Décision n° 456-C-A-2009

le 30 octobre 2009

le 30 octobre 2009

PLAINTE déposée par Peter S. Wyant contre Air Canada.

Référence no M4120-3/09-01525


INTRODUCTION ET QUESTIONS

[1] Peter S. Wyant a déposé auprès de l'Office des transports du Canada (Office) une plainte alléguant que le supplément pour le carburant imposé par Air Canada sur deux billets qu'il a achetés pour voyager entre Regina (Saskatchewan), Canada et Francfort, République fédérale d'Allemagne, est injuste et déraisonnable et injustement discriminatoire. L'Office doit donc se pencher sur les questions suivantes :

  1. Le supplément pour le carburant imposé par Air Canada sur deux billets que M. Wyant a achetés pour voyager entre Regina et Francfort est-il juste et raisonnable aux termes du paragraphe 111(1) du Règlement sur les transports aériens (RTA), DORS/88-58, modifié?
  2. Le supplément pour le carburant imposé par Air Canada sur deux billets que M. Wyant a achetés pour voyager entre Regina et Francfort établit-il une distinction injuste aux termes de l'alinéa 111(2)a) du RTA?

[2] Comme l'indiquent les motifs qui suivent, l'Office estime que M. Wyant ne s'est pas acquitté du fardeau de la preuve pour démontrer que le supplément pour le carburant imposé par Air Canada sur deux billets que M. Wyant a achetés pour voyager entre Regina et Francfort est injuste et déraisonnable ou injustement discriminatoire.

FAITS

[3] Le 20 janvier 2009, M. Wyant a acheté deux billets pour un voyage aller-retour avec Air Canada entre Regina et Francfort. Le départ était prévu le 14 avril 2009 et le retour le 15 mai 2009. Un supplément pour le carburant de 344 $ a été imposé par Air Canada sur chaque billet, dont l'un a été acheté en échangeant des milles de récompense Aéroplan. Par opposition, Air Canada n'impose pas de supplément pour le carburant pour le transport à l'intérieur du Canada ou entre le Canada et les États-Unis d'Amérique.

COMPÉTENCE

[4] Le supplément pour le carburant en question a été perçu sur deux billets achetés pour un vol entre le Canada et l'Europe. La compétence de l'Office à l'égard des plaintes relatives aux conditions de transport qui s'appliquent au transport à destination et en provenance du Canada est énoncée aux articles 111 et 113 du RTA. En particulier, en l'espèce, l'Office doit déterminer si le supplément pour le carburant en question est juste et raisonnable et si l'imposition de ce supplément constitue une distinction injuste.

[5] En ce qui a trait à la question des suppléments qui s'appliquent au transport effectué en échangeant les milles de récompense Aéroplan, l'Office, dans la décision no 451-C-A-2009, a déterminé qu'il n'avait aucune compétence sur Aéroplan. Ainsi, l'Office ne se penchera pas sur cette partie de la plainte. L'Office a également déterminé, dans la décision no 82-C-A-2009, que puisqu'Aéroplan n'est pas un licencié aux termes de la LTC ni un transporteur aérien aux termes de l'article 110 du RTA, l'Office n'a aucune compétence sur Aéroplan.

TARIF, CONVENTION ET EXTRAITS STATUTAIRES PERTINENTS

[6] Les extraits pertinents à cette décision sont énoncés à l'annexe A.

ANALYSE ET CONSTATATIONS

1. Les suppléments pour le carburant imposés par Air Canada aux vols à destination de l'Europe sont-ils justes et raisonnables?

Le critère d'évaluation qui doit être appliqué

[7] Quand une plainte est déposée auprès de l'Office, le plaignant a le fardeau de fournir des preuves à l'Office démontrant que le transporteur aérien a appliqué une condition de transport qui est déraisonnable au sens de l'article 111 du RTA.

[8] Le critère fixé par l'Office pour déterminer si une condition de transport est « déraisonnable » au sens de l'article 111 du RTA a été établi par l'Office dans la décision no 746-C-A-2005 et il prévoit qu'un juste équilibre doit être établi entre, d'une part, les droits des passagers d'être assujettis à des conditions de transport raisonnables et, d'autre part, les obligations statutaires, commerciales et opérationnelles du transporteur aérien concerné.

[9] Lorsqu'il soupèse les droits d'un passager et les obligations d'un transporteur, l'Office doit prendre en compte tous les éléments de preuve et les mémoires présentés par les deux parties et trancher la question de savoir si la condition de transport est raisonnable ou déraisonnable en fonction de la partie qui a présenté les preuves les plus convaincantes et persuasives.

[10] Il convient de signaler que les conditions de transport sont fixées par un transporteur aérien unilatéralement sans demander l'opinion des passagers futurs. Le transporteur aérien fixe ses conditions de transport en fonction de ses intérêts, qui peuvent découler d'exigences réglementaires ou simplement commerciales. Il n'y a aucune présomption qu'un tarif est raisonnable.

