Décision n° 432-R-2009
le 14 octobre 2009
DEMANDE déposée par la Société TELUS Communications en vertu des paragraphes 101(3) et (4) de la Loi sur les transports au Canada, L.C. (1996), ch. 10, modifiée.
Référence no R8050/562-077.01
Demande
[1] Le 23 juin 2009, la Société TELUS Communications (Telus) a déposé une demande auprès de l'Office des transports du Canada (Office) en vue d'obtenir l'autorisation de construire et d'entretenir un franchissement par desserte traversant l'emprise et les voies de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (CN) au point milliaire 77,01 de la subdivision Nechako, près de Vanderhoof, dans la province de la Colombie-Britannique.
Contexte
[2] Telus et CN géraient des franchissements par desserte dans le cadre d'une entente générale qui a pris fin le 31 décembre 2008. Comme les parties n'ont pas réussi à négocier une nouvelle entente générale, une entente pour chaque nouveau franchissement est nécessaire.
[3] En l'espèce, Telus a demandé à CN la permission d'installer un câble de télécommunications à 24 paires et un câble neutre porteur en acier entre les deux poteaux électriques existants situés de chaque côté et à l'extérieur de l'emprise de CN, près de Vanderhoof.
[4] Bien qu'elles s'entendent sur la conception, le lieu, la méthode de construction et l'entretien du franchissement par desserte proposé, les parties ne s'entendent pas sur un montant unique de 3 660 $, à savoir les frais de demande, les frais de servitude et les frais prépayés de signalisation et de protection par signaleur.
Questions environnementales
[5] En vertu du paragraphe 18(1) de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, L.C. (1992), ch. 37, (LCÉE), le projet a fait l'objet d'un examen préalable et un rapport d'examen préalable a été établi.
[6] L'Office estime qu'en application du paragraphe 18(3) de la LCÉE, la participation du public à l'examen préalable du projet n'est pas indiquée dans les circonstances.
[7] Après avoir étudié le rapport d'examen préalable, l'Office a déterminé que la réalisation du projet n'est pas susceptible d'entraîner des effets environnementaux négatifs importants.
Question
[8] Il convient de déterminer si l'Office doit donner son autorisation relativement au franchissement par desserte et, le cas échéant, si Telus doit payer le montant unique de 3 660 $.
Positions des parties
[9] Telus maintient que les frais de CN sont déraisonnables et incompatibles avec de nombreuses décisions pertinentes rendues par l'Office et ses prédécesseurs. En revanche, CN estime que ses frais sont raisonnables pour couvrir les coûts qu'elle défraie pour l'installation d'un franchissement par desserte et pour l'occupation de sa propriété.
[10] Telus indique que l'Office a une politique de longue date concernant les franchissements par desserte aux termes de laquelle aucune entreprise de services publics requérante n'a été tenue de payer des frais administratifs, des frais de servitude ou tout autre frais de ce genre à une compagnie de chemin de fer. Pour étayer son argument, Telus invoque la décision de l'Office national des transports (ONT) no 93-R-1995 et les décisions de l'Office nos 401-R-2002, 440-R-2004 et 90-R-2007. Elle cite également le passage suivant de la décision no 93-R-1995 de l'ONT concernant le remplacement d'un franchissement par desserte sous le chemin de fer :
Cependant, si le droit de passage est établi suite à l'exercice d'un pouvoir suivant la loi, l'Office, comme ses prédécesseurs, a pour principe de ne pas autoriser de dédommagement lorsqu'une simple servitude est donnée sans qu'il y ait de préjudice ou de dommage véritable à la compagnie de chemin de fer ou à sa propriété.
[11] CN indique qu'elle connaît bien les décisions antérieures de l'Office. Toutefois, elle souligne que l'Office examine chaque cas selon ses éléments propres. Telus convient que l'Office devrait examiner chaque cas en fonction de ses éléments propres, mais soutient qu'il ne s'agit pas d'un cas où il serait approprié de s'écarter de ses anciennes décisions, car la construction du franchissement est simple, nécessite une participation minimale de la part de CN, n'aura aucune incidence sur l'emprise ou sur les activités de la compagnie de chemin de fer et ne causera pas de dommages aux terrains de CN.
