Décision n° 110-C-A-2022

le 26 août 2022

DEMANDE présentée par Kathleen McIntosh, Paul Gibson, leur enfant mineur et Erin Gibson (demandeurs) contre China Airlines Limited (défenderesse) au titre du paragraphe 110(4) du Règlement sur les transports aériens, DORS/88-58 (RTA), concernant un retard sur l’aire de trafic.

Numéro de cas : 
21-50417

[1] Les demandeurs devaient initialement prendre un vol de Vancouver (Colombie-Britannique) à Bangkok, Thaïlande, via Taipei, Taïwan, dont le départ était prévu le 15 janvier 2020 à 0 h 40 et leur arrivée à Bangkok, le 16 janvier 2020 à 9 h 50. Cependant, le vol CI31 de Vancouver à Taipei a été retardé sur l’aire de trafic pendant environ cinq heures et les demandeurs ont manqué leur vol de correspondance de Taipei à Bangkok. La défenderesse a réacheminé les demandeurs sur le vol CI831 de Taipei à Bangkok, qui est arrivé 3 heures et 40 minutes plus tard que leur vol initial.

[2] Les demandeurs prétendent qu’ils n’ont pas reçu de nourriture ni de boissons lorsqu’ils se trouvaient sur l’aire de trafic et qu’on ne leur a pas permis de débarquer de l’aéronef après trois heures.

[3] Les demandeurs soutiennent également que le retard sur l’aire de trafic était attribuable à la défenderesse. Ils réclament une indemnité de 400 CAD chacun au titre du paragraphe 19(1) du Règlement sur la protection des passagers aériensNote 1 (RPPA). Les demandeurs réclament également qu’une sanction administrative pécuniaire soit imposée à la défenderesse.

OBSERVATION PRÉLIMINAIRE

Sanction administrative pécuniaire

[4] L’imposition d’une sanction administrative pécuniaire n’est pas une mesure prévue au mécanisme de règlement des plaintes de l’Office des transports du Canada (Office), qui est énoncé à l’article 113.1 du RTA. L’Office a formulé une observation semblable dans la décision 61-AT-C-A-2021 (Crick c Air Canada). Par conséquent, l’Office ne se penchera pas sur cette question.

Retard sur l’aire de trafic

[5] Dans la présente décision, le rôle de l’Office consiste à déterminer si la défenderesse a correctement appliqué son tarif Note 2 aux billets que les demandeurs ont achetés. Les dispositions pertinentes du RTA, du RPPA et du tarif sont énoncées à l’annexe. Le RPPA est incorporé au tarif dans la règle 5(A)(8).

[6] Si l’Office conclut que la défenderesse n’a pas correctement appliqué son tarif, il peut lui ordonner de prendre les mesures correctives qu’il juge appropriées ou de verser une indemnité pour toute dépense supportée par les demandeurs en raison de la non-application du tarif.

NORME DE TRAITEMENT

[7] Les demandeurs soutiennent qu’on ne leur a jamais offert de nourriture ni de boissons pendant le retard de cinq heures sur l’aire de trafic. Pour étayer leur position, ils soutiennent que Kathleen McIntosh était éveillée pendant toute cette période puisqu’elle s’occupait de leur bébé et qu’elle se souviendrait si de la nourriture ou des boissons leur avaient été fournies.

[8] La défenderesse prétend que des collations et des boissons ont été servies à 2 h 15, mais que puisque plusieurs passagers dormaient, certains d’entre eux n’en ont pas reçu. De plus, elle soutient que d’autres collations et boissons ont été fournies, sur demande, jusqu’au décollage.

[9] L’alinéa 8(1)d) du RPPA prévoit que les passagers doivent avoir accès à de la nourriture et à des boissons en quantité raisonnable lorsqu’un vol est retardé sur l’aire de trafic compte tenu de la durée du retard, du moment de la journée et de l’emplacement de l’aéroport.

