et Nugent c Air Canada).

[34] Comme Air Canada a accepté Mme Smiley et son ASE à bord d’un aéronef plus petit, l’Office conclut, d’après les éléments de preuve qu’il détient, qu’Air Canada n’a pas correctement informé Mme Smiley du processus concernant les ASE ou du fait qu’elle pourrait ne pas pouvoir prendre son vol comme prévu, par exemple si à une étape donnée de l’itinéraire, elle se fait dire que son chien ne pourra pas être transporté, ou qu’il n’y a pas suffisamment d’espace à bord de l’aéronef, soit parce que l’aéronef est trop petit, qu’un gros aéronef a été changé pour un plus petit ou que le chien est trop gros pour tenir dans l’espace prévu. En conséquence, Mme Smiley était mal préparée pour faire face à ce qui s’est finalement produit à l’aéroport ce jour‑là. L’Office conclut donc que l’obstacle en matière de communication que Mme Smiley a rencontré comprend également le fait que le personnel du bureau médical ne l’a pas bien informée de la possibilité qu’elle ne puisse pas prendre son vol comme prévu avec son chien.

Prochaine étape

[35] À la lumière de ces conclusions, l’Office devrait normalement se pencher sur la partie 2 de son approche en deux parties pour statuer sur les cas en matière d’accessibilité et ainsi déterminer si l’obstacle que la demanderesse a rencontré était abusif et, dans l’affirmative, quelles mesures correctives sont nécessaires. Toutefois, comme il a conclu que le chien de Mme Smiley est un ASE, l’Office a joint le présent cas à plusieurs autres demandes dans lesquelles les demanderesses réclament le droit de prendre les transports avec un animal qui est ou qui pourrait être un ASE. L’Office a décidé de joindre ces demandes pour étudier de manière plus efficace et selon un point de vue plus général la question de savoir s’il faudrait exiger que les transporteurs acceptent les ASE dans le réseau de transport fédéral et, dans l’affirmative, selon quelles conditions. L’Office a également indiqué qu’après qu’il aura rendu une décision finale dans l’instance sur les ASE, il se penchera sur chaque cas du groupe afin de régler toutes les questions restées en suspens. L’Office conclut donc qu’il est approprié d’attendre qu’il rende sa décision finale dans les demandes regroupées avant de statuer sur la partie 2 de son approche en deux parties dans le cas présent. Mme Smiley a eu l’occasion de participer pleinement au règlement des demandes regroupées.

[36] Toute la correspondance et tous les actes de procédure doivent renvoyer au cas 21‑00896 et être déposés auprès du Secrétariat de l’Office à secretariat@otc‑cta.gc.ca.


Dispositions en référence Identifiant numérique (article, paragraphe, règle, etc.)
Loi sur les transports au Canada, LC 1996, c 10 67(3); 172(1); 172(2); partie V; 169.5; 172(3)
Règlement sur les transports aériens, DORS/88-58 149(1)
Règlement sur les transports accessibles aux personnes handicapées, DORS/2019-244 1(1)
Règlement de l’aviation canadien, DORS/96-433 705.40(1); 705.42(5)
Norme 725 - Exploitation d’une entreprise de transport aérien - Avions - Règlement de l’aviation canadien 725.40

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