Décision n° 431-AT-A-2010
19 octobre 2010
DEMANDES présentées par Sophia Huyer et Rhonda Nugent, au nom de sa fille Melanie Nugent, contre Air Canada.
Référence no U3570-15
Contexte
[1] Dans sa décision no 4-AT-A-2010 (Décision), l'Office des transports du Canada (Office) traite les demandes de Sophia Huyer et de Rhonda Nugent, au nom de sa fille Melanie Nugent, portant sur des difficultés qu'elles ont eues en raison de leur allergie aux arachides et aux noix lorsqu'elles ont voyagé avec Air Canada.
[2] Dans la Décision, l'Office en est arrivé aux conclusions suivantes :
Déficience
- Mme Huyer est une personne ayant une déficience au sens de la partie V de la Loi sur les transports au Canada, L.C. (1996), ch. 10, modifiée (LTC) en raison de son allergie aux arachides et aux noix.
- Melanie Nugent a une déficience au sens de la partie V de la LTC en raison de son allergie aux arachides et de son besoin d'éviter les noix.
Obstacle
- Mme Huyer et Melanie Nugent n'ont pas fait face à des obstacles à leur possibilité de déplacement en ce qui concerne les incidents qui ont mené au dépôt de leur demande auprès de l'Office.
- L'absence d'une politique officielle d'Air Canada visant à répondre aux besoins des personnes ayant une déficience en raison de leur allergie aux arachides ou aux noix et l'incertitude que cela entraîne représentent un obstacle aux possibilités de déplacement de Mme Huyer et de Melanie Nugent et des personnes dont l'allergie aux arachides et aux noix constitue une déficience au sens de la partie V de la LTC.
Accommodement approprié
[3] L'Office a conclu que de séparer les personnes allergiques aux arachides ou aux noix des autres passagers qui pourraient en consommer ou consommer des produits qui en contiennent constitue l'accommodement approprié pour les personnes ayant une déficience en raison de leur allergie aux arachides ou aux noix. Plus précisément, l'Office a conclu que l'accommodement approprié est de créer une zone tampon ou d'exclusion où les passagers seraient informés qu'ils peuvent seulement consommer des produits qui ne contiennent pas d'arachides ou de noix et qu'on leur servira seulement des produits sans arachides et sans noix comme collation ou repas pendant le vol. Même si l'Office a accepté la preuve d'expert indiquant que le plus grand risque d'une réaction allergique grave est l'ingestion causée par une exposition accidentelle, l'Office a aussi conclu qu'une zone tampon, en plus des systèmes de filtration et de circulation d'air à bord des aéronefs, préviendrait également tout risque de réaction allergique découlant d'une exposition par inhalation.
[4] En outre, l'Office reconnaît que, en raison des nécessités du service, il se peut qu'il ne soit pas toujours possible d'offrir une zone tampon lorsqu'un passager n'a pas donné de préavis à Air Canada concernant son allergie aux arachides ou aux noix. Par conséquent, l'Office a conclu que lorsqu'aucun préavis n'est fourni, l'accommodement approprié consiste en ce que le transporteur fasse tout son possible pour offrir une zone tampon et, s'il n'est pas en mesure de le faire, assure au passager une place sur le prochain vol où il pourra lui offrir une zone tampon.
[5] Dans la Décision, l'Office a enjoint à Air Canada de soumettre un mémoire, accompagné des justifications pertinentes, sur :
- ce qui constitue un préavis adéquat du besoin d'accommodement d'une personne sous la forme d'une zone tampon, en raison de son allergie aux arachides ou aux noix;
- la taille recommandée de la zone tampon pour chacun de ses types d'aéronefs.
[6] Mme Huyer et Mme Nugent se sont vu offrir l'occasion de commenter le mémoire d'Air Canada. L'Office a fait savoir qu'il allait par la suite finaliser sa détermination concernant l'accommodement approprié. L'Office a aussi mentionné dans la Décision que si Air Canada accepte de mettre en œuvre l'accommodement approprié comme il est déterminé, il serait alors nécessaire que le transporteur présente à l'Office une politique officielle aux fins de révision et d'approbation. Toutefois, dans l'éventualité où Air Canada refuserait de mettre en œuvre l'accommodement approprié, il lui serait possible de déposer ses arguments sur le caractère abusif de la demande.
