Décision n° 103-C-A-2022

le 22 août 2022

DEMANDE présentée par George Zebruck et Marion Zebruck (demandeurs) contre Sunwing Airlines (défenderesse), au titre du paragraphe 110(4) du Règlement sur les transports aériens, DORS/88-58 (RTA), concernant un retard de vol.

Numéro de cas : 
21-50298

[1] Les demandeurs ont acheté un forfait de vacances auprès de Vacances Sunwing, qui comprenait un billet aller-retour pour un vol avec Sunwing Airlines de Winnipeg (Manitoba) à Holguín, Cuba, dont le départ était prévu le 31 janvier 2020 et le retour, le 7 février 2020. Le vol de départ des demandeurs, le vol WG260, a été retardé, puis reporté au lendemain.

[2] Les demandeurs réclament : une indemnité de 190,16 CAD pour l’hébergement à l’hôtel et leurs repas; un remboursement de 368,43 CAD pour un jour de vacances manqué en raison du retard; une indemnité de 2 000 CAD au titre du Règlement sur la protection des passagers aériens (RPPA)Note 1 pour le retard; et un remboursement de 180 CAD pour leur assurance voyage.

[3] Dans la présente décision, le rôle de l’Office des transports du Canada (Office) consiste à déterminer si la défenderesse a correctement appliqué son tarifNote 2 aux billets que les demandeurs ont achetés. Si l’Office conclut que la défenderesse n’a pas correctement appliqué son tarif, il peut ordonner à la défenderesse de prendre les mesures correctives que l’Office estime indiquées ou de verser des indemnités à quiconque pour toutes dépenses supportées en raison de la non-application du tarif. Les dispositions pertinentes du RTA, du RPPA et du tarif sont énoncées à l’annexe.

[4] L’Office n’a pas le pouvoir d’ordonner le versement d’une indemnité pour le temps de vacances perdu ou pour les dépenses payées d’avance. Par conséquent, il ne tiendra pas compte de ces aspects de la demande. Les demandeurs réclament également un remboursement de leur assurance voyage achetée auprès de Manuvie. Cependant, cette dépense ne relève également pas de la compétence de l’Office.

[5] Dans la décision 122-C-A-2021 (décision d’interprétation du RPPA), l’Office affirme que la raison principale d’une perturbation ou le facteur y ayant contribué le plus considérablement est le critère qu’il convient d’utiliser pour catégoriser une perturbation de vol causée par de multiples raisons. L’Office affirme également que les facteurs pertinents pour déterminer la raison principale de la perturbation, ou le facteur y ayant contribué le plus considérablement, englobent ce qui a causé le plus long retard, et la question de savoir si les différentes raisons du retard ont un lien causal.

[6] Dans le cas présent, le vol a été retardé pour trois raisons, ce qui a entraîné un retard total d’environ 13 heures.

[7] Le premier retard était lié à l’arrivée tardive de l’aéronef à Winnipeg. La défenderesse explique que l’aéronef qui devait être utilisé pour le vol des demandeurs a été retardé en raison des mauvaises conditions météorologiques et d’un dégivrage plus tôt dans la journée.

[8] Le deuxième retard a été entraîné par des problèmes mécaniques de l’aéronef. Les demandeurs déclarent que leur vol a été retardé en raison de problèmes mécaniques, mais que les problèmes ont été réglés après un retard de trois heures. La défenderesse soutient que l’aéronef qui devait être utilisé pour le vol WG260 a ensuite été retardé en raison d’un problème technique imprévu : l’aéronef est arrivé à Winnipeg avec une anomalie technique, qui est survenue au cours du vol (un problème lié au « MESSAGE D’ALERTE DU CDU » de l’ordinateur de gestion de vol et un voyant de panne en croisière). La défenderesse explique qu’une anomalie technique est un problème qui peut avoir une incidence sur l’état de navigabilité d’un aéronef et que résoudre un tel problème nécessite l’aide d’un mécanicien. La défenderesse soutient que le problème a finalement été réglé, mais qu’il a entraîné un retard de 1 heure et 18 minutes.

[9] Le dernier et le plus long retard a été entraîné par la fermeture de l’aéroport de Holguín. Les demandeurs soutiennent qu’après avoir réglé le problème mécanique, il y a eu un retard de 10 heures parce que l’aéronef n’a pas reçu la permission d’atterrir à l’aéroport de Holguín après que le pilote a tenté à trois reprises de demander la permission d’atterrir pendant l’embarquement des passagers. Les demandeurs affirment que si le pilote avait communiqué plus tôt avec l’aéroport de Holguín, l’aéronef aurait obtenu l’autorisation d’atterrir et il n’aurait pas été retardé.

