Décision n° 221-AT-A-2004
Suivi - décision no 519-AT-A-2004
Suivi - décision no 323-AT-A-2007
le 30 avril 2004
DEMANDE présentée par Tracey Marcinov conformément au paragraphe 172(1) de la Loi sur les transports au Canada, L.C., (1996), ch. 10, concernant les difficultés qu'elle a éprouvées dans le cadre de son vol avec Ceske Aerolinie A.S. exerçant son activité sous le nom de Czech Airlines CSA de Montréal, Canada, à Prague, République Tchèque, le 27 septembre 2003 et de son vol de retour de Prague à Montréal le 8 novembre 2003.
Référence no U3570/03-40
DEMANDE
[1] Le 10 novembre 2003, Paul Marcinov, au nom de sa fille Tracey Marcinov, a déposé auprès de l'Office des transports du Canada (ci-après l'Office) la demande énoncée dans l'intitulé.
[2] Le 19 décembre 2003, Ceske Aerolinie A.S., exerçant son activité sous le nom de Czech Airlines CSA (ci-après CSA), a déposé sa réponse à la demande. Le 7 janvier 2004, CSA a déposé d'autres mémoires et le 9 janvier 2004, M. Marcinov a déposé son mémoire pour donner suite à la réponse de CSA.
[3] Dans la décision no LET-AT-A-20-2004 du 22 janvier 2004, l'Office a sollicité les commentaires de Global Travel Alliance Inc. (ci-après Global Travel), l'agence de voyages qui a vendu les billets à M. Marcinov pour les vols susmentionnés. Le 3 février 2004, Global Travel a déposé son mémoire en réponse à la décision no LET-AT-A-20-2004 et le 7 février 2004, M. Marcinov a déposé ses commentaires en réponse au mémoire de Global Travel. CSA n'a déposé aucun autre commentaire.
[4] Aux termes du paragraphe 29(1) de la Loi sur les transports au Canada (ci-après la LTC), l'Office est tenu de rendre sa décision au plus tard 120 jours après la date de réception de la demande, sauf s'il y a accord entre les parties pour une prolongation du délai. Dans le cas présent, les parties ont convenu de prolonger le délai jusqu'au 30 avril 2004.
QUESTIONS PRÉLIMINAIRES
[5] Même si CSA a déposé des mémoires après les délais prescrits, l'Office, conformément à l'article 6 des Règles générales de l'Office national des transports, DORS/88-23, les accepte comme étant pertinents et nécessaires à l'examen de la présente affaire.
[6] Dans sa demande, M. Marcinov soulève la question de la propreté des locaux sanitaires lors du vol de retour de Prague à Montréal. L'Office note que cette question est liée au service à la clientèle et non à la déficience de Mme Marcinov. Par conséquent, l'Office ne tiendra pas compte de cette question en vertu de l'article 172 de la LTC.
[7] La demande soulève aussi la question de l'absence d'un exposé de sécurité individuel et d'une orientation de l'aéronef avant le décollage. L'Office souligne que certaines questions de sécurité, comme celles qui touchent la sécurité physique des passagers et de composantes du réseau de transport comme le matériel et les installations, relèvent directement de Transports Canada. L'Office prend toutefois en considération les conséquences en matière de sécurité de la fourniture de services reliés aux transports pour les personnes ayant une déficience dans le réseau de transport de compétence fédérale. Par exemple, l'Office a toujours considéré que le sentiment de sécurité et de sûreté d'une personne ayant une déficience est un facteur pertinent dans la détermination qu'il fait d'un obstacle abusif. De plus, bien que l'Office n'établisse pas de règlements et règles en matière de sécurité, il examine tout manquement par un fournisseur de services de transport à appliquer les règlements, règles et politiques et procédures connexes existants dans sa détermination de l'existence d'obstacles abusifs. L'Office se penchera donc sur la question de l'absence d'une orientation de l'aéronef, y compris les espaces voisins des sièges et des toilettes ainsi que les commodités, et d'un exposé de sécurité individuel en ce qui a trait à l'expérience de voyage de Mme Marcinov.
[8] La demande soulève également des questions de sécurité, y compris l'entreposage de bagages à main, l'obligation d'enchaîner des animaux aidants et l'exposé de sécurité individuel, lesquels relèvent, selon l'Office, de la compétence de Transports Canada. Par conséquent, la demande de Mme Marcinov sera également transmise à Transports Canada pour que ce dernier l'examine et prenne les mesures appropriées.
QUESTION
[9] L'Office doit déterminer si les éléments suivants ont constitué des obstacles abusifs aux possibilités de déplacement de Mme Marcinov et, le cas échéant, les mesures correctives qui doivent être prises : les politiques de CSA selon lesquelles les chiens-guides doivent être enchaînés et muselés; les sièges assignés à Mme Marcinov; et la non-fourniture par CSA d'une orientation de l'aéronef et d'un exposé de sécurité individuel à Mme Marcinov.
FAITS
[10] Mme Marcinov est aveugle et utilise un chien-guide certifié pour l'aider. M. Marcinov, son épouse et sa fille Tracey (ci-après la famille Marcinov) ont voyagé de Montréal à Prague le 27 septembre 2003 et de Prague à Montréal le 8 novembre 2003. L'aéronef utilisé lors des deux vols était un Airbus A310-300. M. Marcinov a acheté les billets pour ces vols de Global Travel. Au moment de la réservation, M. Marcinov a demandé des sièges offrant de l'espace supplémentaire pour les jambes afin de répondre aux besoins de Mme Marcinov et de son chien-guide.
[11] Le 26 août 2003, les sièges 11C, D et E ont été confirmés par Global Travel pour les deux segments du vol aller-retour. La rangée 11 est une rangée de jonction (permet de passer d'une allée à l'autre) et les sièges 11A, B, G et H sont désignés comme étant des sièges situés près d'une issue de secours. Le 27 septembre 2003, au comptoir d'enregistrement de Montréal, un agent a réassigné les sièges 5C, D et F à la famille Marcinov. Le siège 5E est resté inoccupé pour le chien-guide de Mme Marcinov. Le dossier passager de la famille Marcinov (ci-après le DP), créé par CSA au moment de la réservation, indique que Mme Marcinov est aveugle et qu'elle voyagerait avec son chien-guide.