Question
[7] Dans la présente décision, l'Office finalise ses conclusions concernant l'accommodement approprié pour les personnes ayant une déficience en raison de leur allergie aux arachides ou aux noix, qui sont les suivants :
- Préavis adéquat du besoin d'accommodement d'une personne, sous la forme d'une zone tampon
- Taille de la zone tampon
- Prise de précautions par les personnes ayant une déficience en raison de leur allergie aux arachides ou aux noix
- Annonce aux passagers assis dans la zone tampon
- Service des repas et des collations dans la zone tampon
[8] Ces conclusions reflètent la prise en compte de la gestion du risque puisqu'il est impossible, en pratique, de créer un environnement sans allergène dans la cabine passagers d'un aéronef. Il est également tenu pour acquis que les personnes ayant une déficience en raison de leur allergie aux arachides ou aux noix, lorsqu'elles voyagent par avion, prennent les précautions qu'elles prendraient normalement dans leur vie quotidienne afin de protéger leur santé.
Analyse et déterminations
1) Préavis adéquat du besoin d'accommodement d'une personne, sous la forme d'une zone tampon
Position des parties
Air Canada
[9] Air Canada soumet qu'une personne ayant besoin d'un accommodement sous la forme d'une zone tampon devrait fournir au transporteur un préavis d'au moins 48 heures. Toutefois, Air Canada mentionne qu'elle fera tout son possible pour accommoder les passagers qui donnent un préavis plus court.
[10] Air Canada déclare qu'une personne ayant une déficience en raison d'une allergie aux arachides ou aux noix doit remplir un formulaire portant sur l'état de santé des personnes désirant voyager par avion et que le traitement approprié de ce formulaire nécessite au moins 48 heures de préavis.
[11] Air Canada soutient qu'un préavis de 48 heures garantit l'inscription appropriée du code de service spécial dans le dossier de réservations. Air Canada explique que son système de réservations est complexe et peut être alimenté par différentes sources, notamment les agents de voyage ou les clients qui réservent en ligne. Comme d'autres personnes de l'industrie doivent avoir accès au système d'Air Canada, il est nécessaire d'utiliser des codes pré-approuvés et normalisés, or il n'existe aucun code de ce genre pour les allergies. Air Canada a indiqué qu'elle allait recommander à l'Association du transport aérien international de créer un code pour les allergies, mais qu'une telle initiative prendra du temps. Entre-temps, Air Canada propose d'utiliser un code provisoire, ce qui peut entraîner des inconvénients pour les personnes ayant une allergie aux arachides ou aux noix, comme par exemple la nécessité pour le passager en question d'appeler le service MEDA du transporteur afin que le code soit inscrit à son dossier.
[12] En outre, Air Canada explique qu'il est nécessaire de disposer de temps pour aviser le personnel et, au besoin, de replacer les passagers et qu'un préavis permettrait de réassigner des places aux passagers et de regrouper dans le même secteur les passagers ayant une allergie aux noix.
Commentaires des demanderesses
[13] Mme Huyer soutient que la proposition de préavis d'Air Canada est trop coûteuse et compliquée. Elle est d'avis que s'il est tellement compliqué de fournir une zone tampon aux personnes allergiques, Air Canada devrait plutôt éviter de servir des noix sur les vols où se trouvent des passagers allergiques.
[14] Mme Huyer mentionne également que même si Air Canada semble avancer qu'il n'y a aucun moyen d'intégrer un avis d'allergie aux noix dans les systèmes de réservations des transporteurs aériens, cela est, selon elle, tout à fait faux parce que cet avis est consigné sans problème à son dossier lorsqu'elle voyage avec d'autres transporteurs. Mme Huyer indique que pendant une courte période il y a quelques années, Air Canada utilisait un système de préavis qui « fonctionnait ». Elle déclare que lorsqu'elle voyage avec d'autres transporteurs, un préavis de 24 heures semble suffisant pour lui garantir un accommodement.
[15] Mme Nugent se demande comment l'information concernant une personne allergique serait transmise au personnel de bord et si cette information leur serait effectivement transmise. Elle mentionne les difficultés de Mme Huyer, qui ont été abordées dans la Décision, concernant le flux de renseignements qui a entraîné un retard du vol.
Analyse de l'Office
[16] Comme il est indiqué dans la décision no 336-AT-A-2008 concernant les demandes déposées contre Air Canada et WestJet par des personnes, ou en leur nom, qui ont besoin d'oxygène lorsqu'elles voyagent par avion, les exigences de l'Office à l'égard d'un préavis raisonnable pour offrir ce type de service pendant les vols intérieurs sont établies dans les dispositions suivantes de la partie VII du Règlement sur les transports aériens (RTA), DORS/88-58, modifié :
151 (2) Le transporteur aérien doit fournir tout service additionnel précisé dans son tarif à la personne qui en fait la demande au moins 48 heures avant l'heure prévue du départ de son vol, conformément aux conditions applicables qui y sont énoncées.
