Décision n° 251-C-A-2012

le 28 juin 2012

PLAINTE présentée par Gábor Lukács contre Air Canada concernant son tarif intérieur.

No de référence : 
M4120-3/09-03560

INTRODUCTION

[1] Dans sa décision no LET-C-A-129-2011 du 2 décembre 2011 (décision de demande de justification), l’Office des transports du Canada (Office) a fait des constatations préliminaires relativement au caractère raisonnable de certaines dispositions tarifaires et a enjoint à Air Canada, entre autres choses, de justifier pourquoi certaines mesures ne pouvaient être prises relativement à son Tarif des règles générales applicables au transport intérieur au Canada nº CDGR-1 (tarif intérieur), plus particulièrement aux règles 37(B)(2), 135(E), 240(B)(9), 240(B)(1) et 260. L’Office a donné à Air Canada et à M. Lukács l’occasion de répondre à ces constatations préliminaires.

[2] Dans ses présentations du 30 janvier 2012, en réponse à la décision de demande de justification, Air Canada a réitéré les éléments de ses présentations des 20 juillet, 15 septembre et 9 novembre 2009 déposées relativement à la plainte et a soumis des présentations supplémentaires pour expliquer sa position et fournir une justification relativement aux questions posées par l’Office. M. Lukács a déposé des présentations en réponse aux arguments d’Air Canada. Pour chaque question soulevée dans la décision de demande de justification, M. Lukács a indiqué qu’il acceptait les constatations préliminaires de l’Office. Air Canada a eu l’occasion de répondre aux présentations de M. Lukács, mais n’a pas déposé d’autres présentations.

[3] Dans la présente décision, l’Office fera ses conclusions finales. Elles seront fondées sur les constatations préliminaires établies dans la décision de demande de justification et sur les présentations faites par chaque partie dans le cadre  de la plainte initiale déposée par M. Lukács et en réponse à la décision de demande de justification. Entre autres choses, l’Office rendra une décision finale relativement à son opinion préliminaire voulant qu’une approche axée sur les circonstances soit raisonnable pour traiter des questions de surréservation et d’annulation lorsque les circonstances d’un passager sont communiquées à Air Canada.

[4] L’annexe A établit les dispositions du tarif intérieur d’Air Canada.

[5] La présente décision portera sur les cinq constatations préliminaires suivantes énoncées dans la décision de demande de justification :

  1.  Les principes de l’article 19 de la Convention pour l’unification de certaines règles relatives au transport aérien international – Convention de Montréal (Convention) s’appliquent également au transport intérieur.
  2. La surréservation et l’annulation constituent un retard aux fins de l’application de l’article 19 de la Convention.
  3. La règle 37(B)(2) du tarif d’Air Canada qui exclut la possibilité de réacheminer un passager sur un vol de n’importe quel transporteur, sauf ceux avec lesquels un accord intercompagnies a été conclu, est trop restrictive et déraisonnable. Les règles 37(B)(1) et 37(B)(2) du tarif d’Air Canada sont déraisonnables puisqu’elles laissent à Air Canada seulement le choix des options de réacheminement.
  4. Les règles 37(B)(3), 240(C)(1) et 260 du tarif d’Air Canada sont déraisonnables, car elles ne prévoient que le remboursement de la partie inutilisée d’un billet.
  5. La règle actuelle 37(B) du tarif d’Air Canada est déraisonnable, car elle n’indique pas que les passagers ont des droits et des recours autres que ceux indiqués dans le tarif intérieur. Les règles 135(E) et 240(B)(9) sont déraisonnables, car elles ne prévoient qu’un seul recours pour les passagers comme il est indiqué dans le tarif intérieur.

[6] La plainte de M. Lukács a soulevé des questions quant à savoir si les dispositions tarifaires contestées sont raisonnables. Un transporteur doit s’assurer qu’en ce qui a trait aux vols intérieurs, son tarif est raisonnable au sens du paragraphe 67.2(1) de la Loi sur les transports au Canada, L.C. (1996), ch. 10, modifiée (LTC).

[7] Le paragraphe 67.2(1) de la LTC prévoit ce qui suit :

S’il conclut, sur dépôt d’une plainte, que le titulaire d’une licence intérieure a appliqué pour un de ses services intérieurs des conditions de transport déraisonnables ou injustement discriminatoires, l’Office peut suspendre ou annuler ces conditions et leur en substituer de nouvelles.

[8] L’Office a fait valoir dans des décisions antérieures que pour déterminer si une condition de transport appliquée par un transporteur est « raisonnable » au sens du paragraphe 67.2(1) de la LTC, un équilibre doit être établi entre le droit des passagers de bénéficier de conditions de transport raisonnables et les obligations statutaires, opérationnelles et commerciales du transporteur aérien1.

[9] Les conditions de transport sont établies unilatéralement par un transporteur aérien sans la moindre contribution des passagers. Le transporteur aérien établit ses conditions de transport en fonction de ses intérêts, qui peuvent découler d’exigences strictement commerciales. Il n’y a aucune présomption qu’un tarif est raisonnable.

[10] Lorsqu’il soupèse les droits des passagers et les obligations du transporteur, l’Office doit tenir compte de l’ensemble de la preuve et des présentations déposées par les deux parties, et déterminer si les conditions de transport sont raisonnables ou déraisonnables en fonction de la partie qui a présenté les preuves les plus convaincantes et persuasives.

CONSTATATION PRÉLIMINAIRE 1 : LES PRINCIPES DE L’ARTICLE 19 DE LA CONVENTION S’APPLIQUENT ÉGALEMENT AU TRANSPORT INTÉRIEUR

Décision de demande de justification

[11] L’Office a indiqué que, au moment d’évaluer la question de savoir si les dispositions contestées du tarif intérieur sont raisonnables, l’Office, entre autres choses, tiendra compte des principes de l’article 19 de la Convention.

[12] L’Office a indiqué qu’il établit au cas par cas ce que constituent des conditions de transport raisonnables, en tenant compte des présentations des parties. L’Office a noté que dans l’examen de la question du caractère raisonnable, il pourrait prendre en compte les principes de la Convention.

[13] Pour régler cette question, l’Office s’est penché sur des principes et la jurisprudence qui soutiennent le recours aux lois internationales dans l’interprétation des lois intérieures, et a cité des cas de l’Office qui portaient sur les principes de la Convention pour s’orienter dans son évaluation de la question de savoir si une disposition du tarif était raisonnable.

[14] L’Office a fait valoir qu’il est d’avis, et l’a toujours été, que la Convention est un instrument d’interprétation utile auquel l’Office peut se référer pour déterminer le « caractère raisonnable » et trouver le juste équilibre entre les droits des passagers et les obligations statutaires, commerciales et opérationnelles d’un transporteur. Ce faisant, l’Office a indiqué qu’il tient compte des principes de la Convention au lieu d’appliquer la Convention proprement dite.

[15] L’Office a également fait valoir que les passagers devraient s’attendre et avoir droit à un traitement uniforme peu importe qu’ils soient sur un vol intérieur ou international. À cette fin, les principes énoncés dans la Convention fournissent un aperçu de ce qui est raisonnable d’appliquer dans un contexte intérieur.

Positions des parties

[16] En réponse à la décision de demande de justification, Air Canada indique que le transport intérieur n’est pas régi par la Convention pour l’unification de certaines règles relatives au transport aérien international, signée à Varsovie le 12 octobre 1929 (Convention de Varsovie) ou la Convention, et que l’Office ne devrait pas ordonner aux transporteurs d’appliquer ces conventions si elles ne s’appliquent pas. Air Canada indique que, sans admettre le caractère applicable de la Convention au transport aérien intérieur, elle prendra en compte la position de l’Office selon laquelle les principes de l’article 19 s’appliquent au moment d’évaluer le caractère raisonnable des règles du tarif intérieur dans l’analyse indiquée par l’Office.

[17] M. Lukács accepte les constatations de l’Office dans la décision de demande de justification, et fait remarquer que l’Office n’a jamais laissé entendre qu’Air Canada serait tenue d’appliquer la Convention au transport intérieur, ce qui rend ainsi sans objet les observations d’Air Canada à ce propos.

Analyse et constatations

[18] Dans la décision de demande de justification, l’Office a énoncé les raisons pour lesquelles il se penche sur les principes de la Convention lorsqu’il évalue le caractère raisonnable d’une disposition tarifaire au terme de l’alinéa 67.2(1) de la LTC. L’Office conclut qu’Air Canada n’a pas déposé d’arguments persuasifs pour l’amener à conclure que les principes de la Convention ne devraient pas s’appliquer également au transport intérieur.

[19] Par conséquent, l’Office conclut que la Convention est un outil d’interprétation utile auquel il peut se référer lorsqu’il évalue le caractère raisonnable d’une disposition tarifaire en vertu du paragraphe 67.2(1) de la LTC. Cette conclusion cadre avec les décisions de l’Office dans les affaires Pinksen c. Air Canada, décision no 181‑C‑A‑2007 et Kipper c. WestJet, décision no 309-C-A-2010.

Conclusion

[20] À la lumière de ce qui précède, l’Office conclut que les principes de l’article 19 de la Convention s’appliquent également au transport intérieur.

CONSTATATION PRÉLIMINAIRE 2 : LA SURRÉSERVATION ET L’ANNULATION CONSTITUENT UN RETARD AUX FINS DE L’APPLICATION DE L’ARTICLE 19 DE LA CONVENTION

Décision de demande de justification

[21] L’Office a exprimé l’opinion préliminaire que les situations de surréservation et d’annulation qui relèvent du contrôle d’Air Canada constituent un retard aux fins de l’application de l’article 19 de la Convention.

[22] Une question fondamentale soulevée par M. Lukács dans sa plainte est celle de savoir si les cas d’annulation et de surréservation constituent un « retard » au sens de l’article 19 de la Convention. Air Canada affirme dans sa réponse à la décision de demande de justification que les dispositions de son tarif intérieur et l’article 19 de la Convention visent deux objectifs distincts, et soutient donc que la qualification juridique de « retard » aux termes de la Convention n’est pas pertinente.

[23] Du fait que la plainte de M. Lukács porte sur le fond des dispositions du tarif intérieur d’Air Canada sur la surréservation et l’annulation, elle déclenche un examen de l’Office et une décision sur le caractère raisonnable des dispositions tarifaires. L’Office doit examiner de telles plaintes en vertu du paragraphe 67.2(1) de la LTC.

[24] L’Office a conclu dans sa décision de demande de justification qu’une détermination à savoir si la surréservation et l’annulation constituent un « retard » au sens de l’article 19 de la Convention est pertinente, car elle orientera l’Office dans son évaluation du caractère raisonnable du tarif intérieur d’Air Canada, parce que, comme il est expliqué plus en profondeur dans la constatation préliminaire 1, l’Office considérera, entre autres choses, la question de savoir si le tarif intérieur cadre avec les principes applicables de la Convention.

[25] L’article 19 de la convention prévoit ce qui suit :

Le transporteur est responsable du dommage résultant d'un retard dans le transport aérien de passagers, de bagages ou de marchandises. Cependant, le transporteur n'est pas responsable du dommage causé par un retard s'il prouve que lui, ses préposés et mandataires ont pris toutes les mesures qui pouvaient raisonnablement s'imposer pour éviter le dommage, ou qu'il leur était impossible de les prendre.

[26] Comme le terme « retard » n’est pas défini et que son sens n’est pas clair dans le libellé de l’article 19 ou de la Convention en général, l’Office, dans sa décision de demande de justification, a examiné d’autres sources comme il est indiqué plus en détail aux paragraphes 54 à 71 de ladite décision.

[27] L’Office a conclu que même s’il y a des contradictions et des incohérences dans le sens qui est donné au terme « retard » à l’article 19 de la Convention, il est clair que l’intention de cet article est de faire en sorte que le sens de « retard » soit déterminé au cas par cas. Plus particulièrement, le fait de savoir si une situation d’annulation ou de surréservation constitue un retard dépendra des circonstances particulières de l’affaire, ainsi que de l’interprétation par les tribunaux des questions de fait et de droit en cause. L’Office reconnaît également que certains tribunaux établissent des critères précis pour déterminer si une situation de fait particulière est un « retard » au sens de l’article 19 de la Convention.

Positions des parties

[28] Air Canada, dans sa réponse à la décision de demande de justification, a rejeté, pour deux motifs principaux, l’opinion préliminaire de l’Office voulant que les situations de surréservation et d’annulation qui relèvent du contrôle d’Air Canada constituent un retard aux fins de l’application de l’article 19 de la Convention.

Pertinence de savoir si la surréservation et l’annulation peuvent être caractérisées comme un retard en vertu de l’article 19 de la Convention pour l’examen de la validité des règles du tarif intérieur

[29] Air Canada est d’avis que la question de savoir si la surréservation et l’annulation constituent un retard aux fins de l’application de la Convention n’est pas pertinente à l’examen de la validité de la règle 37(B) du tarif intérieur d’Air Canada, bien qu’elle soit pertinente pour déterminer si l’article 19 de la Convention s’applique à la requête en dommages-intérêts d’un passager.

[30] Air Canada affirme que l’article 19 de la Convention et les règles du tarif intérieur en question ont deux objectifs distincts, et n’entrent donc pas en conflit l’un avec l’autre. L’article 19 de la Convention porte sur la responsabilité du transporteur dans toute action en dommages‑intérêts en cas de retard, tandis que la règle 37(B) porte sur les mécanismes de réacheminement applicables dans le cadre du contrat de transport dans des situations de surréservation et d’annulation.

[31] Air Canada renvoie à l’article 27 de la Convention qui prévoit que les transporteurs ont le droit d’établir des conditions de transport, pourvu qu’elles n’entrent pas en conflit avec la Convention.

[32] Air Canada fait valoir qu’elle reconnaît qu’il y a des situations où une annulation ou une surréservation sur lesquelles elle exerce un contrôle causera un retard à un passager. Toutefois, un tarif se veut d’application générale pour énoncer la politique d’un transporteur, tandis que la Convention porte sur la responsabilité d’un transporteur dans des situations particulières, comme une action en dommages‑intérêts.

