Décision n° 342-C-A-2013

le 29 août 2013

RELATIVE à la décision no 204-C-A-2013 en réponse à une plainte présentée par Gábor Lukács contre Air Canada.

No de référence : 
M4120-3/13-04144

INTRODUCTION

[1] Dans la décision n204‑C‑A‑2013 du 27 mai 2013, l’Office des transports du Canada (Office) : 

  • a rejeté la règle 0245E)1)b)iv) du tarif des règles générales applicables au transport intérieur au Canada nCDGR‑1 (tarif). Cette disposition dégage Air Canada de son obligation d’indemniser un passager si, pour des motifs opérationnels et de sécurité, il y a eu substitution de l’aéronef prévu par un autre d’une capacité moindre, empêchant ainsi Air Canada de fournir un siège au passager à bord de cet aéronef;
  • a rejeté la règle 245E)2) du tarif, qui fixe le montant de l’indemnité pour refus d’embarquement offert aux passagers concernés. La règle 245E)2) prévoit que, sous réserve de certaines conditions, Air Canada offre au passager des dommages‑intérêts liquidés à 100 $CAN en espèces, ou un bon de transport de 200 $CAN, au gré du passager, pour un voyage à l’intérieur du Canada ou à destination des États‑Unis d’Amérique ou du Mexique;
  • a enjoint à Air Canada, en ce qui a trait à la règle 245E)1)b)iv), de donner les raisons pour lesquelles la disposition tarifaire révisée ne devrait pas être conforme à la conclusion de la décision, et qu’en l’absence de la preuve faite par Air Canada que toutes les mesures raisonnables ont été prises pour éviter la substitution de l’aéronef prévu par un autre d’une capacité moindre, une indemnité pour refus d’embarquement sera offerte aux passagers concernés;
  • en ce qui a trait à la règle 245E)2), a enjoint à Air Canada de donner les raisons pour lesquelles elle ne devrait pas appliquer soit le régime indemnité pour refus d’embarquement en vigueur aux États‑Unis d’Amérique, soit le régime proposé par M. Lukács.

[2] Le 28 juin 2013, Air Canada a déposé sa réponse et, le 4 juillet 2013, M. Lukács, sa réplique. Dans sa réponse, Air Canada a proposé un régime d’indemnité pour refus d’embarquement qui intègre dans la proposition de M. Lukács des aspects du régime en vigueur aux États‑Unis d’Amérique. Dans sa réplique, M. Lukács traite, entre autres questions, du mode de paiement de l’indemnité pour refus d’embarquement et des conditions associées aux bons de transport.

OBSERVATION PRÉLIMINAIRE

[3] Dans sa présentation, M. Lukács fait valoir que des rapports des médias relativement à la décision no 204‑C‑A‑2013 faisaient mention d’une déclaration d’Air Canada selon laquelle elle consulterait l’Office au sujet de la façon de réviser ses politiques d’indemnité pour refus d’embarquement. Il laisse entendre que ces rapports créent l’impression qu’Air Canada et l’Office ont eu des discussions privées relativement à la présente instance, et il fait valoir que si ces discussions ont eu lieu, elles sont terriblement inappropriées et susciteraient une inquiétude raisonnable d’un parti pris. M. Lukács demande par conséquent à l’Office de confirmer que la seule communication qu’il a eue avec Air Canada en ce qui a trait à la présente instance, depuis qu’il a rendu la décision no 204‑C‑A‑2013, est la présentation d’Air Canada du 28 juin 2013.

[4] L’Office indique qu’aucune consultation ne s’est tenue entre lui‑même et Air Canada concernant le cas présent. En tant que tribunal quasi judiciaire impartial, l’Office ne rencontre aucune partie séparément sans informer l’autre partie prenante, car cette façon d’agir constituerait un manquement à la justice naturelle.

QUESTIONS

  1. Air Canada a‑t‑elle donné les raisons pour lesquelles la règle 245E)1)b)iv) ne devrait pas prévoir que, en l’absence de la preuve faite par Air Canada que toutes les mesures raisonnables ont été prises pour éviter la substitution de l’aéronef prévu par un autre d’une capacité moindre, une indemnité pour refus d’embarquement sera offerte aux passagers concernés?
  2. Air Canada a‑t‑elle donné les raisons pour lesquelles, en ce a trait à la règle 245E)2), elle ne devrait pas appliquer soit le régime d’indemnité pour refus d’embarquement en vigueur aux États‑Unis d’Amérique, soit le régime proposé par M. Lukács?
  3. Si Air Canada n’a pas donné les raisons qui concernent la règle 245E)2), quel régime d’indemnité pour refus d’embarquement Air Canada doit‑elle appliquer, à savoir le régime en vigueur aux États‑Unis d’Amérique ou celui proposé par M. Lukács?
  4. Quelle forme de paiement devrait être offerte en cas de refus d’embarquement et, si ce sont des bons de transport qui sont offerts, quelles conditions devraient être associées à ces bons?

QUESTION 1 : AIR CANADA A‑T‑ELLE DONNÉ LES RAISONS POUR LESQUELLES LA RÈGLE 245E)1)b)iv) NE DEVRAIT PAS PRÉVOIR QUE, EN L’ABSENCE DE LA PREUVE FAITE PAR AIR CANADA QUE TOUTES LES MESURES RAISONNABLES ONT ÉTÉ PRISES POUR ÉVITER LA SUBSTITUTION DE L’AÉRONEF PRÉVU PAR UN AUTRE D’UNE CAPACITÉ MOINDRE, UNE INDEMNITÉ POUR REFUS D’EMBARQUEMENT SERA OFFERTE AUX PASSAGERS CONCERNÉS?