151 (3) En cas de non-respect du délai prévu aux paragraphes […] (2) pour la demande d'un service qui y est visé, le transporteur aérien doit déployer des efforts raisonnables pour fournir le service.
[17] Bien que le fait de fournir une zone tampon ne constitue pas un service supplémentaire établi dans le tarif d'Air Canada, le transporteur propose tout de même une politique concernant un préavis de 48 heures conformément au paragraphe 151(2) du RTA. À propos du préavis, l'Office conclut que la proposition de préavis de 48 heures d'Air Canada pour offrir une zone tampon aux personnes ayant une déficience en raison de leur allergie aux arachides ou aux noix est raisonnable.
[18] Air Canada indique que lorsqu'un passager ayant une allergie aux arachides ou aux noix donne un préavis de moins de 48 heures concernant son besoin d'être placé dans une zone tampon, Air Canada s'efforcera d'accommoder ce passager. Comme la politique proposée par Air Canada à cet égard est conforme au paragraphe 151(3) du RTA, l'Office considère que la proposition d'Air Canada est raisonnable.
2) Taille de la zone tampon
Position des parties
Air Canada
[19] Air Canada propose les solutions suivantes concernant la taille appropriée de la zone tampon en fonction de la classe de la cabine passagers dans ses différents aéronefs :
(i) Première classe des aéronefs gros-porteurs internationaux
[20] Air Canada explique que les sièges de ses cabines de première classe des aéronefs gros-porteurs internationaux, fusiformes, sont disposés en chevron. Air Canada indique que la configuration des sièges permet d'être suffisamment isolé afin de réduire les possibilités de contact avec des arachides et des noix.
(ii) Classe affaires nord-américaine
[21] Air Canada indique que la seule rangée de sièges où se trouve la personne allergique serait appropriée parce que les dossiers des sièges de la classe affaires sont plus hauts et plus larges. Air Canada mentionne que ce type de dossiers réduit de manière considérable les possibilités de contact avec des allergènes.
(iii) Classe économique
[22] Air Canada propose que la zone tampon appropriée en classe économique à bord de ses aéronefs soit constituée de la rangée de sièges où se trouve le passager allergique ainsi que de la rangée de sièges située directement devant et derrière la personne en question. Air Canada mentionne que lorsque le passager allergique est assis devant ou derrière une cloison, cette cloison et la rangée de sièges où se trouve la personne allergique ainsi que la rangée de sièges en face ou derrière (en fonction d'où se trouve la cloison) constituent une zone tampon suffisante puisque la cloison fait office de rangée supplémentaire.
[23] Air Canada indique en outre que l'allée constituerait une zone tampon suffisante entre la rangée de sièges où se trouve la personne allergique et celle de l'autre côté de l'allée. Air Canada y voit très peu de risque, s'il y en a, que la personne assise dans un siège de l'autre côté de l'allée soit en contact immédiat avec la personne ayant une allergie aux arachides ou aux noix. Par conséquent, Air Canada estime que les passagers allergiques séparés par l'allée des autres passagers qui pourraient consommer des arachides ou des noix s'exposeraient à un risque minime de contact.
[24] Air Canada exclut donc la rangée de sièges située de l'autre côté de l'allée de la zone tampon. Air Canada souligne que par mesure de précaution, la rangée derrière et celle devant le passager allergique aux arachides ou aux noix sont comprises dans la zone tampon au cas où les passagers qui s'y trouvent toucheraient le dossier ou l'appui-tête du siège de la personne allergique.
Commentaires des demanderesses
[25] Mme Huyer et Mme Nugent ne sont pas d'accord avec le fait que les zones tampons aideront à limiter le contact avec les allergènes d'arachides et de noix à bord des aéronefs. Mme Huyer mentionne que les zones tampons n'offrent aucune protection contre le contact avec l'huile ou la poudre de noix par la peau avec une personne de l'équipage de bord qui pourrait avoir servi des noix ou avec des passagers qui circulent dans les allées ou qui utilisent les toilettes ou d'autres installations juste avant la personne allergique. Mme Nugent fait également part de sa préoccupation concernant l'utilisation des toilettes. Elle explique que les passagers ayant une allergie aux arachides ou aux noix devront quitter la zone tampon et courir certains risques pour utiliser les toilettes, et que les cabinets de toilettes pourraient être contaminés par des résidus d'arachides laissés par les autres passagers qui en ont consommé.
