Décision n° 12-C-A-2018
Cette décision a été modifiée par la décision n° 5-C-A-2019
DEMANDE présentée par Jeffrey Cuthbert contre Air Canada exerçant également son activité sous le nom d’Air Canada rouge et d’Air Canada Cargo (Air Canada) en vertu du paragraphe 111(1) du Règlement sur les transports aériens, DORS/88-58, modifié (RTA); et requête présentée Air Canada pour une révision de la décision n° 71‑C‑A‑2017 en vertu de l’article 32 de la Loi sur les transports au Canada, L.C. (1996), ch. 10, modifiée (LTC).
RÉSUMÉ
[1] Jeffrey Cuthbert a déposé une demande auprès de l’Office des transports du Canada (Office) alléguant que la règle 90(E)(2) du tarif international d’Air Canada énonçant les règles applicables aux passagers et au prix, CTA(A) no 458 (tarif) est déraisonnable, car elle ne cadre pas avec l’ordonnance de l’Office dans sa décision n° 71‑C‑A‑2017.
[2] En réponse à la demande de M. Cuthbert, Air Canada fait valoir que la règle 90(E)(2) de son tarif est raisonnable et conforme à l’ordonnance de l’Office. Par ailleurs, si l’Office devait être en désaccord avec sa position, Air Canada demande une révision de la décision n° 71-C-A-2017, en vertu de l’article 32 de la LTC, étant donné que les circonstances ont sensiblement changé depuis que l’Office a rendu sa décision le 1er mai 2017.
[3] L’Office se penchera sur les questions suivantes :
- La règle 90(E)(2) du tarif d’Air Canada portant sur l’indemnisation pour refus d’embarquement visant des vols en partance de points internationaux vers le Canada est‑elle raisonnable au sens du paragraphe 111(1) du RTA?
- Y a-t-il eu des faits nouveaux ou une évolution des circonstances pour justifier une révision de la décision n° 71‑C‑A‑2017?
[4] Pour les motifs énoncés ci-après, l’Office conclut que la règle 90(E)(2) du tarif d’Air Canada est déraisonnable et que les preuves qu’elle a présentées ne constituent pas des faits nouveaux ou une évolution des circonstances au sens de l’article 32 de la LTC.
CONTEXTE
[5] Le 1er mai 2017, l’Office a rendu la décision n° 71-C-A-2017 dans laquelle il a conclu que l’indemnisation pour refus d’embarquement offerte par Air Canada pour des vols en partance du Costa Rica vers le Canada était déraisonnable. Il a ordonné à Air Canada de modifier la règle 90(E)(2) de son tarif de manière à ce qu’elle se compare aux conditions d’autres transporteurs aériens canadiens qui exploitent des services internationaux réguliers entre le Canada et le Costa Rica.
[6] Le 1er juin 2017, Air Canada a déposé auprès de la Cour d’appel fédérale une demande d’autorisation d’interjeter appel de la décision n° 71-C-A-2017.
[7] Le 7 juillet 2017, la demande d’autorisation d’interjeter appel d’Air Canada a été rejetée.
[8] Le 9 août 2017, Air Canada a modifié la règle 90(E)(2) de son tarif portant sur l’indemnisation pour refus d’embarquement visant les vols du Costa Rica au Canada.
[9] Entre les 14 et 18 août 2017, Air Canada et M. Cuthbert (parties) ont déposé des présentations sur le caractère raisonnable de la règle 90(E)(2) modifiée du tarif. Les actes de procédure n’ont pas suivi le cours officiel du processus. En conséquence, le 20 septembre 2017, l’Office a émis la décision n° LET-C-A-57-2017, dans laquelle il a accepté les présentations déposées et donné aux parties l’occasion de présenter des commentaires supplémentaires sur les questions suivantes :
- Respect par Air Canada de la décision n° 71-C-A-2017;
- Requête présentée par Air Canada en vertu de l’article 32 de la LTC.
[10] Le 6 octobre 2017, Air Canada a une fois de plus modifié la règle 90(E)(2) de son tarif de manière à ce que son indemnisation pour refus d’embarquement s’applique à tous ses vols en partance de points internationaux vers le Canada, et non seulement à ceux en partance du Costa Rica vers le Canada. Elle a également changé son indemnisation pour refus d’embarquement de manière à ce qu’elle soit calculée en fonction du retard subi par un passager.