[12] CN fait valoir que l'article 101 de la Loi sur les transports au Canada (LTC) et l'article 16 de la Loi sur la sécurité ferroviaire, L.R.C. 1985, ch. 32 (4e suppl.) prévoient qu'une tierce partie peut assumer l'entière responsabilité des coûts de construction et d'entretien lorsque la compagnie de chemin de fer n'en retire aucun avantage. Telus convient que l'Office a bel et bien cette discrétion, mais fait valoir que dans les cas où la tierce partie est une compagnie de services publics, l'Office et ses prédécesseurs ont toujours statué qu'aucun dédommagement n'était requis relativement à un franchissement par desserte.
[13] CN soutient que l'article 101 de la LTC ne vise pas à diminuer les droits de propriété des compagnies de chemins de fer et à donner libre accès à ces propriétés. Elle ajoute que Telus a reconnu ce point lorsqu'elle a conclu une entente générale en 1997 dans le cadre de laquelle elle dédommageait CN pour l'utilisation de sa propriété. Telus réplique que l'article 101 de la LTC n'oblige pas l'Office à mettre la propriété des compagnies de chemins de fer à la disposition des tierces parties à des fins commerciales gratuitement, mais donne à l'Office la discrétion de décider si un dédommagement doit être payé dans un cas particulier.
[14] CN maintient qu'il y a beaucoup de travail associé à chaque demande de franchissement par desserte et qu'elle est en droit de récupérer ces coûts et ces frais indirects. De plus, puisque CN doit veiller à la sécurité des activités ferroviaires, elle est tenue d'examiner l'ensemble du travail proposé et des plans connexes pour assurer la conformité aux règlements et aux normes applicables. Telus reconnaît que CN défraie certains coûts pour traiter une demande de franchissement par desserte, mais ajoute que les documents de CN n'indiquent pas le temps ou le coût réel du traitement d'une simple demande et que CN ne fournit aucune preuve ou justification persuasive relativement aux frais.
[15] CN avance que lorsque Telus utilise d'autres propriétés non ferroviaires, elle dédommage le propriétaire pour cette utilisation. Telus réplique qu'elle verse généralement un certain dédommagement relativement aux emprises ou aux servitudes sur une propriété privée. Toutefois, les principes et la politique publique établis dans l'arrêté no 1989-R-296 de l'ONT et la décision no 310-R-2003 de l'Office prévoient que l'Office n'oblige pas une entreprise de services publics à verser un dédommagement pour la construction d'un franchissement par desserte.
[16] CN soutient que ses frais sont conformes aux frais facturés aux autres entreprises de services publics et que celles-ci ont accepté de les payer. Telus réplique que les entreprises n'ont souvent pas d'autre choix que de payer les frais lorsqu'un franchissement est requis.
[17] CN propose qu'un taux fixe soit payé par des tierces parties comme Telus pour chaque franchissement par desserte, ce qui simplifierait le processus de recouvrement des coûts pour les deux parties. Telus ne s'oppose pas à payer un taux fixe par franchissement, pourvu qu'il soit raisonnable et inclus dans une nouvelle entente générale de franchissement. Telus cite le mémoire de CN indiquant que les deux parties ont récemment réussi à négocier une entente à l'amiable pour deux autres projets de franchissement par desserte. Telus affirme que si CN avait appliqué les conditions financières de cette entente à une nouvelle entente générale de franchissement, elle n'aurait pas jugé nécessaire de déposer la présente demande.
Constatations
[18] Les paragraphes 101(3) et (4) de la LTC prévoient que :
(3) L'Office peut, sur demande de la personne qui ne réussit pas à conclure l'entente ou une modification, autoriser la construction d'un franchissement convenable ou de tout ouvrage qui y est lié, ou désigner le responsable de l'entretien du franchissement.
(4) L'article 16 de la Loi sur la sécurité ferroviaire s'applique s'il n'y a pas d'entente quant à la répartition des coûts de la construction ou de l'entretien du franchissement.