Positions des parties

Air Canada

[5] Air Canada fait valoir qu’à la lumière de la décision no 204‑C‑A‑2013, elle propose la disposition tarifaire révisée qui suit relativement à l’exception au paiement d’une indemnité pour refus d’embarquement dans le cas d’un déclassement d’aéronef pour des raisons opérationnelles ou de sécurité.

[traduction]

iv) si, pour des motifs opérationnels ou de sécurité qui sont hors du contrôle du transporteur, il y a eu substitution de l’aéronef prévu par un autre d’une capacité moindre.

M. Lukács

[6] M. Lukács prétend que la règle 245E)1)b)iv) proposée par Air Canada va à l’encontre de la conclusion de l’Office dans la décision no 204‑C‑A‑2013 selon laquelle, en l’absence d’un élément de preuve présenté par Air Canada que toutes les mesures raisonnables ont été prises pour éviter la substitution de l’aéronef prévu par un aéronef d’une capacité moindre, une indemnité pour refus d’embarquement doit être offerte aux passagers concernés. Par conséquent, il fait valoir qu’Air Canada n’a pas donné les raisons concernant cette question et que la règle 245E)1)b)iv) devrait être remplacée par la disposition mentionnée ci‑après, qui est conforme à la décision no 204‑C‑A‑2013.

[traduction]

iv) si le transporteur peut prouver à la fois que :

1) pour des motifs opérationnels ou de sécurité qui sont hors de son contrôle, il y a eu substitution de l’aéronef prévu par un aéronef d’une capacité moindre;

2) il a pris toutes les mesures raisonnables pour éviter la substitution ou qu’il lui était impossible de prendre ces mesures.

Analyse et constatations

[7] Dans la décision no 204‑C‑A‑2013, l’Office a expressément donné à Air Canada l’occasion de donner les raisons pour lesquelles la disposition révisée de la règle 245E)1)b)iv) ne devrait pas prévoir que, en l’absence d’un élément de preuve présenté par Air Canada que toutes les mesures raisonnables ont été prises pour éviter la substitution de l’aéronef prévu par un aéronef d’une capacité moindre, une indemnité pour refus d’embarquement sera offerte aux passagers concernés. Dans sa réponse, Air Canada a simplement proposé une disposition tarifaire qui exclut le libellé susmentionné et elle a omis de déposer une présentation concernant ce libellé.

[8] À la lumière de ce qui précède, l’Office conclut qu’Air Canada n’a pas donné les raisons concernant cette question.

QUESTION 2 : AIR CANADA A‑T‑ELLE DONNÉ LES RAISONS POUR LESQUELLES, EN CE QUI A TRAIT À LA RÈGLE 245E)2), ELLE NE DEVRAIT PAS APPLIQUER SOIT LE RÉGIME D’INDEMNITÉ POUR REFUS D’EMBARQUEMENT EN VIGUEUR AUX ÉTATS‑UNIS D’AMÉRIQUE, SOIT LE RÉGIME PROPOSÉ PAR M. LUKÁCS?

Positions des parties

Air Canada

[9] Air Canada maintient que l’Office devrait adopter son propre régime d’indemnité pour refus d’embarquement plutôt que d’imiter le régime en vigueur aux États‑Unis d’Amérique, qui a été élaboré à la suite de consultations des intervenants pertinents de l’industrie et tient compte de questions propres au marché du transport aérien des États‑Unis d’Amérique. Air Canada fait valoir que l’Office s’est écarté de l’esprit de la loi en vigueur aux États‑Unis d’Amérique en ce qui concerne les déclassements et qu’il devrait faire de même dans le cas des montants d’indemnité pour refus d’embarquement. Air Canada fait valoir que les États‑Unis d’Amérique n’exigent pas le paiement d’une indemnité dans le cas d’un refus d’embarquement causé par un déclassement, même pour des raisons qui sont hors du contrôle du transporteur. Par conséquent, Air Canada allègue que l’exigence de payer une indemnité pour refus d’embarquement en cas de substitution de l’aéronef prévu par un aéronef d’une capacité moindre va au‑delà des obligations imposées par la loi en vigueur aux États‑Unis d’Amérique.

[10] Air Canada fait valoir que les montants fixés conformément au régime en vigueur aux États‑Unis d’Amérique l’ont été expressément pour établir un équilibre entre le fait de permettre aux transporteurs de poursuivre la surréservation, mais en limitant le fardeau financier connexe lié à l’indemnité des passagers, et la protection adéquate des intérêts des passagers en cas de surréservation.

[11] Air Canada propose le régime d’indemnité décrit ci‑après, qui intègre dans la proposition de M. Lukács des aspects du régime des États‑Unis d’Amérique.

Régime d’indemnité proposé par Air Canada
Retard à l’arrivée Montants d’indemnité pour refus d’embarquement proposés par Air Canada Montant du bon d’échange d’Air Canada
Moins d’une heure 100 $CAN 150 $CAN
Entre une et six heures 100 pour cent des frais de transport aérien pour un aller simple, mais pas moins de 100 $CAN et pas plus de 400 $CAN 400 $CAN
Six heures ou plus 200 pour cent des frais de transport aérien pour un aller simple, mais pas moins de 100 $CAN et pas plus de 800 $CAN 800 $CAN

[12] Air Canada fait valoir que, aux fins de sa proposition, l’expression « frais de transport aérien » a le sens prévu à l’article 135.5 du Règlement sur les transports aériens, DORS/88‑58, modifié (RTA) et inclut tous les droits ou les frais qu’il faut payer à l’achat d’un service aérien, y compris les frais relatifs aux coûts pour le transporteur de la prestation du service, mais à l’exclusion des frais d’un tiers.