[12] Le 8 novembre 2003, avant le vol de retour de Prague à Montréal, le capitaine du vol a accepté que Mme Marcinov monte à bord de l'aéronef sans que son chien-guide soit muselé à condition qu'elle s'assoit dans la rangée 29. Des sièges des rangées 28 et 29 ont donc été réassignés à la famille Marcinov. Mme Marcinov a occupé le siège 28A et son chien-guide a occupé le siège libre à côté d'elle. Le chien-guide de Mme Marcinov n'entrait pas dans l'espace alloué au sol. Par conséquent, il a posé ses pattes arrières sur le siège libre à côté de Mme Marcinov et ses pattes de devant ainsi que sa tête sur les bagages de cabine placés sur le sol dans l'espace entre les deux rangées de sièges.
[13] Mme Marcinov n'a reçu ni un exposé de sécurité individuel ni une orientation de l'aéronef dans le cadre de ses deux vols.
[14] Le manuel sur les règlements concernant les passagers internationaux de CSA prévoit notamment :
BLND - un passager aveugle. Si la personne est accompagnée d'un chien-guide, ce dernier est transporté gratuitement dans la cabine (à condition que le passager dépende entièrement du chien-guide). Le chien doit avoir une réservation confirmée et être installé au même endroit que les sièges spéciaux pour les personnes ayant une déficience - voir les configurations de l'aéronef. Si l'espace n'est pas suffisant dans certains types d'aéronefs (A310, B735 et B734 classe Y, ATR Y et C), un siège à côté de celui du passager doit être réservé sans frais pour que le chien puisse se coucher en dessous du siège. Le chien doit être enchaîné et muselé. Le passager doit avoir un certificat attestant que le chien est un chien-guide dressé. [Traduction]
Nota : Un chien qui accompagne un passager aveugle, sourd ou ayant une déficience, un chien de secours ou un chien policier accompagné par des membres de certaines professions en service peut aussi être transporté dans la classe affaires. [Traduction]
[15] Le manuel d'exploitation du personnel navigant commercial de CSA prévoit notamment :
Tous ces passagers ayant une déficience sont informés personnellement du mode d'emploi des issues de secours, des moyens de secours et de l'emplacement des toilettes ainsi que de leur mode d'emploi. Comment appeler un membre du personnel de cabine. [Traduction]
[16] La politique de CSA concernant la disponibilité et les restrictions relatives aux sièges spéciaux (sièges spéciaux pour les passagers : Type d'aéronef A310-300) prévoit notamment :
- Rangées réservées de préférence pour les nourrissons - row 5, 6AB
- Sièges offrant de l'espace supplémentaire pour les jambes - row 11
- Sièges devant être assignés en dernier - row 10, 11AH, 28GH, 29AB
- Animal/Cabine 29AB Issues de secours - 11ABGH [Traduction]
[17] À la suite du dépôt de la présente demande, CSA a modifié ses politiques afin d'inclure des sièges recommandés pour les personnes accompagnées d'un animal aidant. Les sièges recommandés par CSA pour les personnes accompagnées d'un animal aidant sont maintenant, selon la configuration de l'aéronef, les sièges 7A, 8A, 9A et 10A ou 9A, 12H et 25H.
[18] L'alinéa 21(f)3) du Tarif international de CSA énonçant les règles et les prix applicables aux passagers prévoit que les animaux aidants n'ont pas besoin d'être muselés. L'alinéa 21(c)2) du Tarif international de CSA énonçant les règles et les prix applicables aux passagers prévoit que, dans tout aéronef, les personnes ayant une déficience ne seront pas autorisées à occuper des sièges dans une rangée menant à une issue de secours.
[19] L'article 4.2.11 de la partie I de l'annexe 6 à la Convention relative à l'aviation civile internationale de l'Organisation de l'aviation civile internationale (ci-après l'OACI) intitulée Exploitation technique des aéronefs prévoit que :
4.2.11.1 L'exploitant veillera à ce les passagers soient mis au courant de l'emplacement et du mode d'emploi :
- des ceintures de sécurité;
- des issues de secours;
- des gilets de sauvetage, si leur présence à bord est obligatoire;
- de l'alimentation en oxygène, si elle est prescrite pour les passagers;
- de tout autre équipement de secours individuel qui se trouve à bord, y compris les cartes sur les exposés de sécurité en cas d'urgence destinées aux passagers.
4.2.11.2 L'exploitant informera les passagers de l'emplacement de l'équipement collectif essentiel de secours de bord et de la manière générale de s'en servir.
[20] L'article 4.2.2 du document 7192 - AN/857, partie E-1, intitulé Formation du personnel commercial de bord à la sécurité de l'OACI porte sur les connaissances, les capacités et les attitudes requises du personnel de la compagnie aérienne, notamment :
- exposés de sécurité aux passagers avant le décollage; connaissance et compréhension de l'importance pratique des annonces obligatoires et du moment où elles doivent être faites; connaissance et fonctionnement de l'équipement employé pour les exposés de sécurité aux passagers;
- briefings nécessaires pour les passagers nécessitant une attention particulière;
- procédures pour le traitement des passagers spéciaux, en particulier les exposés de sécurité et l'interdiction d'utiliser certains sièges (par exemple, handicapés, prisonniers, etc.);
- procédures associées à l'attribution de sièges aux passagers, en particulier les restrictions en la matière, la sélection appropriée des passagers qui occuperont les sièges des rangées de sortie et la relocalisation de passagers en vertu des procédures relatives à l'attribution des sièges;
- importance d'obtenir l'entière attention des passagers pour les exposés de sécurité pendant l'embarquement et la circulation à la surface, et techniques à cette fin.
POSITIONS DES PARTIES
[21] La famille Marcinov dit avoir décidé de voyager avec CSA parce qu'elle s'est avérée être le seul transporteur aérien à offrir des vols directs entre Montréal et Prague. Elle croyait qu'en évitant de prendre des vols à plusieurs escales, le chien-guide de Mme Marcinov passerait moins de temps dans des espaces restreints.
[22] M. Marcinov maintient qu'au moment où il s'est informé de la possibilité d'acheter des billets de classe affaires pour s'assurer que Mme Marcinov et son chien-guide aient un espace suffisant, Global Travel lui a répondu que CSA ne vendrait pas de sièges de classe affaires à Mme Marcinov parce que son chien-guide dérangerait les passagers de la classe affaires. Lorsque Global Travel a assuré à M. Marcinov qu'un espace suffisant pouvait être fourni à Mme Marcinov et à son chien-guide dans la rangée 11 de la cabine de la classe économique, il a décidé de ne pas acheter un billet de classe affaires à Mme Marcinov.