[19] L'Office note que même si les négociations entre Telus et CN se sont avérées infructueuses quant aux frais de demande, elles s'entendent sur la construction et l'entretien du franchissement par desserte. Par conséquent, l'Office autorise la construction du franchissement conformément au paragraphe 101(3) de la LTC.
[20] En ce qui a trait au dédommagement, Telus est d'avis qu'aucuns frais ne sont requis. L'Office note que Telus a invoqué un certain nombre de décisions antérieures émises par l'Office et ses prédécesseurs, dans lesquelles la construction de franchissements par desserte a été autorisée sans imposer le versement d'un dédommagement à la compagnie de chemin de fer.
[21] Dans la décision no 93-R-1995, l'Office national des transports reconnaît, tel que souligné dans l'arrêté no 1989-R-296, que :
[...] lorsqu'un contrat de passage privé est conclu avec une compagnie de chemin de fer, il arrive fréquemment qu'il oblige le permissionnaire à verser un dédommagement à la compagnie de chemin de fer sous forme de frais annuels ou administratifs. Cependant, si le droit de passage est établi suite à l'exercice d'un pouvoir suivant la loi, l'Office, comme ses prédécesseurs, a pour principe de ne pas autoriser de dédommagement lorsqu'une simple servitude est donnée sans qu'il y ait de préjudice ou de dommage véritable à la compagnie de chemin de fer ou à sa propriété.
[22] Dans la décision no 93-R-1995, l'Office national des transports a reconnu que, souvent, lorsque des entreprises de services publics et des compagnies de chemin de fer concluent des ententes individuelles ou générales, la compagnie de chemin de fer est dédommagée pour le franchissement de son emprise. Lorsque les parties négocient de bonne foi, une entente peut généralement être conclue pour le bénéfice mutuel des deux parties; la compagnie de chemin de fer y gagne en recevant un dédommagement pour le franchissement par desserte et les deux parties épargnent beaucoup de temps et d'argent.
[23] Toutefois, lorsqu'il n'est pas possible d'en arriver à une entente individuelle et qu'une demande est présentée à l'Office, la politique de l'Office consiste à ne pas exiger de dédommagement dans les cas où il n'est pas démontré que des dommages pourraient être causés à la compagnie de chemin de fer ou à sa propriété.
[24] L'Office signale que ces principes ont été appliqués uniformément dans le passé par l'Office et ses prédécesseurs pour rendre des décisions relatives au dédommagement lié aux franchissements par desserte. L'Office conclut que, puisque rien ne distingue cette demande des demandes précédentes, il n'y a pas lieu de s'écarter de ces principes.
[25] L'Office prend en considération toutes les preuves présentées par les parties au cours des plaidoiries et prend sa décision en fonction de chaque cas. En l'espèce, l'Office estime que l'installation d'une ligne aérienne au-dessus de l'emprise ferroviaire de CN entre deux poteaux électriques existants n'est pas un travail d'envergure. L'Office indique également que CN n'a pas fourni de preuve selon laquelle l'installation interférera de quelque façon que ce soit avec ses activités ferroviaires ou causera des dommages appréciables aux terrains de CN.
[26] Par conséquent, en appliquant ces principes aux faits de l'espèce, l'Office détermine que le versement d'un dédommagement à CN n'est pas justifié, car il n'y a aucune preuve selon laquelle la construction ou l'entretien du franchissement par desserte à cet endroit entraînera des dommages réels ou appréciables à ses terrains.
Conclusion
[27] À la lumière de ce qui précède, l'Office, en vertu du paragraphe 101(3) de la LTC, autorise Telus à construire et à entretenir, à ses frais, le franchissement par desserte, tel qu'illustré sur le plan no 2284791Y1-1 du 15 juin 2009.
[28] Reconnaissant les avantages de la coopération dans les cas de résolution de conflit et pour éviter des coûts aux parties et à l'Office, ce dernier encourage CN et Telus à négocier une nouvelle entente générale pour gérer les futurs franchissements par desserte, y compris les questions liées au dédommagement.
Membres
- Raymon J. Kaduck
- Geoffrey C. Hare
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