Décision n° 442-C-A-2013
Un erratum a été émis le 3 décembre 2013
PLAINTE déposée par Rima Azar contre Air Canada.
INTRODUCTION
[1] Rima Azar a déposé une plainte concernant plusieurs dispositions du tarif d’Air Canada intitulé International Passenger Rules and Fares Tariff No. AC-2, NTA(A) No. 458 (tarif) qui ont trait à la politique d’indemnité pour refus d’embarquement et aux délais pour l’enregistrement d’Air Canada relativement aux vols au départ du Canada vers l’Union européenne (UE). Mme Azar a également demandé à l’Office des transports du Canada (Office) d’ordonner à Air Canada de lui payer la totalité des frais qu’elle a engagés.
[2] Dans la décision no 264-C-A-2013, l’Office a examiné toutes les questions liées à la plainte de Mme Azar, hormis celle qui consiste à déterminer si les montants d’indemnité pour refus d’embarquement versés par Air Canada relativement aux vols au départ du Canada vers l’UE étaient raisonnables. Cette question a été mise en suspens d’ici à ce que l’Office rende une décision concernant une affaire connexe (le caractère raisonnable des dispositions tarifaires d’Air Canada touchant les montants d’indemnité pour refus d’embarquement relativement aux vols intérieurs). Dans la décision no 327-C-A-2013, l’Office a rendu une décision sur l’affaire connexe. L’Office a ensuite ouvert des actes de procédure relativement à la question en suspens dans le cas présent.
[3] En réponse à l’ouverture des actes de procédure relativement à cette question, Air Canada a proposé des montants d’indemnité pour refus d’embarquement révisés, et a demandé à l’Office de ne pas tenir compte des montants qui figuraient dans ses présentations antérieures dans le cas présent. Mme Azar ne s’est pas opposée à la demande d’Air Canada.
OBSERVATION PRÉLIMINAIRE
[4] Dans sa réplique du 23 septembre 2013, Mme Azar affirme que des frais devraient lui être adjugés en raison du refus d’Air Canada de reconnaître le bien-fondé de l’aspect de sa plainte lié aux montants d’indemnité pour refus d’embarquement versés par Air Canada. En outre, Mme Azar n’est pas d’accord avec la déclaration de l’Office dans la décision no 264‑C‑A‑2013 selon laquelle un passager moyen qui se représente lui-même est en mesure de comprendre les Règles générales de l’Office des transports du Canada, DORS/2005‑35, modifiées (Règles générales) et de les utiliser comme code de procédure complet. En particulier, Mme Azar soutient que de nombreuses décisions de l’Office ont trait à des passagers qui, de toute évidence, n’ont pas compris la nature non consensuelle de l’instance et ce qui était exigé d’eux. À l’appui de sa position, Mme Azar donne deux exemples de plaintes déposées auprès de l’Office (décision no 349‑C-A-2012 et décision no 239‑C-A-2013) dans le cadre desquelles, à son avis, le fait de ne pas être représenté par un avocat a amené les plaignants à prendre des décisions peu éclairées.
[5] En ce qui concerne la présentation de Mme Azar et les deux exemples de cas qu’elle a invoqués relativement à des plaignants qui, selon elle, ont été amenés à prendre des décisions peu éclairées parce qu’ils n’étaient pas représentés par un avocat, l’Office note qu’aucun élément de preuve n’indique un manque de compréhension adéquate des procédures de l’Office par les plaignants qui aurait eu une incidence négative sur l’issue de ces affaires.
[6] L’Office réaffirme ce qu’il a indiqué dans la décision no 264-C-A-2013 : (1) l’Office, en tant que tribunal quasi judiciaire, est, de par sa nature, un tribunal où une partie peut bien défendre son cas sans l’assistance d’un avocat; (2) les Règles générales énoncent un code de procédure complet pour les instances devant l’Office dont peut se servir une personne qui se représente elle-même; et (3) l’Office a maintenu dans ses décisions antérieures qu’une adjudication des frais est justifiée seulement dans des circonstances spéciales ou exceptionnelles.
[7] Dans la décision no 264-C-A-2013, l’Office a conclu que la plainte de Mme Azar ne se caractérisait pas par de circonstances spéciales ou exceptionnelles et, par conséquent, l’Office a refusé d’ordonner une adjudication des frais contre Air Canada. Comme Mme Azar n’a toujours pas fait la preuve du contraire, l’Office réaffirme sa conclusion selon laquelle cette question contestée concernant les tarifs et l’indemnisation des passagers n’est pas caractérisée par des circonstances spéciales ou exceptionnelles. Par conséquent, aucuns frais ne sont adjugés.