[23] Global Travel affirme qu'au départ elle a informé M. Marcinov que CSA ne vendrait pas de billets de classe affaires à Mme Marcinov à cause de son chien-guide. Toutefois, Global Travel ajoute qu'elle a communiqué avec M. Marcinov peu de temps après pour l'informer que CSA vendrait en fait des billets de classe affaires dans ce cas, mais que M. Marcinov a choisi d'acheter les billets pour des sièges offrant de l'espace supplémentaire pour les jambes dans la rangée 11 comme il l'avait précédemment envisagé. M. Marcinov fait toutefois valoir qu'on ne l'a pas informé que CSA vendrait un billet de classe affaires à Mme Marcinov.
[24] M. Marcinov indique que lorsqu'il s'est présenté au comptoir d'enregistrement à Montréal avant le vol à destination de Prague le 27 septembre 2003, le personnel de CSA a déterminé que la rangée 11 ne pouvait être obstruée en cas d'urgence. Par conséquent, des sièges dans la rangée 5 ont été réassignés à la famille Marcinov. M. Marcinov fait observer que même si les sièges de la rangée 11 qu'il avait demandés à l'avance n'ont pas été assignés à sa famille, il était satisfait des sièges qui lui ont été assignés dans la rangée 5.
[25] Puisque la famille Marcinov n'a pas pu occuper les sièges de la rangée 11 sur le vol entre Montréal et Prague, M. Marcinov a communiqué avec Global Travel avant le vol de retour de sa famille entre Prague et Montréal afin de confirmer que les sièges de la rangée 5 seraient disponibles pour le vol de retour. Global Travel l'a informé qu'elle essayerait de réserver les mêmes sièges pour le vol de retour entre Prague et Montréal.
[26] Le 8 novembre 2003, au comptoir d'enregistrement à Prague avant son vol de retour à destination de Montréal, M. Marcinov s'est informé auprès du personnel de CSA de la disponibilité de sièges dans la rangée 5. On lui a répondu que les sièges de la rangée 5 étaient réservés aux passagers accompagnés de nourrissons. Par conséquent, la famille Marcinov ne pourrait pas s'asseoir dans la rangée 5 puisque le chien-guide de Mme Marcinov ne pouvait pas être placé à côté de nourrissons.
[27] M. Marcinov fait valoir que le personnel de CSA a ordonné à Mme Marcinov de museler son chien-guide avant que ce dernier puisse monter à bord de l'aéronef, et que le personnel a tenu des propos insensibles quant aux besoins de Mme Marcinov et de son chien-guide. M. Marcinov affirme qu'à ce moment-là, Mme Marcinov a éclaté en sanglots en raison du manque de sensibilité du personnel de CSA et de son insistance à museler son chien-guide.
[28] M. Marcinov soutient que Mme Marcinov détenait un certificat d'un vétérinaire attestant que son chien-guide est un animal de travail et une badge de l'école des chiens-guides qui a dressé le chien-guide. Il soutient aussi que le chien-guide de Mme Marcinov a toujours porté un harnais convenable.
[29] M. Marcinov affirme que même si le personnel de bord et au sol de CSA a reconnu que, en raison de l'espace limité entre les sièges de la rangée 29 assignés à Mme Marcinov, ces sièges n'étaient pas convenables pour Mme Marcinov et son chien-guide, aucune mesure n'a été prise pour remédier à la situation. CSA n'a également pas permis à M. Marcinov de payer pour que Mme Marcinov obtienne un siège dans la classe affaires. Mme Marcinov s'est remise à pleurer à cause du manque de sensibilité du personnel de CSA et du « siège inadéquat » assigné à son chien-guide.
[30] CSA mentionne que ses politiques internes prévoient expressément le transport des personnes ayant une déficience, en particulier les passagers malvoyants, dans la classe affaires. CSA souligne qu'elle est très intéressée à vendre ces sièges.
[31] CSA admet qu'une erreur regrettable s'est produite lorsque le personnel de CSA a changé les sièges de la famille Marcinov pour les deux vols. CSA ajoute qu'elle a permis à Mme Marcinov de monter à bord de l'aéronef même si elle refusait de « mettre un harnais » à son chien-guide et ne détenait pas un certificat valide pour son chien-guide.
[32] CSA fait remarquer que des instructions de sécurité audio/vidéo sont données en français et en anglais avant chaque vol. Ces instructions fournissent des renseignements sur les masques à oxygène et les articles de sauvetage. Pour ce qui est des issues de secours et des toilettes, CSA affirme que les agents de bord sont informés avant chaque vol des sièges assignés aux personnes ayant une déficience et qu'ils sont tenus de les aider en cas d'urgence ou sur demande en tout temps.
[33] Selon CSA, ses agents de bord ont été courtois et attentifs aux besoins de la famille Marcinov, et ils se sont plaints du langage utilisé par famille Marcinov à leur égard.
ANALYSE ET CONSTATATIONS
[34] Pour en arriver à ses constatations, l'Office a tenu compte de tous les éléments de preuve soumis par les parties et Global Travel au cours des plaidoiries.
[35] La demande doit être présentée par une personne ayant une déficience ou en son nom. Mme Marcinov est aveugle et elle utilise les services d'un chien-guide pour l'aider. Elle est donc une personne ayant une déficience aux fins de l'application des dispositions d'accessibilité de la LTC.
[36] Pour déterminer s'il existe un obstacle abusif aux possibilités de déplacement des personnes ayant une déficience au sens du paragraphe 172(1) de la LTC, l'Office doit d'abord déterminer si les possibilités de déplacement de la personne qui présente la demande ont été restreintes ou limitées par un obstacle. Le cas échéant, l'Office doit alors décider si l'obstacle était abusif. Pour répondre à ces questions, l'Office doit tenir compte des circonstances de l'affaire dont il est saisi.
Les possibilités de déplacement ont-elles été restreintes ou limitées par un obstacle ?
[37] L'expression « obstacle » n'est pas définie dans la LTC, ce qui donne à penser que le Parlement ne voulait pas limiter la compétence de l'Office compte tenu de son mandat d'éliminer les obstacles abusifs dans le réseau de transport de compétence fédérale. De plus, le terme « obstacle » a un sens large et s'entend habituellement d'une chose qui entrave le progrès ou la réalisation.
[38] Pour déterminer si une situation constitue ou non un « obstacle » aux possibilités de déplacement d'une personne ayant une déficience dans un cas donné, l'Office se penche sur les déplacements de cette personne qui sont relatés dans la demande. Dans le passé, l'Office a conclu qu'il y avait eu des obstacles dans plusieurs circonstances différentes. Par exemple, dans certains cas des personnes n'ont pas pu voyager, d'autres ont été blessées durant leurs déplacements (notamment quand l'absence d'installations convenables durant le déplacement affecte la condition physique du passager) et d'autres encore ont été privées de leurs aides à la mobilité endommagées pendant le transport. De plus, l'Office a identifié des obstacles dans les cas où des personnes ont finalement été en mesure de voyager, mais les circonstances découlant de l'expérience ont été telles qu'elles ont miné leur sentiment de confiance, de dignité, de sécurité, situation qui pourrait décourager ces personnes de voyager à l'avenir.