[10] La défenderesse affirme que bien que le problème technique ait été réglé, la réparation n’a pas pu être réalisée à temps pour que le vol puisse respecter les restrictions relatives au couvre-feu de l’aéroport à l’atterrissage et à la fermeture de l’aéroport de Holguín. La défenderesse a fourni des éléments de preuve témoignant du fait que l’heure de fermeture de l’aéroport de Holguín est 5 h UTC (minuit, heure locale). Par conséquent, le vol a été reporté au lendemain. La défenderesse soutient que la durée du retard entraîné par les enjeux opérationnels de l’aéroport (couvre-feu à Holguín) était de 11 heures et 6 minutes.

[11] En ce qui a trait au dernier retard entraîné par la fermeture de l’aéroport de Holguín, le rapport sur le retard des passagers fourni par la défenderesse indique que les passagers sont embarqués sur le vol retardé à 19 h 25, soit 2 heures et 25 minutes après l’heure de départ prévue (17 h). Par conséquent, même si le vol était parti 2,5 heures plus tard que prévu et qu’il était arrivé 2,5 heures plus tard que l’heure d’arrivée prévue (22 h 55, heure locale), il serait arrivé à Holguín à environ 1 h 30, heure locale. Selon les renseignements fournis, l’aéroport de Holguín ferme à minuit, heure locale. Par conséquent, que le pilote ou le transporteur aient communiqué avec l’aéroport de Holguín ou non, il est clair qu’ils n’auraient pas obtenu la permission d’atterrir, ce qui signifie que le vol devait être reporté au lendemain.

CATÉGORISATION DU RETARD

[12] À la lumière de ce qui précède, l’Office conclut que le deuxième retard était la raison pour laquelle le vol des demandeurs a finalement dû être annulé étant donné que le temps nécessaire pour réparer l’aéronef a fait en sorte que le vol n’aurait pu arriver avant la fermeture de l’aéroport de Holguín. Si le retard entraîné par le problème mécanique n’avait pas eu lieu, le vol aurait pu partir plus tôt et arriver avant l’heure limite d’arrivée à l’aéroport de Holguín. Bien que l’aéronef soit arrivé à Winnipeg avec un léger retard, ce retard en soi n’aurait pas empêché l’aéronef de réaliser son trajet jusqu’à Holguín. Même si le troisième retard était le plus long et le dernier retard, il a été entraîné par le deuxième. Par conséquent, l’Office conclut que le problème technique ayant entraîné le deuxième retard est la raison principale du retard du vol des demandeurs.

[13] Étant donné que ce retard a été entraîné par le fait que l’aéronef ne pouvait pas être exploité de façon sécuritaire avant d’être réparé, l’Office conclut que ce retard était attribuable au transporteur, mais nécessaire par souci de sécurité.

RÉSULTAT FINAL DU RETARD

[14] La défenderesse déclare que le retard lui était attribuable, mais nécessaire par souci de sécurité. Par conséquent, elle déclare qu’elle a fourni aux passagers des bons de repas et l’hébergement à l’hôtel et une mise à jour sur le retard comme l’exige le RPPA. La défenderesse a fourni des éléments de preuve indiquant que des annonces ont été faites à l’intention des passagers, que des bons de repas et de taxi ont été fournis, et que l’hébergement à l’hôtel a été fourni à certains passagers. Cependant, elle ne fournit pas d’élément de preuve indiquant que l’hébergement à l’hôtel a été fourni aux demandeurs précisément. La défenderesse affirme que les demandeurs ont choisi de ne pas se prévaloir de l’hébergement à l’hôtel, de l’un des bons de repas (l’autre a été utilisé) et des transferts offerts par le transporteur. 

[15] La règle 2.1(g) du tarif énonce que les obligations du transporteur au titre du RPPA font partie du tarif, mais ne dispensent pas le transporteur d’appliquer des conditions de son tarif plus favorables aux passagers que les obligations du RPPA.

[16] Étant donné que les articles 11, 14 et 17 du RPPA obligent le transporteur à fournir aux passagers des arrangements de voyage alternatifs, l’hébergement à l’hôtel et de la nourriture, l’Office conclut que les sections du tarif qui portent sur ces exigences ne sont pas plus favorables que les dispositions du RPPA.

[17] Par conséquent, les obligations du transporteur de fournir des arrangements de voyage alternatifs lorsqu’un retard lui est attribuable, mais nécessaire par souci de sécurité, et les normes de traitement pertinentes requises au titre du paragraphe 11(1), des alinéas 11(3)b), 11(3)c) et 14(1)a), du paragraphe 14(2), et du sous-alinéa 17(1)a)(i) du RPPA sont considérées comme faisant partie du tarif de Sunwing.