QUESTIONS
- Les montants d’indemnité pour refus d’embarquement actuels d’Air Canada sont-ils raisonnables?
- Air Canada indique-t-elle clairement sa politique d’indemnité pour refus d’embarquement dans la règle tarifaire proposée?
- Les montants d’indemnité pour refus d’embarquement proposés par Air Canada sont-ils raisonnables?
DISPOSITIONS TARIFAIRES ET LÉGISLATIVES PERTINENTES
[8] Après le dépôt de la plainte de Mme Azar, Air Canada a modifié les numéros des règles tarifaires et certains libellés de son tarif concernant les montants d’indemnité pour refus d’embarquement versés aux personnes qui voyagent du Canada vers l’UE. Ces montants figuraient dans la règle tarifaire 89(partie 1)(E)(2) au moment où Mme Azar a déposé sa plainte, mais ils apparaissent maintenant dans la règle tarifaire 90(E)(2). Bien que les numéros des règles tarifaires et certains libellés aient été modifiés, les montants d’indemnité pour refus d’embarquement versés aux personnes qui voyagent du Canada vers l’UE sont demeurés les mêmes.
[9] Les dispositions tarifaires qui étaient en vigueur au moment où Mme Azar a voyagé [règle 89(partie 1)(E)(2)] et celles qui ont été révisées depuis [règle 90(E)(2)] sont énoncées dans l’annexe.
CLARTÉ ET CARACTÈRE RAISONNABLE DES DISPOSITIONS TARIFAIRES
Clarté
[10] La compétence de l’Office sur les questions relatives aux tarifs internationaux est établie à la partie V, section II intitulée Service international, du Règlement sur les transports aériens, DORS/88‑58, modifié (RTA).
[11] Le paragraphe 110(4) du RTA exige que les tarifs soient conformes aux dispositions du RTA, ce qui inclut l’article 122.
[12] L’article 122 du RTA exige que les conditions de transport indiquées dans le tarif du transporteur énoncent clairement sa politique en ce qui a trait, au moins, à certaines questions.
[13] L’alinéa 122a) du RTA prévoit ce qui suit :
Les tarifs doivent contenir :
a) les conditions générales régissant le tarif, énoncées en des termes qui expliquent clairement leur application aux taxes énumérées.
[14] Le sous-alinéa 122c)(iii) du RTA prévoit ce qui suit :
Les tarifs doivent contenir :
c) les conditions de transport, dans lesquelles est énoncée clairement la politique du transporteur aérien concernant au moins les éléments suivants :
[...]
(iii) les indemnités pour refus d’embarquement à cause de surréservation.
[...]
[15] L’Office a conclu dans la décision n° 249-C-A-2012 (Lukács c. WestJet) qu’un transporteur aérien satisfait aux obligations relatives à la clarté du tarif lorsque les droits et les obligations du transporteur et du passager sont définis de telle façon à éviter quelque doute, ambiguïté ou incertitude que ce soit.
Caractère raisonnable
[16] Un transporteur est tenu non seulement d’énoncer clairement ses politiques dans son tarif, mais il doit également s’assurer qu’en ce qui concerne les vols internationaux, son tarif est juste et raisonnable au sens du paragraphe 111(1) du RTA.
[17] Le paragraphe 111(1) du RTA prévoit ce qui suit :
Les taxes et les conditions de transport établies par le transporteur aérien, y compris le transport à titre gratuit ou à taux réduit, doivent être justes et raisonnables et doivent, dans des circonstances et des conditions sensiblement analogues, être imposées uniformément pour tout le trafic du même genre.
[18] L’Office a indiqué dans des décisions antérieures, notamment dans la décision n° 249-C-A-2012, que pour déterminer si une condition de transport appliquée par un transporteur est « raisonnable » au sens du paragraphe 111(1) du RTA, un équilibre doit être établi entre les droits des passagers d’être assujettis à des conditions de transport raisonnables et les obligations statutaires, commerciales et opérationnelles du transporteur aérien concerné.
[19] Les conditions de transport sont établies unilatéralement par un transporteur aérien sans la moindre contribution des passagers. Le transporteur aérien établit ses conditions de transport en fonction de ses intérêts, qui peuvent découler d’exigences strictement commerciales. Il n’y a aucune présomption qu’un tarif est raisonnable.