Le cas présent
Politiques selon lesquelles les animaux aidants doivent être enchaînés et muselés
[39] L'Office est d'avis que le droit d'une personne ayant une déficience qui utilise un animal aidant d'être accompagnée par cet animal dans la cabine passagers de l'aéronef est essentiel. À cet égard, l'Office reconnaît le rôle important que jouent les animaux aidants pour aider ces personnes à être plus indépendantes. De plus, les personnes ayant une déficience veulent autant d'indépendance que possible dans leur vie et leur utilisation des services de transport ne fait pas exception. L'Office est d'avis qu'un aspect déterminant du principe d'indépendance est la reconnaissance de l'importance de l'animal aidant de la personne à son indépendance, à sa dignité et à sa sécurité.
[40] L'Office est conscient qu'un animal aidant est dressé pour porter un harnais afin de mieux guider et aider la personne qui utilise l'animal aidant et qu'il n'est pas dressé pour accomplir ses tâches avec une chaîne ou une muselière. L'Office reconnaît que le fait de museler un animal aidant peut nuire à l'accomplissement de ses tâches, ce qui pourrait avoir des répercussions négatives sur les possibilités de déplacement et l'indépendance de la personne qui utilise l'animal aidant.
[41] L'Office note, d'après le DP de la famille Marcinov, que CSA a été mise au courant au moment de la réservation que Mme Marcinov voyagerait avec un chien-guide, mais ce n'est qu'avant le vol entre Prague et Montréal que la famille Marcinov a été informée par le personnel de CSA à Prague que le chien-guide de Mme Marcinov devait être muselé. Dans ce cas, le capitaine du vol a finalement autorisé Mme Marcinov à monter à bord de l'aéronef sans être obligée de museler son chien-guide, à condition qu'elle s'assoit dans la rangée 29 à l'arrière de l'aéronef.
[42] L'Office note que l'insistance initiale qu'a manifestée CSA pour que Mme Marcinov muselle son chien-guide a causé à Mme Marcinov une grande détresse. Dans ce cas, l'exigence de CSA que le chien-guide de Mme Marcinov soit muselé a sans aucun doute donné lieu à de l'incertitude à savoir si Mme Marcinov serait autorisée à monter à bord de l'aéronef et lui a causé un stress considérable ainsi que de l'inquiétude à savoir si son chien-guide serait en mesure de l'aider.
[43] À la lumière de ce qui précède, l'Office estime que les politiques de CSA selon lesquelles les animaux aidants doivent être enchaînés et muselés ont constitué un obstacle aux possibilités de déplacement de Mme Marcinov.
Assignation des sièges
[44] L'Office est d'avis que les personnes ayant une déficience qui voyagent avec un animal aidant doivent pouvoir obtenir une place dans l'aéronef qui leur permettra de garder leur animal aidant avec elles à leur siège. L'Office note que les éléments qui précèdent figurent dans le Code de pratiques : Accessibilité des aéronefs pour les personnes ayant une déficience (ci-après le Code de pratiques). Le Code de pratiques traite de l'accessibilité de l'équipement utilisé dans le transport aérien et décrit les dispositifs qui rendent l'aéronef plus accessible aux personnes ayant une déficience. Le Code de pratiques prévoit notamment : « Dans chaque section de classe de la cabine passagers, par exemple première classe, classe affaires, classe économique, il devrait y avoir des sièges passagers (autres que ceux situés dans les rangées de sortie) qui fournissent chacun un espace suffisant pour qu'un animal aidant puisse se coucher ».
[45] L'Office note que la famille Marcinov a demandé à l'avance des sièges offrant de l'espace supplémentaire pour les jambes pour les deux vols; que les sièges 11C, D et E ont été confirmés avec Global Travel; et que, d'après le DP de la famille Marcinov, CSA avait été mise au courant que Mme Marcinov est aveugle et qu'elle voyagerait avec un chien-guide dans le cadre des deux vols. L'Office note aussi que le personnel de CSA n'a pas permis à la famille Marcinov de s'asseoir dans la rangée 11 pour des raisons de sécurité.
[46] L'Office accepte la déclaration de M. Marcinov selon laquelle les sièges de la rangée 5 réassignés à la famille Marcinov dans le cadre du vol entre Montréal et Prague étaient convenables. Par contre, les sièges des rangées 28 et 29 réassignés à la famille Marcinov dans le cadre du vol entre Prague et Montréal n'offraient pas l'espace nécessaire pour que le chien-guide de Mme Marcinov puisse se coucher et ils étaient clairement inappropriés. Plus particulièrement, le chien-guide de Mme Marcinov n'entrait pas dans l'espace situé entre la rangée 28, rangée où était assise Mme Marcinov, et la rangée devant elle. L'Office note que le chien-guide de Mme Marcinov a donc dû poser ses pattes arrières sur le siège libre à côté de Mme Marcinov et ses pattes de devant ainsi que sa tête sur les bagages de cabine placés sur le sol dans l'espace entre les deux rangées de sièges pour la durée du vol de huit heures. Même si ces arrangements ont rendu le voyage plus confortable, ils sont contraires à la norme de l'OACI qui prévoit que l'exploitant veillera à ce que tous les bagages à main introduits dans la cabine de passagers d'un avion soient rangés de façon appropriée et sure.
[47] L'Office détermine qu'à la lumière de la situation qu'a vécue Mme Marcinov et de l'inconfort causé à elle et à son chien-guide, les sièges qui lui ont été assignés dans le cadre du vol entre Prague et Montréal ont constitué un obstacle à ses possibilités de déplacement.
Absence d'une orientation de l'aéronef et d'un exposé de sécurité individuel
[48] L'Office est d'avis qu'un exposé de sécurité individuel et qu'une orientation sont essentiels aux possibilités de déplacement et à la sécurité des personnes ayant une déficience. De plus, l'Office note que ces questions ont été examinées dans le contexte de l'aviation civile internationale et, plus précisément, l'OACI a examiné la question de l'orientation de l'aéronef et des exposés de sécurité. Plus particulièrement, l'Office note que l'article 4.2.11 de la partie I de l'annexe 6 à la Convention de l'aviation civile internationale de l'OACI intitulée Exploitation technique des aéronefs prévoit que l'exploitant d'un aéronef veillera à ce que les passagers soient mis au courant de l'emplacement et du mode d'emploi des ceintures de sécurité, des issues de secours, des gilets de sauvetage et de tout autre équipement de secours individuel ou collectif. L'Office note aussi que cette exigence en matière de sécurité est une « norme » de l'OACI à laquelle « se conformeront les États contractants » conformément à la Convention de l'aviation civile internationale, contrairement à la « pratique recommandée » de l'OACI à laquelle les exploitants d'aéronefs « s'efforceront » de se conformer.