[11] L'Office a toujours été d'avis qu'en général, les transporteurs aériens devraient avoir la souplesse d'établir leurs conditions de transport comme ils l'entendent, sous réserve de restrictions d'ordre législatif ou réglementaire, notamment celle du caractère raisonnable.

Nécessité d'un supplément pour le carburant

Mémoires

[12] Air Canada fait valoir que les suppléments pour le carburant ont pour but de neutraliser la volatilité des prix du carburant dans une conjoncture où les prix du carburant sont imprévisibles et ne peuvent pas être entièrement absorbés dans le prix des billets. Air Canada ajoute qu'elle a recours à divers moyens pour réagir à la volatilité des prix du carburant, notamment à des activités de couverture. Air Canada indique que les coûts du carburant ont représenté le plus fort pourcentage des coûts opérationnels totaux du transporteur en 2008 et qu'Air Canada est particulièrement soucieuse de réduire ces coûts.

[13] M. Wyant soutient qu'étant donné que le prix du pétrole brut a baissé à moins de 40 $ le baril et qu'il restera probablement à ce niveau pendant quelque temps, les suppléments pour le carburant constituent des frais supplémentaires non nécessaires perçus par Air Canada. M. Wyant fait valoir qu'Air Canada et d'autres transporteurs aériens ont mis un terme à l'imposition de suppléments pour le carburant à l'égard des vols en Amérique du Nord et que les principes qui ont mis fin à cette pratique s'appliquent également au transport international.

[14] Air Canada indique que l'argument de M. Wyant voulant que l'élimination des suppléments pour le carburant applicables au transport en Amérique du Nord incite à penser que le même principe doit s'appliquer au transport international omet de reconnaître le « paysage concurrentiel exceptionnel des routes intérieures et transfrontalières du Canada ». Air Canada fait valoir que de nombreux transporteurs offrent des services à destination et en provenance du Canada, ajoutant qu'en date du 29 juin 2009, 125 transporteurs étrangers étaient autorisés à exploiter des services réguliers à destination et en provenance du Canada. Air Canada affirme que c'est un fait connu dans le monde entier qu'il existe une concurrence « féroce » dans l'industrie du transport aérien, laquelle se solde par des marges bénéficiaires réduites et souvent inexistantes et par de nombreuses faillites.

[15] Air Canada soutient que ses coûts du carburant aviation ne peuvent pas être parfaitement synchronisés avec les prix du pétrole brut et que, même si les prix du pétrole brut étaient proportionnels aux prix payés pour le carburant aviation, Air Canada ne peut pas fixer un coût du carburant par billet en fonction de ce qu'elle doit payer pour le carburant ce jour-là car les billets sont souvent mis en vente un an avant le vol. Air Canada affirme par ailleurs qu'il n'est pas juste de comparer les prix actuels du carburant aux suppléments pour le carburant imposés par le transporteur compte tenu du régime en vertu duquel Air Canada et d'autres transporteurs achètent leur carburant. À cet égard, Air Canada soutient qu'elle-même, ainsi que d'autres transporteurs aériens, concluent des ententes à long terme d'approvisionnement en carburant, parfois des années à l'avance, à un prix qui est fixé par une méthode d'établissement des prix négociée, ou qui est fonction du prix moyen du carburant la semaine ou le mois qui précède.

[16] Air Canada fait valoir que les restrictions imposées à l'approvisionnement en carburant deviennent plus importantes au Canada durant l'hiver, puisque les voies maritimes sont fermées, les transports sont limités et les raffineries ont souvent des interruptions d'exploitation prévues. De ce fait, les achats et le stockage de carburant doivent se faire bien avant l'utilisation du carburant au Canada, en particulier avant les mois d'hiver. Air Canada affirme que les fluctuations des prix du pétrole brut n'ont pas d'incidence directe et proportionnelle sur les coûts du carburant d'un transporteur et que les suppléments pour le carburant ont pour but de neutraliser la volatilité de ces coûts et non pas les coût mêmes.

[17] Air Canada affirme que les fluctuations du prix du carburant ont un incidence marquée sur les coûts opérationnels du transporteur, et que ces prix fluctuent largement en fonction de nombreux facteurs, notamment l'agitation politique dans diverses parties du monde, la politique de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP), le niveau de la demande des économies émergentes comme la Chine, le niveau des inventaires de l'industrie, le niveau des réserves de carburant maintenues par l'État, les perturbations qui touchent la production et les raffineries, les carburants de remplacement, les conditions météorologiques et le taux de change entre le dollar canadien et le dollar américain. Air Canada affirme qu'elle n'est pas en mesure de prévoir avec précision les prix du carburant et que, pour gérer sa vulnérabilité à la volatilité du prix du carburant aviation, le transporteur a recours à une stratégie détaillée de gestion des risques des prix du carburant qui repose sur une combinaison d'instruments financiers, notamment la couverture, les initiatives de réduction de la consommation de carburant et les suppléments pour le carburant.