[20] Lorsqu’il soupèse les droits des passagers et les obligations du transporteur, l’Office doit tenir compte de l’ensemble des preuves et des présentations déposées par les deux parties, et déterminer si la condition de transport est raisonnable ou déraisonnable en fonction de la partie qui a présenté les preuves les plus convaincantes et persuasives.
QUESTION 1 : LES MONTANTS D’INDEMNITÉ POUR REFUS D’EMBARQUEMENT ACTUELS D’AIR CANADA SONT-ILS RAISONNABLES?
Positions des parties
Mme Azar
[21] Mme Azar affirme que la règle actuelle sur le refus d’embarquement d’Air Canada établit le montant d’indemnité pour refus d’embarquement versé aux passagers qui voyagent du Canada vers l’UE à 200 $ CAN en espèces ou à 500 $ CAN en bons d’échange. Mme Azar note toutefois que, pour les voyageurs qui effectuent le trajet inverse, le montant d’indemnité est fixé dans la même règle à 600 euros en espèces, montant qui peut être réduit à 300 euros si le retard occasionné est de moins de quatre heures. À la lumière de ces différences, Mme Azar est d’avis qu’Air Canada fait une distinction arbitraire et déraisonnable – fondée sur le lieu de départ – à l’endroit des passagers qui se voient refuser l’embarquement dans le cadre d’un voyage entre le Canada et l’UE.
[22] Mme Azar fait valoir que le fait de se voir refuser involontairement l’embarquement cause des inconvénients et des dommages considérables aux passagers et que cela est explicitement reconnu aux termes du sous-alinéa 122c)(iii) du RTA, qui exige que le transporteur énonce ses politiques d’indemnité pour refus d’embarquement dans son tarif. Par conséquent, la question à trancher est de savoir si la capacité d’Air Canada de s’acquitter de ses obligations statutaires, commerciales et opérationnelles serait diminuée de quelque façon que ce soit si elle devait verser aux passagers qui voyagent du Canada vers l’UE le même montant d’indemnité pour refus d’embarquement qu’elle verse aux passagers qui font le trajet inverse.
[23] En ce qui a trait aux obligations commerciales d’Air Canada, Mme Azar soutient que, assurément, une augmentation des montants d’indemnité pour refus d’embarquement indiqués dans la règle actuelle sur le refus d’embarquement aurait des répercussions financières pour Air Canada. Cependant, Mme Azar souligne que la question est de savoir si cela représenterait un désavantage concurrentiel pour Air Canada, ce qui, à son avis, n’est pas le cas. Mme Azar fait valoir qu’Air Canada ne serait pas désavantagée sur le plan concurrentiel si elle appliquait la même « règle des 600 euros/300 euros » aux passagers voyageant du Canada vers l’UE.
[24] Mme Azar souligne que les principaux concurrents d’Air Canada en ce qui a trait aux trajets entre le Canada et l’UE sont divers transporteurs européens, lesquels doivent tous verser le montant d’indemnité pour refus d’embarquement prévu aux termes du règlement (EC) no 261/2004 du Parlement européen et du Conseil de l’Union européenne, et ce, pour tous leurs vols, peu importe les points de départ et de destination. Elle fait valoir que ces transporteurs doivent indemniser les passagers qui se voient refuser l’embarquement à bord d’un vol au départ du Canada vers l’UE en appliquant la « règle des 600 euros/300 euros ». Mme Azar est d’avis qu’Air Canada profite donc d’un avantage concurrentiel injuste par rapport à ses principaux concurrents pour les trajets vers l’UE et qu’elle n’indemnise pas adéquatement les passagers qui voyagent du Canada vers l’UE. Selon Mme Azar, Air Canada ne subirait aucun désavantage concurrentiel si elle appliquait la « règle des 600 euros/300 euros », qui est déjà incluse dans la règle actuelle sur le refus d’embarquement, pour ses passagers qui voyagent du Canada vers l’UE.
