Décision n° 20-C-A-2023

le 24 février 2023

Demande présentée par Mickey Anslow et Donna Anslow (demandeurs) contre Sunwing (défenderesse) concernant un retard de vol

Numéro de cas : 
22-23192

[1] Les demandeurs ont acheté des billets aller-retour pour un vol de Regina (Saskatchewan) à Cancún, Mexique, dont le départ était prévu le 7 mars 2020 et le retour le 14 mars 2020. Lorsqu’ils sont arrivés à l’aéroport de Cancún afin de s’enregistrer pour leur vol de retour, ils ont été informés que le vol était retardé. L’heure d’arrivée prévue à Regina était 19 h 55 le 14 mars 2020, mais ils sont plutôt arrivés à 2 h 29 le 15 mars 2020.

[2] Les demandeurs réclament des indemnités de 700 CAD chacun pour le retard, soit un total de 1 400 CAD.

[3] Dans la présente décision, le rôle de l’Office des transports du Canada (Office) consiste à déterminer si la défenderesse a correctement appliqué les conditions du tarif applicables aux billets que les demandeurs ont achetés.

[4] Si l’Office conclut que la défenderesse n’a pas correctement appliqué son tarif, il peut lui ordonner de prendre les mesures correctives qu’il estime indiquées, ou de verser des indemnités aux demandeurs pour toutes dépenses qu’ils ont supportées en raison du manquement de la défenderesse.

Positions des parties

[5] Les demandeurs affirment que des repas leur ont été fournis, de même que le transport à l’hôtel en attendant l’heure révisée du départ. Ils ont déposé une demande d’indemnisation auprès de la défenderesse au titre du Règlement sur la protection des passagers aériens (RPPA). La défenderesse a refusé leur demande, affirmant que le retard qu’ils ont subi lui était attribuable, mais nécessaire par souci de sécurité. La défenderesse les a informés que les tuyaux de la toilette à l’arrière de l’aéronef, lequel devait servir pour leur voyage aller-retour qui incluait leur vol, ont gelé et se sont fendus au moment du départ. Afin que plus d’une toilette soit fonctionnelle, la défenderesse a dû faire un arrêt imprévu à Toronto (Ontario) pour changer d’aéronef de même que l’équipage afin de respecter les dispositions réglementaires sur le temps de vol. Les demandeurs font valoir que selon le Règlement de l’aviation canadien (RAC), il n’est pas obligatoire que toutes les toilettes de l’aéronef soient fonctionnelles pour qu’un vol puisse avoir lieu.

[6] La défenderesse a présenté des éléments de preuve pour démontrer que les tuyaux de la toilette à l’arrière de l’aéronef qui devait être utilisé ont gelé et se sont fendus parce qu’un appareil de chauffage a été éteint à Regina pendant une période indéterminée. Elle affirme que son bureau des opérations commerciales ainsi que le commandant de bord ont décidé qu’il fallait changer d’aéronef en raison du risque que d’autres problèmes surviennent avec la seule toilette fonctionnelle qui restait et le circuit d’eau, et du risque qu’à tout moment, l’aéronef devienne hors service. Elle soutient que cette décision a été prise en raison de préoccupations d’hygiène amplifiées par la pandémie de COVID-19, d’autant plus que le vol des demandeurs était presque plein. La défenderesse fait valoir qu’elle a pris toutes les mesures qui pouvaient raisonnablement s’imposer pour atténuer les conséquences du retard du vol précédant celui des demandeurs et qu’ils n’ont pas droit à une indemnisation puisque le retard lui était attribuable, mais nécessaire par souci de sécurité.

Analyse et déterminations

[7] Selon le tarif et le RPPA, des indemnités pour inconvénients sont dues uniquement si le retard était attribuable à la défenderesse, mais aucune indemnité n’est due si le retard lui était attribuable, mais nécessaire par souci de sécurité. Le fardeau de la preuve repose sur les demandeurs, qui doivent établir, selon la prépondérance des probabilités, que la défenderesse n’a pas appliqué correctement les règles qui s’appliquent à leurs billets. Toutefois, lorsqu’un transporteur affirme qu’une perturbation lui était attribuable, mais nécessaire par souci de sécurité, il doit prouver son affirmation en présentant des éléments de preuve qui montrent dans quelle catégorie il classe la perturbation.

[8] Dans la décision 122-C-A-2021 (décision d’interprétation du RPPA), l’Office a conclu que lorsque plusieurs raisons ont contribué à un retard, il doit déterminer la raison principale de la perturbation, ou le facteur y ayant contribué le plus considérablement, afin de déterminer à quelle catégorie appartient le retard de vol. L’Office reconnaît également que les retards attribuables à des problèmes mécaniques impossibles à prévoir devraient entrer dans la catégorie des perturbations attribuables au transporteur, mais nécessaires par souci de sécurité.

[9] Dans le cas présent, les notes de la défenderesse concernant la maintenance font état d’un arrêt pour des raisons techniques et de la substitution de l’aéronef défectueux à Toronto. Ces notes confirment que la toilette à l’arrière de l’avion était gelée et coulait parce qu’un appareil de chauffage a été éteint pendant une période indéterminée avant le départ de l’aéronef depuis son point d’origine à Regina.

[10] L’Office conclut donc que la raison principale de la perturbation du vol des demandeurs, ou le facteur y ayant contribué le plus considérablement, est que les tuyaux de la toilette arrière de l’aéronef qui devait servir pour leur vol ont gelé et se sont fendus. Compte tenu des conditions hivernales à Regina à ce moment-là, il était raisonnable de s’attendre à ce que des pièces fragiles gèlent du fait que les protocoles de maintenance ont été mal suivis pendant que l’aéronef était stationné. En conséquence, l’Office conclut que la défenderesse n’a pas prouvé que le retard causé en raison de la toilette défectueuse était inévitable. Il conclut que la défenderesse a plutôt démontré que le retard aurait pu être évité si les équipes de la maintenance et des services au sol avaient agi avec prudence et diligence.