[33] Air Canada indique que lorsque le tarif intérieur est interprété dans son ensemble, il prévoit que si Air Canada ne respecte pas la règle 37(B), un passager a le droit de déposer une plainte auprès de l’Office, qui a la compétence pour déterminer si des règles du tarif intérieur ont été appliquées de façon adéquate, et de façon distincte du droit d’un passager à demander une indemnisation si la même situation a causé des dommages aux termes de l’article 19 de la Convention. Air Canada affirme que la compétence de l’Office se limite à ce que prévoit l’article 67.1 de la LTC.

[34] Air Canada fait remarquer que la Convention ne vise pas à traiter de toutes les questions relatives au transport aérien et que le tarif intérieur d’Air Canada n’empêche pas le droit d’un passager de réclamer des dommages-intérêts pour un retard. Il n’y a donc aucun conflit avec l’article 19 de la Convention de Montréal, ni aucune tentative d’en éliminer les effets.

[35] Selon Air Canada, cette situation se distingue d’un cas où une disposition tarifaire s’inscrit dans la portée de la Convention, par exemple lorsque des dispositions affectant les droits des passagers de réclamer des dommages-intérêts sont remises en question, une situation abordée dans l’affaire McCabe c. Air Canada, décision no 227‑C‑A‑2008.

[36] Air Canada ajoute que les législateurs de partout dans le monde ont légiféré sur les situations de surréservation et d’annulation dans l’industrie du transport aérien de façon distincte des situations de retard d’aéronefs.

[37] Selon Air Canada, les tribunaux ont également maintenu l’application de l’article 19 de la Convention d’une manière distincte et parallèle à l’application des conditions portant sur le réacheminement dans le contrat de transport d’un transporteur. Air Canada indique que l’Office a implicitement reconnu cette distinction en adoptant une approche en deux étapes pour les cas qui portent sur les plaintes de passagers à l’égard de l’application de dispositions tarifaires, notamment la question de savoir si une règle a été appliquée correctement et si des dommages ont été causés en raison d’un retard en vertu de la Convention.

[38] En somme, Air Canada indique qu’elle ne considère pas approprié d’interpréter la règle 37(B) du tarif sur le réacheminement des passagers avec les dispositions de l’article 19 de la Convention qui, de son côté, porte sur la responsabilité du transporteur aérien et sur la portée de l’indemnité pour des dommages en cas de retard, alors que la compétence de l’Office à cet égard est limitée.

[39] M. Lukács fait valoir qu’il accepte les constatations de l’Office selon lesquelles la surréservation et l’annulation qui relèvent du contrôle d’Air Canada constituent un retard au sens de l’article 19 de la Convention et que dans certaines situations, des faits et des circonstances clairs pourraient mener à conclure à l’inexécution d’un contrat de transport.

[40] M. Lukács réfère également à une présentation d’Air Canada à l’égard de l’affaire Lukàcs c. United Airlines, 2009 MBQB 29 (demande d’autorisation d’appel rejetée; 2009 MCBA 111). M. Lukàcs soutient qu’Air Canada cite mal cette affaire car elle ne donne pas de poids à la proposition d’Air Canada voulant que la responsabilité en vertu de l’article 19 de la Convention soit séparée et indépendante de l’obligation de réacheminer les passagers.

[41] M. Lukács fait remarquer qu’Air Canada semble contester la compétence de l’Office pour juger la présente affaire en renvoyant à la décision de l’Office dans l’affaire Yehia c. Air Canada, décision no 185-C-A-2003.

[42] M. Lukács conteste cette position en renvoyant à la nature de l’Office en tant qu’organisme quasi judiciaire de réglementation et à l’intention claire du Parlement d’établir un régime réglementaire pour le transport aérien plutôt que de laisser les particuliers se « battre » contre les transporteurs aériens. Il affirme que l’intention de la loi est clairement établie dans le paragraphe 67.2(1) de la LTC qui confère à l’Office le pouvoir de suspendre ou d’annuler des dispositions tarifaires et de leur en substituer de nouvelles si elles sont déraisonnables ou injustement discriminatoires, indépendamment des pouvoirs d’appliquer les tarifs que détient l’Office en vertu de l’article 67.1 de la LTC. M. Lukács ajoute que le paragraphe 67.2(1) accorde à l’Office le pouvoir d’intervenir avant le voyage, tandis que l’article 67.1 lui permet de juger une plainte après les faits pour faire appliquer le tarif d’un transporteur aérien.

[43] Sur cette question, M. Lukács conclut que le Parlement a décidé d’accorder à l’Office des pouvoirs beaucoup plus larges que ceux qu’exercent généralement les cours supérieures, car les tribunaux appliquent seulement les tarifs et la Convention, tandis que l’Office a le pouvoir d’annuler ou de substituer une disposition tarifaire qui n’est ni juste ni raisonnable, comme mesure visant à protéger le public voyageur de conditions déraisonnables établies dans des contrats.

[44] En ce qui a trait à l’affaire Yehia, M. Lukács est d’avis que cette affaire concernait une plainte concrète à l’égard du défaut d’un transporteur aérien de se conformer à ses tarifs publiés et entrait dans la portée de l’article 113.1 du RTA qui se distingue du cas présentement devant l’Office, qui concerne le caractère raisonnable de certaines dispositions tarifaires et relève donc du paragraphe 67.2(1) de la LTC. M. Lukács conclut que l’affaire Yehia n’est pas pertinente, car l’Office, dans le cas présent, se penche sur la question du caractère raisonnable de la règle 37(B) au sens du paragraphe 67.2(1) de la LTC.

[45] Pour ce qui est de la pertinence de l’article 19 au caractère raisonnable de la règle 37(B), M. Lukács fait valoir qu’Air Canada semble laisser entendre que les dispositions tarifaires, qui causent ou pourraient causer des dommages aux passagers et qui engagent une responsabilité juridique, pourraient être raisonnables au sens de la LTC. M. Lukács n’est pas d’accord avec cette position et renvoie aux paragraphes 125 et 126 de la décision de demande de justification de l’Office avec laquelle il est d’accord, et dans laquelle l’Office a indiqué que l’article 19 impose à un transporteur une obligation, soit celle de transporter un passager conformément au contrat conclu, sans délai. Le défaut de satisfaire à cette exigence crée une présomption de responsabilité résultant de tout retard. M. Lukács cite par ailleurs la jurisprudence canadienne qui, selon lui, cadre avec les constatations de l’Office.

[46] M. Lukács affirme que les principes de l’article 19 imposent une obligation légale à Air Canada de prendre toutes les « mesures raisonnables » nécessaires pour éviter les retards et les dommages causés  aux passagers et que, d’un autre côté, une disposition tarifaire qui permet à un transporteur de faire moins que prendre « toutes les mesures raisonnables » nécessaires pour éviter les dommages causés aux passagers est déraisonnable puisque cette disposition rendrait légitime la conduite que les auteurs de la Convention de Montréal avaient l’intention de sanctionner et de décourager.

[47] M. Lukács, en somme, fait valoir que le fondement du cas présent est la question de savoir si la règle 37(B) d’Air Canada est raisonnable et en particulier, si les procédures qu’elle décrit cadrent avec le fait qu’un transporteur aérien ait à prendre « toutes les mesures raisonnables » nécessaires pour éviter les dommages causés à ses passagers, selon les principes de l’article 19. Par conséquent, la question de savoir si la surréservation et l’annulation constituent un retard aux fins de l’article 19 de la Convention est pertinente au caractère raisonnable de la règle 37(B).

Analyse et constatations

[48] L’Office est d’accord avec Air Canada que l’article 19 de la Convention traite de la responsabilité d’un transporteur dans une action en dommages-intérêts intentée par un passager relativement à une situation de retard, et que la règle 37(B) du tarif intérieur d’Air Canada porte sur le réacheminement d’un passager en cas de surréservation et d’annulation. Les deux dispositions sont différentes, car l’article 19 de la Convention s’applique de manière générale à tous les transporteurs exploitant des services internationaux assujettis à la Convention et prévoit, dans des circonstances appropriées, l’attribution de dommages-intérêts par les tribunaux civils. La règle 37(B), quant à elle, établit précisément les conditions de transport qu’Air Canada applique en cas de surréservation et d’annulation et qui peuvent faire l’objet d’une plainte à savoir si le tarif a été appliqué de manière adéquate, et s’il est clair, raisonnable ou injustement discriminatoire. En outre, les dommages-intérêts qui peuvent être accordés par un tribunal civil en vertu de l’article 19 de la Convention sont différents de l’indemnisation que l’Office peut accorder en vertu de la LTC. Comme Air Canada l’a souligné en renvoyant à l’affaire Yehia, l’Office a reconnu les limites de sa compétence en vue d’ordonner une indemnisation.

[49] Toutefois, même si l’article 19 et la règle 37(B) peuvent s’appliquer différemment, la seule question devant l’Office relativement à cette plainte particulière porte sur le caractère raisonnable des dispositions du tarif intérieur qui sont contestées en vertu du paragraphe 67.2(1) de la LTC. Comme il en est question dans la constatation préliminaire 1 ci‑dessus, dans le cadre de cette analyse, l’Office peut considérer les principes de la Convention comme facteur devant être pris en compte lorsqu’il traite de la question du caractère raisonnable. Il convient de remarquer que les décisions antérieures de l’Office reflètent deux manières distinctes de considérer la Convention : en examinant si un tarif contrevient directement à la Convention, rendant ainsi la disposition nulle et sans effet, et déraisonnable; ou en se référant aux principes de la Convention pour déterminer le caractère raisonnable d’une disposition tarifaire.

[50] Par conséquent, l’Office est d’avis que l’article 19 de la Convention et la règle 37(B) du tarif intérieur d’Air Canada ne peuvent être pris isolément l’un de l’autre, mais plutôt que les principes de la Convention, s’il y a lieu, peuvent orienter les conditions de transport d’un transporteur quant à la question du caractère raisonnable.

[51] L’Office est d’avis qu’il est raisonnable de considérer la signification à donner au terme « retard » qui se trouve à l’article 19 de la Convention tant dans un contexte intérieur qu’international. Par conséquent, la question de savoir si la surréservation et l’annulation constituent un « retard » au sens de l’article 19 de la Convention sera un des facteurs pris en compte dans l’évaluation du caractère raisonnable du tarif intérieur d’Air Canada.

[52] Air Canada établit une distinction entre le cas présent et d’autres décisions de l’Office comme  l’affaire McCabe qui porte selon elle sur des questions de tarif qui relèvent de la Convention. En fait, dans cette affaire, on a considéré la Convention tant pour déterminer si les dispositions du tarif contestées contrevenaient à la Convention que pour déterminer si elles étaient justes et raisonnables. Cette affaire illustre également le mandat de l’Office d’examiner les questions de tarif en se référant à la Convention.

[53] En somme, l’Office est d’avis que les principes établis dans l’article 19 de la Convention sont pertinents pour  déterminer le caractère raisonnable conformément à l’article 67.2 de la LTC. Plus particulièrement, il convient que l’Office prenne en considération, comme facteur pour évaluer le caractère raisonnable, la question de savoir si les procédures qu’Air Canada a établies cadrent avec le fait qu’un transporteur prenne « toutes les mesures raisonnables » nécessaires pour éviter les dommages causés aux passagers.

Positions des parties

Tous les incidents de surréservation et d’annulation n’entraînent pas un retard ou des dommages

[54] Air Canada souligne que l’Office, au paragraphe 58 de la décision de demande de justification, a fait une détermination préliminaire à savoir que la surréservation et l’annulation qui relèvent du contrôle d’un transporteur ne constituent pas toujours un retard et qu’une telle détermination doit être faite au cas par cas. Air Canada renvoie à la jurisprudence où il est conclu que dans certaines circonstances, une situation de surréservation ou d’annulation constitue l’inexécution d’un contrat et non un retard.

[55] Air Canada renvoie à l’affaire Weiss c. El Al Airlines qui, selon elle, indique que les cas de surréservation où un passager se verrait refuser l’embarquement constituent un cas d’inexécution du contrat réparable aux termes des lois locales et non pas un retard pour lequel un recours exclusif à la Convention s’applique.

[56] Selon Air Canada, un passager pourrait décider de ne pas voyager à la suite d’une surréservation ou d’une annulation qui, selon les circonstances, pourrait constituer l’inexécution d’un contrat; la demande du passager ne serait alors pas assujettie aux limites de responsabilité imposées par la Convention.

[57] Air Canada réfère par ailleurs aux lois américaines, où aucune indemnisation n’est offerte dans un cas de refus d’embarquement lorsque le passager se voit offrir un transport de rechange qui lui permettrait d’arriver à sa destination finale ou à son premier arrêt au plus tard une heure après l’arrivée planifiée du vol initial. Cette législation est semblable aux dispositions qui se trouvent dans la réglementation en vigueur en Europe [(EC) 261/2004].

[58] Air Canada renvoie à la décision de demande de justification de l’Office et aux cas cités aux paragraphes 58 à 70 pour souligner que les tribunaux nationaux n’ont pas tracé une ligne claire entre un retard et l’inexécution d’un contrat de transport aérien. Cela prouve, selon Air Canada, que ce ne sont pas tous les cas de surréservation ou d’annulation d’un vol relevant du contrôle d’un transporteur aérien qui entraînent un retard ou des dommages et qu’aucune présomption générale ne peut être faite, car toutes les situations doivent être évaluées au cas par cas, tout dépendant des faits en cause.

[59] Selon Air Canada, si l’Office présume que la surréservation et l’annulation relevant du contrôle d’Air Canada constituent un retard ou entraînent des dommages, il viendrait non seulement effectivement enlever aux tribunaux nationaux canadiens leur compétence pour déterminer ce que constitue un retard par rapport à l’inexécution, l’évaluation des dommages et la considération de la défense du transporteur, mais aussi accorder de tels pouvoirs décisionnels aux agents d’aéroport qui appliqueraient l’approche de l’Office axée sur les circonstances. Air Canada affirme que cette considération est liée à la raison pour laquelle les auteurs de la Convention ont sciemment décidé de ne pas définir le mot « retard » dans la Convention afin que les tribunaux nationaux compétents le déterminent au cas par cas.