Air Canada
[25] Air Canada affirme que ses montants d’indemnité pour refus d’embarquement actuels sont raisonnables. Elle indique que les facteurs pris en compte pour en arriver à de tels montants sont : 1) la moyenne des tarifs en classe économique pour les trajets internationaux d’Air Canada (le total des revenus passagers pour tous les marchés internationaux divisé par le nombre total de segments de revenus passagers internationaux), laquelle s’est chiffrée à 440 $ CAN pour la période de 2004 à 2012; 2) les montants d’indemnité pour refus d’embarquement versés par d’autres transporteurs canadiens tels que WestJet, Porter Airlines Inc. (Porter), Sunwing Airlines Inc. (Sunwing) et Air Transat A.T. Inc. exerçant son activité sous le nom d’Air Transat (Air Transat); et 3) le fait que son vaste réseau lui permet de réacheminer rapidement les passagers sur un vol ultérieur. Air Canada souligne également que, par suite des principes énoncés dans la décision no 251‑C‑A‑2012 (Lukács c. Air Canada), un nombre accru de possibilités de réacheminement s’offrent maintenant aux passagers. Air Canada ajoute que, comme les montants d’indemnité pour refus d’embarquement relatifs à ses trajets internationaux sont fondés sur la moyenne de ses tarifs en classe économique pour de tels vols, ces montants ne sont pas assujettis à l’inflation. Air Canada fait valoir que la concurrence maintient ces tarifs à un niveau stable, et qu’elle contribue même à les diminuer.
[26] Air Canada souligne qu’au Canada, l’indemnité pour refus d’embarquement est déterminée par le transporteur. Air Canada ajoute que sa politique d’indemnité actuelle est déjà plus généreuse que celle des autres transporteurs canadiens, et que l’imposition à elle seulement et non à ses concurrents de tout montant précis à verser à titre d’indemnité pour refus d’embarquement représenterait pour elle un important désavantage concurrentiel, étant donné que des transporteurs concurrents peuvent tout de même être exposés à des situations de survente et de surréservation, tout particulièrement en cas d’irrégularité d’exploitation.
Mme Azar
[27] Mme Azar affirme que l’indemnité pour refus d’embarquement vise à indemniser les passagers qui se voient refuser l’embarquement à bord d’un vol pour lequel ils ont une réservation confirmée. Ainsi, elle allègue que le fait qu’Air Canada ne rajuste pas ses montants d’indemnité pour refus d’embarquement en fonction du taux d’inflation a entraîné la diminution progressive de la valeur des indemnités qu’elle verse. Mme Azar fait donc valoir que le fait qu’Air Canada ne rajuste pas ses montants d’indemnité pour refus d’embarquement en fonction du taux d’inflation donne à penser que ces montants sont déraisonnables.
[28] En ce qui a trait à l’allégation d’Air Canada selon laquelle celle-ci tient compte des montants d’indemnité pour refus d’embarquement versés par ses concurrents afin de déterminer les siens, Mme Azar affirme qu’Air Canada n’a présenté aucun élément de preuve indiquant que les transporteurs mentionnés constituent pour elle d’importants concurrents relativement aux trajets entre le Canada et l’UE. Selon Mme Azar, ni WestJet ni Porter n’exploitent des vols entre le Canada et l’UE, tandis qu’Air Transat et Sunwing peuvent exploiter tout au plus quelques vols saisonniers ayant une incidence négligeable sur l’existence d’un éventuel désavantage concurrentiel que subirait Air Canada.
[29] Mme Azar indique qu’il existe une différence saisissante entre la bonne volonté des passagers voyageant de l’Europe vers le Canada de se porter volontaires pour un refus d’embarquement et la réticence des passagers voyageant du Canada vers l’Europe d’en faire autant. Mme Azar fait valoir que cette différence peut s’expliquer par le fait que les montants d’indemnité pour refus d’embarquement versés par Air Canada pour les vols au départ du Canada sont inadéquats et déraisonnablement bas, ce qui est non seulement l’opinion de Mme Azar, mais également celle du public voyageur. Mme Azar affirme que les montants n’indemnisent pas suffisamment les passagers à l’égard des conséquences qui découlent d’un refus d’embarquement.
[30] Mme Azar soutient que les prix des billets fournis par Air Canada se chiffrent tous à plus de 400 $ CAN. Par conséquent, elle ne comprend pas comment Air Canada en est arrivée à la conclusion que la moitié de ce montant, soit 200 $ CAN (en espèces), constitue une indemnité pour refus d’embarquement raisonnable. Mme Azar fait valoir que, si les montants d’indemnité pour refus d’embarquement d’Air Canada sont déterminés en fonction des tarifs propres à chaque segment de vol, l’indemnité actuelle de 200 $ CAN en espèces est déraisonnablement basse.