[13] Air Canada allègue que sa proposition établit un équilibre entre la proposition de M. Lukács et le fardeau financier d’Air Canada lié à l’indemnité de passagers en raison de la surréservation, tout en protégeant adéquatement les intérêts des passagers lorsqu’il y a surréservation (ou déclassement). Air Canada fait valoir que sa proposition reflète les réalités commerciales suivantes :

  • Le montant de l’indemnité pour refus d’embarquement augmente selon la durée du retard à l’arrivée. Air Canada reconnaît que l’inconvénient pour les passagers augmente probablement à mesure que la durée du retard augmente.
  • L’indemnité pour refus d’embarquement reflètera les frais liés à un aller simple en transport aérien. La limite supérieure de l’indemnité est fixée selon la recommandation et les calculs de M. Lukács. L’utilisation de ces niveaux comme montants maximaux permet d’obtenir la certitude que, selon les présentations de M. Lukács, de 84 à 90 pour cent des personnes qui ont acheté un billet en classe économique et qui peuvent se voir refuser l’embarquement seront indemnisées adéquatement en fonction du tarif passager payé. Autrement dit, l’approche plafonnée fondée sur des pourcentages signifie que, dans le cas d’un retard d’une à six heures, de 84 à 90 pour cent des personnes auxquelles l’embarquement pourrait être refusé voyageraient sans assumer les frais d’un transport en aller simple, car elles seraient remboursées selon les frais de transport aérien pour un aller simple payés à Air Canada; ces personnes seraient aussi réacheminées selon les dispositions tarifaires d’Air Canada. Dans le cas d’un retard de plus de six heures, ces passagers recevraient le double du montant de l’indemnité.
  • Un niveau inférieur est fixé pour que les passagers qui achètent un billet à prix fortement réduit soient indemnisés au moins au niveau d’indemnisation actuel de 100 $CAN.

[14] Air Canada souligne qu’elle doit absolument tenir compte des réalités commerciales et concurrentielles propres à l’industrie canadienne du transport aérien au moment de statuer sur la présente affaire. Air Canada fait valoir que sa proposition lui permettrait d’offrir les montants d’indemnité pour refus d’embarquement les plus généreux parmi les transporteurs canadiens. Air Canada ajoute que la décision finale de l’Office sera imposée uniquement à Air Canada et que les autres transporteurs ne seront pas obligés de mettre en pratique les niveaux d’indemnité qui seront établis. Air Canada insiste donc sur le fait que, afin de maintenir des conditions équitables, toute imposition de niveaux d’indemnité pour refus d’embarquement doit se faire par règlement, et non par le traitement de plaintes.

M. Lukács

[15] M. Lukács fait valoir que les caractéristiques suivantes de la proposition d’Air Canada sont dignes de mention :

  • Contrairement au régime d’indemnisation en vigueur aux États-Unis d’Amérique, le régime proposé prévoit l’utilisation des frais de transport aérien pour le calcul du montant de l’indemnité. Cela exclut toutes les taxes et tous les frais aéroportuaires, qui représentent une partie importante du coût total du transport.
  • Le régime proposé considère que les inconvénients et les dommages sont les mêmes dans le cas d’un retard d’une à six heures, tandis que le régime en vigueur aux États-Unis d’Amérique repose sur trois niveaux de retard : de zéro à une heure, de une à deux heures et de plus de deux heures.
  • Dans bon nombre de cas, le régime proposé prévoit un paiement qui correspond à moins de la moitié du montant de l’indemnité prévu aux termes du régime en vigueur aux États‑Unis d’Amérique.
  • La proposition n’est qu’un simple cadre et Air Canada ne divulgue pas le libellé exact de la disposition tarifaire qu’elle prévoit utiliser pour remplacer la règle 245E)2). En particulier, elle omet de traiter des choix relativement à la forme de l’indemnité (espèces ou bon d’échange).

[16] M. Lukács applique chacun des régimes d’indemnité en délibéré à quatre paires de villes déterminées. Il fait valoir que ses exemples démontrent des caractéristiques communes qui forment certaines constantes :

  • Dans tous les cas, la proposition d’Air Canada prévoit un montant d’indemnité en espèces inférieur à au moins un régime raisonnable (et souvent aux deux régimes).
  • Sauf dans le cas d’un très court retard (moins d’une heure), c’est le régime en vigueur aux États‑Unis d’Amérique qui prévoit le montant d’indemnité en espèces le plus élevé.
  • Dans le cas d’un vol économique de courte durée (de Vancouver à Calgary, par exemple), la proposition d’Air Canada prévoit pratiquement le même montant d’indemnité dans le cas d’un retard qui va de zéro à six heures et ne contient rien pour inciter le transporteur à réacheminer les passagers en temps opportun.

[17] En ce qui a trait à l’affirmation d’Air Canada selon laquelle elle a adopté l’approche de M. Lukács avec certaines modifications, ce dernier maintient que la proposition d’Air Canada n’est nullement comparable au régime d’indemnisation qu’il a proposé. M. Lukács fait valoir que ses exemples démontrent que, dans la très grande majorité des cas, le régime d’Air Canada prévoit des montants d’indemnité beaucoup plus faibles que ceux qu’il a proposés, la seule exception étant dans le cas d’un retard variant d’une à deux heures, le régime du transporteur étant alors plus généreux dans certains cas, mais non dans tous.