[10] Lorsque des versions contradictoires des événements sont présentées par les parties, l’Office doit déterminer la version des événements qui est la plus probable, selon la prépondérance de la preuve. Dans le cas présent, les demandeurs affirment qu’on ne leur a pas offert de nourriture ni de boissons. La défenderesse a déposé un rapport du personnel de cabine qui indique que le gestionnaire de la cabine a demandé au personnel de cabine de servir des boissons et des petits pains à 2 h 15. Elle a également déposé un extrait de son manuel d’opérations du personnel de cabine, qui indique qu’en cas de retard sur l’aire de trafic, de la nourriture et de l’eau en quantité raisonnable seront fournies aux passagers au plus tard deux heures après que l’aéronef ait quitté la porte d’embarquement. L’Office conclut, selon la prépondérance des probabilités, que la défenderesse a fourni de la nourriture et des boissons comme le prévoit le RPPA et, par conséquent, rejette cet aspect de la demande.

DÉBARQUEMENT DES PASSAGERS

[11] La défenderesse déclare que les conditions météorologiques étaient extrêmes à Vancouver le 15 janvier 2020 et qu’il était impossible de retourner à la porte d’embarquement pour faire débarquer les passagers. Elle soutient également que, selon le commandant de bord du vol, le décollage allait avoir lieu au plus tard 3 heures et 45 minutes après le début du retard sur l’aire de trafic. C’est pourquoi la défenderesse soutient qu’elle était dispensée de l’exigence relative au débarquement des passagers après trois heures prévue aux paragraphes 9(2) et 9(4) du RPPA.

[12] La défenderesse déclare que la porte de la cabine du vol CI31 a été fermée à 1 h 05, mais que celui-ci a été retardé sur l’aire de trafic puisque le convoyeur à bagages de Swissport, utilisée pour le chargement de l’aéronef, éprouvait des problèmes mécaniques. De plus, la défenderesse déclare que le convoyeur à bagages a été remplacé et que le chargement de l’aéronef a pris fin à 3 h 30. Le vol CI31 a ensuite été dégivré et, à 4 h 16, il s’est dirigé vers la piste pour le décollage. Cependant, la piste était couverte de neige; le commandant de bord a donc demandé à ce qu’elle soit déneigée, ce qui a entraîné un autre retard d’environ 20 minutes. En raison de ce retard supplémentaire, l’aéronef a dû être dégivré à nouveau. La défenderesse déclare que le vol est entré dans la file d’attente pour le dégivrage à 4 h 45 et qu’il a décollé à 5 h 54.

[13] Les demandeurs affirment que bien qu’une faible neige tombait au moment du décollage, les conditions météorologiques n’étaient pas extrêmes à Vancouver comme le prétend la défenderesse. Pour étayer leur position, les demandeurs ont fourni des éléments de preuve qui indiquent que le 14 janvier 2020, seulement trois centimètres de neige sont tombés et le 15 janvier 2020, six centimètres. De plus, ils ont fourni un article de CTV News publié le 15 janvier 2020 à 9 h 22 (HNP) dans lequel Don Ehrenholz (vice-président, Ingénierie de la Vancouver Airport Authority) déclare qu’en raison des conditions météorologiques, certains vols long-courriers avaient été retardés d’une demi-heure, mais qu’il n’y avait pas eu de retard important.

[14] Le paragraphe 9(1) du RPPA prévoit que le transporteur doit permettre aux passagers de débarquer de l’aéronef trois heures après la fermeture des portes en prévision du décollage. Cependant, au titre du paragraphe 9(2) du RPPA, le transporteur n’est pas tenu de permettre aux passagers de débarquer de l’aéronef s’il est probable que le décollage aura lieu dans moins de 3 heures et 45 minutes après la fermeture des portes en prévision du décollage.

[15] L’Office souligne que les éléments de preuve déposés par la défenderesse comprennent des renseignements contradictoires concernant le moment auquel la porte de l’aéronef a été fermée. Le rapport du SRS indique que la porte a été fermée à 0 h 28 et le rapport du personnel de cabine, à 1 h 05. Cependant, les deux rapports indiquent que le vol était sur la piste en prévision du décollage à 4 h 16.

[16] Les éléments de preuve indiquent qu’à 3 h 30, le vol CI31 a demandé un dégivrage en prévision du décollage. Par conséquent, l’Office conclut qu’il était probable que le décollage ait lieu moins de 3 heures et 45 minutes après le début du retard sur l’aire de trafic. Le décollage a été retardé une fois de plus puisque la piste devait être déneigée et que l’aéronef devait par la suite être dégivré. Cependant, l’aéronef se trouvait sur la piste et il était raisonnable pour le commandant de bord de conclure que le décollage était imminent.