Analyse et constatations
[31] Mme Azar fait valoir que la différence entre les montants d’indemnité pour refus d’embarquement actuels versés par Air Canada aux passagers qui voyagent du Canada vers l’UE (200 $ CAN en espèces ou 500 $ CAN en bons d’échange) et ceux versés aux passagers qui font le trajet inverse (600 euros, ou 300 euros si le retard occasionné est de moins de quatre heures) représente une distinction arbitraire et déraisonnable fondée sur le lieu de départ. Air Canada soutient que le montant actuel de son indemnité pour refus d’embarquement est aligné sur le tarif moyen des vols de ses secteurs internationaux, qui a été de 440 $ CAN de 2004 à 2012. Air Canada souligne que ses montants d’indemnité pour refus d’embarquement actuels tiennent également compte des montants versés par ses concurrents ainsi que des possibilités de réacheminement qu’elle offre.
[32] L’Office a examiné les présentations déposées en l’espèce et conclut que Mme Azar a présenté les preuves les plus convaincantes, à savoir que les obligations statutaires, commerciales et opérationnelles d’Air Canada ne l’emportent pas sur le droit des passagers d’être assujettis à des conditions de transport raisonnables.
[33] L’Office convient avec Mme Azar qu’Air Canada n’a déposé aucun élément de preuve démontrant que les transporteurs qu’elle a indiqués comme étant ses concurrents lui livrent une importante concurrence sur les trajets entre le Canada et l’UE. De plus, l’Office a indiqué dans des décisions antérieures (p. ex. la décision no 204-C-A-2013 – Lukács c. Air Canada) que le simple fait que les conditions de transport d’un transporteur soient comparables à celles applicables à d’autres transporteurs ne fait pas en sorte que ces conditions sont raisonnables.
[34] L’Office convient aussi avec Mme Azar que les montants d’indemnité pour refus d’embarquement actuels d’Air Canada sont déraisonnables lorsque ceux-ci sont comparés soit à la moyenne du prix total payé par les passagers pour un trajet entre le Canada et l’UE augmentée de l’écart-type, soit au tarif international moyen d’Air Canada en classe économique entre 2004 et 2012, montants qui excèdent tous deux 400 $ CAN. Air Canada n’a pas été en mesure d’expliquer pourquoi la moitié de ce montant, soit 200 $ CAN, représenterait un montant d’indemnité pour refus d’embarquement adéquat.
[35] En ce qui a trait à l’allégation d’Air Canada selon laquelle son vaste réseau lui permet de réacheminer rapidement les voyageurs sur un vol ultérieur, l’Office a statué dans la décision no 204-C-A-2013 qu’un réacheminement rapide pourrait en fait ne pas atténuer entièrement ou suffisamment les préjudices subis par le passager. L’Office demeure de cet avis.
[36] L’Office note également que, si Air Canada augmentait ses montants d’indemnité pour refus d’embarquement actuels, les répercussions commerciales seraient atténuées puisqu’Air Canada indique qu’elle affiche un faible niveau de refus d’embarquement pour ses vols internationaux (0,08 pour cent des passagers ont fait l’objet d’un refus d’embarquement en 2012, 0,08 pour cent en 2011, et 0,07 pour cent en 2010).
[37] L’Office conclut qu’Air Canada n’a pas démontré que l’augmentation de ses montants d’indemnité la désavantagerait par rapport aux autres transporteurs intérieurs.
[38] À la lumière de ce qui précède, l’Office conclut que les montants d’indemnité pour refus d’embarquement actuels versés par Air Canada sont déraisonnables.
QUESTION 2 : AIR CANADA INDIQUE-T-ELLE CLAIREMENT SA POLITIQUE D’INDEMNITÉ POUR REFUS D’EMBARQUEMENT DANS LA RÈGLE TARIFAIRE PROPOSÉE?
Positions des parties
[39] Dans sa présentation du 18 septembre 2013, Air Canada a proposé les montants suivants à titre d’indemnité pour les retards à l’arrivée occasionnés par un refus d’embarquement involontaire :
- Pour un retard de quatre heures ou moins : 400 $ CAN (en espèces ou l’équivalent);
- Pour un retard de plus de quatre heures : 800 $ CAN (en espèces ou l’équivalent).