[18] M. Lukács allègue qu’une autre différence qualitative entre le régime d’Air Canada et le régime d’indemnisation que M. Lukács a proposé réside dans le fait qu’Air Canada propose de traiter les retards d’une à six heures comme des retards causant les mêmes inconvénients, tandis que le régime que M. Lukács a proposé cherche à faire ainsi uniquement dans le cas d’un retard de deux à six heures. Il explique qu’il s’agit là d’une différence importante, et ce, pour deux raisons. En premier lieu, il y a une différence qualitative entre les inconvénients causés par un retard d’une heure et cinq minutes et celui causé par un retard de deux heures et trente minutes. En second lieu, il est très rare qu’un transporteur soit en mesure de réacheminer les passagers auxquels l’embarquement a été refusé, de manière si efficace que le retard à l’arrivée sera de moins d’une heure; il est beaucoup plus courant et réaliste de ce faire lorsque le retard à l’arrivée est de moins de deux heures. M. Lukács fait valoir que, par conséquent, le régime d’indemnité proposé par Air Canada omet de tenir adéquatement compte des inconvénients causés aux passagers et ne contient aucune mesure destinée à inciter Air Canada à réacheminer les passagers de façon efficace.

[19] En ce qui a trait à la présentation d’Air Canada selon laquelle elle aurait les montants d’indemnité pour refus d’embarquement les plus généreux dans le marché intérieur, M. Lukács soutient que cette présentation ne veut pratiquement rien dire, parce qu’aucun autre transporteur aérien de premier plan dans le marché intérieur ne pratique la surréservation dans le cadre de son modèle d’entreprise.

[20] En ce qui a trait à la présentation d’Air Canada concernant son fardeau financier et son désavantage concurrentiel, M. Lukács fait valoir que le « fardeau financier » qu’Air Canada mentionne dans ses présentations est tout simplement l’obligation courante et ordinaire qu’a chaque personne d’indemniser les autres pour le préjudice qu’elle leur cause, et que cela n’est pas particulier à Air Canada ou à l’industrie du transport aérien. Il fait valoir qu’il n’y a même pas le moindre élément de preuve permettant de suggérer que le fait d’indemniser les passagers adéquatement créerait pour Air Canada un fardeau financier notable ou important.

[21] M. Lukács fait valoir que la surréservation n’est pas un acte de la nature hors du contrôle d’Air Canada, mais plutôt une partie de son modèle d’entreprise et, à ce titre, Air Canada maîtrise totalement cette pratique. Il soutient qu’Air Canada peut réduire de façon importante son exposition à l’obligation de payer une indemnité pour refus d’embarquement en diminuant les taux de surréservation.

[22] M. Lukács souligne que, selon les observations d’Air Canada, seulement 0,09 pour cent des passagers qui réservent un vol intérieur auprès d’Air Canada risquent un refus d’embarquement. Il fait valoir que cela signifie que le fait de faire passer de 100 $CAN à 650 $CAN (le maximum aux termes du régime en vigueur aux États-Unis d’Amérique, pour un retard d’une durée maximale de deux heures) le montant de l’indemnité pour refus d’embarquement payable en espèces signifierait uniquement un coût supplémentaire de 0,495 $CAN par passager. De même, le fait de faire passer le montant d’indemnité à 400 $CAN (montant qu’il a proposé pour un retard pouvant aller jusqu’à six heures) n’entraînerait qu’un coût supplémentaire de 0,27 $CAN par passager. M. Lukács fait valoir que, si Air Canada est en mesure de réacheminer les passagers de façon plus efficace, il serait possible de réduire ces coûts davantage.

[23] En ce qui a trait à la présentation d’Air Canada selon laquelle toute imposition de niveaux d’indemnité pour refus d’embarquement devrait se faire par règlement, et non par le traitement de plaintes, M. Lukács fait valoir que le RTA impose déjà aux transporteurs aériens l’obligation d’offrir une indemnité en cas de refus d’embarquement. M. Lukács fait valoir que la politique du transporteur à ce sujet doit être raisonnable au sens du paragraphe 67.2(1) de la Loi sur les transports au Canada, L.C. (1996), ch. 10, modifiée (LTC). Il conclut qu’une réglementation régit déjà la question de l’indemnité pour refus d’embarquement, même si elle n’est peut‑être pas aussi complète que ce qu’Air Canada pourrait souhaiter.

[24] En ce qui a trait au critère d’évaluation qui vise à déterminer le caractère raisonnable des conditions de transport, M. Lukács fait référence à l’observation d’Air Canada selon laquelle sa proposition établit un équilibre entre la proposition qu’il a faite et le fardeau financier d’Air Canada lié à l’indemnisation de passagers due à la surréservation tout en protégeant adéquatement les intérêts des passagers en cas de surréservation (ou de déclassement). M. Lukács souligne que le critère d’évaluation d’Air Canada dénature le critère appliqué par l’Office aux termes duquel les dispositions tarifaires doivent établir un équilibre entre les droits des passagers d’être assujettis à des conditions de transport raisonnables et les obligations statutaires, commerciales et opérationnelles du transporteur aérien.

[25] En ce a trait au régime d’indemnité pour refus d’embarquement proposé par Air Canada, M. Lukács indique qu’un élément clé de ce régime est lié au fait qu’il prévoit la même indemnité pour les retards d’une heure à six heures. M. Lukács fait valoir que l’objectif de la politique, soit inciter à réacheminer efficacement les passagers, est neutralisé par le fait que l’on fournit la même indemnité pour les retards d’une heure à six heures, car il est inhabituel de réacheminer un passager de manière à ce que le retard à l’arrivée soit inférieur à une heure en raison de la fréquence des vols intérieurs. Il est donc peu probable qu’Air Canada s’efforce véritablement d’atteindre un objectif qui est peu réaliste dans la plupart des cas. M. Lukács soutient que le maintien d’un retard causé par un refus d’embarquement en deçà de deux heures constitue un objectif ambitieux, mais réaliste, et qu’Air Canada pourrait atteindre cet objectif à l’aide de son vaste réseau, à condition qu’elle élabore des procédures adéquates et rapides pour réacheminer les passagers.