[49] De plus, l'OACI a également examiné les renseignements fournis aux passagers, y compris la formation du personnel commercial de bord. L'article 4.2.2 du document 7192 - AN/857, partie E-1, intitulé Formation du personnel commercial de bord de l'OACI souligne l'importance des connaissances, des capacités et des attitudes exigées du personnel de la compagnie aérienne, en particulier les exposés de sécurité aux passagers avant le décollage; la connaissance et la compréhension de l'importance pratique des annonces obligatoires et du moment où elles doivent être faites; les procédures pour le traitement des passagers spéciaux, en particulier les exposés de sécurité et l'interdiction d'utiliser certains sièges (par exemple, les handicapés, les prisonniers, etc.); et les procédures associées à l'attribution de sièges aux passagers, en particulier les restrictions en la matière.
[50] L'Office note que le personnel de CSA n'a pas fourni à Mme Marcinov une orientation de l'aéronef dans le cadre de ses deux vols. Par conséquent, l'Office est d'avis que CSA n'a pas accordé à Mme Marcinov le même niveau d'accès à l'aéronef que celui accordé aux autres passagers. À cet égard, le fait que le personnel de cabine ne fournisse pas une orientation de l'aéronef peut faire en sorte que des personnes ayant une déficience ne soient pas au courant des caractéristiques et des aires de la cabine passagers, de sorte que les personnes sont obligées de se fier à quelqu'un d'autre pour repérer ces caractéristiques, les privant ainsi de leur indépendance.
[51] L'Office est également d'avis que l'absence d'un exposé de sécurité individuel compromet la capacité des passagers aveugles ou malvoyants de bien connaître leur environnement en cas d'anomalie.
[52] En conséquence, l'Office estime que le fait que CSA n'a pas fourni à Mme Marcinov une orientation de l'aéronef et un exposé de sécurité individuel dans le cadre de ses deux vols a compromis la capacité de Mme Marcinov de bien connaître son environnement et peut avoir miné son indépendance, sa dignité et son sentiment de sûreté. Par conséquent, cette situation a constitué un obstacle à ses possibilités de déplacement.
L'obstacle était-il abusif ?
[53] À l'instar du terme « obstacle », l'expression « abusif » n'est pas définie dans la LTC, ce qui permet à l'Office d'exercer sa discrétion pour éliminer les obstacles abusifs dans le réseau de transport de compétence fédérale. Le mot « abusif » a également un sens large et signifie habituellement que quelque chose dépasse ou viole les convenances ou le bon usage (excessif, immodéré, exagéré). Comme une chose peut être jugée exagérée ou excessive dans un cas et non dans un autre, l'Office doit tenir compte du contexte de l'allégation d'obstacle abusif. Dans cette approche contextuelle, l'Office doit trouver un juste équilibre entre le droit des passagers ayant une déficience d'utiliser le réseau de transport de compétence fédérale sans rencontrer d'obstacles abusifs, et les considérations et responsabilités commerciales et opérationnelles des transporteurs. Cette interprétation est conforme à la politique nationale des transports établie à l'article 5 de la LTC et plus précisément au sous-alinéa 5g)(ii) de la LTC qui précise, entre autres, que les modalités en vertu desquelles les transporteurs ou modes de transport exercent leurs activités ne constituent pas, dans la mesure du possible, un obstacle abusif aux possibilités de déplacement des personnes ayant une déficience.
[54] L'industrie des transports élabore ses services pour répondre aux besoins des utilisateurs. Les dispositions d'accessibilité de la LTC exigent quant à elles que les fournisseurs de services de transport du réseau de transport de compétence fédérale adaptent leurs services dans la mesure du possible aux besoins des personnes ayant une déficience. Certains empêchements doivent toutefois être pris en considération, par exemple les mesures de sécurité que les transporteurs doivent adopter et appliquer, les horaires qu'ils doivent s'efforcer de respecter pour des raisons commerciales, la configuration du matériel et les incidences d'ordre économique qu'aura l'adaptation d'un service sur les transporteurs aériens. Ces empêchements peuvent avoir une incidence sur les personnes ayant une déficience. Ainsi, ces personnes ne pourront pas nécessairement embarquer avec leur propre fauteuil roulant, elles peuvent devoir arriver à l'aérogare plus tôt aux fins de l'embarquement et elles peuvent devoir attendre plus longtemps pour obtenir de l'assistance au débarquement que les personnes n'ayant pas de déficience. Il est impossible d'établir une liste exhaustive des obstacles qu'un passager ayant une déficience peut rencontrer et des empêchements que les fournisseurs de services de transport connaissent dans leurs efforts pour répondre aux besoins des personnes ayant une déficience. Il faut en arriver à un équilibre entre les diverses responsabilités des fournisseurs de services de transport et le droit des personnes ayant une déficience à voyager sans rencontrer d'obstacle, et c'est dans cette recherche d'équilibre que l'Office applique le concept d'obstacle abusif.
Le cas présent
[55] Ayant conclu que les politiques selon lesquelles les animaux aidants doivent être enchaînés et muselés, l'assignation des sièges et l'absence d'une orientation de l'aéronef et d'un exposé de sécurité individuel ont constitué des obstacles aux possibilités de déplacement de Mme Marcinov, l'Office doit maintenant déterminer si ces obstacles étaient abusifs.
Politiques selon lesquelles les animaux aidants doivent être enchaînés et muselés
[56] Comme il l'a déjà mentionné, l'Office reconnaît qu'une chaîne ou une muselière peut empêcher un animal aidant d'accomplir ses tâches et d'aider son propriétaire, car il n'est pas dressé pour accomplir ses tâches avec une chaîne ou une muselière. Le port d'une muselière par un animal aidant risque donc d'avoir des répercussions négatives sur les possibilités de déplacement et l'indépendance de la personne ayant une déficience qui dépend de cet animal. Dans le cas présent, le fait de museler le chien-guide de Mme Marcinov aurait pu avoir des conséquences négatives sur les possibilités de déplacement et l'indépendance de Mme Marcinov. De plus, l'Office estime que des politiques qui peuvent avoir des répercussions négatives sur les possibilités de déplacement et l'indépendance d'une personne ayant une déficience peuvent aussi miner le sentiment de sûreté de cette personne et la dissuader de voyager à l'avenir.