[26] En ce qui a trait à la taille des zone tampons, Mme Huyer croit qu'une rangée de sièges devant et derrière le passager allergique n'est pas suffisante et que cette solution ne tient pas compte du contact accidentel avec les passagers assis dans la rangée de sièges située de l'autre côté de l'allée qui pourraient « s'accoter lorsqu'ils veulent se lever, qui perdent pied, etc. » [traduction] Mme Huyer mentionne que les allées à bord des aéronefs sont extrêmement étroites et qu'il est fréquent que les passagers accrochent les sièges lorsqu'ils circulent dans l'allée. Elle explique qu'en cas de turbulence, une personne peut facilement être projetée sur un siège côté allée et que si un enfant est assis de l'autre côté de l'allée de la zone tampon, il ne faut pas s'attendre à ce qu'il comprenne qu'il ne doit pas toucher la personne ou le siège de l'autre côté de l'allée s'il a été en contact avec des noix.
[27] Mme Huyer soulève des inquiétudes concernant la proposition de ne fournir aucune zone tampon dans les classes affaires et les premières classes. Elle précise que même si les sièges fournissent une barrière ou qu'ils sont légèrement plus hauts, ils ne sont pas assez hauts ou assez éloignés des autres passagers pour réduire de manière satisfaisante les possibilités de contact accidentel. Mme Huyer ajoute que la solution proposée ne fournit pas suffisamment de distance pour que l'échangeur d'air filtre l'huile ou la poussière de noix avant que cela n'atteigne le passager allergique.
[28] Mme Nugent souhaite que la politique d'Air Canada comprenne une annonce générale à tous les passagers afin de les informer qu'une personne allergique est à bord et de leur demander d'éviter de consommer des arachides et des noix. Elle indique que sans ce type d'annonce générale, les autres passagers pourraient croire qu'ils peuvent consommer des arachides et des noix, augmentant ainsi le risque de contact. Mme Nugent croit également que les zones tampons créent une ségrégation et que ce n'est pas acceptable.
Analyse de l'Office
[29] Mme Huyer et Mme Nugent ne croient pas que la zone tampon aidera à limiter le contact avec les allergènes d'arachides et de noix. Elles mentionnent qu'il est possible que les personnes à l'extérieur de la zone tampon y entrent ou soient en contact avec la zone tampon et que les personnes allergiques qui s'y trouvent soient en contact avec des allergènes lorsqu'elles sont à l'extérieur de la zone tampon. Toutefois, comme il est indiqué dans la Décision, les deux experts des allergies embauchés par l'Office et Air Canada mentionnent qu'il est impossible de créer un environnement sans allergènes à bord de la cabine passagers des aéronefs. De plus, l'expert de l'Office fait remarquer que même si des mesures étaient mises en place, certaines personnes allergiques pourraient courir un risque, par exemple, en raison d'autres passagers qui apportent à bord par inadvertance des produits contenant des arachides et des noix ou d'autres allergènes. Il est également établi dans la Décision que le service requis pour atténuer les risques d'exposition aux allergènes d'arachides ou de noix, soit l'accommodement approprié, consiste à séparer les personnes allergiques aux arachides ou aux noix des autres passagers qui pourraient en consommer ou consommer des produits qui en contiennent. L'Office demeure d'avis qu'il est impossible de créer un environnement sans allergène dans la cabine passagers des aéronefs et que, par conséquent, une zone tampon constitue l'accommodement approprié pour réduire les possibilités d'exposition aux allergènes d'arachides et de noix.
[30] Il n'est tout simplement pas pratique ou possible de bannir toutes les substances auxquelles les gens peuvent être allergiques dans un réseau de transport de masse. Il n'est pas non plus possible d'éliminer tous les risques. En tenant compte de cette réalité, un accommodement raisonnable serait que le transporteur, reconnaissant la gravité de l'allergie, prenne des mesures efficaces afin de réduire les possibilités de contact avec un allergène.
Ségrégation
[31] Mme Nugent mentionne que les zones tampons créent une ségrégation. Même si le but des zones tampons est de réduire les possibilités d'exposition à un allergène en séparant les personnes allergiques aux arachides ou aux noix des autres passagers qui pourraient en consommer ou consommer des produits qui en contiennent, l'Office n'est pas d'avis que les zones tampons isolent les personnes ayant une déficience en raison de leur allergie aux arachides ou aux noix, puisqu'elles seront quand même assises avec d'autres passagers à bord des aéronefs. L'Office est d'avis qu'il n'est pas nécessaire de tenir compte des préoccupations de Mme Nugent pour ce qui est de la ségrégation dans la mise en œuvre de l'accommodement approprié.