[26] En ce qui a trait à la proposition d’Air Canada selon laquelle l’indemnisation pour refus d’embarquement serait fondée uniquement sur les « frais de transport aérien » payés par les passagers, M. Lukács fait valoir qu’une telle proposition réduit de façon déraisonnable l’indemnité payable à ceux-ci de 20 à 30 pour cent, selon l’itinéraire. À cet égard, M. Lukács fait remarquer que le régime d’indemnisation pour refus d’embarquement en vigueur aux États-Unis d’Amérique est fondé sur le tarif, c’est‑à‑dire le prix payé pour le transport aérien, y compris les taxes et les droits obligatoires, et qu’il n’inclut pas de frais accessoires liés à des services facultatifs. M. Lukács fait donc valoir que l’équivalent canadien de cette notion est le « prix total », et non pas les « frais de transport aérien » utilisés dans la proposition d’Air Canada.

[27] M. Lukács soutient que selon le régime qu’elle propose, Air Canada entend payer la totalité des frais de transport aérien en cas d’un retard allant d’une heure à six heures, et 200 pour cent des frais dans le cas d’un retard de plus de six heures. Il fait valoir qu’Air Canada n’a fourni aucune explication quant à la manière dont elle est parvenue à ces pourcentages et les facteurs qui l’ont amenée à conclure qu’ils sont raisonnables. M. Lukács ajoute que ces pourcentages ne sont pas raisonnables selon les réalités de 2013 et qu’ils sont fondés sur une version désuète du régime d’indemnisation pour refus d’embarquement qui était en vigueur aux États-Unis d’Amérique, qui exigeait une indemnité correspondant à la totalité du tarif, jusqu’à concurrence de 400 $US dans le cas de courts retards, et à 200 pour cent du tarif, jusqu’à concurrence de 800 $US, dans le cas de retards plus longs. Il soutient qu’en 2011, le département des Transports des États‑Unis d’Amérique a déterminé que ce régime d’indemnité n’était plus adéquat et l’a révisé pour l’amener à son état actuel.

[28] M. Lukács fait valoir que la comparaison entre le régime d’indemnité pour refus d’embarquement proposé par Air Canada et les deux régimes jugés raisonnables par l’Office révèle que le montant de l’indemnité payable selon la proposition d’Air Canada est nettement inférieur à celui exigé par au moins un des régimes raisonnables. Selon M. Lukács, la différence est particulièrement frappante dans les cas de retards de plus d’une heure, pour lesquels le régime d’indemnisation pour refus d’embarquement en vigueur aux États-Unis d’Amérique prévoit l’indemnisation en espèces la plus élevée des trois régimes examinés. M. Lukács allègue qu’Air Canada n’a fourni aucune explication ou justification pour offrir aux passagers qui se voient refuser l’embarquement une indemnité considérablement inférieure à celle jugée juste et suffisante aux États‑Unis d’Amérique.

[29] M. Lukács affirme qu’Air Canada n’a présenté aucun élément de preuve concernant le fardeau financier qui lui serait imposé si le régime d’indemnisation pour refus d’embarquement était augmenté. Il indique qu’à la lumière de la conclusion de l’Office selon laquelle Air Canada n’a pas démontré comment une indemnité plus élevée la désavantagerait, le régime d’indemnisation proposé par Air Canada ne parvient pas à établir un équilibre entre les droits des passagers et les obligations statutaires, commerciales et opérationnelles d’Air Canada. M. Lukács conclut donc qu’Air Canada n’a pas répondu à la demande de l’Office de donner ses raisons dans le cas présent, et qu’il reste seulement à trancher la question de savoir si Air Canada devrait être tenue d’appliquer le régime proposé par M. Lukács, ou celui en vigueur aux États‑Unis d’Amérique.

Analyse et constatations

[30] Air Canada fait valoir que l’Office devrait adopter un régime d’indemnité pour refus d’embarquement distinct de celui en vigueur aux États‑Unis d’Amérique, et que dans le cadre de l’examen du cas présent, l’Office doit reconnaître les réalités commerciales et concurrentielles propres à l’industrie canadienne du transport aérien. Air Canada maintient que sa proposition établit un équilibre entre la proposition de M. Lukács et le fardeau financier d’Air Canada lié à l’indemnisation des passagers concernés par la surréservation. Air Canada allègue qu’avec sa proposition, elle détiendrait le régime d’indemnisation pour refus d’embarquement le plus généreux parmi les transporteurs aériens canadiens. Selon Air Canada, la décision de l’Office s’applique uniquement à Air Canada, et afin d’établir des règles du jeu équitables, les niveaux révisés d’indemnité pour refus d’embarquement devraient être déterminés par règlement, et non par le traitement de plaintes.

[31] M. Lukács affirme que le fardeau financier assumé par Air Canada relativement à l’indemnité des passagers touchés par un refus d’embarquement représente l’obligation commune et ordinaire de toute personne d’indemniser tout dommage causé par celle‑ci. Il affirme en outre qu’Air Canada n’a pas présenté le moindre élément de preuve pour prouver le bien-fondé de son affirmation selon laquelle une indemnité adéquate des passagers entraînerait un fardeau financier. M. Lukács conteste la pertinence de la présentation d’Air Canada selon laquelle son régime proposé d’indemnité pour refus d’embarquement constitue le régime le plus généreux du marché intérieur des transporteurs aériens canadiens, affirmant qu’Air Canada est le seul transporteur du marché intérieur qui pratique la surréservation dans le cadre de son modèle d’entreprise. En ce qui a trait à la présentation d’Air Canada selon laquelle les montants révisés des indemnités pour refus d’embarquement devraient être imposés par règlement, et non par le traitement de plaintes, M. Lukács maintient que le RTA exige que les transporteurs aériens offrent une indemnité pour refus d’embarquement, qui doit être raisonnable au sens du paragraphe 67.2(1) de la LTC.