[40] Mme Azar affirme que le mot « arrivée » se trouvant dans l’expression [traduction] « retard à l’arrivée occasionné par un refus d’embarquement involontaire » de la règle tarifaire proposée entraîne une ambiguïté pour les itinéraires qui comportent plus d’un segment de vol. Elle propose de clarifier la signification du mot « arrivée » en précisant qu’il s’agit de [traduction] « l’arrivée à l’aéroport de la prochaine escale du passager ou, si aucune escale n’est prévue, à l’aéroport de la destination finale du passager ». Elle ajoute que le mot « escale » devrait être précisé à des fins de clarté comme étant une [traduction] « interruption volontaire de voyage par un passager, devant s’étendre sur plus de quatre heures, à un point situé entre les points de départ et de destination finale ».
Analyse et constatations
[41] Comme l’indique le critère relatif à la clarté énoncé ci-dessus, un transporteur aérien satisfait aux obligations relatives à la clarté du tarif lorsque les droits et les obligations du transporteur et du passager sont définis de telle façon à éviter quelque doute, ambiguïté ou incertitude que ce soit.
[42] L’Office est d’avis que le mot « arrivée » se trouvant dans l’expression « retard à l’arrivée occasionné par un refus d’embarquement involontaire » désigne l’arrivée d’un passager à sa destination finale et, de ce fait, sa signification est explicite en pareil contexte.
[43] Par conséquent, l’Office conclut que le libellé se trouvant dans la règle tarifaire proposée serait jugé clair au sens du sous-alinéa 122c)(iii) du RTA s’il était déposé auprès de l’Office.
[44] Cependant, le libellé serait plus clair si Air Canada modifiait l’expression de la façon suivante : « retard à l’arrivée au point de destination occasionné par un refus d’embarquement involontaire ».
QUESTION 3 : LES MONTANTS D’INDEMNITÉ POUR REFUS D’EMBARQUEMENT PROPOSÉS PAR AIR CANADA SONT-ILS RAISONNABLES?
Positions des parties
Air Canada
[45] Air Canada soutient que les montant d’indemnité pour refus d’embarquement qu’elle propose sont raisonnables pour les raisons suivantes :
- Les montants ont été établis en tenant compte des montants prescrits en vertu du règlement (EC) no 261/2004 ainsi que de ceux établis dans la décision no 342-C-A-2013;
- La règle tarifaire proposée est fortement alignée sur les montants déjà établis pour les vols intérieurs;
- Les montants seront facilement compris par les passagers, étant donné que les montants d’indemnité pour refus d’embarquement relatifs à tous les vols au départ ou à l’intérieur du Canada seront organisés de manière cohérente;
- Tous les passagers recevront le même montant;
- Les montants d’indemnité pour refus d’embarquement indiqués dans la règle tarifaire proposée sont très semblables à ceux prescrits en vertu du règlement (EC) no 261/2004, qui, selon Air Canada, satisfont à la demande de Mme Azar.
[46] Toutefois, Air Canada indique que ses présentations concernant le caractère raisonnable des montants d’indemnité pour refus d’embarquement proposés ne constituent pas un aveu de sa part du bien-fondé de la plainte de Mme Azar; les présentations ont plutôt été déposées auprès de l’Office afin de proposer un régime d’indemnité fondé sur les principes établis dans la décision no 342-C-A-2013 et d’harmoniser le régime d’indemnité pour refus d’embarquement d’Air Canada.
Mme Azar
[47] Mme Azar est d’avis que quatre heures constituent un seuil raisonnable pour déterminer le montant de l’indemnité à verser; cependant, elle maintient que les montants proposés par Air Canada demeurent inférieurs à ceux versés par ses principaux concurrents. Mme Azar indique que, conformément au règlement (EC) no 261/2004, les principaux concurrents d’Air Canada au chapitre des trajets entre le Canada et l’UE sont légalement tenus de verser une indemnité pour refus d’embarquement de 300 ou de 600 euros, selon que le retard occasionné est inférieur ou supérieur à quatre heures. Mme Azar souligne que, selon la Banque du Canada, en date du 23 septembre 2013, 300 euros représentaient 416,22 $ CAN, et 600 euros, 832,44 $ CAN.
