Lettre-décision n° LET-R-8-2002

le 9 janvier 2002

Application by Ferroequus Railway Company Limited pursuant to sections 93 and 138 of the Canada Transportation Act, S.C., 1996 c. 10.

No de référence : 
T7475/01-03

La présente concerne la requête datée du 6 décembre 2001 que la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (CN) a déposée auprès de l'Office des transports du Canada (Office) pour lui demander de rejeter sommairement la demande susmentionnée pour défaut de compétence en vertu de l'article 138 de la Loi sur les transports au Canada (LTC).

Contexte

Le 25 octobre 2001, Ferroequus Railway Company Limited (FE) a déposé une demande auprès de l'Office pour qu'il prenne un arrêté lui accordant le droit de faire circuler et d'exploiter ses trains sur des lignes particulières de CN entre Lloydminster (Saskatchewan) et le port de Prince Rupert (Colombie-Britannique) et entre Camrose (Alberta) et le port de Prince Rupert (Colombie-Britannique). Le 6 novembre 2001, CN a demandé que l'Office rejette ou suspende la demande de FE en attente de la réception d'information supplémentaire.

Dans la décision no LET-R-443-2001 datée du 9 novembre 2001, l'Office a demandé de plus amples renseignements à FE et a fixé les directives sur la procédure pour le dépôt des plaidoiries. À la suite du dépôt de la réponse de FE à la demande de l'Office le 24 novembre 2001, CN a déposé la requête susmentionnée concernant le rejet de la demande.

Position des parties

À l'appui de sa requête, CN fait valoir que la demande actuelle de FE pour obtenir des droits de circulation est semblable à une demande précédente déposée par FE le 20 février 2001 qui a été rejetée par l'Office aux termes de la décision no 213-R-2001 datée du 3 mai 2001. CN affirme que l'Office a conclu, à ce moment-là, que l'article 138 de la LTC permet simplement l'accès et le droit de passage si c'est dans l'intérêt public, et que la loi actuelle n'habilite pas l'Office à octroyer des droits de circulation dans le but précis d'offrir des services de transport. CN prétend que la demande actuelle de FE pour obtenir le droit de faire circuler et d'exploiter ses trains sur des lignes particulières de CN consiste en une offre de service de transport sur le réseau de CN à Camrose (Alberta) et à Lloydminster (Saskatchewan).

CN déclare qu'il n'y a pas de distinction entre le lieu de correspondance et la « gare », puisque les deux sont traités de la même façon dans les dispositions de niveau de service de la LTC et que toute marchandise transportée se déplaçant sur les lignes de CN soit en provenance d'une voie latérale ou d'un lieu de correspondance serait du trafic que CN a l'obligation de transporter. À ce titre, CN prétend que ce trafic lui appartient tout autant que le trafic provenant des installations de ses clients.

Dans sa réponse, FE affirme que l'Office a déterminé dans la décision no 213-R-2001 que l'article 138 de la LTC est une disposition d'accès concurrentiel qui autorise l'Office à octroyer des droits de circulation dans le but d'offrir aux expéditeurs la possibilité d'utiliser deux compagnies de chemin de fer plutôt qu'une.

FE fait valoir que le point d'origine du trafic qui circulera sur les lignes de CN ne se trouve pas sur les lignes de CN et, puisqu'il n'y a pas d'accord entre la Commission canadienne du blé (CCB) et CN pour le transport de marchandises, que CN ne peut pas revendiquer la propriété du trafic. FE ajoute que l'argument de CN selon lequel la CCB est incapable de choisir l'itinéraire ou le transporteur qui transportera son grain a déjà été traité par l'Office et les tribunaux.

Dans sa réponse datée du 19 décembre 2001, CN prétend que l'intention de FE d'acquérir des droits de circulation sur un seul chemin de fer ne peut être qualifiée de projet de transport intermédiaire, tel qu'envisagé par l'Office dans sa décision du 3 mai 2001. CN réaffirme que puisque FE prendra livraison du trafic de la CCB sur son réseau ferroviaire près d'un lieu de correspondance avec CP, ce trafic a pour point d'origine une ligne de CN et il s'agit donc d'une offre de service de transport.

Dans une présentation datée du 27 décembre 2001, CN déclare avoir déposé un argument supplémentaire selon lequel la demande des droits de circulation de FE est incomplète puisqu'elle n'inclut pas la Compagnie de chemin de fer Canadien Pacifique (CP) comme partie nécessaire et ajoute que puisque la Prince Rupert Grain Company, en tant qu'exploitant du terminal de destination, est un client de CN, FE offrirait avec sa proposition des services de transport à la clientèle de CN.

Analyse et constatations

CN prétend qu'elle a effectivement un droit de propriété sur le trafic d'un expéditeur lorsque ce dernier a accès aux lignes de CN à un lieu de correspondance. Ce droit, selon CN, découle des obligations en matière de niveau de service en vertu de la LTC.

Il est clair que l'alinéa 113(1)a) de la LTC crée dans les dispositions de niveau de service, entre autres choses, une obligation pour CN de fournir des installations convenables et adéquates aux points d'origine et aux points de raccordement avec d'autres transporteurs pour recevoir les marchandises à transporter par chemin de fer. Cependant, cette obligation ne confère pas par le fait même un droit absolu à CN de transporter ce trafic à l'exclusion des transporteurs concurrentiels.

Tout droit de transporter ce trafic que pourrait avoir CN, dans la mesure où il existe, est modifié par les dispositions dans la LTC favorisant la concurrence. Donc, par exemple, en vertu des dispositions sur l'interconnexion et les prix de ligne concurrentiels dans la loi, un transporteur peut soumissionner et transporter le trafic qui a comme point d'origine ou de destination l'infrastructure d'un autre transporteur.

À ce titre, il est faux de prétendre que CN a un droit absolu sur le trafic d'un expéditeur. Le fait que CN ait peut-être bénéficié du trafic de la CCB ayant comme point d'origine une ligne de CP allant vers Prince Rupert dans le passé ne donne pas la propriété éternelle de ce trafic à CN. La CCB a des options, qui comprennent l'interconnexion et les prix de ligne concurrentiels susmentionnés pour que son choix d'acheminement et de transporteur soit basé sur la concurrence et non sur la captivité.

CN soutient essentiellement que la simple possibilité qu'elle transporte le trafic d'un expéditeur suffit pour donner la propriété du trafic à CN. L'Office ne croit pas que c'est le cas. Si ce l'était, il n'y aurait probablement jamais lieu d'appliquer des droits de circulation prévus par la loi au Canada.

Un droit de circulation prévu par la loi requiert, par définition, l'existence d'un lieu de correspondance où le trafic est transféré d'un transporteur à un autre. Si tout le trafic en transit ou en transport intermédiaire arrivant à un lieu de correspondance devait être transféré à la compagnie de chemin de fer qui est propriétaire de l'infrastructure au delà du lieu de correspondance (ici CN), il est difficile d'imaginer des cas où une demande de droit de circulation serait accordée puisque, selon CN, le transporteur intermédiaire serait toujours coupable d'offrir des services de transport à la clientèle de CN à ce lieu de correspondance. L'Office juge que la proposition de CN est contraire aux principes du choix d'expéditeur et de la concurrence qui sont les éléments clés de la Partie III de la LTC.

En ce qui concerne l'argument de CN concernant la situation de CP en tant que partie au dossier, l'Office a débuté les plaidoiries sur ce sujet dans la décision no LET-R-1-2002 datée du 4 janvier 2002.

Conclusion

Pour les raisons susmentionnées, l'Office écarte la requête de CN pour le rejet sommaire de la demande de FE.

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