[32] Dans la décision no 204‑C‑A‑2013, l’Office a enjoint à Air Canada de donner les raisons pour lesquelles elle ne devrait pas appliquer le régime d’indemnité pour refus d’embarquement en vigueur aux États‑Unis d’Amérique, ni le régime proposé par M. Lukács. L’Office n’a pas donné à Air Canada l’occasion de proposer un régime d’indemnité pour refus d’embarquement autre que celui en vigueur aux États‑Unis d’Amérique, ou que celui proposé par M. Lukács. En réponse à la décision no 204‑C‑A‑2013, Air Canada a proposé un régime d’indemnité pour refus d’embarquement qui intègre la proposition de M. Lukács des aspects du régime des États‑Unis d’Amérique. La présentation d’Air Canada traitait brièvement du régime d’indemnité pour refus d’embarquement en vigueur aux États‑Unis d’Amérique, et n’abordait pas expressément le régime d’indemnité proposé par M. Lukács.

[33] L’Office convient avec M. Lukács qu’Air Canada n’a pas présenté le moindre élément de preuve pour démontrer que le régime d’indemnité pour refus d’embarquement en vigueur aux États‑Unis d’Amérique ou le régime proposé par M. Lukács lui imposera un fardeau financier. L’Office convient également avec M. Lukács que la pertinence de la présentation d’Air Canada quant à la générosité du régime d’indemnité pour refus d’embarquement proposé par Air Canada par rapport à ceux des autres transporteurs canadiens est douteuse, compte tenu de l’affirmation non contestée de M. Lukács selon laquelle aucun autre transporteur canadien ne pratique la surréservation dans le cadre de son modèle d’entreprise. En outre, l’Office est d’avis que la question de la surréservation relève entièrement du contrôle d’Air Canada, et que si celle-ci souhaite restreindre cette pratique, elle peut le faire.

[34] En ce qui a trait à la présentation d’Air Canada selon laquelle les montants des indemnités pour refus d’embarquement devraient être imposés par règlement plutôt que par le traitement de plaintes, l’Office souligne que ses actions dans le cas présent sont conformes aux règlements et à la loi régissant les activités de l’Office, particulièrement le paragraphe 67.2(1) de la LTC, qui exige, notamment, que les conditions applicables aux services intérieurs de transport ne soient pas déraisonnables.

[35] En ce qui a trait à la préoccupation d’Air Canada concernant l’établissement de règles du jeu équitables entre les transporteurs canadiens sur le plan de l’indemnité pour refus d’embarquement, Air Canada est libre de proposer et de faire valoir les modifications statutaires qu’elle peut juger nécessaires pour établir les règles du jeu équitables en question et de prendre part à des discussions dans d’autres forums, lorsque la loi le permet.

[36] À la lumière de ce qui précède, l’Office conclut qu’Air Canada n’a pas donné les raisons pour lesquelles elle ne devrait pas appliquer le régime d’indemnité pour refus d’embarquement en vigueur aux États‑Unis d’Amérique, ni le régime proposé par M. Lukács.

QUESTION 3 : SI AIR CANADA N’A PAS DONNÉ LES RAISONS QUI CONCERNENT LA RÈGLE 245E)2), QUEL RÉGIME D’INDEMNITÉ POUR REFUS D’EMBARQUEMENT AIR CANADA DOIT‑ELLE APPLIQUER, À SAVOIR LE RÉGIME EN VIGUEUR AUX ÉTATS‑UNIS D’AMÉRIQUE OU CELUI PROPOSÉ PAR M. LUKACS?

[37] M. Lukács soutient que le régime d’indemnité pour refus d’embarquement en vigueur aux États‑Unis d’Amérique et le régime qu’il a proposé offrent tous deux de nombreux avantages. Il fait valoir que le régime en vigueur aux États‑Unis d’Amérique prévoit une indemnité élevée après un retard de deux heures seulement; cependant, le montant dépend du tarif (le « prix total ») payé par le passager. M. Lukács affirme en outre que le régime qu’il a proposé est égalitaire, selon la longueur du retard causé uniquement, qu’il est plus explicite et facile à comprendre pour les passagers et les agents d’Air Canada, et qu’il laisse donc moins de place pour les erreurs de calcul et les différends. Il affirme enfin que le régime qu’il propose incite fortement à réacheminer les passagers dans les deux heures, mais qu’il n’impose pas de sanctions démesurées aux transporteurs s’ils réussissent à le faire dans le cas d’un retard de moins de six heures.

Analyse et constatations

[38] Dans la 204‑C‑A‑2013">décision no 204‑C‑A‑2013, l’Office a conclu que le régime d’indemnité pour refus d’embarquement en vigueur aux États‑Unis d’Amérique et le régime proposé par M. Lukács sont tous deux raisonnables. Maintenant, pour déterminer lequel des deux régimes il ordonnera à Air Canada d’appliquer, l’Office examinera les facteurs suivants :

  • la mesure dans laquelle le régime d’indemnité atténue les inconvénients que subissent les passagers concernés par un refus d’embarquement;
  • la mesure dans laquelle le régime d’indemnité pour refus d’embarquement est compréhensible;
  • la facilité de mise en œuvre du régime.