[11] Les 10 et 12 octobre 2017 respectivement, M. Cuthbert et Air Canada ont répondu à la décision n° LET-C-A-57-2017. Le 15 octobre 2017, M. Cuthbert a répliqué aux commentaires d’Air Canada et, le 18 octobre 2017, Air Canada a répliqué aux commentaires de M. Cuthbert.
LA LOI
[12] Le paragraphe 111(1) du RTA exige que les conditions de transport d’un transporteur soient justes et raisonnables :
Les taxes et les conditions de transport établies par le transporteur aérien, y compris le transport à titre gratuit ou à taux réduit, doivent être justes et raisonnables et doivent, dans des circonstances et des conditions sensiblement analogues, être imposées uniformément pour tout le trafic du même genre.
[13] Si l’Office conclut que le tarif d’un transporteur est injuste ou déraisonnable, il peut, au terme de l’article 113 du RTA :
- suspendre tout ou partie d’un tarif qui paraît ne pas être conforme aux paragraphes 110(3) à (5) ou aux articles 111 ou 112, ou refuser tout tarif qui n’est pas conforme à l’une de ces dispositions;
- établir et substituer tout ou partie d’un autre tarif en remplacement de tout ou partie du tarif refusé en application de l’alinéa a).
[14] La règle 90(E)(2) du tarif d’Air Canada énonce l’indemnisation pour refus d’embarquement qui s’applique aux vols en partance de points internationaux vers le Canada, en fonction de la durée du retard à l’arrivée du passager à son point de destination :
- Retard jusqu’à quatre heures : 200 $CAN en espèces, ou un bon d’échange de 400 $CAN;
- Retard de plus de quatre heures : 400 $CAN en espèces, ou un bon d’échange de 800 $CAN.
[15] L’article 32 de la LTC prévoit que l’Office peut réviser, annuler ou modifier ses décisions ou arrêtés, ou entendre de nouveau une demande avant d’en décider, en raison de faits nouveaux ou en cas d’évolution, selon son appréciation, des circonstances de l’affaire visée par ces décisions, arrêtés ou audiences.
LA RÈGLE 90(E)(2) DU TARIF D’AIR CANADA PORTANT SUR L’INDEMNISATION POUR REFUS D’EMBARQUEMENT VISANT DES VOLS EN PARTANCE DE POINTS INTERNATIONAUX VERS LE CANADA EST‑ELLE RAISONNABLE AU SENS DU PARAGRAPHE 111(1) DU RTA?
Positions des parties
[16] M. Cuthbert affirme que les modifications apportées par Air Canada à la règle 90(E)(2) de son tarif ne sont pas conformes à l’ordonnance de l’Office dans sa décision n° 71-C-A-2017. Plus particulièrement, il affirme que les montants d’indemnisation pour refus d’embarquement d’Air Canada visant des vols en partance du Costa Rica vers le Canada devraient être au moins aussi élevés que ceux qu’elle offre à l’heure actuelle pour des vols en partance du Canada vers le Costa Rica.
[17] Air Canada affirme que son indemnisation pour refus d’embarquement visant des vols en partance du Costa Rica vers le Canada est raisonnable. Elle affirme avoir été enjointe de modifier son tarif afin qu’il se compare aux conditions de transport d’autres transporteurs canadiens qui desservent le Costa Rica. Air Canada fait valoir que, comme Air Transat, Sunwing et WestJet desservent toutes le Costa Rica et que les montants d’indemnisation pour refus d’embarquement de ces transporteurs diffèrent beaucoup, elle a fixé les montants d’indemnisation en fonction de la fourchette offerte par ces autres transporteurs.
[18] Air Canada affirme que la règle 90(E)(2) de son tarif offre le double de l’indemnisation en espèces et quatre fois la valeur d’un bon d’échange comparativement à ce qu’offre Air Transat. En conséquence, Air Canada affirme avoir respecté l’ordonnance de l’Office dans la décision n° 71‑C-A-2017.
[19] M. Cuthbert fait valoir que l’indemnisation pour refus d’embarquement d’Air Canada et d’Air Transat ne satisfont ni l’une ni l’autre au seuil minimum de 800 $CAN établi dans la décision n° 71-C-A-2017. De plus, il affirme que les montants des bons d’échange offerts au lieu d’une indemnisation en espèces sont également déraisonnables. M. Cuthbert maintient que les montants des bons d’échange ne reflètent pas les conclusions de l’Office dans sa décision n° 342-C-A‑2013. Il fait valoir que dans cette décision, l’Office a statué que si un bon d’échange était offert au lieu d’une indemnisation en espèces, sa valeur ne doit pas être inférieure à 300 pour cent du montant de l’indemnisation en espèces.