[60] Air Canada conclut que l’Office irait à l’encontre des principes sous‑jacents de la Convention s’il reconnaissait que les situations de surréservation et d’annulation, même relevant du contrôle d’Air Canada, sont présumées être des retards ou causer des dommages en vertu de la Convention.

[61] M. Lukács souligne que contrairement aux présentations d’Air Canada, l’Office n’a jamais indiqué que toutes les surréservations et annulations constituaient des « retards » et entraient dans la portée de l’article 19 de la Convention, mais plutôt que la Convention créé une forte présomption en faveur d’un retard et contre l’inexécution, qui se produit seulement dans certains cas exceptionnels.

[62] Selon M. Lukács, ce n’est pas vrai que, comme l’affirme Air Canada, en créant une forte présomption en faveur d’un retard et contre une inexécution, l’Office empiète sur la compétence des tribunaux pour juger cette question au cas par cas, car la présomption d’un retard n’empêche pas un transporteur de déplacer cette présomption dans une poursuite en dommages-intérêts.

[63] M. Lukács ajoute que l’Office a correctement conclu que, parce que les auteurs ont voulu que la Convention soit préventive, il y a une forte présomption en faveur d’un retard. M. Lukács affirme que, comme le concède Air Canada, un tarif vise à être d’application générale. Ainsi, l’Office a correctement conclu qu’il serait déraisonnable de permettre à un transporteur de faire moins que de prendre toutes les mesures raisonnables nécessaires pour éviter les dommages causés à ses passagers. M. Lukács résume en indiquant que l’essence de la constatation de l’Office est qu’un transporteur doit prendre « toutes les mesures raisonnables » nécessaires pour éviter des situations qui, dans la plupart des cas, viendraient engager une responsabilité juridique en vertu de la Convention.

[64] M. Lukács renvoie aux références d’Air Canada à des lois américaines et européennes qui n’exigent pas qu’un transporteur paie une indemnité forfaitaire aux passagers en cas de courts retards. M. Lukács indique que la loi n’empêche pas les passagers d’exercer leur droit d’intenter des actions en vertu de la Convention ou d’autres règlements ou lois.

[65] M. Lukács conclut que l’Office, dans ses décisions antérieures à l’égard d’itinéraires intérieurs et internationaux qui ne sont pas assujettis à la Convention, s’est penché sur les principes de la Convention pour s’orienter dans l’évaluation de la question de savoir si une disposition tarifaire particulière était raisonnable. M. Lukács conclut  que, pour ces quelques cas exceptionnels où la surréservation ou l’annulation n’entre pas dans la portée de la Convention, Air Canada a tout de même l’obligation de prendre toutes les mesures raisonnables nécessaires pour éviter les dommages causés aux passagers.

Analyse et constatations

[66] Dans la décision de demande de justification, l’Office a reconnu qu’il pouvait y avoir un nombre limité de situations où la surréservation et l’annulation ne constituent pas un retard, mais plutôt une inexécution du contrat et qui, par conséquent, ne seraient pas visées par les limites de responsabilité établies dans la Convention. L’Office reconnaît au paragraphe 72 de la décision de demande de justification que lorsqu’il sera saisi d’autres plaintes présentant des situations de fait différentes, l’Office sera en mesure de clarifier les conditions qui constituent une inexécution.

[67] Air Canada souligne le fait que les auteurs de la Convention étaient conscients de la difficulté de définir ce qui constitue un retard, et que les tribunaux eux-mêmes ont eu de la difficulté à tracer la ligne entre un retard et l’inexécution d’un contrat de transport. Cela fait que les situations où le retard peut être en cause doivent être évaluées au cas par cas, et selon les faits. Par conséquent, Air Canada fait valoir qu’il serait incohérent que l’Office présume que les situations de surréservation et d’annulation constituent un retard et qu’elles entraînent des dommages en vertu de la Convention. Il est important de noter que l’Office n’a pas conclu, de façon préliminaire, que le tarif intérieur d’Air Canada doit toujours présumer que la surréservation et l’annulation constituent un retard. L’Office est toutefois d’avis que les situations de surréservation ou d’annulation peuvent correspondre à la définition de retard à l’article 19 de la Convention et que dans de nombreux cas, il y aura effectivement un retard. La disposition du tarif intérieur d’Air Canada devrait donc prévoir ces situations, le cas échéant.

[68] Air Canada renvoie également aux lois américaines et européennes où aucune indemnisation n’est offerte dans un cas de refus d’embarquement si un passager arrive à l’intérieur d’une période préétablie après l’heure d’arrivée prévue. L’Office reconnaît que la différence entre l’heure d’arrivée réelle à une destination dans des situations de retard comparativement à l’heure d’arrivée prévue est un facteur qu’Air Canada devrait prendre en compte lorsqu’elle détermine quelles solutions de rechange sont à la disposition d’un passager. L’Office en tient compte dans son approche axée sur les circonstances.

[69] Contrairement aux affirmations d’Air Canada selon lesquelles les constatations de l’Office dans sa décision de demande de justification viendraient effectivement retirer la compétence des tribunaux canadiens pour déterminer la question de retard par rapport à l’inexécution, la décision de l’Office, pour appliquer une approche au cas par cas, ne retire aucunement cette compétence potentielle d’un tribunal, ni aucune compétence d’un tribunal sur l’évaluation des dommages ou la considération de la défense d’un transporteur. Les constatations de l’Office dans la décision de demande de justification permettent simplement d’évaluer le caractère raisonnable des dispositions contestées du tarif intérieur d’Air Canada.

Conclusion

[70] L’Office a déterminé que la surréservation et l’annulation qui relèvent du contrôle d’un transporteur peuvent être caractérisées comme étant un retard. Par conséquent, l’Office est d’avis qu’en considérant le caractère raisonnable des dispositions contestées du tarif intérieur, des références doivent être faites aux principes de l’article 19 de la Convention, qui constitue une considération valide et pertinente.

CONSTATATION PRÉLIMINAIRE 3 : LA RÈGLE 37(B)(2) DU TARIF D’AIR CANADA QUI EXCLUT LA POSSIBILITÉ DE RÉACHEMINER UN PASSAGER SUR UN VOL DE N’IMPORTE QUEL TRANSPORTEUR, SAUF CEUX AVEC LESQUELS UN ACCORD INTERCOMPAGNIES A ÉTÉ CONCLU, EST TROP RESTRICTIVE ET DÉRAISONNABLE. LES RÈGLES 37(B)(1) ET 37(B)(2) DU TARIF D’AIR CANADA SONT DÉRAISONNABLES CAR ELLES LAISSENT À AIR CANADA SEULEMENT LE CHOIX D’OPTIONS DE RÉACHEMINEMENT.

A) RÉACHEMINEMENT VERS UN TRANSPORTEUR AVEC LEQUEL AIR CANADA A UN ACCORD INTERCOMPAGNIES

Décision de demande de justification

[71] Dans la décision de demande de justification, l’Office a indiqué que cette plainte implique une évaluation du caractère raisonnable des dispositions du tarif intérieur d’Air Canada portant sur la surréservation et l’annulation. Ainsi, l’Office doit examiner ces dispositions en vertu du paragraphe 67.2(1) de la LTC, tout en tenant compte des principes de l’article 19 de la Convention et en s’assurant que le tarif intérieur est conforme à ces principes.

[72] L’Office a conclu que la règle 37(B) d’Air Canada ne prévoit pas la possibilité qu’un passager puisse, dans les circonstances appropriées, être réacheminé sur le vol de n’importe quel autre transporteur peu importe qu’Air Canada ait conclu ou non un accord intercompagnies avec lui. La règle contient plutôt une liste fermée de mesures qu’Air Canada doit prendre à la suite d’une surréservation ou d’une annulation.

[73] Après avoir examiné la jurisprudence sur l’article 19 de la Convention, l’Office a établi une approche axée sur les circonstances, puisque les tribunaux tiennent compte des circonstances particulières d’une situation pour déterminer si le transporteur a pris toutes les mesures pouvant  raisonnablement être exigées pour éviter les dommages causés par un retard. L’Office a exprimé l’opinion préliminaire qu’en appliquant ces principes dans le contexte intérieur, une approche axée sur les circonstances est une approche raisonnable pour traiter des questions de surréservation et d’annulation lorsque les circonstances d’un passager sont communiquées à Air Canada. Par exemple, le facteur temps associé à l’objet du voyage du passager est un facteur à considérer dans l’application de cette approche.

[74] L’Office a conclu qu’en appliquant le critère d’évaluation pour évaluer le caractère raisonnable de la règle 37(B)(2), il serait trop restrictif d’exiger qu’Air Canada réachemine des passagers sur le trajet le plus rapide disponible dans tous les cas. Toutefois, l’Office a également exprimé l’opinion préliminaire qu’en raison du vaste réseau et des accords intercompagnies mutuels d’Air Canada, une disposition qui prévoit, dans des circonstances appropriées, le réacheminement sur le vol d’un transporteur avec lequel Air Canada n’a pas conclu d’accord intercompagnies, aura une incidence opérationnelle et commerciale minimale sur Air Canada. L’Office a indiqué que, selon toute probabilité, le réseau d’Air Canada répondra à bon nombre de situations de surréservation et d’annulation de vols qui relèvent de son contrôle.

[75] L’Office, tout en notant l’argument d’Air Canada que les accords intercompagnies sont une pratique de l’industrie et que ces accords peuvent simplifier le processus de changement de réservation, a indiqué qu’une pratique de l’industrie ne signifie pas, en soi, que la pratique est raisonnable. L’Office a indiqué qu’il n’est pas préoccupé par la pratique à l’égard des vols des transporteurs avec lesquels un accord intercompagnies a été conclu, mais plutôt par les circonstances particulières dans lesquelles le réacheminement sur le trajet le plus rapide disponible pourrait être une mesure raisonnable pour éviter les dommages causés aux passagers.

[76] L’Office a également noté l’argument d’Air Canada selon lequel son programme J’y serai est un avantage supplémentaire pour les passagers qui veulent s’assurer qu’ils auront l’occasion de tirer profit du transport avec n’importe quel transporteur aérien dans une situation où il y a une interruption de service qui relève ou non du contrôle du transporteur. L’Office était d’avis que cela pourrait fournir un avantage supplémentaire pour les passagers qui veulent de la certitude en cas de retard sans qu’il soit nécessaire de justifier une raison axée sur les circonstances pour le transport sur les vols d’un autre transporteur aérien avec lequel Air Canada n’a pas conclu d’accord intercompagnies. Toutefois, ce service payant ne détourne pas l’opinion préliminaire susmentionnée de l’Office, soit qu’il est déraisonnable d’adopter une approche restrictive à l’égard du réacheminement comme il est actuellement établi dans la règle 37(B).

[77] L'Office a enjoint à Air Canada de justifier pourquoi la règle 37(B)(2) du tarif ne devrait pas être jugée déraisonnable en vertu du paragraphe 67.2(1) de la LTC.

Positions des parties

[78] Dans sa réponse, Air Canada affirme qu’elle apprécie le fait que l’Office a déterminé qu’il serait trop restrictif et coûteux d’obliger Air Canada à réacheminer tous les passagers qui ont subi un retard en raison d’une surréservation ou d’une annulation sur « le trajet le plus rapide disponible ».

[79] Cependant, Air Canada soutient que la règle 37(B)(2) du tarif est raisonnable comme elle est rédigée, même si elle ne prévoit pas le réacheminement des passagers, dans certaines circonstances, sur « le trajet le plus rapide disponible ».

[80] Air Canada rejette l’opinion de l’Office sur cette question pour trois raisons : (1) l’article 19 de la Convention n’impose pas une obligation aux transporteurs de réacheminer les passagers sur le trajet le plus rapide disponible dans certaines circonstances; (2) le mécanisme de réacheminement prévu à la règle 37(B)(2) est clair et s’applique collectivement; (3) la règle 37(B)(2) est raisonnable compte tenu des opérations et des obligations commerciales d’Air Canada.

1. L’article 19 de la Convention n’impose pas une obligation aux transporteurs de réacheminer les passagers sur le trajet le plus rapide disponible dans certaines circonstances.

[81] Air Canada fait valoir que la défense de « toutes les mesures raisonnables » de l’article 19 de la Convention ne devrait pas être lue comme une obligation ferme imposée aux transporteurs pour qu’ils réacheminent les passagers sur « le trajet le plus rapide disponible ». L’article 19 de la Convention traite des responsabilités des transporteurs dans une action en dommages-intérêts en cas de retard. Il crée une présomption de responsabilité pour faciliter les réclamations des passagers, tout en plafonnant la responsabilité du transporteur.

[82] Air Canada est d’avis que l’expression « toutes les mesures qui pouvaient raisonnablement s’imposer » ne peut être prise qu’au sens d’un mécanisme de défense que les transporteurs peuvent utiliser dans une action en dommages-intérêts en cas de retard. Air Canada soulève le fait que les tribunaux n’ont pas évalué les dispositions tarifaires d’un transporteur en fonction du mécanisme de défense « toutes les mesures qui pouvaient raisonnablement s’imposer » en vertu de l’article 19 de la Convention. Air Canada affirme donc que l’Office ne devrait pas lui imposer une obligation de réduire la responsabilité avant que les dommages se produisent, puisque la question d’atténuation est seulement une défense qui peut être utilisée au cas par cas.

[83] Air Canada fait valoir que si l’Office transforme la défense des mesures nécessaires de l’article 19 en une obligation ferme de réacheminer les passagers, dans certaines circonstances sur « le trajet le plus rapide disponible », une telle obligation se limiterait à Air Canada ou, au mieux, aux transporteurs aériens qui relèvent de la compétence de l’Office.