[48] À la lumière de ce qui précède, Mme Azar fait valoir que, si Air Canada augmentait ses montants de sorte qu’ils équivalent à 300 euros et à 600 euros respectivement, cela ne nuirait pas à la capacité d’Air Canada de s’acquitter de ses obligations statutaires, commerciales et opérationnelles. Elle maintient que les passagers devraient avoir droit à la même indemnité lorsqu’ils se déplacent du point A au point B que lorsqu’ils effectuent le trajet inverse. Par conséquent, Mme Azar soutient que les montants proposés par Air Canada demeurent déraisonnables, et elle suggère les solutions de rechange suivantes pour établir les montants d’indemnité :
- Fixer les montants à 300 euros et à 600 euros, selon la durée du retard, conformément au règlement (EC) no 261/2004; ou
- Permettre aux passagers de choisir entre 400 $ CAN et 300 euros ou entre 800 $ CAN et 600 euros, selon la durée du retard; ou
- Déterminer le montant d’indemnité pour refus d’embarquement en droits de tirage spéciaux et verser l’indemnité en dollars canadiens ou en euros, selon la préférence du passager; ou
- Fixer les montants à 425 $ CAN et à 850 $ CAN, selon la durée du retard. Ces montants sont légèrement supérieurs à ceux versés par les concurrents d’Air Canada, mais pas au point d’entraîner un désavantage concurrentiel pour Air Canada.
Analyse et constatations
[49] Dans la décision no 342-C-A-2013, l’Office a indiqué que pour établir un régime raisonnable pour les vols intérieurs d’Air Canada, il examinerait les facteurs suivants :
- la mesure dans laquelle le régime d’indemnité atténue les inconvénients que subissent les passagers concernés par un refus d’embarquement;
- la mesure dans laquelle le régime d’indemnité pour refus d’embarquement est compréhensible;
- la facilité de mise en œuvre du régime.
[50] Les mêmes facteurs s’appliquent dans le cas présent.
[51] L’Office convient avec les parties que quatre heures constituent un seuil raisonnable pour déterminer les montants d’indemnité pour refus d’embarquement à verser aux passagers qui voyagent du Canada vers l’UE. L’Office conclut que les montants d’indemnité pour refus d’embarquement proposés par Air Canada sont raisonnables, étant donné qu’ils sont semblables à ceux prescrits en vertu du règlement (EC) no 261/2004 pour les vols au départ de l’UE vers le Canada.
[52] L’Office n’est pas d’accord avec l’argument de Mme Azar selon lequel les simples différences de 16 $ CAN et de 32 $ CAN concernant les retards respectivement inférieurs et supérieurs à quatre heures (lesquelles différences sont attribuables au taux de change entre les devises européenne et canadienne) rendent déraisonnables les montants d’indemnité pour refus d’embarquement proposés par Air Canada.
[53] L’Office conclut qu’il n’est pas déraisonnable pour Air Canada de déterminer les montants d’indemnité en dollars canadiens et que, de surcroît, la différence (occasionnée par le taux de change actuel entre les devises canadienne et européenne) entre les montants d’indemnité pour refus d’embarquement proposés par Air Canada et ceux versés dans l’UE est négligeable. De plus, l’Office convient avec Air Canada que le régime d’indemnité pour refus d’embarquement proposé est compréhensible et qu’il serait facile à mettre en œuvre.
[54] L’Office conclut que la règle tarifaire proposée d’Air Canada établit un équilibre approprié entre les droits des passagers d’être assujettis à des conditions de transport raisonnables et les obligations statutaires, commerciales et opérationnelles d’Air Canada. De plus, l’Office conclut que les montants d’indemnité pour refus d’embarquement qui se trouvent dans la règle tarifaire proposée seraient jugés raisonnables s’ils étaient déposés auprès de l’Office.
SOMMAIRE DES CONCLUSIONS
Question 1
[55] L’Office a déterminé que les montants d’indemnité pour refus d’embarquement actuels versés par Air Canada sont déraisonnables.
Question 2
[56] L’Office a déterminé que le libellé se trouvant dans la règle tarifaire proposée serait jugé clair au sens du sous-alinéa 122c)(iii) du RTA s’il était déposé auprès de l’Office.
Question 3
[57] L’Office a déterminé que les montants d’indemnité pour refus d’embarquement qui se trouvent dans la règle tarifaire proposée seraient jugés raisonnables s’ils étaient déposés auprès de l’Office.
ORDONNANCE
[58] L’Office, conformément à l’alinéa 113a) du RTA, rejette la règle tarifaire 90(E)(2) actuelle d’Air Canada ayant trait aux montants d’indemnité pour refus d’embarquement versés par Air Canada relativement aux vols au départ du Canada vers l’UE.