[20] Air Canada soutient que dans la décision n° 71-C-A-2017, l’Office a indiqué qu’il « est déraisonnable qu’Air Canada fournisse une indemnisation beaucoup plus élevée sur le même trajet si le vol est en partance du Canada plutôt que du Costa Rica ». Air Canada affirme que cet énoncé signifie seulement que l’indemnisation pour refus d’embarquement ne doit pas être beaucoup plus élevée pour des vols en partance du Canada vers le Costa Rica comparativement à ceux en sens inverse, et que cela n’implique pas que l’indemnisation doit être la même. Air Canada maintient que ce raisonnement cadre avec la décision n° 442-C-A-2013.
[21] Air Canada fait également valoir que les conclusions de la décision n° 342-C-A-2013, comme l’indique M. Cuthbert, à propos des bons d’échange, s’appliquent seulement aux vols intérieurs. Ainsi, Air Canada indique que les conclusions rendues dans la décision n° 342-C-A-2013 ne s’appliquent pas et ne sont pas pertinentes à la question devant l’Office.
[22] En réponse, M. Cuthbert affirme que rien dans la décision n° 71-C-A-2017 ne donne à penser qu’il serait raisonnable qu’Air Canada fournisse une indemnisation inférieure pour refus d’embarquement s’il s’agit de vols en partance du Costa Rica vers le Canada, comparativement à des vols en sens inverse.
[23] En ce qui a trait à l’affirmation d’Air Canada selon laquelle les conclusions rendues dans la décision n° 342-C-A-2013 ne s’appliquent qu’aux vols intérieurs, M. Cuthbert fait valoir que dans cette décision, l’Office a particulièrement tenu compte du ratio entre l’indemnisation en espèces et la valeur des bons d’échange pour des vols internationaux. Il affirme plus particulièrement que l’Office a conclu qu’à la lumière du ratio applicable à l’indemnisation en espèces comparativement aux bons de transport dans le cas du transport international, le ratio de 1:3 proposé par M. Lukács est raisonnable.
Constatations de faits
[24] Dans la décision n° 71-C-A-2017, l’Office a ordonné à Air Canada de modifier son indemnisation pour refus d’embarquement applicable aux vols en partance du Costa Rica vers le Canada, tel qu’on la retrouve dans la règle 90(E)(2) de son tarif, afin qu’elle se compare à celle fournie par d’autres transporteurs aériens canadiens qui exploitent des services réguliers sur cette route.
[25] Au moment de la demande de M. Cuthbert, l’indemnisation pour refus d’embarquement prévue dans la règle 90(E)(2) du tarif d’Air Canada s’appliquait seulement aux vols en partance du Costa Rica vers le Canada. Toutefois, le 6 octobre 2017, Air Canada a changé l’énoncé d’application de la règle 90(E)(2) de son tarif, ainsi que les montants d’indemnisation pour refus d’embarquement qu’elle renfermait, de sorte qu’elle s’applique maintenant à tous les vols en partance de points internationaux vers le Canada. Cette règle régit encore les vols du Costa Rica au Canada et s’applique encore au cas présent. De plus, comme Air Canada a volontairement modifié la règle 90(E)(2) de son tarif de manière à ce qu’elle s’applique à d’autres marchés que celui du Costa Rica, la décision rendue par l’Office dans la présente décision visera maintenant tous les points internationaux ayant le Canada comme destination, et non seulement le Costa Rica.
[26] Lorsque la présente décision a été rendue, Air Transat, Sunwing et WestJet exploitaient toutes des services internationaux réguliers entre le Costa Rica et le Canada.
[27] La disposition sur l’indemnisation pour refus d’embarquement qu’Air Transat a déposée auprès de l’Office prévoit ce qui suit:
[Traduction]
[…]
i. Le transporteur offrira au passager des dommages-intérêts liquidés de 100,00 $CAN pour un vol de moins de 5 heures et de 200,00 $CAN pour un vol de 5 heures ou plus (ou l’équivalent en monnaie locale), sans égard à la destination finale ou au tarif payé.