[18] Compte tenu de la raison du retard, il était raisonnable de tenter de réparer l’aéronef, ce qui a été fait en moins de 1,5 heure. Il est également raisonnable d’avoir reporté le départ de l’aéronef étant donné que l’aéroport de destination était assujetti à un couvre-feu et qu’il était fermé aux vols d’arrivée à la nouvelle heure d’arrivée prévue en raison du retard lié à la réparation.

[19] Par conséquent, l’Office conclut que Sunwing a pris toutes les mesures raisonnables pour atténuer les conséquences de ces retards sur le vol des demandeurs. Puisque le retard du vol était attribuable au transporteur, mais nécessaire par souci de sécurité, ce qui est disculpatoire sous le régime du RPPA en ce qui a trait aux indemnités pour retard au titre du RPPA, l’Office conclut que les demandeurs n’ont pas droit à une indemnité pour retard au titre de l’article 19 du RPPA.

[20] Au titre de l’alinéa 11(3)b) du RPPA, les demandeurs ont droit aux normes de traitement établies à l’article 14 et, au titre de l’alinéa 11(3)c), les demandeurs ont droit aux protections établies à l’article 17. L’alinéa 14(1)a) énonce que les passagers ont droit à de la nourriture et le paragraphe 14(2) énonce qu’ils ont droit à l’hébergement à l’hôtel.

[21] Les demandeurs déclarent qu’on ne leur a pas fourni l’hébergement à l’hôtel et de repas. Bien que la défenderesse ait fourni des éléments de preuve indiquant qu’elle a fourni ces arrangements à d’autres passagers, elle n’a pas précisément prouvé qu’elle les a fournis aux demandeurs, à l’exception de deux bons de repas, dont l’un a apparemment été utilisé par les demandeurs. Par conséquent, l’Office conclut que la défenderesse n’a pas correctement appliqué le paragraphe 14(2) et l’alinéa 14(1)a) du RPPA.

[22] Les demandeurs soutiennent qu’ils ont tenté d’utiliser l’un des bons à bord de l’aéronef pour déjeuner le lendemain, mais qu’il n’a pas été accepté. Bien qu’il pourrait y avoir eu un malentendu quant à la question de savoir si le bon restant pouvait être utilisé pour de la nourriture à bord de l’aéronef, une déclaration imprimée sur le bon indique qu’il ne peut pas être utilisé à bord de l’aéronef. Par conséquent, l’achat de nourriture à bord de l’aéronef n’est pas remboursable.

[23] Le sous-alinéa 17(1)a)(i) du RPPA énonce que la défenderesse doit réacheminer les passagers sur le prochain vol disponible. Il est clair que la défenderesse a réacheminé les demandeurs sur un vol prévu tôt le lendemain. Elle a par conséquent respecté cette exigence.

ORDONNANCE

[24]En vertu du paragraphe 113.1(1) du RTA, l’Office ordonne à la défenderesse de verser aux demandeurs 181,19 CAD pour le remboursement du coût de leur hébergement et de leurs repas le plus tôt possible, mais au plus tard le 5 octobre 2022.


ANNEXE À LA DÉCISION 103-C-A-2022

Règlement sur les transports aériens, DORS/88-58 (RTA)

113.1(1)Si un transporteur aérien n’applique pas les prix, taux, frais ou conditions de transport applicables au service international qu’il offre et figurant à son tarif, l’Office peut, suite au dépôt d’une plainte écrite, lui enjoindre :

a) de prendre les mesures correctives qu’il estime indiquées;

b) de verser des indemnités à quiconque pour toutes dépenses qu’il a supportées en raison de la non-application de ces prix, taux, frais ou conditions de transport applicables aux services offerts et prévus au tarif.

Règlement sur la protection des passagers aériens, DORS/2019-150 (RPPA)

Obligations – nécessaires par souci de sécurité

11(1)Sous réserve du paragraphe 10(2), cet article s’applique au transporteur dans le cas du retard ou de l’annulation de vol ou du refus d’embarquement qui lui est attribuable, mais qui est nécessaire par souci de sécurité.

[…]

Retard

(3) Dans le cas du retard, le transporteur :

[…]

b) si le retard a été communiqué aux passagers moins de douze heures avant l’heure de départ indiquée sur leur titre de transport initial, applique les normes de traitement prévues à l’article 14;

c) s’il s’agit d’un retard de trois heures ou plus, fournit aux passagers qui le désirent des arrangements de voyage alternatifs ou un remboursement aux termes de l’article 17.