Possibilité de contact avec des allergènes d'arachides et de noix à l'extérieur des zones tampons
[32] En ce qui a trait aux préoccupations soulevées par les demanderesses concernant le risque de contact avec des allergènes d'arachides et de noix en chemin vers les toilettes ou dans les toilettes, étant donné qu'il est impossible de créer un environnement sans allergène dans la cabine passagers des aéronefs, il est raisonnable de s'attendre à ce que les personnes allergiques aux arachides ou aux noix prennent les mêmes précautions qu'elles prendraient dans leur vie quotidienne lorsqu'elles se trouvent dans des endroits publics, y compris les toilettes. Par conséquent, l'Office estime qu'il n'est pas nécessaire de tenir compte des préoccupations des demanderesses concernant la possibilité de contact avec des allergènes d'arachides et de noix à l'extérieur des zones tampons dans la mise en œuvre de l'accommodement approprié.
Annonces
[33] Même si Mme Nugent croit qu'une annonce générale devrait être faite, cette question a déjà été traitée dans la Décision. Plus précisément, l'Office a conclu qu'une zone tampon constitue l'accommodement approprié pour les personnes ayant une déficience en raison de leur allergie aux arachides ou aux noix. L'Office a aussi déterminé que les passagers qui se trouvent dans une zone tampon doivent être informés qu'un passager est allergique aux arachides ou aux noix et qu'ils doivent s'abstenir de consommer des arachides, des noix ou des produits qui en contiennent. Il est donc inutile de faire une annonce générale à tous les passagers de l'aéronef.
Taille de la zone tampon
[34] L'Office prend note des préoccupations soulevées par Mme Huyer concernant la proposition d'Air Canada pour la classe affaires et la première classe eu égard à la distance (entre le passager allergique et les autres passagers) de sorte que l'échangeur d'air filtre l'huile et la poussière de noix avant que ces allergènes ne soient en contact avec le passager allergique. Comme il a été mentionné plus haut, l'Office a accepté la preuve d'expert indiquant que le plus grand risque d'une réaction allergique grave est l'ingestion causée par une exposition accidentelle. L'Office a conclu également que, selon la preuve concernant la filtration et la circulation de l'air, le risque d'une réaction allergique causée par l'inhalation est réduit de manière considérable dans les aéronefs modernes. Comme le risque d'inhalation est minime, les zones tampons servent principalement à réduire les risques d'une réaction allergique causée par l'ingestion.
i) Première classe des aéronefs gros-porteurs internationaux
[35] En ce qui concerne la zone tampon suggérée pour la première classe des aéronefs gros-porteurs internationaux, Air Canada indique que la configuration de ces sièges offre suffisamment d'isolement pour réduire les possibilités de contact avec des allergènes d'arachides ou de noix. Mme Huyer indique, en revanche, que même si les sièges offrent une barrière ou sont légèrement plus hauts, ils ne sont pas suffisamment hauts ou ne constituent pas une séparation suffisante pour réduire de manière satisfaisante les possibilités de contact accidentel. L'Office est d'avis que la conception de ces sièges, qu'Air Canada décrit comme des sièges fusiformes, ainsi que leur disposition en chevron, créent un espace individuel pour les passagers. Il est ainsi très peu probable qu'une personne occupant un siège voisin soit en contact avec l'environnement de la personne allergique. L'Office accepte que la taille suggérée de la zone tampon réduit de manière satisfaisante le risque d'une ingestion accidentelle. Par conséquent, l'Office accepte la proposition d'Air Canada et conclut que la zone tampon de la première classe des aéronefs gros-porteurs internationaux constituera le siège fusiforme de la personne ayant une déficience en raison de son allergie aux arachides ou aux noix.
ii) Classe affaires nord-américaine
[36] Pour ce qui est des sièges de la classe affaires nord-américaine, Air Canada mentionne que la seule rangée de sièges où se trouve la personne allergique fournit une zone tampon appropriée grâce aux dossiers plus hauts et plus larges des sièges. Comme il a été souligné plus haut, Mme Huyer mentionne que ces sièges ne séparent pas assez les passagers afin de réduire de manière satisfaisante les possibilités de contact accidentel. L'Office accepte le fait que les dossiers permettront de réduire de manière considérable les possibilités de contact avec des allergènes d'arachides et de noix, et, ainsi, permettront de réduire de manière satisfaisante les possibilités d'ingestion accidentelle.
[37] L'Office accepte donc la proposition d'Air Canada et conclut que la zone tampon pour la classe affaires nord-américaine sera composée de la seule rangée de sièges où sera assise la personne ayant une déficience en raison de son allergie aux arachides ou aux noix.
iii) Classe économique
[38] Les sièges de la classe économique sont plus étroits et les dossiers sont plus bas que ceux de la classe affaires nord-américaine. Air Canada propose donc que la rangée de sièges où se trouve la personne allergique fasse partie de la zone tampon. De plus, Air Canada suggère, par mesure de précaution au cas où les passagers qui se déplacent toucheraient l'arrière ou le haut des appuie-têtes à proximité du siège du passager allergique, que les rangées de sièges immédiatement devant et derrière soient également comprises dans la zone tampon. L'Office est d'accord avec Air Canada pour que la zone tampon en classe économique soit plus grande que la seule rangée de sièges où se trouve le passager allergique.