[…]
iii. Le transporteur peut, à son choix, offrir d’indemniser le passager au moyen d’un crédit échangeable contre un transport gratuit sur un vol du transporteur en remplacement d’une indemnité monétaire. Le crédit offert sera d’une valeur égale ou supérieure à celle de l’indemnité monétaire payable au passager […]
[…]
[28] La disposition sur l’indemnisation pour refus d’embarquement que Sunwing a déposée auprès de l’Office prévoit ce qui suit:
[Traduction]
[…]Les passagers qui voyagent avec une réservation de siège sur un vol du transporteur faisant l’objet d’une surréservation qui se voient refuser l’embarquement contre leur gré ont droit à :
i. aucune indemnisation si le transporteur offre un transport de rechange qui doit arriver à destination ou à l’aéroport de la première escale du passager au plus tard une heure après l’heure prévue d’arrivée du vol d’origine du passager;
ii. 200 pour cent du prix de transport jusqu’à la destination ou à la première escale du passager, jusqu’à concurrence de 650 $CAN, si le transporteur peut offrir au passager un transport de rechange qui doit arriver à la destination ou à l’aéroport de la première escale du passager plus d’une heure, mais moins de quatre heures, après l’heure prévue d’arrivée du vol d’origine du passager;
iv. 400 pour cent du prix de transport jusqu’à la destination ou à la première escale du passager, jusqu’à concurrence de 1 300 $CAN, si le transporteur n’offre pas au passager un transport de rechange qui doit arriver à la destination ou à l’aéroport de la première escale du passager moins de quatre heures après l’heure prévue d’arrivée du vol d’origine du passager.
[…]
[29] La disposition sur l’indemnisation pour refus d’embarquement que WestJet a déposée auprès de l’Office prévoit ce qui suit :
[Traduction]
[…]
Les passagers admissibles, tel qu’il est mentionné au paragraphe (f) ci-dessus, qui se voient refuser l’embarquement involontairement à bord d’un vol survendu ont droit à :
- aucune indemnisation si le transporteur offre au passager un transport de rechange qui doit arriver à destination ou à l’aéroport de la première escale du passager au plus tard une heure après l’heure prévue d’arrivée du vol d’origine du passager;
- 200 pour cent du prix de transport jusqu’à la destination ou la première escale du passager, jusqu’à concurrence de 675 $[C]US/CAN, si le transporteur offre au passager un transport de rechange qui doit arriver à la destination ou à l’aéroport de la première escale du passager plus d’une heure, mais moins de quatre heures, après l’heure prévue d’arrivée du vol d’origine du passager;
- 400 pour cent du prix de transport jusqu’à la destination ou la première escale du passager, jusqu’à concurrence de 1 300 $[C]US/CAN, si le transporteur n’offre pas au passager un transport de rechange qui doit arriver à la destination ou à l’aéroport de la première escale du passager moins de quatre heures après l’heure prévue d’arrivée du vol d’origine du passager.
[…]
Analyse et déterminations
[30] Pour déterminer si une condition de transport est « déraisonnable », l’Office applique habituellement un critère d’évaluation qui exige qu’un équilibre soit établi entre les droits des passagers d’être assujettis à des conditions de transport raisonnables et les obligations statutaires, commerciales et opérationnelles du transporteur aérien en question.
[31] Air Canada fait valoir que comme les montants offerts à titre d’indemnisation pour refus d’embarquement varient beaucoup entre Air Transat, Sunwing et WestJet, afin de se conformer à l’ordonnance de la décision n° 71-C-A-2017, Air Canada a fixé son indemnisation pour refus d’embarquement visant les vols en partance du Costa Rica vers le Canada en tenant compte de la fourchette des montants d’indemnisation fixés par ces transporteurs. L’Office note qu’il n’est pas clair en quoi les montants établis par Air Canada ont un rapport avec la fourchette offerte par Air Transat, Sunwing et WestJet, car Air Canada semble avoir seulement tenu compte des montants offerts par Air Transat, qui s’avèrent par ailleurs très bas (c.-à-d. indemnisation en espèces de 200 $ maximum). Dans des décisions antérieures, par exemple la décision n° 204‑C‑A‑2013, l’Office a indiqué que même si les conditions de transport d’un transporteur sont comparables à celles s’appliquant à d’autres transporteurs, cela ne signifie pas pour autant que ces conditions sont raisonnables.