Analyse et constatations

[84] Contrairement à un tribunal civil, l’Office a le mandat d’examiner les dispositions du tarif intérieur contestées dans le contexte de la loi habilitante de l’Office qui, dans le cadre de la présent plainte, nécessite l’examen du caractère raisonnable des dispositions du tarif intérieur en cause, ce qui pourrait être très différent de la considération d’une affaire par un tribunal civil. Comme il a été mentionné ci-dessus, l’Office a clairement le mandat d’examiner les conditions de transport établies par un transporteur selon divers points de vue, mandat qui peut être différent de l’approche adoptée par les tribunaux pour évaluer les réclamations en dommages-intérêts.

2. Le mécanisme de réacheminement prévu à la règle 37(B)(2) est clair et s’applique collectivement.

Positions des parties

[85] Air Canada fait valoir qu’un tarif n’a pas à être rédigé de manière à prévoir des circonstances exceptionnelles. Elle cite des décisions antérieures dans lesquelles l’Office reconnaît que pour déterminer si une condition de transport est raisonnable, l’Office doit tenir compte du fait que les transporteurs aériens sont tenus d’établir et d’appliquer des conditions de transport qui s’appliquent à tous les passagers et non pas à un seul en particulier2. Air Canada fait remarquer que cela a été reconnu expressément dans l’affaire Lloyd Alter c. Air Canada, décision no 426‑C‑A‑2009, dans laquelle l’Office a conclu que :

[18] La politique d'Air Canada doit s'appliquer à un vaste éventail d'objets semblables et il n'est pas déraisonnable que la politique soit appliquée uniformément à une catégorie d'objets, peu importe qu'un article individuel de cette catégorie puisse avoir des caractéristiques qui le différencie de la catégorie générale. Il pourrait être justif[i]é qu'un employé puisse décider si des caractéristiques exceptionnelles devraient exempter l'article individuel de la manutention ou des conditions appliquées à la catégorie générale à laquelle il appartient. Toutefois, il n'est pas non plus déraisonnable qu'un transporteur aérien insiste que la politique soit appliquée uniformément pour des raisons opérationnelles. En refusant de le faire, on pourrait engendrer des attentes irréalistes de la part d'un consommateur en ce qui a trait à ses futurs voyages.

[86] Air Canada fait valoir que l’approche axée sur les circonstances est irréaliste sur le plan opérationnel et créerait de la confusion pour l’application de la règle du tarif intérieur, car les agents du transporteur à l’aéroport auraient la responsabilité de déterminer de manière subjective les besoins de chaque personne touchée.

[87] M. Lukács n’est pas d’accord avec Air Canada que la mise en œuvre des mesures donnant suite aux constatations de l’Office entraînerait un manque de clarté. Il prétend qu’une approche axée sur les circonstances signifie un examen des façons possibles de réacheminer un passager resté sur place, et du retard total que chacune de celles-ci entraînerait pour le passager.

[88] Il ajoute que cette analyse n’a pas à être subjective. Des critères pourraient facilement être établis pour les circonstances qui justifient le réacheminement d’un passager vers une compagnie aérienne avec laquelle il n’y a pas d’accord intercompagnies, notamment :

  1. la non-disponibilité le même jour de sièges sur les vols des transporteurs avec lesquels il y a un accord intercompagnies, alors que des sièges sont disponibles le même jour ailleurs;
  2. si le réacheminement vers un transporteur avec lequel il y a un accord intercompagnies entraîne un retard de plus de huit heures, alors que le réacheminement vers un autre transporteur entraînerait un retard plus court, alors le transporteur avec lequel il n’y a pas d’accord intercompagnies devrait être privilégié.

Analyse et constatations

[89] L’Office a examiné les arguments d’Air Canada contre la rédaction d’un tarif qui reflète une approche axée sur les circonstances et a examiné la décision dans l’affaire Alter. Cette affaire portait sur les droits de manutention exigés par Air Canada à l’égard des bicyclettes. Le demandeur faisait valoir que sa bicyclette était repliée et dans un bagage ordinaire, semblable à n’importe quel autre type de bagage. Bien que le demandeur ait demandé que sa bicyclette reçoive le même traitement que tout autre bagage enregistré, l’Office a conclu qu’il était raisonnable qu’Air Canada applique sa politique relative aux bicyclettes à toutes les bicyclettes.

[90] L’Office estime qu’il faut faire une distinction entre une disposition d’un tarif rédigée pour s’appliquer à un seul passager ou à des situations exceptionnelles, et un tarif qui offre suffisamment de souplesse pour satisfaire au droit d’un passager de bénéficier de conditions de transport raisonnables de même qu’aux principes établis dans la Convention.

[91] Dans la présente affaire, la règle 37(B) du tarif n’est pas une règle simple applicable à une catégorie d’objets, comme dans l’affaire Alter. La règle 37(B) établit plutôt une liste de mesures de rechange à prendre dans le cas d’une surréservation ou d’une annulation. La liste des mesures est nécessairement laissée à la discrétion et au jugement des agents d’Air Canada : à savoir si on doit privilégier le réacheminement sur un vol d’Air Canada ou sur un vol d’un transporteur intercompagnies.

[92] Air Canada fait valoir que ses agents exercent des tâches et des responsabilités particulières en cas de surréservation ou d’annulation, notamment la façon de réacheminer adéquatement un passager. La disposition tarifaire exige actuellement que les agents d’Air Canada procèdent à cet exercice pour l’itinéraire de chaque passager touché. L’Office reconnaît l’argument de M. Lukács voulant qu’Air Canada peut établir des critères pour aider ses agents à déterminer s’il faut choisir un transporteur avec lequel il y a ou non un accord intercompagnies.

[93] Par conséquent, l’Office estime qu’Air Canada n’a pas démontré que l’approche axée sur les circonstances est irréaliste sur le plan opérationnel, ni que l’adoption d’une approche axée sur les circonstances entraînerait de la confusion quant à son tarif intérieur et ne pourrait s’appliquer collectivement à tous les passagers.

3. La disposition du tarif intérieur est raisonnable compte tenu des opérations et des obligations commerciales d’Air Canada.

Positions des parties

[94] En réponse à la décision de demande de justification, Air Canada a d’abord fait des observations générales concernant le caractère raisonnable de la disposition de son tarif intérieur. Elle a ensuite soulevé trois arguments à prendre en compte dans l’exercice d’équilibre, en faveur du caractère raisonnable de la disposition de son tarif intérieur : l’étendue de son partage de codes et de son réseau intercompagnies sur les routes internationales; les désavantages commerciaux et concurrentiels qu’elle subirait si elle était tenue de réacheminer les passagers sur le trajet le plus rapide disponible; et les désavantages opérationnels que subiraient les passagers s’ils étaient réacheminés sur des vols de transporteurs avec lesquels Air Canada n’a pas conclu d’accord intercompagnies. L’Office a examiné chacun de ces arguments.

(a) Observations générales sur le caractère raisonnable de la règle 37(B)(2)

[95] Air Canada cite les affaires Wasserman c. Air Transat, décision no 681‑C‑A‑2004, et Primeau, et allègue que l’Office a déterminé dans celles-ci que des dispositions semblables à celles de la règle 37(B) du tarif d’Air Canada sont raisonnables.

[96] M. Lukács soutient que les normes de l’industrie ont changé depuis l’affaire Wasserman.

Analyse et constatations

[97] L’Office estime que les affaires Wasserman et Primeau sont différentes de la présente affaire.

[98] En ce qui a trait à l’affaire Wasserman, Air Canada fait remarquer à juste titre que les dispositions du tarif qui étaient contestées dans cette décision étaient semblables à celles actuellement examinées. Toutefois, l’objet de cette plainte était différent de celui actuellement devant l’Office. Dan ce cas, on demandait à l’Office de déterminer si le tarif d’un transporteur devrait obliger celui-ci à rembourser les dépenses supplémentaires engagées par un passager qui prend d’autres dispositions à la suite de l’annulation d’un vol qui se produit dans les 10 jours de la date de départ prévue. Dans ce contexte, l’Office a conclu que la disposition tarifaire qui exigeait qu’Air Transat offre des vols de remplacement ou un remboursement était raisonnable. La présente affaire porte sur la nature des vols de remplacement et le remboursement offert.

[99] Dans l’affaire Primeau, l’Office devait se pencher sur la question du déroutement du vol à la suite d’un bris mécanique de l’aéronef. M. Primeau prétendait qu’il était déraisonnable que le tarif d’Air Canada lui permette de dérouter un vol vers une autre destination pour des raisons autres que des conditions météorologiques ou d’ordre mécanique. Là encore, l’objet de la décision était différent de la présente plainte.

[100] De plus, dans aucune de ces deux affaires n’a-t-on présenté des arguments de même nature que ceux soulevés par M. Lukács concernant les principes de la Convention.

[101] En outre, même si l’Office a statué sur une question semblable dans le passé, la Cour suprême du Canada a indiqué dans l’arrêt IWA c. Consolidated-Bathurst Packaging Ltd.3 que les membres de tribunaux administratifs comme l’Office ne sont pas liés par le principe du stare decisis. Le manuel intitulé « Administrative Law in Canada » offre une explication utile à cet égard:

[traduction]

Les tribunaux peuvent tenir compte de leurs décisions antérieures, mais ne devraient pas considérer celles-ci comme créant un précédent contraignant. Le principe du stare decisis ne devrait pas être appliqué parce que les tribunaux doivent disposer de la souplesse voulue pour s’adapter aux nouvelles situations et à l’évolution de la société.

[…]

Cette souplesse permet à un tribunal d’appliquer l’intérêt public d’une manière qui reflète l’évolution de la politique et qui régit efficacement les relations dynamiques et durables entre les parties. Un tribunal peut autoriser une remise en cause et peut arriver à une conclusion différente, sans risque d’intervention de la cour. Toutefois, l’importance de la stabilité dans une industrie exige qu’un tribunal ait de bonnes raisons pour infirmer ses décisions.

[…]

Le principe du stare decisis ne s’applique pas aux tribunaux. Un tribunal n’est pas tenu de suivre ses propres décisions antérieures sur des questions semblables. Ses décisions peuvent refléter de nouvelles circonstances et l’évolution de la politique dans le domaine qu’il régit4.

[102] Enfin, Air Canada fait valoir que les affaires Assaf c. Air Transat A.T. Inc., [2002] J.Q. no 8391, Quesnel c. Voyages Bernard Gendron inc., [1997] J.Q. no 5555 et Mohammad c. Air Canada, 2010 QCCQ 6858, ne devraient pas être utilisées comme une indication de l’obligation de transporter un passager sur le trajet le plus rapide disponible, car les tribunaux n’ont pas été appelés à faire la distinction entre les transporteurs parties à un accord intercompagnies et ceux qui ne le sont pas ou à analyser le caractère adéquat en vertu de la Convention d’avoir recours seulement à des transporteurs avec lesquels un accord intercompagnies a été conclu.

[103] L’Office n’a pas cité l’affaire Quesnel dans son raisonnement, mais l’affaire Assaf a été citée comme exemple d’une approche axée sur les circonstances adoptée par les tribunaux relativement aux réclamations en vertu de l’article 19 de la Convention. L’Office conclut que cette dernière affaire est pertinente à son argument en faveur d’une approche axée sur les circonstances.

[104] Le principe découlant de l’affaire Mohammad est que les tribunaux examineront la question de savoir si un vol avec un autre transporteur a été offert. En fait, la Cour a indiqué que la disposition tarifaire applicable exigeait d’offrir du transport avec « un autre transporteur » dans le cas d’un déroutement involontaire. La disposition du tarif ne se limitait pas à trouver un siège à bord d’un vol d’un transporteur avec lequel un accord intercompagnies existe.

[105] Tant dans l’affaire Mohammad que dans l’affaire McMurry c. Capitol International Airways, Misc. 2d 720 à 722, que l’Office a également citée dans sa demande de justification, les passagers ont pris eux-mêmes d’autres dispositions, et le transporteur a été tenu de payer pour ces dispositions. En d’autres termes, la Cour a estimé que la capacité des passagers à trouver un vol avec un autre transporteur était un facteur déterminant quant à savoir si le transporteur avait pris toutes les mesures raisonnables pour éviter un retard conformément à l’article 19 de la Convention. L’Office conclut que cet aspect de ces affaires est pertinent à la question du réacheminement.

(b)  Caractère raisonnable : le critère d’évaluation

(i)  Étendue du réseau intérieur d’Air Canada
Positions des parties

[106] En réponse à la décision de demande de justification de l’Office, Air Canada affirme que le mécanisme de réacheminement actuellement offert au sein de son réseau intérieur est bien développé, principalement en raison du grand nombre de vols qu’Air Canada exploite sur des routes intérieures.

[107] Air Canada soutient que lorsqu’un passager se voit refuser l'embarquement ou que son vol est annulé pour des raisons qui relèvent du contrôle d’Air Canada, il sera probablement placé sur un vol subséquent d’Air Canada et arrivera à sa destination quelques heures après son temps d’arrivé prévu à l’origine. À l’appui de cette présentation, Air Canada fournit des statistiques et des prévisions concernant les activités sur ses routes intérieures indiquant qu’elle a plus que la majorité de la capacité du marché intérieur total.

[108] Air Canada conclut que son vaste réseau rend le mécanisme de réacheminement établi dans la règle 37(B) raisonnable puisque le passager subira une incidence minimale si une surréservation ou une annulation devait se produire.

Analyse et constatations

[109] L’Office accepte que la présentation d’Air Canada révèle l’étendue de son réseau intérieur. Cela laisse croire que seulement dans de rares circonstances Air Canada devrait envisager le réacheminement sur le vol d’un transporteur avec lequel elle n’a pas conclu d’accord intercompagnies. L’Office conclut que cela pourrait atténuer l’incidence de l’inclusion d’une telle disposition dans le tarif intérieur d’Air Canada.