[…]

Normes de traitement

14(1) Si les alinéas 11(3)b) ou (4)b), ou 12(2)b) ou (3)b), s’appliquent au transporteur et qu’il s’est écoulé deux heures depuis l’heure de départ indiquée sur le titre de transport initial du passager, le transporteur fournit, sans frais supplémentaires :

a) de la nourriture et des boissons en quantité raisonnable compte tenu de la durée de l’attente, du moment de la journée et du lieu où se
    trouve le passager;

[…]

Hébergement

(2) Si les alinéas 11(3)b) ou (4)b), ou 12(2)b) ou (3)b) s’appliquent au transporteur et que celui-ci prévoit que le passager devra attendre toute la nuit le vol retardé ou le vol faisant partie des arrangements de voyage alternatifs, le transporteur fournit au passager, sans frais supplémentaire, une chambre d’hôtel ou un lieu d’hébergement comparable qui est raisonnable compte tenu du lieu où se trouve le passager ainsi que le transport pour aller à l’hôtel ou au lieu d’hébergement et revenir à l’aéroport.

[…]

Arrangements alternatifs – situation attribuable au transporteur

17(1) Si les alinéas 11(3)c), (4)c) ou (5)c), ou 12(2)c), (3)c) ou (4)c) s’appliquent au transporteur, celui-ci fournit aux passagers, sans frais supplémentaires, les arrangements de voyage alternatifs ci-après pour que les passagers puissent compléter leur itinéraire prévu dès que possible :

a) dans le cas d’un gros transporteur :

(i) une réservation confirmée pour le prochain vol disponible exploité par lui, ou par un transporteur avec lequel il a une entente commerciale, suivant toute route aérienne raisonnable à partir de l’aéroport où se situe le passager vers la destination indiquée sur le titre de transport initial du passager et dont le départ a lieu dans les neuf heures suivant l’heure de départ indiquée sur ce titre de transport,

[…]

Indemnité pour retard ou annulation de vol

19(1) Si les alinéas 12(2)d) ou (3)d) s’appliquent au transporteur, celui-ci verse l’indemnité minimale suivante :

a) dans le cas d’un gros transporteur :

(i) si l’heure d’arrivée du vol du passager à la destination indiquée sur le titre de transport initial est retardée de trois heures ou plus, mais de moins de six heures, 400 $,

(ii) si l’heure d’arrivée du vol du passager à la destination indiquée sur le titre de transport est retardée de six heures ou plus, mais de moins de neuf heures, 700 $,

(iii) si l’heure d’arrivée du vol du passager à la destination indiquée sur le titre de transport initial est retardée de neuf heures ou plus, 1000 $;

b) dans le cas d’un petit transporteur,

(i) si l’heure d’arrivée du vol du passager à la destination indiquée sur le titre de transport initial est retardée de trois heures ou plus mais de moins de six heures, 125 $,

(ii) si l’heure d’arrivée du vol du passager à la destination indiquée sur le titre de transport initial est retardée de six heures ou plus mais de moins de neuf heures, 250 $,

(iii) si l’heure d’arrivée du vol du passager à la destination indiquée sur le titre de transport initial est retardée de neuf heures ou plus, 500 $.

Indemnité en cas de remboursement

(2) Si les alinéas 12(2)c) ou (3)c) s’appliquent au transporteur et que le titre de transport est remboursé au titre du paragraphe 17(2), le transporteur verse l’indemnité minimale suivante :

a) dans le cas d’un gros transporteur, 400 $;

b) dans le cas d’un petit transporteur, 125 $.

Délai pour déposer une demande d’indemnité

(3) Pour obtenir l’indemnité minimale prévue aux paragraphes (1) ou (2), le passager dépose une demande auprès du transporteur avant le premier anniversaire du retard ou de l’annulation.

Délai pour répondre

(4) Le transporteur dispose de trente jours, après la date de la réception de la demande, pour verser l’indemnité au passager ou lui fournir les motifs de son refus de la verser.

[…]

Tariff Containing Rules Applicable to Scheduled Services for the Transportation of Passengers and Baggage or Goods Between Points in Canada on the One Hand and Points outside Canada on the Other Hand, CTA(A) 3

Remarque : Le tarif de Sunwing a été déposé en anglais seulement.

RULE 2 APPLICATION OF TARIFF

2.1 Application

This Tariff shall apply to the Traffic and transportation of Passengers and Goods using aircraft operated by the Carrier, which is a Large carrier in respect of:

(g) The obligations of the Carrier under the APPR form part of the tariff and supersede any incompatible or inconsistent term and condition of carriage set out in the tariff to the extent of such inconsistency or incompatibility, but do not relieve the Carrier from applying terms and conditions of carriage that are more favorable to the passenger than the obligations set out in the APPR .

Should any of the provisions of these Rules or the provisions of the APPR be contrary to the Montreal Convention, or, where applicable, the Warsaw Convention, or to the provisions of the Transportation Modernization Act, the provisions of the Montreal Convention, or, where applicable, the Warsaw Convention or the provisions of the Transportation Modernization Act shall prevail…

Membre(s)

Mark MacKeigan
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