[32] Selon la conclusion de l’Office dans la décision no 71-C-A-2017 et la décision no 442-C-A-2013, M. Cuthbert affirme que l’indemnisation pour refus d’embarquement d’Air Canada visant les vols du Costa Rica vers le Canada devrait être la même que celle offerte pour des vols en sens inverse.Air Canada fait valoir qu’on ne conclue pas dans ces décisions que l’indemnisation pour refus d’embarquement d’Air Canada doit être « la même » que celle offerte pour des vols en partance du Canada vers le Costa Rica, mais seulement que l’indemnisation ne doit pas être considérablement plus élevée pour des vols en partance du Canada vers le Costa Rica comparativement aux vols en sens inverse.
[33] Toutefois, l’indemnisation pour refus d’embarquement d’Air Canada visant les vols en partance du Canada vers des destinations internationales (400 $CAN en espèces en cas de retard à l’arrivée d’au plus quatre heures, et 800 $CAN en espèces en cas de retard à l’arrivée de plus de quatre heures) est 100 pour cent plus élevée que les montants en espèces offerts pour des vols en partance de points internationaux vers le Canada, sauf là où des lois étrangères s’appliquent (200 $CAN en espèces pour un retard à l’arrivée d’au plus quatre heures, et 400 $CAN en espèces pour un retard à l’arrivée de plus de quatre heures). L’Office considère qu’une différence de 100 pour cent est importante, et il est d’accord avec M. Cuthbert qui affirme que rien dans la décision n° 442‑C‑A‑2013 ne donne à penser qu’il serait raisonnable qu’Air Canada offre une indemnisation plus basse pour les vols en partance du Costa Rica vers le Canada que les vols en sens inverse. De plus, Air Canada n’a pas fourni d’arguments qui laisseraient entendre qu’elle subirait un désavantage commercial si elle devait augmenter son indemnisation pour refus d’embarquement visant les vols en partance de points internationaux vers le Canada de manière à ce qu’elle soit égale aux montants qu’elle offre à l’heure actuelle pour des vols en partance du Canada vers des points internationaux.
[34] En ce qui a trait à l’indemnisation pour refus d’embarquement qu’Air Canada offre sous forme de bons de voyage (400 $CAN pour un retard à l’arrivée d’au plus quatre heures et 800 $CAN pour un retard à l’arrivée de plus de quatre heures), M. Cuthbert affirme que ces montants sont déraisonnables, car ils ne représentent pas 300 pour cent du montant de l’indemnisation en espèces équivalente, un pourcentage jugé comme étant raisonnable dans la décision n° 342-C-A-2013. Air Canada maintient que les conclusions dans la décision n° 342-C-A-2013 s’appliquent seulement aux vols intérieurs, donc ne concernent pas la présente affaire. Toutefois, l’Office conclut que le raisonnement dans la décision n° 342-C-A-2013 s’applique tout autant aux vols internationaux qu’intérieurs. Donc, si des bons de voyage sont offerts à titre d’indemnisation pour refus d’embarquement, ils doivent représenter 300 pour cent du montant de l’indemnisation en espèces équivalente.
Y A-T-IL EU DES FAITS NOUVEAUX OU UNE ÉVOLUTION DES CIRCONSTANCES POUR JUSTIFIER UNE RÉVISION DE LA DÉCISION N° 71‑C‑A‑2017?
Positions des parties
[35] Air Canada affirme que si l’Office n’est pas d’accord avec sa position selon laquelle elle s’est conformée à la décision n° 71-C-A-2017, elle demande que l’Office modifie, suspende ou rouvre les actes de procédure pour les raisons suivantes :
- Il est indiqué à tort dans la décision n° 71-C-A-2017 que WestJet est le seul transporteur canadien à fournir des services internationaux réguliers entre le Canada et le Costa Rica;
- Le gouvernement du Costa Rica examine un projet de loi visant à réglementer l’indemnisation pour refus d’embarquement visant les vols en partance du Costa Rica;
- Le gouvernement du Canada a présenté le projet de loi C-49 qui devrait réglementer les montants d’indemnisation pour refus d’embarquement.
[36] Air Canada fait valoir que la décision n° 71-C-A-2017 comporte une erreur fondamentale, car l’Office y indique à tort que le seul autre transporteur aérien canadien qui exploite un service international régulier vers le Costa Rica était WestJet. Air Canada ajoute que l’Office a utilisé cette affirmation comme point de comparaison pour évaluer le caractère raisonnable de la règle 90(E)(2) de son tarif. Air Canada affirme que cette erreur équivaut à des faits nouveaux ou à une évolution des circonstances relativement à la décision.