[110] L’Office note que, malgré le fait qu’elle ait fourni de nombreux exemples d’options de réacheminement pour les vols intérieurs, Air Canada n’a pas expliqué comment elle choisit l’option de réacheminement qu’elle utilisera. Plus précisément, Air Canada n’a pas expliqué si son choix sera fondé exclusivement sur le premier vol disponible ou sur le trajet le plus rapide parmi les transporteurs de son réseau, ou si d’autres facteurs seront aussi considérés. Par conséquent, la preuve fournie par Air Canada ne démontre pas en quoi il est raisonnable qu’elle se limite au réacheminement sur ses propres vols ou sur ceux d’un transporteur avec lequel elle a conclu un accord intercompagnies.

(ii) Les désavantages commerciaux et concurrentiels pour Air Canada
Positions des parties

[111] Air Canada indique que la pratique répandue de conclure des accords intercompagnies est un facteur clé de la détermination du caractère raisonnable de la pratique. Selon Air Canada, en utilisant un exemple de l’achat à la dernière minute d’un billet pour voyager de Montréal à Val d’Or, il serait déraisonnable, et lourd du point de vue financier et opérationnel, qu’elle soit tenue d’acheter un billet auprès d’un transporteur aérien avec lequel elle n’a pas conclu d’accord intercompagnies, et ainsi payer le plein tarif à un concurrent. Dans de tels cas, Air Canada souligne qu’elle ne serait pas en mesure de s’en remettre à une entente négociée en vigueur.

[112] Air Canada fait valoir que l’imposition d’une obligation de réacheminer sur le vol d’un autre transporteur nécessiterait que des négociations contractuelles aient lieu avec les transporteurs intérieurs. Air Canada soutient qu’elle aurait très peu de marge de manœuvre pour les négociations et qu’il est important qu’Air Canada ait la discrétion de choisir ses partenaires tout en tenant compte des normes de sécurité et de sûreté, ainsi que de la viabilité commerciale de ses partenaires intérieurs.

[113] Air Canada rejette donc la position préliminaire de l’Office voulant que le réacheminement sur le vol d’un transporteur avec lequel il n’existe pas d’accord intercompagnies aura des répercussions minimales sur le plan opérationnel et commercial. Air Canada fait valoir qu’elle investit des montants importants pour éviter les annulations qui relèvent de son contrôle et pour atténuer les effets de la surréservation d’un vol. À l’égard de la surréservation et de l’annulation, Air Canada a des équipes qui étudient les vols en surréservation à l’avance pour trouver des solutions pour les clients, et elle met en œuvre un programme d’entretien idéal des aéronefs. En raison des quantités importantes d’argent qu’Air Canada affecte pour empêcher les inconvénients pour les passagers dans les cas de surréservation et d’annulation, Air Canada soutient qu’il serait déraisonnable de l’obliger également à acheter des billets plein prix de ses compétiteurs.

[114] Comme point subsidiaire, Air Canada insiste que pour maintenir des règles du jeu équitables avec les autres transporteurs dans le marché canadien, l’exigence de réacheminer sur le vol de n’importe quel transporteur dans certaines circonstances ne devrait pas seulement être imposée à Air Canada. Cette dernière explique que le fait de forcer un transporteur à offrir le produit de ses compétiteurs est contraire aux réalités commerciales et qu’aucune autre industrie ne serait tenue de le faire. Par conséquent, Air Canada fait valoir que tous les transporteurs du marché intérieur devraient être obligés de réacheminer sur les vols de n’importe quel transporteur si l’Office ordonne à Air Canada de le faire.

[115] M. Lukács soutient que la taille du réseau d’Air Canada n’est pas pertinente pour déterminer s’il est raisonnable qu’Air Canada exclut le réacheminement des passagers vers d’autres transporteurs avec lesquels elle n’a pas conclu d’accord d’intercompagnies dans certaines circonstances. Il fait valoir que la taille du réseau d’Air Canada n’aide pas les passagers qui subissent une surréservation ou une annulation sur le dernier vol d’Air Canada une journée donnée et qui pourraient être réacheminés sur le vol d’un autre transporteur aérien le même jour. Cela n’aide pas non plus les passagers qui subissent une surréservation ou une annulation lors des saisons de pointe, lorsque la plupart des vols sont entièrement réservés. Ces situations, selon M. Lukács, sont précisément celles dans lesquelles Air Canada ne devrait pas avoir le droit d’exclure la possibilité d’un réacheminement vers un autre transporteur avec lequel il n’y a pas d’accord intercompagnies.

[116] M. Lukács convient que le réacheminement vers des transporteurs avec lesquels il n’existe pas d’accord intercompagnies entraînerait des dépenses supplémentaires pour Air Canada, mais il soutient que ce seul fait ne justifie pas le caractère raisonnable des dispositions tarifaires en vigueur d’Air Canada. Il affirme que ces dépenses doivent être examinées en fonction du droit des passagers de recevoir les services de transport conformément au contrat conclu, de même qu’en fonction des profits supplémentaires générés par Air Canada.

[117] M. Lukács soutient que le fait d’obliger Air Canada à acheter des sièges à leur juste valeur marchande n’obligerait Air Canada qu’à dépenser le prix réel des dommages que la surréservation ou l’annulation a coûté aux voyageurs.

[118] M. Lukács ajoute qu’à la lumière des éléments de preuve soumis par Air Canada voulant que ces incidents soient rares et du préjudice majeur qu’ils causent aux passagers, les obligations commerciales d’Air Canada ne justifient pas d’empêcher le réacheminement des passagers vers un transporteur avec lequel il n’existe pas d’accord intercompagnies dans certaines circonstances.

[119] Pour ce qui est du désavantage concurrentiel que subirait Air Canada, M. Lukács souligne que WestJet et Air Transat ont récemment accepté de modifier leurs tarifs afin d’inclure la possibilité de réacheminer les passagers vers des transporteurs avec lesquels elles n’ont pas conclu d’accord intercompagnies.

Analyse et constatations

[120] L’Office note qu’en réponse à la décision de demande de justification, Air Canada a fourni peu d’éléments de preuve supplémentaires pour soutenir sa position concernant le désavantage concurrentiel qu’elle subirait et les obligations commerciales dont l’Office devrait tenir compte dans l’évaluation du caractère raisonnable de la règle 37(B) du tarif.

[121] L’Office réitère sa conclusion de la décision de demande de justification que l’existence d’une pratique de l’industrie  n’est pas en soi une garantie qu’une disposition tarifaire sera jugée raisonnable.

[122] Air Canada a fourni un seul exemple de la façon dont son système de règlement intercompagnies lui permettrait d’économiser d’importantes sommes d’argent sur un billet de dernière minute entre Montréal et Val d’Or. L’Office estime que ce seul exemple n’est pas suffisant pour supplanter la constatation préliminaire de l’Office voulant qu’une approche axée sur les circonstances pourrait obliger Air Canada à envisager, dans certaines circonstances, le réacheminement des passagers sur le vol d’un transporteur avec lequel elle n’a pas d’accord intercompagnies.

[123] Comme il a été mentionné précédemment, Air Canada soutient que son réseau intérieur est vaste et domine le marché canadien. Elle fait aussi valoir qu’elle investit d’importantes sommes d’argent et beaucoup d’énergie dans la prévention ou l’atténuation des effets de la surréservation ou de l’annulation. L’Office conclut qu’ensemble, ces règlements limiteraient les répercussions commerciales de l’utilisation du réacheminement des passagers, dans certaines circonstances, sur les vols d’un transporteur avec lequel elle n’a pas d’accord intercompagnies.

[124] Air Canada a également a soulevé des préoccupations de sécurité et de sûreté. En favorisant une approche axée sur les circonstances, l’Office ne vise en aucun cas qu’Air Canada soit forcée de conclure des marchés ou d’adopter des pratiques qui sont non sécuritaires ou qui posent une menace à la sûreté.

[125] Par conséquent, l’Office estime qu’en pratique les répercussions commerciales associées à l’incorporation d’une approche axée sur les circonstances dans le tarif d’Air Canada seraient limitées, étant donné l’étendue de son réseau intercompagnies international. Par extension, le désavantage concurrentiel subi par Air Canada, le cas échéant, serait minime.

(iii) Désavantages opérationnels pour les passagers
Positions des parties

[126] À l’appui de son argumentation, Air Canada fait valoir que le réacheminement n’est pas une procédure simple et qu’il serait impossible sur le plan opérationnel qu’Air Canada achète un siège sur le trajet le plus rapide disponible, peu importe le transporteur.

[127] Air Canada fait valoir que si elle était obligée de réacheminer sur des vols de transporteurs avec lesquels elle n’a pas d’accord intercompagnies dans certaines circonstances, les systèmes d’Air Canada ne pourraient pas « parler » aux systèmes du transporteur compétiteur. Selon Air Canada, cela donnerait lieu à des irritants pour les consommateurs. Air Canada affirme que dans de telles circonstances, la réservation d’un passager pourrait ne pas être gérée ou le passager pourrait faire face à une autre situation de surréservation.

[128] Air Canada ajoute que ses agents à l’aéroport ne sont pas en mesure de conclure un contrat de transport ou d’acheter des billets sur les vols d’autres transporteurs avec lesquels elle n’a pas conclu d’accord intercompagnies. En fait, Air Canada signale que ses agents ne manipulent que de petites quantités d’argent et qu’ils n’ont pas de carte de crédit leur permettant de faire de tels achats. Air Canada ajoute que les agents d’aéroport devraient prendre une décision immédiate au sujet du caractère urgent du voyage du passager.

[129] Air Canada fait valoir que le réacheminement sur les vols d’Air Canada ou de Jazz permet le transfert ordonné des bagages enregistrés, et un système de suivi lorsque les bagages sont retardés. En ce qui a trait à la question d’accords intercompagnies, Air Canada affirme que les accords intercompagnies comprennent des dispositions qui permettent à Air Canada de changer directement la réservation d’un passager pour un vol d’un de ses  partenaires intercompagnies. Air Canada ajoute que ces accords prévoient aussi le règlement des revenus par l’intermédiaire d’un  mécanisme établi, afin qu’un billet puisse être émis sans préoccupations immédiates en ce qui a trait aux méthodes de paiement et au transfert de fonds.

[130] M. Lukács ne croit pas que la présentation d’Air Canada sur la capacité de ses agents d’aéroport de conclure des contrats ou d’acheter des billets sur des vols de transporteurs avec lesquels elle n’a pas conclu d’accord intercompagnies soit crédible. Il fait valoir que WestJet et Air Transat ont accepté de modifier leur tarif pour permettre un tel mécanisme de réacheminement. Il ajoute que rien n’empêche Air Canada de fournir des cartes de crédit à certains de ses mandataires à l’aéroport – par exemple les gestionnaires – pour l’achat de billets sur les vols des compagnies aériennes avec lesquelles elle n’a pas conclu d’accord intercompagnies.

Analyse et constatations

[131] L’Office n’est pas convaincu que, en tentant de concilier les droits des passagers et les difficultés opérationnelles soulevées par Air Canada, il serait déraisonnable d’exiger qu’Air Canada, dans certaines circonstances, envisage le réacheminement vers un transporteur avec lequel il n’existe pas d’accord intercompagnies. Les passagers sont en mesure de changer la réservation de leur propre billet pour un autre transporteur à la dernière minute, et l’Office estime qu’il n’est pas déraisonnable ou irréalisable du point de vue opérationnel qu’Air Canada fasse de même dans les circonstances appropriées.

[132] De plus, l’Office répète que le principe établi dans l’article 19 de la Convention est qu’un transporteur doit prendre des mesures raisonnables pour éviter les dommages causés par le retard. Ce n’est pas dans toutes les circonstances que le réacheminement sur le trajet le plus rapide disponible sera considéré raisonnable. Par exemple, comme le réacheminement d’un passager exige un certain temps et un certain effort, il est possible que des contraintes de temps rendent difficile, voire impossible d’effectuer le réacheminement sur le trajet le plus rapide disponible. L’Office reconnaît qu’Air Canada a besoin de souplesse et d’une discrétion à cet égard, mais il souligne également que cette souplesse et cette discrétion doivent néanmoins respecter les principes de la Convention.

Conclusion à savoir s’il est raisonnable que  les règles 37(B)(1) et 37(B)(2) du tarif prévoient le réacheminement sur les propres aéronefs d’Air Canada ou ceux d'autres transporteurs avec lesquels elle a conclu un accord intercompagnies

[133] La preuve fournie par Air Canada montre que les obstacles de nature commerciale et opérationnelle associés à la possibilité de réacheminement sur un transporteur aérien avec lequel elle n’a pas conclu d’accord intercompagnies, dans les circonstances appropriées, ne se présenteraient que dans des cas restreints. Lorsqu’on tente de concilier le droit des passagers de bénéficier de conditions de transport raisonnables et les principes de la Convention, l’Office estime qu’il est déraisonnable de la part d’Air Canada d’exclure d’emblée cette possibilité dans son tarif intérieur.

[134] L’Office a déterminé qu’Air Canada n’a pas réussi à démontrer pourquoi la règle 37(B)(2) du tarif ne devrait pas être jugée déraisonnable en vertu du paragraphe 67.2(1) de la LTC en raison de son caractère trop restrictif relativement aux questions de surréservation et d’annulation, et être reformulée avec plus d’ouverture afin de permettre le réacheminement, dans certaines circonstances, vers des transporteurs avec lesquels il n’existe pas d’accord intercompagnies. L’Office conclut donc que la règle 37(B)(2) du tarif est déraisonnable.

(B)  LE CHOIX D’OPTIONS POUR LE RÉACHEMINEMENT DES PASSAGERS

Décision de demande de justification

[135] L’Office a exprimé l’opinion préliminaire que dans l’application de l’approche axée sur les circonstances, la règle 37(B) du tarif était déraisonnable, puisqu’un passager doit avoir une certaine discrétion pour choisir entre l’option de prendre un siège sur un vol d’Air Canada ou d’un autre transporteur. Autrement, l’Office a conclu qu’Air Canada aurait seule la discrétion pour choisir ou rejeter l’option de réacheminer un passager sur le vol le plus rapide pour ce passager.