[57] L'obligation de museler les animaux qui voyagent dans la cabine passagers découle d'une préoccupation de sécurité selon laquelle un animal qui ne porte pas une muselière peut mordre ou blesser un passager. Toutefois, les chiens-guides certifiés sont élevés et dressés pour leur tempérament, leurs capacités et leur comportement et ils sont évalués en profondeur pour détecter des signes d'agressivité de sorte que le risque de blesser un autre passager est pratiquement inexistant. L'Office est conscient que les chiens-guides sont dressés pour se comporter convenablement en public et qu'ils ne sont pas habitués au port de la muselière. L'Office est aussi conscient que les chiens-guides certifiés portent un harnais lorsqu'ils sont en service pour augmenter leur capacité de guider les personnes malvoyantes.
[58] L'Office est préoccupé par le fait que même si le DP de la famille Marcinov indique que Mme Marcinov voyagerait avec un chien-guide, CSA n'a informé Mme Marcinov avant son voyage d'aucune exigence de museler son chien-guide. L'Office est préoccupé par le fait que CSA n'a pas communiqué à Mme Marcinov ses politiques et qu'elle ne les applique pas de façon uniforme. De plus, l'Office est d'avis que le personnel de CSA a manqué de sensibilité et de compréhension à l'égard de la situation et des besoins de Mme Marcinov quand il# a exigé au départ que son chien-guide soit muselé. L'Office reconnaît que cette situation a causé à Mme Marcinov un stress inutile et de l'incertitude. À cet égard, l'Office est d'avis que le personnel de CSA devrait faire preuve de sensibilité à l'égard des besoins des personnes ayant une déficience et leur prêter assistance sans porter atteinte à leur dignité.
[59] Dans le cadre de son examen de la présente affaire, l'Office s'est également penché sur les conditions de voyage des personnes ayant une déficience dont fait état le tarif de CSA et a constaté que l'information qu'il contient est très limitée, comparativement à ce qui est énoncé dans ses politiques. L'Office note que l'alinéa 21(f)3) du Tarif international de CSA énonçant les règles et les prix applicables aux passagers prévoit que les animaux aidants n'ont pas besoin d'être muselés, alors que les politiques de CSA exigent que les animaux aidants soient enchaînés et muselés.
[60] L'Office est préoccupé par le fait qu'il existe des contradictions entre les politiques de CSA selon lesquelles les animaux aidants doivent être enchaînés et muselés et le tarif de CSA. L'Office est d'avis que lorsqu'il existe des contradictions entre les conditions de transport énoncées dans les politiques et le tarif, il peut y avoir une fausse interprétation ou une mauvaise application des lignes directrices. Par conséquent, l'Office estime qu'il est raisonnable d'exiger de CSA qu'elle modifie son tarif de façon à établir adéquatement les conditions applicables au transport des personnes ayant une déficience, et en ce qui concerne le cas présent, à contenir toutes les conditions applicables au transport des animaux aidants et à indiquer clairement que les animaux aidants n'ont pas besoin d'être enchaînés. De plus, l'Office estime qu'il est raisonnable que CSA modifie ses politiques de façon à uniformiser son tarif et ses politiques en ce qui concerne les vols en partance et à destination du Canada. À cet égard, l'Office note que CSA utilise le terme « enchaîner » dans ses politiques relatives aux animaux aidants. L'Office est d'avis que le terme « enchaîner » n'est pas clair et qu'une personne pourrait comprendre que l'animal doit être enchaîné ou directement attaché au siège du passager à bord de l'aéronef, ce qui limiterait les possibilités de déplacement et la sécurité de la personne nécessitant les services de l'animal aidant. Par conséquent, l'Office estime approprié que CSA enlève le terme « enchaîner » de ses politiques relatives aux animaux aidants.
[61] À la lumière de ce qui précède, l'Office estime que les politiques de CSA selon lesquelles les animaux aidants doivent être enchaînés et muselés a constitué un obstacle abusif aux possibilités de déplacement de Mme Marcinov.
Assignation des sièges
[62] L'Office note que M. Marcinov a précisément demandé des sièges offrant de l'espace supplémentaire pour les jambes afin de répondre aux besoins de Mme Marcinov et de son chien-guide. Comme les sièges de la rangée 11 de l'Airbus A310/300 fournissent de l'espace supplémentaire pour les jambes, la famille Marcinov a compris qu'elle avait réservé les sièges 11C, D et E pour les deux vols. L'Office note aussi que, selon le manuel sur les règlements concernant les passagers internationaux de CSA, les sièges de la rangée 11 sont désignés comme offrant de l'espace supplémentaire pour les jambes; que la rangée 5 est une « rangée réservée de préférence pour les nourrissons »; que les sièges 11A, B, G et H sont désignés comme étant des sièges situés près d'une issue de secours; et que les sièges 29A et B sont réservés pour les animaux de compagnie.
[63] L'Office note qu'avant le décollage du vol de Montréal à Prague, le personnel de CSA à bord de l'aéronef a remplacé les sièges de la rangée 11 assignés à la famille Marcinov par des sièges de la rangée 5. L'Office note aussi qu'avant l'embarquement du vol de retour de Prague à Montréal, le personnel de CSA à Prague a remplacé les sièges de la rangée 11 assignés à la famille Marcinov par des sièges des rangées 28 et 29. À cet égard, l'Office reconnaît la déclaration de CSA selon laquelle elle n'avait pas vraiment de sièges recommandés ou précis pour les personnes qui utilisent un animal aidant avant que Mme Marcinov en fasse la demande. L'Office reconnaît aussi qu'une erreur regrettable s'est produite lorsque le personnel de CSA a mal interprété les politiques de CSA et a changé les sièges de la rangée 11 assignés à la famille Marcinov pour les des deux vols. De même, l'Office note que le remplacement des sièges qui avaient été assignés à la famille Marcinov pour des raisons de sécurité était incorrect, car les sièges désignés par CSA comme étant des sièges situés près d'une issue de secours (sièges 11A, B, G et H) ne correspondaient pas aux sièges qui avaient initialement été assignés à la famille Marcinov. Cela étant dit, l'Office est d'avis que Mme Marcinov n'a pas obtenu le siège qui lui avait été confirmé à l'avance dans le cadre de son vol entre Prague et Montréal principalement parce que CSA n'avait pas de politique sur l'assignation des sièges pour les personnes ayant une déficience qui voyagent avec un animal aidant. En l'absence d'une telle politique, le personnel de CSA a pris sa décision concernant l'assignation d'un siège convenable à Mme Marcinov en s'appuyant sur des politiques visant à répondre aux questions non reliées, comme les questions relatives à l'assignation des sièges dans la rangée réservée de préférence pour les nourrissons ou la rangée menant à une issue de secours, sans bien comprendre les besoins d'une personne qui utilise un animal aidant. Puisque la question des personnes ayant une déficience qui utilisent un animal aidant est traitée dans les politiques de CSA, l'Office est d'avis qu'il ne serait pas raisonnable que les politiques de CSA ne prévoient pas davantage les besoins des personnes ayant une déficience qui utilisent un animal aidant; l'assignation de sièges qui répondent à leurs besoins; et une orientation ou une formation adéquate pour le personnel de CSA en ce qui a trait aux personnes ayant une déficience, y compris celles qui utilisent un animal aidant.