[37] Air Canada affirme qu’une évaluation correcte du caractère raisonnable de sa disposition tarifaire devrait inclure une analyse à savoir ce que d’autres transporteurs offrent à titre d’indemnisation, et fait valoir qu’aucun motif ne justifie de fonder son analyse uniquement sur les politiques de transporteurs canadiens. Air Canada affirme que le refus d’embarquement est une pratique bien ancrée dans l’industrie, et qu’il est inacceptable de comparer Air Canada avec un seul transporteur aérien qui ne fait pas de surréservation dans le cadre de son modèle d’affaires, comme l’Office l’a souvent indiqué dans plusieurs de ses décisions antérieures.
[38] Air Canada fait également valoir que si cette affaire entre dans la portée du projet de loi C-49, il serait plus efficace et dans l’intérêt de la justice de fournir une occasion de régler cette question par l’intermédiaire de ce processus, qui comprend de vastes consultations auprès d’intervenants, d’experts et de Canadiens intéressés. Air Canada affirme que la décision devrait être suspendue jusqu’à ce que la portée du projet de loi C‑49 soit définitive.
[39] M. Cuthbert fait valoir que les motifs fournis par Air Canada ne sont pas assez importants pour justifier une révision, une annulation ou une modification de la décision n° 71-C-A‑2017. Il fait particulièrement valoir qu’Air Canada a eu l’occasion, dans la décision n° 71-C-A‑2017, de justifier pourquoi son indemnisation pour refus d’embarquement devrait se comparer à celle de transporteurs étrangers et non seulement de transporteurs canadiens. Toutefois, l’Office a conclu que « […]Air Canada n’a pas présenté suffisamment de preuves pour justifier que les transporteurs aériens qu’elle a mentionnés sont des comparables ou des concurrents valables […] ».
[40] En ce qui a trait à une proposition du gouvernement du Costa Rica de présenter un projet de loi pour réglementer l’indemnisation pour refus d’embarquement visant les vols en partance du Costa Rica, M. Cuthbert affirme que ce projet de loi n’est pas une loi. Il fait également valoir que même si le projet de loi devenait loi, son adoption n’aura généralement pas d’incidence sur le montant de l’indemnisation pour refus d’embarquement offert par des transporteurs aériens canadiens visant des vols en partance du Costa Rica vers le Canada, parce que des transporteurs aériens canadiens offrent déjà des montants beaucoup plus élevés que le minimum proposé par le gouvernement du Costa Rica.
[41] En ce qui a trait aux arguments d’Air Canada selon lesquels la décision n° 71-C-A-2017 devrait être suspendue jusqu’à ce que le projet de loi C-49 soit adopté et que la nouvelle réglementation soit finalisée par le gouvernement du Canada, M. Cuthbert affirme que le projet de loi C-49 n’est pas une loi, mais seulement un projet de loi que le Parlement du Canada considère. De plus, il fait valoir que si la décision est suspendue, les consommateurs qui prennent un vol d’Air Canada à partir du Costa Rica vers des destinations canadiennes et qui se voient refuser l’embarquement contre leur gré auraient droit à une indemnisation pour refus d’embarquement injuste et déraisonnable. Il ajoute que les consommateurs sont assujettis depuis plus de 10 ans à des conditions injustes et déraisonnables à l’égard de l’indemnisation pour refus d’embarquement involontaire visant des vols en partance du Costa Rica, et il indique que si l’Office devait suspendre la décision n° 71‑C‑A-2017, cette période serait encore davantage prolongée et, à son avis, cela ne servirait pas l’intérêt public.
Analyse et déterminations
[42] L’article 32 de la LTC énonce le cadre législatif par lequel l’Office peut exercer son pouvoir de revenir sur ses décisions. La compétence de l’Office en vertu de cet article est limitée et ne peut être exercée que si, à son avis, il y a eu des faits nouveaux ou une évolution des circonstances de l’affaire visée par une décision particulière depuis qu’elle a été rendue.