[136] L’Office a fait valoir que cette constatation préliminaire avait pour but de donner effet à sa constatation préliminaire sous le titre (A), soit qu’il est déraisonnable qu’Air Canada se limite à trouver un siège sur le vol d’un transporteur avec lequel elle a conclu un accord intercompagnies.

Positions des parties

[137] Air Canada réitère les observations formulées avant la décision de demande de justification voulant qu’elle dispose de systèmes visant à éviter les inconvénients pour les passagers en cas de surréservation. Elle soutient que selon les règles tarifaires 37(B)(1) et 37(B)(2), comme elles sont actuellement rédigées, les deux options de réacheminement demeurent disponibles pour les passagers, sans qu’Air Canada ait à déterminer le caractère urgent des plans de voyage des passagers. Air Canada affirme que la règle tarifaire 37(B) est conçue de manière à permettre à Air Canada d’être attentive aux besoins de ses passagers, et qu’elle travaille avec les passagers au cas par cas pour trouver une solution qui répond adéquatement à ces besoins. Air Canada fait valoir que l’option de réacheminement appliquée par Air Canada est adaptée à chaque client sur demande. Par conséquent, Air Canada soutient que la disposition tarifaire est raisonnable.

Analyse et constatations

[138] L’Office estime qu’en réponse à la décision de demande de justification, Air Canada n’a pas fourni de nouveaux éléments de preuve pour soutenir le caractère raisonnable du fait qu’elle conserve le choix de réacheminer les passagers sur ses propres vols ou sur ceux d’un autre transporteur. En fait, Air Canada affirme qu’en pratique elle travaille avec les clients au cas par cas pour trouver une solution qui répond à leurs besoins. Cela laisse entendre que les passagers ont leur mot à dire dans le choix de l’option de réacheminement qui sera retenue.

[139] Toutefois, les règles 37(B)(1) et 37(B)(2) indiquent actuellement que c’est Air Canada qui trouvera au passager une place sur un autre vol d’Air Canada, ou, au choix d’Air Canada, réacheminera le passager sur un vol d’un transporteur avec lequel elle a conclu un accord intercompagnies. Ces dispositions n’indiquent pas que le passager a une certaine discrétion ou a son mot à dire dans la détermination de l’option de réacheminement qui serait préférable.

Conclusion quant à savoir s’il est raisonnable qu’Air Canada conserve le choix de l’option de réacheminement en vertu des règles tarifaires 37(B)(1) et 37(B)(2)

[140] L’Office conclut qu’il est déraisonnable que le tarif intérieur d’Air Canada confère à Air Canada l’entière discrétion pour déterminer la meilleure option pour le passager en ce qui a trait à cette question particulière et, en appliquant l’approche axée sur les circonstances, conclut que le passager devrait avoir la discrétion de choisir entre les options disponibles en vertu des règles tarifaires 37(B)(1) et 37(B)(2).

CONSTATATION PRÉLIMINAIRE 4 : LES RÈGLES 37(B)(3), 240(C)(1) ET 260 DU TARIF D’AIR CANADA SONT DÉRAISONNABLES, CAR ELLES NE PRÉVOIENT QU’UN REMBOURSEMENT DE LA PARTIE INUTILISÉE D’UN BILLET.

(A) REMBOURSEMENT DE LA PARTIE INUTILISÉE D’UN BILLET

Décision de demande de justification

[141] Dans la décision de demande de justification, l’Office a indiqué que dans les cas où un retard ou une annulation surviendrait à un point de correspondance pendant un voyage et aurait pour résultat que le voyage du passager n’a plus de raison d’être, le passager pourrait avoir à assumer une partie des coûts directement liés au voyage retardé s’il n’avait droit qu’à un remboursement partiel.

[142] L’Office a noté l’argument d’Air Canada voulant qu’elle serait dans une position de désavantage commercial et opérationnel important par rapport à ses concurrents si elle était tenue d’offrir un remboursement complet sur les routes intérieures. Toutefois, l’Office a indiqué qu’Air Canada n’a présenté aucune preuve de ce désavantage commercial et opérationnel important.

[143] L’Office a également indiqué qu’Air Canada n’a pas traité de la question du retour d’un passager à son point d’origine, dans un délai raisonnable et sans frais supplémentaires, dans les cas où le retard ou l’annulation survient à un point de correspondance pendant un voyage, faisant en sorte que le voyage du passager n’a plus sa raison d’être initiale.

[144] L’Office a demandé à Air Canada de justifier pourquoi ces parties du tarif intérieur d’Air Canada qui prévoient un remboursement seulement de la partie inutilisée du billet d’un passager ne devraient pas être jugées déraisonnables en vertu du paragraphe 67.2(1) de la LTC.

Positions des parties

[145] En réponse à la décision de demande de justification, Air Canada soutient que la conséquence qui résulte de l’affirmation de l’Office qu’il est déraisonnable de rembourser seulement la partie inutilisée d’un billet, même dans les situations qui relèvent du contrôle d’Air Canada, est de rendre Air Canada responsable de l’objet du voyage d’un passager, et cela fait en sorte qu’Air Canada doit assumer des coûts supplémentaires pour rembourser le paiement de services déjà fournis.

[146] Air Canada ajoute que le remboursement de la partie inutilisée d’un billet est une pratique largement répandue dans l’industrie et qu’elle serait grandement désavantagée sur le plan concurrentiel si elle devait rembourser davantage que la partie inutilisée, alors que ses concurrents continueraient de rembourser seulement la partie inutilisée.

[147] Air Canada explique que lorsque le voyage d’un passager est interrompu, que la raison relève ou non de son contrôle, et que le passager choisit de poursuivre son voyage jusqu’à destination par l’intermédiaire d’autres arrangements que ceux prévus par Air Canada, le passager n’aurait droit qu’au remboursement de la partie inutilisée du billet. Air Canada ajoute qu’en pratique lorsque le voyage d’un passager est interrompu pour des raisons qui relèvent du contrôle d’Air Canada, par suite d’une surréservation ou d’une annulation d’un vol de départ exploité par Air Canada, le passager recevra probablement le remboursement complet du billet sur demande. Air Canada donne l’exemple suivant : si un passager qui voyage de Vancouver à Halifax via Toronto voit son voyage interrompu à Toronto pour des raisons qui relèvent du contrôle d’Air Canada, et il choisit de recevoir un remboursement et de revenir à son point d’origine, Air Canada assurera le retour du passager à Vancouver et lui offrira un remboursement complet, y compris pour les vols entre Vancouver et Toronto. Air Canada soutient que ces situations sont rares et représentent moins d’un pour cent des demandes de remboursement.

[148] Air Canada ajoute qu’elle ne peut modifier son tarif intérieur pour tenir compte de situations qui s’appliqueraient dans des circonstances si limitées, et qui dépendent d’une analyse au cas par cas et nécessitent une évaluation de la complexité de l’itinéraire du passager. Air Canada indique qu’une telle disposition entraînerait de la confusion pour les voyageurs en ce qui a trait à leurs droits et manquerait donc de clarté.

[149] M. Lukács fait valoir qu’Air Canada a fait des déclarations trompeuses concernant la pratique de l’industrie en matière de remboursement, et qu’elles ne sont exactes que dans la mesure où elles font référence à la pratique en vigueur au XXe siècle. Il fait valoir que les pratiques en matière de remboursement des billets en cas de surréservation et d’annulation ont changé radicalement depuis le début du XXIe siècle, en raison de l’article 8(1)a) du Règlement (CE) no 261/2004 de l’Union européenne et de l’article 11 de la décision no 619 de la Communauté andine. M. Lukács affirme que ces deux documents établissent le droit des passagers à un remboursement complet, y compris pour les parties du voyage qui n’ont plus de raison d’être dans le cadre du programme de voyage initial du passager, de même que le droit à un vol de retour au premier point de départ.

[150] M. Lukács réfère à la description faite par Air Canada de sa pratique actuelle, décrite dans son exemple de l’interruption d’un vol entre Vancouver et Londres via Toronto. Il fait valoir que la pratique actuelle d’Air Canada est conforme à sa position et à la pratique de l’industrie comme elle est établie par l’Union européenne et la Communauté andine.

[151] M. Lukács ajoute que l’admission d’Air Canada sur ce point démontre qu’accorder un remboursement complet lorsque les segments effectués n’ont plus de raison d’être, et transporter le passager à son point d’origine, n’entraînent pas une contrainte pour Air Canada du fait de se conformer à ses obligations statutaires, opérationnelles et commerciales. En effet, comme le souligne M. Lukács, Air Canada admet que ces situations sont rares.

[152] M. Lukács indique qu’il demande à l’Office d’ordonner à Air Canada d’incorporer cette pratique actuelle dans son tarif intérieur.

[153] M. Lukács ajoute que l’incorporation de cette pratique dans le tarif intérieur d’Air Canada n’entraînerait pas de confusion, comme le laisse entendre Air Canada. Il donne l’exemple de l’article 8(1)a) du Règlement (CE) n° 261/2004 qui serait une méthode claire et transparente d’incorporer une telle pratique dans le tarif intérieur d’Air Canada.

[154] M. Lukács indique que les concurrents canadiens d’Air Canada – WestJet et Air Transat – ont récemment accepté les principes établis par l’Office et convenu de modifier leur tarif afin d’y inclure un remboursement complet et un transport jusqu’au point d’origine, dans certains cas. M. Lukács indique également que bon nombre des concurrents internationaux d’Air Canada sont assujettis au Règlement (CE) no 261/2004 ou à la décision no 619.

[155] M. Lukács soutient qu’Air Canada n’a démontré aucun désavantage concurrentiel. Par ailleurs, si un tel désavantage existe, il est, du propre aveu d’Air Canada, négligeable.

Analyse et constatations

[156] En réponse à la décision de demande de justification, Air Canada a soulevé des arguments concernant les situations de retard qui relèvent ou non de son contrôle. L’Office souligne, comme il l’a fait dans la décision de demande de justification, que la présente plainte ne porte pas sur les retards indépendants du contrôle d’Air Canada, mais plutôt sur les situations qui relèvent de son contrôle.

[157] Air Canada a indiqué qu’en pratique, lorsque le voyage d’un passager est interrompu en raison d’un retard et que le passager choisit de retourner à son point d’origine, Air Canada assurera le transport du passager jusqu’à son point d’origine et lui accordera un remboursement complet, sur demande.

[158] L’Office note que cette pratique reflète les constatations préliminaires de l’Office dans la décision de demande de justification. En particulier, l’Office a exprimé l’opinion préliminaire que dans les situations où un retard survient à un point de correspondance pendant un voyage ayant pour résultat que le voyage du passager n’a plus de raison d’être, le remboursement partiel peut obliger un passager à assumer une partie des coûts directement liés au voyage retardé. Par conséquent, l’Office a exprimé l’opinion préliminaire que dans de telles situations, n’accorder qu’un remboursement partiel serait déraisonnable.

[159] L’Office est d’accord avec l’argument d’Air Canada voulant que lorsqu’un retard survient pendant un voyage, mais que le passager choisit de poursuivre son voyage avec un autre transporteur qu’Air Canada, il n’a pas droit à un remboursement complet du prix du billet si une partie du voyage a eu une raison d’être. Par exemple, pour un voyage de Vancouver à Halifax via Toronto, si un retard se produit à Toronto et le passager choisit de poursuivre son voyage avec un autre transporteur, il n’aura pas droit au remboursement du prix du billet pour la portion Vancouver-Toronto. En effet, l’Office constate que M. Lukács a indiqué que les segments déjà parcourus par un passager et qui ont une raison d’être à l’égard de ses plans de voyage initiaux ne devraient pas être remboursés.

[160] Air Canada ajoute que les situations où un passager choisit de recevoir un remboursement et de revenir à son point d’origine sont rares et représentent moins d’un pour cent des demandes de remboursement. Aussi, Air Canada fait donc valoir qu’elle ne devrait pas être tenue de modifier son tarif intérieur pour tenir compte de situations qui ne se produisent que très rarement et qui dépendent d’une analyse au cas par cas, car cela pourrait créer de la confusion pour les voyageurs.

[161] L’Office n’accepte pas la position d’Air Canada sur ce point. Air Canada a admis dans sa réponse à la décision de demande de justification qu’elle a comme pratique d’offrir un remboursement complet lorsque le vol est interrompu et le passager choisit de revenir à son point d’origine. Néanmoins, le tarif intérieur d’Air Canada ne reflète pas cette pratique. L’Office note qu’en vertu de l’article 67.1 de la LTC, un transporteur doit appliquer les conditions de transport prévues dans son tarif. L’Office estime que si Air Canada applique une politique de remboursement, cela doit être inscrit dans son tarif intérieur. De plus, l’Office estime qu’Air Canada n’a pas démontré pourquoi cette pratique ne pouvait être indiquée clairement dans son tarif intérieur.

[162] L’Office conclut qu’Air Canada n’a fourni aucune preuve pour étayer son affirmation qu’elle serait désavantagée sur le plan concurrentiel si elle était tenue de rembourser davantage que la partie inutilisée d’un billet, alors que ses concurrents ne remboursent que la partie inutilisée. Air Canada a affirmé qu’elle appliquait déjà cette pratique. De plus, Air Canada a admis que d’offrir un remboursement complet et de retourner les passagers à leur point d’origine lorsque les segments effectués n’ont plus de raison d’être, représente moins d’un pour cent des demandes de remboursement. En outre, l’Office note qu’air Canada n’a pas démontré pourquoi elle ne peut retourner les passagers à leur point d’origine « dans un délai raisonnable », comme il est énoncé au paragraphe 202 de la décision de demande de justification. Par conséquent, l’Office a déterminé qu’Air Canada n’a pas démontré que l’inclusion de cette pratique dans son tarif intérieur la placerait dans une position concurrentielle très désavantageuse par rapport à ses concurrents.

Conclusion

[163] L’Office a déterminé que les parties des règles 37(B)(3), 240(C)(1) et 260 du tarif actuel d’Air Canada qui prévoient un remboursement seulement de la partie inutilisée du billet d’un passager sont déraisonnables en vertu du paragraphe 67.2(1) de la LTC.