[39] En ce qui a trait à l’atténuation des inconvénients, l’Office conclut que comparativement au régime en vigueur aux États‑Unis d’Amérique, le régime proposé par M. Lukács incite davantage un transporteur à indemniser dans un court délai, c.‑à‑d. deux heures, les passagers qui se voient refuser l’embarquement, ce qui réduit les inconvénients que ceux‑ci peuvent subir en raison d’un retard dans leur voyage. En outre, le régime proposé par M. Lukács tient compte de la position du transporteur, car il n’impose pas de sanctions sévères aux transporteurs qui sont en mesure de transporter les passagers à bord d’un autre vol dans un délai de six heures après que ces derniers se soient vu refuser l’embarquement à bord du vol qu’ils ont initialement réservé. À ce titre, l’Office conclut, en ce qui a trait au cas présent, que le régime d’indemnité pour refus d’embarquement proposé par M. Lukács est raisonnable et qu’il établit un équilibre entre les intérêts des consommateurs et les obligations commerciales d’Air Canada.

[40] En ce qui a trait au caractère compréhensible et à la facilité de mise en œuvre, l’Office est d’accord avec la présentation de M. Lukács selon laquelle le régime qu’il propose est plus explicite et plus facile à comprendre que celui en vigueur aux États‑Unis d’Amérique, tant pour les passagers que pour les transporteurs. L’Office conclut qu’il est extrêmement important que les passagers puissent comprendre facilement et prévoir l’indemnité qui peut leur être due en cas de refus d’embarquement, de manière à ce que les passagers concernés puissent exercer leurs droits. À cet égard, l’Office estime que le régime proposé par M. Lukács atteint cet objectif.

[41] L’Office note également que, comme l’a fait valoir M. Lukács, le régime d’indemnité pour refus d’embarquement proposé par ce dernier est égalitaire, contrairement au régime en vigueur aux États‑Unis d’Amérique, c’est‑à‑dire que les passagers concernés reçoivent la même indemnité, indépendamment du tarif payé. Cette approche est conforme à celle énoncée dans la 666-C-A-2001">décision no 666‑C‑A‑2001 (Anderson c. Air Canada).

[42] À la lumière de ce qui précède, l’Office conclut que le régime proposé par M. Lukács constitue l’option préférable pour les passagers qui essuient un refus d’embarquement involontaire. L’Office souligne que le régime qu’il juge raisonnable s’applique uniquement au refus d’embarquement involontaire, et qu’il ne concerne pas les situations où un passager offre de lui‑même de ne pas monter à bord en contrepartie de l’indemnité qu’Air Canada offre, quelle qu’elle soit.

QUESTION 4 : QUELLE FORME DE PAIEMENT DEVRAIT ÊTRE OFFERTE EN CAS DE REFUS D’EMBARQUEMENT ET, SI CE SONT DES BONS DE TRANSPORT QUI SONT OFFERTS, QUELLES CONDITIONS DEVRAIENT ÊTRE ASSOCIÉES À CES BONS?

[43] M. Lukács fait valoir que, dans la décision nLET‑C‑A‑83‑2011 (Lukács c. WestJet), l’Office a déterminé qu’une indemnité payée conformément au tarif doit être payée en espèces, par chèque ou en portant un crédit à la carte de crédit du passager, ou de toute autre manière acceptable pour le passager. Il indique que l’Office a récemment appliqué ce principe dans la décision no 227‑C‑A‑2013 (Lukács c. WestJet), dans le contexte précis de l’indemnité pour refus d’embarquement.

[44] M. Lukács soutient que tandis que les passagers peuvent choisir d’accepter une indemnité sous une forme autre qu’en espèces ou l’équivalent, leur décision à cet égard doit être éclairée, et ils ont droit à une possibilité raisonnable d’évaluer pleinement leurs options. Il fait valoir que l’aéroport ne fournit pas une possibilité et un cadre adéquats qui permettraient aux passagers de prendre une décision éclairée quant à leur choix d’une indemnité pour refus d’embarquement. M. Lukács termine en affirmant que c’est le fait d’obliger les transporteurs à verser des indemnités pour refus d’embarquement en espèces ou sous une forme équivalente, plutôt que sous forme de bons de transport, qui offre la meilleure protection aux passagers.

[45] M. Lukács fait valoir qu’en pratique, les bons de transport sont presque sans valeur parce que les restrictions suivantes s’appliquent à leur utilisation :

  • Contrairement aux espèces, les bons sont valides pendant un an seulement, après quoi ils cessent d’avoir effet et deviennent sans valeur.
  • Contrairement aux espèces, les bons sont valides uniquement pour les vols d’Air Canada ou de Jazz, et pour les vols de Vacances Air Canada; ils ne peuvent pas être utilisés pour des itinéraires qui concernent également un partenaire à code partagé d’Air Canada.
  • Contrairement aux espèces, les bons ne couvrent pas les taxes, les droits, les frais et les suppléments liés à un itinéraire. La somme de ces frais est souvent égale, voire supérieure, au tarif de base.
  • Bien que les bons de transport puissent être combinés, on ne peut utiliser qu’un maximum de trois bons pour acheter un nouveau titre de transport.
  • Selon les présentations d’Air Canada, il semble que les bons de transport reçus à titre d’indemnité pour refus d’embarquement dans le cas de vols intérieurs soient valides uniquement pour les vols intérieurs, ou peut‑être pour les vols en Amérique du Nord; ils ne sont pas valides pour les vols transatlantiques.