[59] L’Office ordonne à Air Canada de modifier son tarif, au plus tard le 30 décembre 2013, en déposant ses montants d’indemnité pour refus d’embarquement proposés relativement aux vols au départ du Canada vers l’UE.
[60] Aux termes du paragraphe 28(1) de la LTC, le rejet de la règle tarifaire 90(E)(2) actuelle d’Air Canada ayant trait aux montants d’indemnité pour refus d’embarquement versés par Air Canada relativement aux vols au départ du Canada vers l’UE entrera en vigueur lorsqu’Air Canada se sera conformée à ce qui précède ou le 30 décembre 2013, selon la première éventualité.
ANNEXE
Tarif d’Air Canada intitulé International Passenger Rules and Fares Tariff No. AC-2, NTA(A) No. 458
[traduction]
Règles tarifaires qui étaient en vigueur au moment où Mme Azar a voyagé
RÈGLE 89 – INDEMNITÉ POUR REFUS D’EMBARQUEMENT
PARTIE 1
[...]
(E) INDEMNITÉ
[...]
(2) Montant de l’indemnité
Sous réserve des dispositions de la règle (E)(1)(a), Air Canada offrira au passager des dommages liquidés en espèces, ou un bon d’échange valable pour un autre voyage avec AC comme suit : des Caraïbes/Bermudes au Canada, dont l’indemnité en espèces équivaut à la valeur des coupons inutilisés vers une destination avec le même transporteur ou un transporteur intercompagnies, ou vers les prochaines escales, soit une somme maximum de 200,00 $ CAN. L’indemnité sous forme de bon d’échange équivaut au double de la valeur des coupons inutilisés vers une destination avec le même transporteur ou un transporteur intercompagnies, ou vers les prochaines escales, soit une somme minimum de 100,00 $ CAN ou maximum de 500,00 $ CAN.
À partir du Venezuela, l’indemnité aux passagers doit équivaloir à 25 pour cent de la valeur du billet à verser en espèces, par transfert bancaire électronique, chèque ou selon une entente signée avec le passager, par bons d’échange ou bons pour services divers.
Effet | Bon d’échange | |
---|---|---|
Du Canada au Mexique/Du Mexique au Canada | 100,00 $ CAN | 200,00 $ CAN |
Du Canada vers toutes autres destinations | 200,00 $ CAN | 500,00 $ CAN |
De l’Asie vers le Canada (excluant le Japon et la Corée) | 300,00 $ CAN | 600,00 $ CAN |
Du Japon vers le Canada (indemnité en espèces seulement) |
30 000 JPY (par transfert bancaire) |
sans objet |
De Séoul vers le Canada - cat. Y (indemnité en espèces seulement) | 400,00 $ US | sans objet |
De Séoul vers le Canada - cat. J (indemnité en espèces seulement) | 600,00 $ US | sans objet |
De l’Amérique du Sud ou du Pacifique Sud vers le Canada | 200,00 $ CAN | 500,00 $ CAN |
**exceptions** De Sao Paulo à Toronto |
750,00 $ US | 1 500,00 $ US |
(3) Délai pour verser l’indemnité
- L’offre d’indemnité est présentée au passager le jour même et à l’endroit où le refus d’embarquement survient.
- Si le transporteur organise un transport de remplacement dont le départ a lieu avant le moment où l’offre peut être faite au passager, l’offre doit être faite par la poste ou par un autre moyen dans un délai de 24 heures suivant l’heure à laquelle le refus d’embarquement est survenu.
[...]
Règles tarifaires qui ont été révisées depuis le moment où Mme Azar a voyagé
RÈGLE 90 – REFUS D’EMBARQUEMENT
(E) INDEMNITÉ POUR REFUS D’EMBARQUEMENT INVOLONTAIRE
[...]
(2) Montant de l’indemnité
Sous réserve des dispositions de la règle (E)(1), Air Canada offrira au passager des dommages liquidés en espèces ou un bon d’échange valable pour un autre voyage avec Air Canada comme suit […]
Effet | Bon d’échange | |
---|---|---|
Du Canada vers toutes autres destinations | 200,00 $ CAN | 500,00 $ CAN |
[...]
Retard à l’arrivée occasionné par un refus d’embarquement involontaire | Valeur (en espèces ou l’équivalent) |
---|---|
De 0 à 4 heures | 400 $ CAN |
Plus de 4 heures | 800 $ CAN |
Membre(s)
- Date de modification :