[39] Étant donné que le plus grand risque de réaction allergique est par ingestion accidentelle, l'Office accepte la proposition d'Air Canada et conclut que la zone tampon de la classe économique doit comprendre la rangée de sièges où se trouve la personne allergique ainsi que la rangée de sièges qui se trouve directement devant et celle directement derrière le passager en question. En ce qui concerne les sièges de l'autre côté de l'allée de la zone tampon, l'Office accepte l'argument d'Air Canada qui avance qu'il y a « très peu de risque, s'il y en a » [traduction] que les passagers assis dans ces sièges soient en contact immédiat avec l'environnement du passager allergique. Dans les secteurs où une cloison se trouve directement devant ou derrière la rangée de sièges où se trouve le passager allergique, Air Canada a suggéré que la cloison fait office de rangée de substitution, ce que l'Office accepte et il en fait sa conclusion. Par conséquent, la cloison et la rangée de sièges où se trouve la personne allergique ainsi que la rangée de sièges devant ou derrière (en fonction d'où se trouve la cloison) fournissent une protection appropriée contre le risque d'ingestion accidentelle aux personnes ayant une déficience en raison de leur allergie aux arachides ou aux noix.
Conclusion
[40] Compte tenu de ce qui précède, l'Office conclut que la taille appropriée de la zone tampon est la suivante :
- Dans la première classe des aéronefs gros-porteurs internationaux d'Air Canada, la zone tampon est constituée du siège fusiforme où se trouve la personne ayant une déficience en raison de son allergie aux arachides ou aux noix.
- Dans la classe affaires nord-américaine d'Air Canada, la zone tampon est constituée de la seule rangée de sièges où se trouve la personne ayant une déficience en raison de son allergie aux arachides ou aux noix.
- Dans la classe économique d'Air Canada, la zone tampon est constituée de la rangée de sièges où est assise la personne ayant une déficience en raison de son allergie aux arachides ou aux noix, ainsi que de la rangée de sièges qui se trouve devant et celle derrière la personne allergique. Dans les secteurs où une cloison se trouve directement devant ou derrière la rangée de sièges où se trouve la personne allergique, la zone tampon est constituée de la cloison, de la rangée de sièges où se trouve la personne allergique et de la rangée de sièges directement devant ou derrière la personne (en fonction d'où se trouve la cloison).
3) Prise de précautions par les personnes ayant une déficience en raison de leur allergie aux arachides ou aux noix
[41] Air Canada indique que les zones tampons proposées fournissent un accommodement approprié si elles sont combinées aux précautions qu'une personne ayant une allergie grave aux arachides et aux noix devrait prendre, notamment préparer ses propres collations, apporter des serviettes humides afin de nettoyer son environnement, du désinfectant pour les mains et de l'EpiPen.
[42] L'Office reconnaît, conformément à la Décision, qu'il est légitime qu'Air Canada tienne pour acquis que les personnes ayant une déficience en raison de leur allergie prennent des précautions dans leur quotidien en vue de réduire les possibilités d'exposition accidentelle aux allergènes. Par conséquent, l'Office est d'avis, par exemple, que le fait d'apporter des serviettes humides, du désinfectant et de l'EpiPen (lorsque prescrit par un médecin) ajouterait à l'efficacité de l'accommodement offert sous la forme d'une zone tampon.
[43] Cependant, l'Office n'est pas d'accord avec la position d'Air Canada qui veut que les personnes ayant une déficience en raison de leur allergie aux arachides ou aux noix devraient apporter leurs propres collations. Comme un accommodement approprié selon l'Office comprend le service par Air Canada d'aliments sans arachides et sans noix aux passagers de la zone tampon, les personnes ayant une déficience en raison de leur allergie aux arachides ou aux noix ne devraient pas être tenues d'apporter leurs propres collations, bien qu'on s'attende à ce qu'elles veuillent le faire.