[64] L'Office note aussi que l'alinéa 21(c)2) du Tarif international de CSA énonçant les règles et les prix applicables aux passagers prévoit que, dans tout aéronef, les personnes ayant une déficience ne seront pas autorisées à occuper les sièges situés dans les rangées menant à une issue de secours. L'Office est préoccupé par le fait que cette disposition n'est pas claire, car elle ne fait pas la différence entre un aéronef qui compte une allée ou celui qui en compte deux. La disposition ne précise pas clairement que tous les sièges se trouvant dans une rangée menant à une issue de secours peuvent en fait ne pas être restreints, de sorte que les personnes ayant une déficience peuvent prendre place dans certains de ces sièges. Par exemple, dans un Airbus 310-300, les sièges 11C, D, E et F, même s'ils se trouvent dans la rangée de jonction, ne sont pas considérés comme des sièges situés près d'une issue de secours.
[65] Par conséquent, l'Office est d'avis que CSA devrait modifier son tarif afin d'indiquer clairement les sièges qui ne doivent pas être assignés pour des raisons de sécurité.
[66] L'Office est aussi préoccupé par l'absence d'une politique claire et adéquate sur l'assignation des sièges pour les personnes qui utilisent des animaux aidants et l'absence d'une formation pour le personnel portant sur les besoins des personnes qui utilisent un animal aidant, car ces absences pourraient précipiter la répétition de situations semblables à celle qu'a vécue Mme Marcinov, ce qui causerait un stress inutile et de l'incertitude à ces personnes et les dissuaderait de voyager à l'avenir.
[67] L'Office estime donc que les sièges assignés à Mme Marcinov dans le cadre du vol entre Prague et Montréal ont constitué un obstacle abusif à ses possibilités de déplacement.
Absence d'une orientation de l'aéronef et d'un exposé de sécurité individuel
[68] Comme il l'a déjà noté, l'Office est d'avis qu'un exposé de sécurité individuel et une orientation sont essentiels aux déplacements autonomes et à la sécurité des personnes ayant une déficience.
[69] Dans le cas présent, le personnel de CSA n'a pas offert à Mme Marcinov une orientation de l'aéronef, ce qui ne lui a pas fourni, comme il a déjà été mentionné, le même niveau d'accès à l'aéronef que celui fourni aux autres passagers. L'Office est d'avis que lorsqu'une personne ayant une déficience n'est pas informée de l'orientation de l'aéronef, y compris de l'emplacement des caractéristiques et des aires de la cabine passagers, de sorte que la personne peut se retrouver dans une situation où elle doit dépendre de l'aide d'un autre passager, la capacité de cette personne à accéder par elle-même aux services essentiels à bord de l'aéronef peut être compromise. De plus, l'Office note que, même si le manuel d'exploitation du personnel navigant commercial de CSA exige que le personnel donne des renseignements sur l'emplacement des toilettes au cours des exposés de sécurité individuels, il n'est pas obligatoire que le personnel fournisse une orientation de l'aéronef. Par conséquent, l'Office estime qu'il est approprié que CSA modifie son manuel d'exploitation du personnel navigant commercial afin que le personnel soit obligé de fournir une orientation de l'aéronef ainsi qu'un exposé de sécurité individuel aux personnes ayant une déficience.
[70] L'Office est aussi d'avis que le fait que CSA n'a pas fourni à Mme Marcinov un exposé de sécurité individuel aurait pu compromettre sa capacité à réagir adéquatement en cas d'urgence, ce qui aurait donc miné sa sécurité, son sentiment de sûreté et son bien-être. De plus, le fait que CSA n'a pas fourni à Mme Marcinov un exposé de sécurité individuel aurait pu ébranler sa confiance dans ce mode de transport et la dissuader de voyager à l'avenir.
[71] L'Office note aussi que le manuel d'exploitation du personnel navigant commercial de CSA prévoit la fourniture d'un exposé de sécurité individuel à tous les passagers ayant une déficience. L'Office est préoccupé par la réponse de CSA en ce qui a trait aux exposés de sécurité. Dans sa réponse, CSA affirme que des instructions audio/vidéo en matière de sécurité sont données en français et en anglais avant chaque vol; que ces instructions donnent des renseignements sur l'emplacement des masques à oxygène et des articles de sauvetage; et que, pour ce qui est des issues de secours et des toilettes, les agents de bord sont informés avant chaque vol des sièges assignés aux personnes ayant une déficience et ils sont tenus de les aider en cas d'urgence ou sur demande en tout temps. Par conséquent, il est clair que, dans le cas présent, le personnel de CSA n'a pas respecté le manuel d'exploitation du personnel navigant commercial de CSA et n'a pas fourni à Mme Marcinov un exposé de sécurité individuel ou une orientation de l'aéronef. À cet égard, l'Office note que CSA n'a fourni aucune preuve expliquant pourquoi elle n'a pas offert à Mme Marcinov une orientation de l'aéronef ou un exposé de sécurité individuel.
[72] Par conséquent, l'Office estime que le fait que CSA n'a pas fourni à Mme Marcinov une orientation de l'aéronef et un exposé de sécurité individuel a constitué un obstacle abusif à ses possibilités de déplacement.
CONCLUSION
[73] Compte tenu de ce qui précède, l'Office conclut que les politiques de CSA selon lesquelles les chiens-guides doivent être enchaînés et muselés; les sièges assignés à Mme Marcinov; et la non-fourniture par CSA d'une orientation de l'aéronef et d'un exposé de sécurité individuel à Mme Marcinov ont constitué des obstacles abusifs à ses possibilités de déplacement.
[74] En ce qui concerne les sièges assignés à Mme Marcinov par CSA, l'Office note que, depuis le dépôt de cette demande, CSA a révisé sa politique sur l'assignation des sièges afin d'inclure des sièges recommandés pour les personnes qui utilisent des animaux aidants à bord de son aéronef Airbus A310/300. L'Office note aussi, d'après les politiques de CSA, qu'elle fournira gratuitement le siège à côté de celui du passager qui voyage avec un animal aidant afin de fournir l'espace adéquat à l'animal aidant. L'Office félicite CSA pour cette politique.