[17] L’Office reconnaît le temps passé par les demandeurs à bord de l’aéronef et le stress que cette situation leur a causé. Cependant, il conclut que la défenderesse a respecté le paragraphe 9(2) du RPPA puisque selon le commandant de bord, il était probable que le décollage ait lieu 3 heures et 45 minutes après le début du retard.

Indemnisation pour inconvénients

[18] Au titre du RPPA, les indemnités pour inconvénients sont dues uniquement dans les situations attribuables au transporteur.

[19] Le vol CI31 a subi deux perturbations de vol sur l’aire de trafic. La première s’est produite lorsque le convoyeur à bagages a éprouvé des problèmes mécaniques, ce qui a entraîné un retard d’environ 3 heures. La deuxième s’est produite lorsqu’il a fallu déneiger la piste et que l’aéronef a dû être dégivré à nouveau, ce qui a entraîné un retard de 1 heure et 40 minutes. En raison de ces retards, les demandeurs sont arrivés à Bangkok 3 heures et 40 minutes plus tard que prévu.

[20] Dans la décision 122-C-A-2021 (décision d’interprétation du RPPA), l’Office a conclu que la raison principale de la perturbation de vol ou le facteur y ayant contribué le plus considérablement est le critère qu’il faut utiliser pour déterminer la catégorie à laquelle appartient une perturbation de vol lorsque de nombreuses raisons y ont contribué. L’Office a déclaré que les facteurs pertinents pour déterminer la raison principale de la perturbation, ou le facteur y ayant contribué le plus considérablement, englobent ce qui a causé le plus long retard et la question de savoir si les différentes raisons du retard ont un lien causal.

[21] Dans le cas présent, le plus long retard a eu lieu lorsque le convoyeur à bagages a éprouvé des problèmes mécaniques et a dû être remplacé. L’Office conclut qu’il s’agit de la raison principale du retard du vol CI31 ou le facteur y ayant contribué le plus considérablement. La défenderesse affirme que les problèmes mécaniques étaient liés aux conditions météorologiques à ce moment-là. Cependant, les demandeurs contestent cet argument et affirment que les conditions météorologiques n’étaient pas si graves puisqu’ils n’ont pas eu de difficulté à se rendre jusqu’à l’aéroport dans un petit véhicule sans pneus d’hiver.

[22] L’Office conclut que bien que les demandeurs aient fourni des éléments de preuve témoignant de la quantité totale de neige au sol, ces mêmes éléments de preuve indiquent également qu’il y a eu 4,8 centimètres de neige le 14 janvier 2020 et 15 centimètres le 15 janvier 2020, ce qui représente une chute de neige abondante et qui concorde avec les éléments de preuve déposés par la défenderesse de sa correspondance avec Swissport, qui indique que les conditions météorologiques étaient importantes à Vancouver et ont entraîné un fonctionnement inefficace de l’équipement au sol. La conduite du véhicule des demandeurs n’est pas directement transposable à l’incidence des conditions météorologiques sur les services de piste à l’aéroport ou sur l’équipement de l’aire de trafic, comme la machinerie de chargement du fret.

[23] Par conséquent, selon la prépondérance des preuves, l’Office conclut que les problèmes mécaniques du convoyeur à bagages étaient liés aux conditions météorologiques et donc indépendantes de la volonté du transporteur.

[24] À la lumière de ce qui précède, l’Office conclut que les demandeurs n’ont pas droit à une indemnisation et rejette la demande.


ANNEXE À LA DÉCISION 110-C-A-2022

Règlement sur les transports aériens, DORS/88-58

110(4) Lorsqu’un tarif déposé porte une date de publication et une date d’entrée en vigueur et qu’il est conforme au présent règlement et aux arrêtés de l’Office, les taxes et les conditions de transport qu’il contient, sous réserve de leur rejet, de leur refus ou de leur suspension par l’Office, ou de leur remplacement par un nouveau tarif, prennent effet à la date indiquée dans le tarif, et le transporteur aérien doit les appliquer à compter de cette date.

113.1(1) Si un transporteur aérien n’applique pas les prix, taux, frais ou conditions de transport applicables au service international qu’il offre et figurant à son tarif, l’Office peut, suite au dépôt d’une plainte écrite, lui enjoindre :

a) de prendre les mesures correctives qu’il estime indiquées;

b) de verser des indemnités à quiconque pour toutes dépenses qu’il a supportées en raison de la non-application de ces prix, taux, frais ou conditions de transport applicables aux services offerts et prévus au tarif.