4) Annonce aux passagers assis dans la zone tampon
Air Canada
[44] Air Canada déclare qu'une annonce concernant les allergies aux arachides et aux noix sera faite aux passagers qui occupent un siège dans la zone tampon de la même façon que les instructions sont données aux passagers qui sont assis près des sorties de secours. Air Canada mentionne également que l'annonce indiquera aux passagers qui occupent un siège dans la zone tampon qu'une personne est allergique aux arachides ou aux noix et les invitera à éviter d'en consommer ou de consommer des produits qui en contiennent. Air Canada indique que si des passagers s'opposent à cette règle, le personnel tentera de leur assigner d'autres sièges.
[45] Dans sa décision no LET-AT-A-93-2010, l'Office informe Air Canada que de simplement tenter d'assigner de nouveaux sièges aux passagers qui s'opposent aux conditions de la zone tampon ne satisfait pas aux exigences de l'accommodement approprié. L'Office rappelle à Air Canada que, selon la Décision, l'accommodement approprié consiste à séparer les personnes allergiques aux arachides ou aux noix des passagers qui pourraient en consommer ou consommer des produits qui en contiennent. Plus précisément, l'Office a conclu que l'accommodement approprié consistait en une zone tampon ou d'exclusion où les passagers seront informés qu'ils peuvent seulement consommer des produits qui ne contiennent pas d'arachides ou de noix et qu'on leur servira seulement des aliments sans arachides et sans noix comme collations ou repas pendant le vol.
[46] En réaction à la décision no LET-AT-A-93-2010, Air Canada mentionne que certains passagers pourraient ne pas vouloir respecter les conditions des zones tampons ou pourraient refuser de se voir assigner une autre place. Toutefois, Air Canada mentionne également que la demande de se conformer aux règles des zones tampons ou d'être déplacé constituera une directive de l'équipage et qu'un non-respect de cette directive sera jugé comme un comportement perturbateur selon le tarif applicable et pourrait mener à l'expulsion du passager perturbateur.
[47] En cas de perturbation et de refus des passagers de se voir assigner un autre siège, Air Canada demande la possibilité de déplacer la zone tampon et le passager allergique. Air Canada explique que ses membres de l'équipage de cabine sont formés pour désamorcer des situations de conflit. Air Canada propose donc qu'au lieu de s'obstiner avec un passager et de risquer que le passager soit expulsé de l'aéronef et que l'on doive débarquer ses bagages, ce qui entraînerait vraisemblablement un retard pour tous les passagers, la solution pourrait être de déplacer le passager allergique et de recréer la zone tampon près de passagers plus tolérants.
Commentaires de Mme Huyer
[48] Mme Huyer mentionne que si les allergies aux noix sont considérées comme une déficience, toute personne qui refuse d'aider la personne allergique devrait être déplacée vers un autre siège ou être expulsée de l'aéronef. Mme Huyer mentionne que, selon son entendement, les transporteurs sont tenus par la loi d'accommoder les passagers ayant une déficience. Donc, le problème consistant à persuader les autres passagers de s'y conformer ne devrait pas se poser.
Analyse de l'Office
[49] Dans sa proposition, Air Canada suggère de réassigner des sièges aux passagers qui refusent de respecter les conditions des zones tampons. Même si Mme Huyer est d'avis que convaincre les autres passagers de se conformer aux règlements n'a pas lieu d'être, l'Office reconnaît qu'il est possible que certaines personnes refusent de coopérer. L'Office considère raisonnable qu'Air Canada dispose d'une solution de rechange pour gérer ce genre de situation. L'objectif des zones tampons est de séparer les personnes allergiques aux arachides ou aux noix des personnes qui pourraient en consommer ou consommer des produits qui en contiennent. Si, dans les circonstances, Air Canada parvient de manière plus efficace à atteindre cet objectif en déplaçant la zone tampon de manière à répondre aux besoins de la personne ayant une déficience en raison de son allergie aux arachides ou aux noix, l'Office considère cette solution raisonnable.
[50] En outre, l'Office note qu'Air Canada a souligné que le non-respect des instructions de l'équipage serait jugé comme un comportement perturbateur selon le tarif applicable et pourrait mener à l'expulsion de la personne qui refuse de respecter les règles.
[51] L'Office est convaincu que les procédures proposées par Air Canada, soit d'informer les passagers qui occupent un siège dans la zone tampon qu'ils doivent éviter de consommer des arachides et des noix et de gérer la situation lorsque des passagers refusent de respecter cette directive, permettront de répondre adéquatement aux besoins des personnes ayant une déficience en raison de leur allergie aux arachides ou aux noix.
5) Service des repas et des collations dans la zone tampon
[52] Dans le cadre de sa présentation portant sur les préavis, Air Canada a aussi fourni de l'information sur les restrictions applicables au service de repas et de collations.