[46] M. Lukács fait valoir que si les transporteurs sont autorisés à offrir, au gré du passager, un bon de transport en guise d’indemnité pour refus d’embarquement, le montant du bon devrait correspondre à un multiple du montant dû en espèces. M. Lukács soutient que dans une présentation du 15 août 2012, Air Canada proposait d’augmenter le montant du bon de transport à 300 $CAN, ce qui représentait un ratio de 1:3, à savoir qu’Air Canada considère que 1 $CAN équivaut à 3 $CAN en bon de transport. Il affirme que si l’indemnisation sous forme de bons de transport est acceptable, le ratio de 1:3 est alors raisonnable, compte tenu des restrictions liées aux bons, et il est conforme au ratio de 1:2,5 appliqué par Air Canada pour les vols internationaux.

[47] M. Lukács demande que l’Office rejette la proposition d’Air Canada, qui permet le versement d’une indemnité pour refus d’embarquement sous forme de bons de transport ou, à défaut, qu’il impose les restrictions suivantes :

  1. Air Canada doit aviser les passagers du montant de l’indemnité en espèces qui serait due; ceux‑ci peuvent alors refuser le bon de transport et recevoir des espèces ou l’équivalent.
  2. Air Canada doit divulguer toutes les restrictions matérielles avant qu’un passager décide de renoncer à un paiement en espèces ou l’équivalent en échange d’un bon de transport.
  3. Air Canada doit obtenir l’accord dûment signé du passager, confirmant que ce dernier a reçu l’information susmentionnée, avant d’offrir un bon de transport en guise d’indemnité.
  4. Le montant du bon de transport ne doit pas être inférieur à 300 pour cent du montant de l’indemnité en espèces qui serait du.
  5. Les passagers ont le droit d’échanger le bon de transport contre des espèces à raison de 1 $CAN en espèces équivalant à 3 $CAN sous la forme d’un bon de transport, dans un délai d’un an.

Analyse et constatations

[48] M. Lukács affirme que dans des décisions antérieures, l’Office a déterminé qu’une indemnité doit être versée aux passagers en espèces, par chèque ou en portant un crédit à la carte de crédit du passager, ou de toute autre manière acceptable pour celui-ci. M. Lukács affirme en outre que si les bons de transport demeurent une option que les passagers peuvent choisir au lieu d’un paiement en espèces en cas de refus d’embarquement, leur choix doit être éclairé. M. Lukács ajoute qu’en pratique, les bons de transport tendent à être sans valeur, compte tenu des nombreuses restrictions qui s’y rattachent. Il propose que certaines conditions soient appliquées aux bons de transport, et que leur valeur soit fondée sur un ratio de 1:3.

[49] L’Office est d’accord avec la présentation de M. Lukács selon laquelle les passagers doivent avoir largement la possibilité de déterminer s’ils souhaitent opter pour un bon de transport en guise d’un paiement en espèces à titre d’indemnité pour refus d’embarquement, et qu’ils devraient faire leur choix uniquement après qu’Air Canada ait informé les passagers de toutes les conditions rattachées aux bons de transport. L’Office conclut qu’à la lumière du ratio applicable à l’indemnisation en espèces comparativement aux bons de transport dans le cas du transport international, le ratio de 1:3 proposé par M. Lukács est raisonnable.

[50] Compte tenu de ce qui précède, l’Office conclut que les restrictions qui, aux termes de la proposition de M. Lukács, seraient imposées relativement à la délivrance de bons de transport sont raisonnables, sauf la période d’un an proposée par M. Lukács pour permettre aux personnes d’échanger un bon de transport contre des espèces. L’Office est d’avis que la période proposée est excessive, et juge qu’une période d’un mois, pour l’échange, est plus raisonnable.

ORDONNANCE

[51] Dans la présente décision, l’Office a déterminé ce qui suit :

  1. Air Canada n’a pas donné les raisons pour lesquelles la règle 245E)1)b)iv) ne devrait pas prévoir que, en l’absence de la preuve faite par Air Canada que toutes les mesures raisonnables ont été prises afin d’éviter la substitution de l’aéronef prévu par un autre d’une capacité moindre, une indemnité pour refus d’embarquement sera offerte aux passagers concernés.
  2. Air Canada n’a pas donné les raisons pour lesquelles, en ce qui a trait à la règle 245E)2), elle ne devrait pas appliquer le régime d’indemnité pour refus d’embarquement en vigueur aux États‑Unis d’Amérique, ni le régime proposé par M. Lukács.
  3. Le régime proposé par M. Lukács est préférable au régime en vigueur aux États‑Unis d’Amérique.
  4. Si Air Canada devait choisir d’offrir l’option relative aux bons de transport à titre d’indemnité pour refus d’embarquement, les conditions proposées par M. Lukács sont raisonnables, sauf la période d’un an proposée par ce dernier pour permettre aux gens d’échanger un bon de transport contre des espèces; à cet égard, l’Office juge qu’une période d’un mois est raisonnable pour l’échange.

[52] L’Office ordonne à Air Canada, d’ici le 18 septembre 2013 :

  1. de réviser la règle 245E)1)b)iv) afin qu’elle tienne compte des conclusions de la présente décision, à défaut de quoi l’Office pourrait prescrire un libellé approprié;
  2. de réviser la règle 245E)2) en y intégrant le régime d’indemnité pour refus d’embarquement proposé par M. Lukács;
  3. d’intégrer dans la règle 245E)2) les conditions proposées par M. Lukács, advenant qu’Air Canada choisisse d’offrir l’option relative aux bons de transport à titre d’indemnité pour refus d’embarquement. Comme il est indiqué dans la présente décision, les gens disposeraient alors d’une période d’un mois pour échanger des bons de transport contre des espèces.

Membre(s)

J. Mark MacKeigan
Geoffrey C. Hare
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