(B) LE CHOIX OFFERT AU PASSAGER POUR OBTENIR UN REMBOURSEMENT

Décision de demande de justification

[164] Dans la décision de demande de justification, l’Office a exprimé l’opinion préliminaire qu’en conservant une certaine discrétion sur le choix de l’option dans son tarif intérieur, Air Canada conserverait une certaine discrétion quant à la question de savoir si le passager poursuivra son voyage ou recevra un remboursement, peu importe ce qui est le plus avantageux pour le passager. L’Office a exprimé l’opinion préliminaire qu’Air Canada, en conservant une telle discrétion, peut limiter ou éviter les dommages réels causés à un passager en raison du retard. L’Office a exprimé l’opinion préliminaire qu’Air Canada n’a pas démontré à la satisfaction de l’Office pourquoi, du point de vue opérationnel et commercial, le choix de l’option ne pouvait pas revenir exclusivement au passager.

[165] La règle 37(B)(3) du tarif d’Air Canada énonce les mesures qu’elle prendra en cas de surréservation ou d’annulation et établit qui du transporteur ou du passager a la discrétion pour choisir entre ces mesures. Actuellement, la règle indique qu’Air Canada peut choisir d’offrir un remboursement, ou que le passager peut le demander. Une disposition semblable se trouve à la règle tarifaire 240(C)(1) en ce qui a trait aux perturbations d’horaire, sauf que dans ce cas la règle 240(C)(1)(d) indique qu’Air Canada remboursera le billet inutilisé ou la partie inutilisée du billet si elle est dans l’impossibilité d’offrir au passager un transport aérien de remplacement acceptable.

[166] L’Office a enjoint à Air Canada de justifier pourquoi ces parties des règles de son tarif intérieur actuel qui laissent à Air Canada le choix de l’indemnisation en cas de surréservation ou d’annulation ne devraient pas être jugées déraisonnables en vertu du paragraphe 67.2(1) de la LTC.

Positions des parties

[167] En réponse à la décision de demande de justification, Air Canada propose de modifier les règles tarifaires 37(B)(2) et (3) de manière à retirer toute référence à sa discrétion en ce qui a trait au remboursement. En d’autres termes, le choix d’obtenir un remboursement demeurerait à la seule discrétion du passager. Air Canada propose également de modifier la règle 37(B) afin d’indiquer que rien dans la règle « ne limite ou ne réduit le droit du passager, le cas échéant, de demander des dommages-intérêts ».

[168] M. Lukács fait valoir qu’il est d’accord avec les constatations de l’Office sur cette question et que bien qu’il s’oppose à la règle 37(B) dans sa forme actuelle et proposée pour d’autres raisons, il est d’accord avec la proposition d’Air Canada de retirer la référence à sa discrétion pour fournir un remboursement.

[169] En réponse à la décision de demande de justification, Air Canada n’a pas fait de présentations à l’appui du caractère raisonnable de la partie de la disposition de son tarif intérieur portant sur le choix d’une option. Air Canada propose plutôt de modifier son tarif intérieur afin qu’il reflète les constatations préliminaires de l’Office.

Analyse et constatations

[170] L’Office prend note de la proposition d’Air Canada de modifier la règle 37(B) de manière à laisser à la seule discrétion du passager le choix d’obtenir un remboursement et du fait que M. Lukács est d’accord avec cette proposition.

[171] Toutefois, l’Office note qu’Air Canada n’a pas présenté de proposition semblable pour ce qui est de la règle tarifaire 240(C)(1)(d).

Conclusion

[172] Par conséquent, comme Air Canada n’a fourni aucun argument en faveur du caractère raisonnable de son tarif intérieur, l’Office a déterminé que les règles tarifaires 37(B)(3) et 240(C)(1)(d), comme elles sont actuellement rédigées, sont déraisonnables, car elles ne laissent pas au passager l’entière discrétion pour choisir d’obtenir un remboursement.

[173] L’Office a également déterminé que la proposition d’Air Canada de laisser le choix de l’option au passager dans les règles 37(B)(2) et (3) est raisonnable. L’Office est également d’avis qu’Air Canada doit apporter une modification semblable à la règle 240(C)(1)(d).

CONSTATATION PRÉLIMINAIRE 5 : LA RÈGLE TARIFAIRE 37(B) ACTUELLE D’AIR CANADA EST DÉRAISONNABLE, CAR ELLE N’INDIQUE PAS QUE LES PASSAGERS ONT DES DROITS ET DES RECOURS AUTRES QUE CEUX INDIQUÉS DANS LE TARIF INTÉRIEUR, ET LES RÈGLES 135(E) ET 240(B)(9) SONT DÉRAISONNABLES, CAR ELLES NE PRÉVOIENT QU’UN SEUL RECOURS POUR LES PASSAGERS.

Décision de demande de justification

[174] L’Office a exprimé l’opinion préliminaire que la règle 37(B) du tarif intérieur d’Air Canada est déraisonnable puisqu’elle n’énonce pas exactement et complètement le droit du passager de demander une autre indemnisation et ses autres recours contre les transporteurs.

[175] L’Office a également exprimé l’opinion préliminaire que les dispositions des règles 135(E) et 240(B)(9) qui prévoient un « seul recours » sont déraisonnables.

[176] L’Office, dans la décision de demande de justification, a affirmé qu’un passager devrait pouvoir comprendre ses droits et ses recours légaux simplement en lisant le tarif intérieur et sans avoir recours à des textes externes ou à des principes juridiques. De plus, l’Office a indiqué que les dispositions du tarif intérieur contestées ne reconnaissent pas que d’autres types de dommages pourraient découler des perturbations d’horaire et de la surréservation.

[177] L’Office a examiné les règles tarifaires 37(B), 135(E) et 240(B)(9) d’Air Canada en tenant compte des principes établis dans la décision de demande de justification.

Positions des parties

[178] Dans sa réponse à la décision de demande de justification, et afin de « refléter les préoccupations de l’Office » [traduction], Air Canada a proposé un libellé révisé pour les règles 37(B), 135(E) et 240(B)(9) de son tarif intérieur. Air Canada a déposé le libellé révisé en réponse à la constatation préliminaire 5.

[179] En ce qui a trait à la règle 37(B), Air Canada a apporté certaines modifications pour corriger l’indication qu’Air Canada conserve le droit d’accorder un remboursement et a ajouté le libellé suivant : « rien dans ce qui précède ne limite ou ne réduit le droit du passager, le cas échéant, de demander des dommages-intérêts ».

[180] M. Lukács indique que bien qu’il s’oppose à la règle 37(B) dans sa forme actuelle et proposée pour les raisons déjà mentionnées, il est d’accord avec l’ajout fait par Air Canada à la révision proposée au tarif intérieur.

Analyse et constatations

[181] L’Office conclut que le libellé ajouté proposé par Air Canada est raisonnable, car il indique au passager qu’il a des droits et des recours en justice autres que ceux prévus par la règle 37(B).

[182] Air Canada propose également de réviser les règles 135(E) et 240(B)(9) en éliminant le texte indiquant « seul recours pour le passager ».

[183] M. Lukács affirme qu’il est d’accord avec les modifications proposées par Air Canada aux règles 135(E) et 240(B)(9).

[184] Toutefois, l’Office estime que les changements proposés aux règles 135(E) et 240(B)(9), tout comme les changements proposés par Air Canada à la règle 37(B), n’indiquent toujours pas aux passagers qu’ils peuvent avoir des droits en vertu de la loi.

[185] De plus, l’Office, dans la décision de demande de justification, a exprimé l’opinion préliminaire que la disposition du tarif intérieur qui ne reconnaît pas que d’autres types de dommages pourraient découler des perturbations d’horaire et de la surréservation est incompatible avec les principes énoncés à l’article 19 de la Convention et déraisonnable.

[186] Cette disposition révisée du tarif intérieur indique essentiellement que si un passager se voit refuser l’embarquement à la suite d’une surréservation il aura le choix d’accepter l’indemnisation offerte par Air Canada, mais il ne saura probablement toujours pas qu’il a d’autres droits ou recours.

[187] Par conséquent, l’Office, en ce qui a trait à cette question, continue d’être d’avis que les modifications proposées par Air Canada aux règles 135(E) et 240(B)(9) sont déraisonnables.

Conclusion

[188] L’Office a déterminé que les révisions proposées par Air Canada à la règle 37(B) sont raisonnables.

[189] En ce qui a trait aux règles 135(E) et 240(B)(9), l’Office a déterminé que les révisions proposées sont déraisonnables, car elles n’indiquent pas aux passagers qu’ils peuvent avoir des droits en vertu de la loi.

SOMMAIRE DES CONCLUSIONS

[190] À la lumière de ce qui précède, l’Office conclut ce qui suit :

En ce qui a trait à la constatation préliminaire 1 : les principes de l’article 19 de la Convention s’appliquent également au transport intérieur.

L’Office conclut que les principes de l’article 19 de la Convention s’appliquent également au transport intérieur.

En ce qui a trait à la constatation préliminaire 2 : la surréservation et l’annulation constituent un retard aux fins de l’application de l’article 19 de la Convention.

L’Office a déterminé que la surréservation et l’annulation qui relèvent du contrôle du transporteur peuvent être caractérisées comme étant un retard. Par conséquent, l’Office est d’avis que pour considérer le caractère raisonnable des dispositions du tarif intérieur contestées, on peut se référer aux principes de l’article 19 de la Convention, qui est valide et pertinent.

En ce qui a trait à la constatation préliminaire 3 : la règle 37(B)(2) du tarif d’Air Canada qui exclut la possibilité de réacheminer un passager sur un vol de n’importe quel transporteur, sauf ceux avec lesquels un accord intercompagnies a été conclu, est trop restrictive et déraisonnable. Les règles 37(B)(1) et 37(B)(2) sont déraisonnables, car elles laissent à Air Canada seulement le choix d’options de réacheminement.

(A) Réacheminement vers un transporteur avec lequel Air Canada a un accord intercompagnies

La preuve soumise par Air Canada montre que les obstacles de nature commerciale et opérationnelle associés à la possibilité de réacheminement vers un transporteur aérien avec lequel elle n’a pas conclu d’accord intercompagnies, dans les circonstances appropriées, ne se présenteraient que dans des cas restreints. Lorsqu’il s’agit de soupeser le droit des passagers de bénéficier de conditions de transport raisonnables et les principes de la Convention, l’Office estime qu’il est déraisonnable de la part d’Air Canada d’exclure d’emblée cette possibilité dans son tarif intérieur.

L’Office a conclu qu’Air Canada n’a pas réussi à démontrer pourquoi la règle tarifaire 37(B)(2) ne devrait pas être jugée déraisonnable en vertu du paragraphe 67.2(1) de la LTC parce qu’elle est trop restrictive relativement aux questions de surréservation et d’annulation, et être rédigée de manière à permettre le réacheminement, dans certains cas, vers des transporteurs avec lesquels il n’existe pas d’accord intercompagnies. L’Office conclut donc que la règle tarifaire 37(B)(2) est déraisonnable.

(B)  Choix de l’option pour le réacheminement des passagers

L’Office conclut qu’il est déraisonnable que le tarif intérieur d’Air Canada confère à Air Canada l’entière discrétion pour déterminer la meilleure option pour le passager en ce qui a trait à cette question particulière et, en appliquant l’approche axée sur les circonstances, conclut que le passager devrait pouvoir choisir entre les options disponibles offertes en vertu des règles 37(B)(1) et 37(B)(2).

En ce qui a trait à la constatation préliminaire 4 : les règles 37(B)(3), 240(C)(1) et 260 du tarif d’Air Canada sont déraisonnables, car elles ne prévoient qu’un remboursement de la partie inutilisée d’un billet.

(A)  Remboursement de la partie inutilisée d’un billet

L’Office a déterminé que les règles tarifaires 37(B)(3), 240(C)(1) et 260 d’Air Canada qui prévoient un remboursement seulement de la partie inutilisée du billet sont déraisonnables en vertu du paragraphe 67.2(1) de la LTC.

(B)  Le choix offert au passager pour obtenir un remboursement

Comme Air Canada n’a fourni aucun argument en faveur du caractère raisonnable de son tarif intérieur, l’Office a déterminé que les règles 37(B)(3) et 240(C)(1)(d), comme elles sont actuellement rédigées, sont déraisonnables, car elles ne laissent pas au passager l’entière discrétion pour choisir d’obtenir un remboursement.

L’Office a également déterminé que la proposition d’Air Canada de laisser le choix de l’option au passager dans les règles 37(B)(2) et (3) est raisonnable. L’Office enjoint à Air Canada d’apporter une modification semblable à la règle tarifaire 240(C)(1)(d).

En ce qui a trait à la constatation préliminaire 5 : la règle tarifaire 37(B) actuelle du tarif d’Air Canada est déraisonnable, car elle n’indique pas que les passagers ont des droits et des recours autres que ceux indiqués dans le tarif intérieur, et les règles 135(E) et 240(B)(9) sont déraisonnables, car elles ne prévoient qu’un seul recours pour les passagers.

L’Office a déterminé que l’ajoute du libellé à la règle 37(B) proposé par Air Canada est raisonnable.

En ce qui a trait aux règles tarifaires 135(E) et 240(B)(9), l’Office a déterminé que les révisions proposées sont déraisonnables, car elles n’indiquent pas aux passagers qu’ils peuvent avoir des droits en vertu de la loi.

ORDONNANCE

[191] Dans la présente décision, l’Office a fait des conclusions en se fondant sur les présentations des parties en ce qui a trait au caractère raisonnable des règles 37(B), 135(E), 240(B)(9), 240(C)(1)(d) et 260 du tarif intérieur. Par conséquent, l’Office rejette ces règles tarifaires en vertu du paragraphe 67.2(1) de la LTC.