[53] Dans sa décision no LET-AT-A-93-2010, l'Office a rappelé à Air Canada que l'accommodement approprié est une zone tampon où les passagers sont informés qu'ils peuvent seulement consommer des aliments sans arachide et sans noix et que le personnel ne leur servira que des aliments sans arachide et sans noix pendant le vol. L'Office mentionne à Air Canada que le fait de servir des aliments qui contiennent des arachides ou des noix aux passagers qui occupent un siège dans la zone tampon ne respecte pas les exigences énoncées dans la Décision. Air Canada a également été informée qu'en cas de refus de la mise en œuvre de l'accommodement approprié, il sera possible au transporteur de présenter ses arguments sur le caractère abusif de la demande.
Conclusion
[54] L'Office finalise ses conclusions sur l'accommodement approprié pour les personnes ayant une déficience en raison de leur allergie aux arachides ou aux noix, lorsqu'un préavis d'au moins 48 heures est fourni à Air Canada, comme suit :
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Air Canada créera une zone tampon comme il est décrit ci-après pour le passager ayant une déficience en raison de son allergie aux arachides ou aux noix :
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Dans la première classe des aéronefs gros-porteurs internationaux, la zone tampon est constituée du siège fusiforme où se trouve la personne ayant une déficience en raison de son allergie aux arachides ou aux noix.
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Dans la classe affaires nord-américaine, la zone tampon est constituée de la seule rangée de sièges où se trouve la personne ayant une déficience en raison de son allergie aux arachides ou aux noix.
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Dans la classe économique, la zone tampon est constituée de la rangée de sièges où se trouve la personne ayant une déficience en raison de son allergie aux arachides ou aux noix, ainsi que de la rangée de sièges directement devant et celle directement derrière la personne allergique. Dans les secteurs où une cloison se trouve directement devant ou derrière la rangée de sièges où se trouve la personne ayant une déficience en raison de son allergie aux arachides ou aux noix, la zone tampon est alors constituée de la cloison, de la rangée de sièges où se trouve la personne allergique et de la rangée de sièges directement devant ou derrière la personne (en fonction d'où se trouve la cloison).
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Dans les zones tampons, seuls des aliments sans arachides et sans noix seront servis par Air Canada dans le cadre du service de repas et de collations.
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Une annonce sera faite aux passagers qui occupent un siège dans la zone tampon par le personnel d'Air Canada mentionnant qu'il est interdit de consommer des produits qui contiennent des arachides et des noix et que seuls des aliments sans arachides et sans noix leur seront servis lors des collations et des repas pendant le vol. De plus, le personnel d'Air Canada doit gérer la situation lorsqu'un passager refuse de se conformer à ces règles en déplaçant le passager non coopératif ou, au besoin si le passager refuse de se déplacer, en déplaçant la personne ayant une déficience en raison de son allergie aux arachides ou aux noix dans un endroit où il est possible de recréer la zone tampon.
Ordonnance
[55] Air Canada est tenue d'informer l'Office dans les 10 jours suivant la date de la présente décision de son intention de mettre en œuvre l'accommodement approprié décrit ci-haut. Comme il est mentionné dans la Décision, si Air Canada accepte de mettre en œuvre l'accommodement approprié, il lui incombera de présenter une politique officielle à l'Office aux fins de révision et d'approbation. Cette politique devra comprendre une description claire du processus qu'Air Canada mettrait en œuvre en vue de garantir que l'accommodement approprié sera fourni aux personnes ayant une déficience en raison de leur allergie aux arachides ou aux noix. Air Canada devra présenter cette politique officielle dans les 30 jours suivant la date de la présente décision.
[56] Dans l'éventualité où Air Canada refuse de mettre en œuvre l'accommodement approprié, en totalité ou en partie, il lui incombera de présenter, dans les 30 jours suivant la date de la présente décision, ses arguments sur le caractère abusif de la demande afin de prouver que le fait de fournir les services refusés lui causerait une contrainte excessive, ou alors sa proposition d'une solution de rechange raisonnable qui serait tout aussi appropriée pour répondre aux besoins des personnes ayant une déficience en raison de leur allergie aux arachides ou aux noix.
[57] Sur réception de la présentation d'Air Canada d'une politique officielle, ou de ses arguments sur le caractère abusif de la demande, ou d'une solution de rechange tout aussi appropriée pour répondre aux besoins des personnes ayant une déficience en raison de leur allergie aux arachides ou aux noix, Mme Huyer et Mme Nugent disposeront de 10 jours pour fournir leurs commentaires.
[58] Les parties sont tenues de fournir des copies de leur présentation aux autres parties au moment du dépôt auprès de l'Office.
Membres
- John Scott
- Raymon J. Kaduck
- J. Mark MacKeigan
Membre(s)
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