[11] Sachant que la toilette arrière était hors service, le pilote et le bureau des opérations commerciales de la défenderesse ont décidé, pour des raisons légitimes d’hygiène, de changer l’aéronef qui devait effectuer le voyage international aller-retour qui incluait le vol des demandeurs. Le début de la pandémie de COVID-19 les a peut-être rendus plus sensibles aux risques pour la santé, mais il reste qu’un nombre suffisant de toilettes fonctionnelles pour le nombre de passagers attendus à bord d’un aéronef devrait constituer un élément de sécurité de tout vol, peu importe les exigences minimales prévues dans le RAC pour exploiter un aéronef. Par ailleurs, s’il y avait eu un retard sur l’aire de trafic, la défenderesse aurait été obligée, selon le RPPA, de veiller à ce que toutes les toilettes à bord soient accessibles et fonctionnelles.

[12] Les circonstances décrites par la défenderesse n’étaient pas des problèmes mécaniques impossibles à prévoir. La défenderesse est donc responsable des conséquences du manquement, par ses équipes de maintenance et de services au sol, à respecter les protocoles de maintenance, et elle doit verser, conformément au RPPA, des indemnités aux demandeurs pour les inconvénients subis.

[13] Dans la détermination A-2020-42 émise le 13 mars 2020, l’Office a temporairement exempté les transporteurs de l’obligation de verser, conformément au RPPA, des indemnités pour inconvénients à des passagers qui auraient été informés d’un retard ou d’une annulation de vol dans les 72 heures précédant l’heure de départ prévue. Toutefois, les transporteurs devaient verser des indemnités aux passagers dont l’arrivée à destination a été retardée de six heures ou plus. Un gros transporteur était tenu de verser des indemnités de 400 CAD aux passagers dont l’arrivée a été retardée de six heures ou plus, mais de moins de neuf heures. Ces exemptions sont entrées en vigueur immédiatement et elles ont été prolongées jusqu’au 30 juin 2020 dans la détermination A-2020-47. Comme la perturbation dans le cas présent a eu lieu durant cette période, les exemptions s’appliquent.

[14] Dans le cas présent, les demandeurs ont une première fois été avisés du retard dans les 72 heures qui ont précédé l’heure prévue de leur départ, et ils sont arrivés à Regina avec 6 heures et 34 minutes de retard. En conséquence, l’Office conclut que les demandeurs ont droit à des indemnités pour inconvénients de 400 CAD chacun, pour un total de 800 CAD.

Application de la décision à d’autres passagers

[15] Comme cette demande porte sur un retard de vol, l’Office peut, en vertu du Règlement sur les transports aériens [paragraphe 113.1(3)], rendre applicable à d’autres passagers du même vol, dans la mesure qu’il estime indiquée, tout ou partie de sa décision visant des obligations de la défenderesse prévues dans le RPPA.

[16] La défenderesse et les demandeurs ont eu l’occasion de déposer des présentations sur cette question, mais les deux parties ont décidé de ne pas le faire. Selon la preuve et la décision de l’Office dans le cas présent, l’Office conclut que les autres passagers sur le même vol ont également subi un retard attribuable à la défenderesse.

[17] Avant la présente décision, la défenderesse classait le retard de ce vol dans la catégorie des situations qui lui sont attribuables, mais nécessaires par souci de sécurité. En conséquence, la défenderesse pourrait avoir refusé des demandes d’indemnisation déposées par d’autres passagers sur ce vol qui auraient dû être indemnisés.

[18] À la lumière de ce qui précède, l’Office conclut que d’autres passagers sur le même vol qui ont déposé une demande d’indemnisation dans les délais prescrits par le RPPA et la Convention de Montréal sont aussi admissibles à une indemnisation.

Ordonnance

[19] L’Office ordonne à la défenderesse de prendre toutes les mesures suivantes :

  • verser aux demandeurs des indemnités de 400 CAD chacun, pour un total de 800 CAD;
  • remettre une copie de la décision de l’Office aux autres passagers sur le même vol qui ont déposé une demande d’indemnisation dans les délais applicables, et les informer qu’ils pourraient être admissibles à des indemnités pour inconvénients et au remboursement de leurs dépenses supportées en raison de la perturbation de vol;
  • déposer à l’Office la preuve qu’elle a donné suite aux autres demandes d’indemnisation liées à ce vol et qu’elle a réévalué les demandes déjà refusées liées à ce vol en se basant sur les conclusions rendues dans la présente décision.

La défenderesse a jusqu’au 11 avril 2023 pour se conformer à la présente ordonnance.


Lois, règlements ou tarif cits Identificateur numérique (article, paragraphe, règle, etc.)
Règlement sur les transports aériens, DORS/88-58 110(4); 113.1(1); 113.1(3)
Règlement sur la protection des passagers aériens, DORS/2019-150 1(1); 8(1)a); 11(2); 11(3); 12(2); 14(1); 19(1); 19(3)

Convention pour l’unification de certaines règles relatives au transport aérien international – Convention de Montréal

35
Tariff Containing Rules Applicable to Scheduled Services for the Transportation of Passengers and Baggage or Goods Between Points in Canada on the One Hand and Points Outside Canada on the Other Hand, CTA(A) 3 2.1(g)

Membre(s)

Heather Smith
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