[192] L’Office enjoint à Air Canada, dans les 45 jours suivant la date de la présente décision, de modifier les règles tarifaires 37(B), 135(E), 240(B)(9), 240(C)(1)(d) et 260 actuelles, et lorsqu’elle modifiera ces règles tarifaires intérieures, Air Canada doit se conformer aux conclusions indiquées dans la présente décision et publier son tarif intérieur modifié.

[193] L’Office réfère Air Canada, lorsqu’elle effectuera les modifications à son tarif intérieur, aux conclusions et aux ordonnances énoncées dans les décisions nos 248-C-A-2012 et 249-C‑A‑2012 relatives aux tarifs internationaux d’Air Transat et de WestJet.

[194] En vertu de l’alinéa 28(1)b) de la LTC, cette ordonnance entrera en vigueur une fois qu’Air Canada se sera conformée à ce qui précède ou dans les 45 jours suivant la date de la présente décision, selon la première éventualité.


ANNEXE A À LA DÉCISION No 251-C-A-2012

Air Canada – Tarif intérieur (CDGR-1)

RÈGLE AC : 37 – ENGAGEMENTS FONDAMENTAUX EN MATIÈRE DE SERVICES

Les règles 240, 245 et 250, doivent être interprétées d’après les principes énoncés ci-dessous et adaptées en conséquence.

  1. Étant donné que le passager a droit à de l’information sur les modifications apportées à l’horaire et à l’heure des vols, Air Canada fera de son mieux pour l’informer des retards et des modifications d’horaire et, dans la mesure du possible, des motifs de ces retards et modifications.
  2. Étant donné que le passager a le droit de prendre le vol pour lequel il a payé, si son vol est survendu ou annulé, Air Canada doit :
    1. lui trouver une place sur un autre vol qu’elle exploite; ou, au choix d’Air Canada,
    2. lui acheter une place auprès d’un transporteur avec lequel elle a un accord de trafic intertransporteurs; ou, au choix du passager, ou encore, si Air Canada est dans l’impossibilité de mettre à exécution la solution précisée en (1) ou en (2) ci-dessus dans un laps de temps raisonnable,
    3. lui rembourser la partie inutilisée de son billet.
  3. (C) Étant donné que le passager a droit à la ponctualité, Air Canada s’engage à faire ce qui suit :
    1. Si un vol est retardé et que le laps de temps entre l’heure de départ prévue et l’heure de départ réelle dépasse quatre heures, Air Canada offre au passager un bon de repas.
    2. Si un vol est retardé de plus de huit heures et que le passager doit attendre jusqu’au lendemain, Air Canada lui paie une nuitée à l’hôtel et la navette aéroportuaire s’il n’a pas commencé son voyage à l’aéroport où a lieu le retard.
    3. Si le passager est déjà à bord de l’appareil lorsqu’un retard survient, Air Canada lui offre des consommations et des collations si elle juge qu’il est possible de le faire de manière sécuritaire, pratique et opportune. Si le retard excède 90 minutes et que les circonstances le permettent, Air Canada offre au passager la possibilité de descendre de l’avion jusqu’au moment du départ.
  4. Étant donné que le passager a le droit de récupérer rapidement ses bagages, si ceux-ci n’arrivent pas par le même vol que lui, Air Canada prend des arrangements pour les lui faire livrer dès que possible à son hôtel où à son lieu de résidence. Air Canada prend des mesures pour informer le passager de l’état de livraison de ses bagages et lui fournit au besoin une trousse de toilette. Une indemnité est versée au passager conformément aux dispositions du présent tarif.
  5. Étant donné qu’en vertu du présent tarif, Air Canada ne peut nullement être tenue responsable des cas de force majeure et des actes de tiers, les principes exposés dans la présente règle ne peuvent avoir pour effet de rendre Air Canada responsable des mauvaises conditions météorologiques ou des actes de tiers comme le gouvernement, le contrôle de la circulation aérienne, l’administration aéroportuaire, les organismes de sûreté, les organismes d’application de la loi et les agents de douane et d’immigration.

RÈGLE AC : 135 – ANNULATION DES RÉSERVATIONS

(E) Dans le cas où le transporteur est un transporteur partie à un accord d’exploitation à code multiple, et que le transporteur exploitant annule un vol, n’est pas en mesure de fournir la place confirmée antérieurement, ou fait en sorte qu’un passager manque un vol de correspondance pour lequel il détient une réservation, le transporteur s’engage, à titre de seul recours pour le passager, si le transporteur fait défaut de s’exécuter, à :

  1. transporter le passager par un autre de ses avions de passagers ayant une place libre sans frais supplémentaires et sans égard à la classe de service; ou au choix d’Air Canada,
  2. fournir un endos à un autre transporteur aérien ou service de transport pour la partie non utilisée du billet aux fins de réacheminement; ou au choix d’Air Canada,
  3. réacheminer le passager jusqu’à la destination indiquée sur le billet ou sur la partie applicable de celui-ci par ses propres services ou par d’autres services de transport; et si le prix pour l’itinéraire modifié ou la classe de service est supérieur à la valeur de remboursement du billet ou de la partie applicable de celui-ci, comme le prévoit la règle 260 (Remboursements – involontaires), le transporteur n’exige aucun paiement supplémentaire de la part du passager, mais rembourse la différence si le prix est moins élevé; ou
  4. au choix du passager, ou encore, si Air Canada est dans l’impossibilité de mettre à exécution la solution précisée en (1), en (2) ou en (3) ci-dessus dans un laps de temps raisonnable, effectuer un remboursement involontaire, conformément à la règle 260 (Remboursements – involontaires).

RÈGLE AC : 240 – NON-RESPECT DE L’HORAIRE OU DÉFAUT DE TRANSPORT

Définitions

(B)(9) Dans le cas où le transporteur est un transporteur partie à un accord d’exploitation à code multiple et que le transporteur exploitant fait défaut de respecter l’horaire ou d’arrêter au point de destination du passager ou au point pour lequel son billet prévoit qu’il fasse un arrêt, que ce transporteur remplace un type d’appareil ou une classe de service par un autre type d’appareil ou une autre classe de service, qu’il n’est pas en mesure de fournir de place pour une réservation antérieurement confirmée, qu’il fait en sorte qu’un passager manque un vol de correspondance pour lequel celui-ci détient une réservation, ou qu’il refuse de transporter ou fait débarquer un passager, conformément à la règle 35 (Refus de transport), le transporteur s’engage, comme seul remède pour le passager, si le transporteur exploitant fait défaut de s’exécuter, à :

  1. transporter le passager par un de ses avions de passagers ayant une place libre, sans frais supplémentaires et sans égard à la classe de service; ou au choix du transporteur,
  2. fournir l’endos autorisant la prise en charge par un autre transporteur aérien ou service de transport pour la partie non utilisée du billet aux fins du réacheminement; ou au choix du transporteur,
  3. réacheminer le passager jusqu’à la destination indiquée sur le billet ou la partie applicable de celui-ci par ses propres services ou par d’autres services de transport, et si le prix pour l’itinéraire modifié ou la classe de service est supérieur à la valeur de remboursement du billet ou de la partie applicable de celui-ci, comme le prévoit la règle 260 (Remboursements – involontaires), le transporteur n’exigera aucun paiement supplémentaire de la part du passager, mais remboursera la différence si le prix est moins élevé; ou, au choix du passager, ou encore, si le transporteur est dans l’impossibilité de mettre à exécution la solution précisée en (a) ou en (b) ci-dessus dans un laps de temps raisonnable,
  4. effectuer un remboursement involontaire, conformément à la règle 260 (Remboursements – involontaires).
Perturbation d’horaire

(C)(1) Lorsqu’un passager est retardé en raison d’une perturbation d’horaire d’un vol d’Air Canada, ou de l’application des dispositions de la règle 35 (Refus de transport – alinéas (1)(A), (B), sous-alinéas (1)(E)(ii), (H)(ii), (iii) et (iv), alinéas (1)(J), (K) et (M)) ou de la règle 135 (Annulation des réservations – paragraphe A) à l’exception des conflits de travail ou des grèves :

(a)  Air Canada doit transporter le passager par le prochain vol sans escale ayant une place libre et dans la même classe de service que le vol initialement prévu.

EXCEPTION 1 : Un passager titulaire d’un billet au prix de classe Affaires (cabine J) ou au plein prix de classe économique (cabine Y) peut être surclassé, sans frais supplémentaires, en classe Affaires (cabine J) du prochain vol ayant une place libre.

EXCEPTION 2 : Un passager titulaire d’un billet à prix réduit est surclassé à la classe de service supérieure suivante, sans frais supplémentaires, seulement si le vol permet une arrivée plus hâtive à son point de destination, son point d’arrêt ou son point de correspondance que le prochain vol ayant une place libre dans la classe de service initiale.

(b)  Air Canada s’engage, si elle est dans l’impossibilité de fournir un transport de remplacement raisonnable sur ses propres lignes, à tenter d’organiser, à son choix, mais sous réserve de l’accord du passager, un transport sur les lignes d’un autre transporteur ou d’une combinaison de transporteurs aériens avec lesquels Air Canada a conclu des accords en vue d’un tel transport. En pareil cas, le passager doit être transporté sans escale et sans frais supplémentaires, dans la même classe de service que celle de son vol de départ initial sur le réseau d’Air Canada.

(c)  Air Canada doit, si elle dispose d’une place libre et utilisée uniquement dans une classe de service inférieure à celle réservée par le passager pour son vol initial ou ses vols initiaux, lui rembourser la différence de prix, conformément à la règle 260 (Remboursements – involontaires).

(d) Air Canada doit, au choix du passager, ou si elle est dans l’impossibilité d’offrir au passager un transport aérien de remplacement raisonnable, lui rembourser le billet inutilisé ou la partie inutilisée du billet, conformément à la règle 260 (Remboursements – involontaires).

(D) Changement à l’horaire Dans le cas où un changement à l’horaire d’Air Canada exige le réacheminement d’un passager titulaire d’un billet, Air Canada s’engage à :

(3) à la demande du passager, rembourser le billet ou encore le ou les coupons de vol inutilisés, conformément à la règle 260 (Remboursements – involontaires).

RÈGLE AC : 260 – REMBOURSEMENTS – INVOLONTAIRES

(A) Le montant qu’Air Canada rembourse selon le mode de paiement initial sur restitution de la partie inutilisée du billet, conformément à la règle 35 (Refus de transport), sous réserve de toute restriction prévue par les règles tarifaires applicables, à la règle 50 (Acceptation des enfants) ou à la règle 240 (Non-respect de l’horaire ou défaut de transport), est le suivant :

(1)Si aucune partie du billet n’a été utilisée, Air Canada rembourse un montant égal au prix et aux frais applicables au billet émis au nom du passager. Le montant du remboursement ne doit pas être supérieur au montant payé pour le billet.

(2)Si une partie du billet a été utilisée :

(a)  Prix aller simple – un montant égal au prix aller simple courant comparable, le plus bas applicable à la classe ou aux classes de réservation indiquées sur le billet à partir du point terminal jusqu’au point de destination indiqué sur le billet ou jusqu’au point à partir duquel le transport doit reprendre;

NOTA : Le point terminal doit également inclure tout point de billetterie à partir duquel Air Canada n’est plus en mesure de fournir le service.

(b)  Prix de trajets aller-retour, circulaires et en circuit ouvert – un montant égal à 50 % du prix aller-retour, calculé en fonction du même taux de réduction utilisé pour le prix initial indiqué sur le billet, à partir du point terminal jusqu’au point de destination à partir duquel le transport doit reprendre, selon :

(i) l’itinéraire indiqué sur le billet, si le point terminal faisait partie de cet itinéraire; ou

(ii) l’itinéraire direct de tout transporteur reliant le point terminal et le point de destination indiqués sur le billet ou le point à partir duquel le transport doit reprendre, si le point terminal ne faisait pas partie de l’itinéraire initial.

(c)  Si aucun prix du type payé n’est publié entre le point terminal et le point de destination ou le point à partir duquel le transport doit reprendre, le remboursement doit correspondre à la même proportion que celle que représente le prix normal en classe économique (cabine Y) publié entre le point terminal et le point de destination ou le point à partir duquel le transport doit reprendre, par rapport au prix initial.

(d)Frais d’annulation : en cas de décès voir la règle 272.

NOTA : Aux fins de la présente règle, par famille immédiate, on entend le conjoint, les parents, les enfants (y compris les enfants adoptés), les frères, les sœurs, les brus et les gendres, les belles-mères et les beaux-pères, les grands-parents, et les petits-enfants.

(B) Substitution d’appareil

Lorsqu’une substitution d’appareil entraîne la nécessité d’accueillir un passager titulaire d’un billet avec réservation en classe Affaires (cabine J) dans une autre section que la section applicable, le remboursement constitue la différence, le cas échéant, entre :

(1) le montant égal à la valeur du remboursement involontaire calculé conformément au paragraphe (A) ci-dessus; et

(2)(i) le prix de classe Affaires (cabine J) ou de classe économique (cabine Y) entre le point terminal et le point de destination indiqués sur le billet ou le point à partir duquel le transport doit reprendre, pourvu que le transporteur exploite les tronçons visés; ou

(ii)  75 % du prix aller simple direct le plus bas de classe Affaires (cabine J) publié lorsque le transporteur n’exploite pas les tronçons visés.

EXCEPTION : Aucun remboursement n’est effectué lorsque le montant calculé à l’alinéa (2) dépasse le montant calculé à l’alinéa (1) ci-dessus.


  1. Lukács c. WestJet, décision no 418-C-A-2011
  2. Air Canada cite les affaires Del Anderson c. Air Canada, décision no 666-C-A-2001; Burwash c. Air Canada, décision no 333‑C-A-2006, par. 20; Wasserman c. Air Transat, décision no 681-C-A-2004, par. 28.
  3. [1990] 1 R.C.S. 282 ( par. 333).
  4. Administrative Law in Canada, 5e édition, LexisNexis Butterworths, 2011 (par. 103 et 139-141).

Membre(s)

J. Mark MacKeigan
John Scott
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