[75] Même si les voyagistes et les agents de voyages ne relèvent pas de la compétence de l'Office, l'Office est particulièrement préoccupé par le manque de communication entre CSA, Global Travel et M. Marcinov en ce qui concerne la disponibilité des sièges de la classe affaires et le manque de sensibilisation aux politiques de CSA sur l'acceptation des animaux aidants et les sièges adéquats pour les personnes voyageant avec des animaux aidants. L'Office est d'avis que la mauvaise communication entre CSA, Global Travel et M. Marcinov a joué un rôle important en ce qui a trait aux difficultés qu'a éprouvées Mme Marcinov.
[76] L'Office estime aussi qu'il est important que les agents de voyages et les voyagistes comprennent bien les besoins des voyageurs ayant une déficience et les caractéristiques d'accessibilité ainsi que les services dont ils ont besoin grâce à une communication claire et franche afin de s'assurer que le personnel des transporteurs soit bien informé de leurs besoins. Les agents de voyages et les voyagistes devraient connaître les politiques et les procédures des transporteurs relatives au transport de passagers ayant une déficience et s'assurer que cette information est correctement transmise à ces derniers afin qu'ils puissent prendre des décisions éclairées quant à leurs options de voyage. De plus, les agents de voyage et les voyagistes devraient confirmer auprès des transporteurs les demandes de services faites par les passagers ayant une déficience. En outre, ils devraient obtenir des transporteurs une confirmation des mesures qu'ils entendent prendre pour répondre, dans la mesure du possible, aux besoins des passagers lors du voyage. Une copie de cette confirmation devrait être transmise au passager afin de l'assurer des services qui lui seront fournis.
[77] Conformément aux conclusions sur le caractère abusif des obstacles susmentionnés, l'Office enjoint par les présentes à CSA, pour ce qui est de ses activités en partance et à destination du Canada, de prendre les mesures correctives suivantes dans un délai de trente (30) jours suivant la date de la présente décision :
- CSA doit fournir à Mme Marcinov des excuses écrites sous forme électronique pour les difficultés qu'elle a éprouvées dans le cadre de ses vols avec CSA;
- CSA fournira une copie de la présente décision aux pilotes et au personnel de bord qui étaient en service lors des vols de Mme Marcinov; au personnel responsable de l'enregistrement et de l'embarquement aux aéroports de Prague et de Montréal; et au directeur de CSA, bureau de Montréal. CSA doit confirmer à l'Office qu'elle a fourni les copies comme il le lui a demandé.
- CSA doit modifier ses politiques afin :
- d'indiquer clairement qu'un animal aidant ne doit jamais être enchaîné ou muselé;
- d'indiquer les sièges accessibles aux personnes ayant une déficience, y compris les personnes qui utilisent un animal aidant;
- de préciser les sièges qui ne doivent pas être occupés par des personnes ayant une déficience, y compris les personnes qui utilisent un animal aidant, en exposant les motifs de ces restrictions;
- de s'assurer que les personnes ayant une déficience qui ont des besoins particuliers en matière de sièges en obtiennent qui répondent à leurs besoins, sous réserve que les sièges n'aient pas déjà été assignés à d'autres personnes ayant une déficience;
- d'indiquer l'importance d'entamer le dialogue avec les personnes ayant une déficience ou leurs représentants pour s'assurer que le siège demandé ou proposé par le transporteur aérien répond à leurs besoins;
- CSA doit fournir une copie des politiques modifiées à l'Office;
- CSA doit uniformiser son Tarif international énonçant les règles et les prix applicables aux passagers avec sa politique de transport des animaux aidants modifiée; indiquer clairement que les animaux aidants n'ont pas besoin d'être enchaînés; et en ce qui concerne l'assignation des sièges pour les personnes ayant une déficience, préciser les sièges qui ne doivent pas être assignés.
- CSA doit modifier son manuel d'exploitation du personnel navigant commercial afin d'obliger le personnel à fournir une orientation de l'aéronef aux personnes ayant une déficience en plus de l'exigence actuelle de fournir un exposé de sécurité individuel aux personnes ayant une déficience.
- CSA doit fournir à l'Office une description détaillée des mesures qu'elle prendra pour s'assurer que, d'après son manuel d'exploitation du personnel navigant commercial, les personnes ayant une déficience, y compris celles qui utilisent un animal aidant, reçoivent une orientation de l'aéronef et un exposé de sécurité individuel avant le décollage;
- CSA doit fournir à l'Office une description détaillée des mesures qu'elle prendra pour s'assurer que les personnes ayant une déficience, y compris celles qui utilisent un animal aidant, seront informées de toutes les exigences ou restrictions concernant leur voyage;
- CSA doit indiquer les difficultés éprouvées par MmeMarcinov dans son programme de formation pour son personnel qui transige avec le public, y compris les pilotes, afin d'aborder :
- les préoccupations soulevées dans la demande de Mme Marcinov en ce qui concerne la sensibilisation du personnel aux politiques et aux procédures du transporteur et aux conditions de transport de CSA concernant le transport des personnes ayant une déficience;
- l'assignation de sièges convenables aux personnes ayant une déficience;
- l'acceptation des animaux aidants certifiés qui portent un harnais convenable sans que ces animaux soient enchaînés ou muselés;
- les mesures à prendre pour s'assurer qu'une orientation de l'aéronef et un exposé de sécurité individuel sont fournis aux personnes ayant une déficience, y compris les personnes qui utilisent un animal aidant;
- la nécessité du dialogue concernant les besoins de la personne au moment de la réservation et pendant l'enregistrement;
- la sensibilité du personnel à l'égard des personnes ayant une déficience et des personnes qui utilisent un animal aidant.
- CSA doit publier à l'intention de son personnel qui transige avec le public, y compris les pilotes du transporteur, un bulletin qui :
- résumera l'incident qu'a vécu Mme Marcinov sans la nommer;
- décrira les politiques modifiées énumérées au no 3 ci-dessus;
- décrira les modifications apportées au programme de formation de CSA sur la fourniture d'assistance aux personnes ayant une déficience;
- soulignera l'importance d'essayer de régler ces situations en discutant avec la personne ayant une déficience;
- CSA doit fournir une copie de ce bulletin à l'Office.
[78] Quand il aura examiné les mesures prises par CSA, l'Office déterminera si d'autres mesures correctives sont nécessaires.
- Date de modification :