[43] Par conséquent, lorsqu’il examine une demande de révision d’une décision en vertu de l’article 32 de la LTC, l’Office doit d’abord déterminer si, depuis que la décision a été rendue, il y a eu des faits nouveaux ou une évolution des circonstances de l’affaire visée par la décision. Il importe de noter que les faits ou les circonstances ne peuvent pas être ceux que les deux parties connaissent déjà ou auraient pu connaître au moment de la première audience. S’il n’y a pas eu de faits nouveaux ni évolution des circonstances depuis que la décision a été rendue, la décision est maintenue.
[44] Si, en revanche, l’Office conclut qu’il y a eu des faits nouveaux ou une évolution des circonstances depuis que la décision a été rendue, il doit alors déterminer si ce changement est suffisant pour justifier une révision, une annulation ou une modification de la décision.
[45] Le fardeau de la preuve incombe à la partie qui demande la révision de fournir à l’Office des éléments de preuve et des explications prouvant que le changement présumé des faits ou des circonstances s’est produit depuis que la décision a été rendue. La partie qui demande la révision doit aussi expliquer en quoi le changement présumé a une incidence sur l’issue de l’affaire.
[46] Dans le cas présent, Air Canada affirme que la décision n° 71-C-A-2017 comporte une erreur fondamentale, car l’Office y indique à tort que le seul autre transporteur aérien canadien qui exploite un service international régulier vers le Costa Rica est WestJet. Toutefois, le fait que Sunwing et Air Transat exploitent elles aussi des services internationaux réguliers vers le Costa Rica ne constitue pas un fait nouveau ou une évolution des circonstances depuis que la décision a été rendue, mais plutôt un fait qui pouvait être connu lors de la première audience. Néanmoins, l’Office ne changerait pas sa décision même s’il tenait compte de l’indemnisation pour refus d’embarquement qu’offrent Sunwing et Air Transat. Les montants de l’indemnisation pour refus d’embarquement de Sunwing sont presque identiques à ceux de WestJet. Les montants d’indemnisation d’Air Transat sont négligeables, donc il aurait été déraisonnable pour l’Office de se servir du montant d’indemnisation d’Air Transat à titre de comparable valable.
[47] En ce qui a trait aux arguments d’Air Canada selon lesquels une évaluation convenable du caractère raisonnable de sa disposition tarifaire devrait inclure une analyse à savoir ce que d’autres transporteurs offrent à titre d’indemnisation, l’Office est d’accord avec M. Cuthbert qu’Air Canada a eu l’occasion de formuler de tels arguments dans la décision n° 71-C-A-2017. Toutefois, elle ne l’a pas fait, et l’Office a conclu que la preuve initiale d’Air Canada n’était pas suffisamment convaincante. À la lumière de ceci, si l’Office permettait de rouvrir les actes de procédure sur cette affaire, on risque de permettre à Air Canada de plaider de nouveau sa cause, ce qui est contraire à l’intention derrière les pouvoirs de révision de l’Office.
[48] Air Canada fait également valoir que la décision n° 71-C-A-2017 devrait être suspendue jusqu’à ce que les projets de loi du gouvernement du Costa Rica et du gouvernement du Canada qui portent sur l’indemnisation pour refus d’embarquement soient finalisés. L’Office est également d’accord avec M. Cuthbert sur ce point, à savoir qu’aucun de ces projets de loi n’a encore été adopté, donc ils n’influencent en rien l’ordonnance de l’Office.
CONCLUSION
[49] En fonction de ce qui précède, l’Office conclut que la règle 90(E)(2) du tarif d’Air Canada est déraisonnable et n’est pas conforme à l’ordonnance que l’Office a rendue dans la décision n° 71‑C‑A-2017. De plus, l’Office conclut qu’Air Canada n’a pas réussi à prouver qu’il y a eu des faits nouveaux ou une évolution des circonstances relativement à la décision n° 71-C-A-2017 depuis qu’elle a été émise qui suffirait pour justifier sa modification en vertu de l’article 32 de la LTC.
ORDONNANCE
[50] En vertu de l’alinéa 113(b) du RTA, l’Office ordonne à Air Canada de modifier les montants qu’elle offre à titre d’indemnisation pour refus d’embarquement visant ses vols en partance de points internationaux vers le Canada, comme le prévoit la règle 90(E)(2) de son tarif, de manière à ce que les montants soient les mêmes que ceux qu’elle offre pour les vols en partance du Canada vers des points internationaux. Air Canada doit déposer une version révisée de son tarif dès que possible, mais au plus tard le 12 mars 2018.
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