Règlement sur la protection des passagers aériens, DORS /2019-150

Retard, annulation et refus d’embarquement

Retard sur l’aire de trafic

8(1) Lorsqu’un vol est retardé sur l’aire de trafic après la fermeture des portes de l’aéronef en prévision du décollage, ou après l’atterrissage, le transporteur veille à ce que, sans frais :

[…]

d) les passagers aient accès à de la nourriture et à des boissons en quantité raisonnable compte tenu de la durée du retard, du moment de la journée et de l’emplacement de l’aéroport.

[…]

Débarquement des passagers

9(1) Lorsqu’un vol est retardé sur l’aire de trafic dans un aéroport au Canada, le transporteur permet aux passagers de débarquer de l’aéronef :

a) trois heures après la fermeture des portes en prévision du décollage;

b) trois heures après l’atterrissage ou plus tôt si cela est possible.

Décollage imminent

(2) Le transporteur n’est toutefois pas tenu de permettre aux passagers de débarquer de l’aéronef s’il est probable que le décollage aura lieu dans moins de trois heures et quarante-cinq minutes après la fermeture des portes en prévision du décollage ou après l’atterrissage et que le transporteur peut continuer à appliquer les normes de traitement prévues à l’article 8.

[…]

Exceptions

(4) Le présent article ne s’applique pas au transporteur qui n’est pas en mesure de permettre aux passagers de débarquer de l’aéronef notamment pour des raisons de sécurité, de sûreté, de contrôle de la circulation aérienne ou de contrôle douanier.

Indemnité pour retard ou annulation de vol

19(1) Si les alinéas 12(2)d) ou (3)d) s’appliquent au transporteur, celui-ci verse l’indemnité minimale suivante :

a) dans le cas d’un gros transporteur :

(i) si l’heure d’arrivée du vol du passager à la destination indiquée sur le titre de transport initial est retardée de trois heures ou plus, mais de moins de six heures, 400 $,

[…]

International Passenger Rules and fares, Tariff CI1 containing Local Rules, Fares & Charges on behalf of China Airlines Ltd. applicable to the Transportation of Passengers and Baggage between points in Canada/USA and points in Area 1/2/3, CTA 529

Remarque : Le tarif d’Air China Ltd. a été déposé en anglais seulement.

Rule 5 Application of Tariff

(A)  General

(8) The obligations of the carrier under the Air Passenger Protection Regulations (APPR) form part of the tariff and supersede any incompatible or inconsistent term and conditions of carriage set out in the tariff to the extent of such inconsistency or incompatibility, but do not relieve the carrier from applying terms and conditions of carriage that are more favorable to the passenger than the obligations set out in the APPR.

Rule 87 Denied Boarding Compensation (See Also Rule 80 Revised Routings, Failure to Carry and Missed Connections) and Rule 90 (Refunds)

(D)  Tarmac Delay

Airline must meet certain standards of treatment for passengers waiting on board the aircraft, regardless of the location.  This obligation behind as soon as the aircraft doors close or as soon as the wheels of the aircraft touch down upon arrival.  It lasts until passengers are provided the opportunity to leave the aircraft.  The following are the comforts and amenities airlines must provide free of charge, regardless of where the tarmac delay occurs.

Food and Drink

Airlines must ensure that passengers are cared for and that their basic needs for food and drink are met. this means providing reasonable quantities of food and drink. In many cases, serving water and a snack (like a granola bar) could meet the food and drink obligation for a 3 hour tarmac delay.

Airline should plan to have appropriate provisions on board the aircraft; or ensure provisions can be obtained through their ground handling or catering services.

Airlines should take into account the following factors when determining the quantity of food and drink to provide:

Length of Delay/Time of Day:  the length of the delay and the time of the delay should be considered when determining when to provide food and in what quantities.  For example, it would be reasonable to expect greater quantities of food at typical mealtimes and after waiting on the tarmac for a long period of time.

Location of Airport:  the agency recognizes that the location of the delay may affect the availability and range of food and drink options (e.g. Canada's north and remote areas)...

Membre(s)

Mark MacKeigan
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