[18] Air Canada indique que les transporteurs aériens ont souvent recours aux activités de couverture pour atténuer l'impact de la volatilité des prix du carburant aviation et se protéger contre les hausses soudaines des prix, et qu'Air Canada utilise une stratégie systématique de couverture en vertu de laquelle elle ajoute régulièrement des contrats en contrepartie. Air Canada ajoute que cette stratégie l'a aidée à amortir l'augmentation des coûts du carburant entre la fin de 2007 et l'été de 2008.

[19] Air Canada indique que, pour atténuer son exposition aux baisses futures des prix du pétrole, et pour limiter les éventuelles pertes de couverture et les nantissements en espèces nécessaires, le transporteur a mis un terme à plusieurs contrats en contrepartie à la fin de 2008 et au début de 2009, stabilisant ainsi les pertes de couverture. Air Canada affirme que ces cessations majoreront les dépenses de carburant d'Air Canada tout au long de 2009. Elle soutient qu'aucun effort n'est ménagé pour minimiser l'impact du prix du carburant, mais que, pour faire face aux fluctuations imprévues, le recours à des suppléments est justifié.

[20] Air Canada fait valoir que ses concurrents internationaux continueront de percevoir des suppléments pour le carburant et seront donc en mesure de recouvrer les hausses imprévues du prix du carburant. Air Canada soutient que le fait de ne pas être en mesure de percevoir ces suppléments pour le carburant aurait une incidence négative sur sa rentabilité sur certains marchés. Air Canada soutient que les soldes de places minent l'efficacité de l'indemnisation au titre des coûts élevés du carburant et que les niveaux des prix des billets ne neutralisent pas les coûts actuels et volatils du carburant. Air canada soutient qu'elle s'est engagée à surveiller les prix du carburant et qu'en raison des lois du marché, elle a rajusté ses suppléments pour le carburant à plusieurs reprises en raison de la baisse du prix du carburant et pour refléter les baisses semblables décrétées par ses concurrents. Air Canada ajoute que ses suppléments pour le carburant sont généralement d'un niveau analogue aux suppléments imposés par des transporteurs concurrents sur les mêmes routes.

[21] M. Wyant indique, au sujet de l'observation d'Air Canada que la couverture est l'une des méthodes qui lui permet d'exercer un certain contrôle sur ses coûts du carburant, que les passagers d'Air Canada doivent supporter le gros des dépenses excédentaires qui surviennent du fait qu'Air Canada n'emploie pas une stratégie de couverture plus raisonnable et plus mûrement réfléchie. M. Wyant soutient que, dans presque toute autre branche d'activité, les pertes qui se rattachent aux activités de couverture, qui résultent de décisions financières prises par la direction, sont absorbées par les actionnaires, alors que, dans l'industrie canadienne du transport aérien, où la concurrence est plutôt restreinte sur les routes internationales en provenance du Canada, il est jugé acceptable de répercuter les pertes sur les clients.

[22] M. Wyant indique également qu'une comparaison des données sur le prix mensuel moyen du carburant aviation entre janvier 2008 et mars 2009 révèle qu'il y a un niveau d'uniformité remarquable entre les fluctuations mensuelles du prix des vols intérieurs et de celui des vols internationaux. M. Wyant souligne que ces données révèlent que la baisse la plus importante du prix du carburant aviation est survenue trois mois avant l'achat de ses billets, et que le défaut d'ajuster les suppléments pour le carburant pour refléter cette baisse incite à penser qu'il y a vraiment quelque chose « qui cloche ».

[23] M. Wyant reconnaît qu'il est sensé sur le plan commercial pour Air Canada de recourir aux suppléments pour le carburant pour neutraliser la volatilité du prix du carburant, sous réserve que « le processus se fasse équitablement et n'entraîne pas la répercussion de coûts abusifs ou injustes sur les passagers ». M. Wyant reconnaît par ailleurs que le prix du pétrole brut en général et le prix du carburant aviation en particulier ne peuvent pas être suivis exactement dans le temps, et qu'il serait extrêmement difficile, sinon techniquement impossible, d'ajuster les prix des billets en fonction des fluctuations à très court terme du prix du carburant aviation. Pour M. Wyant, la question est de savoir ce qui constitue un temps mort « raisonnable ».

[24] En ce qui a trait à l'allégation d'Air Canada que ses suppléments sont du même ordre que ceux des transporteurs concurrents, M. Wyant soutient qu'en fonction de l'analyse qu'il a menée sur certains marchés, les suppléments pour le carburant imposés par Air canada ne sont pas d'un niveau égal à ceux d'autres transporteurs. M. Wyant fait également valoir que certains transporteurs ont déjà complètement éliminé les suppléments pour le carburant sur leurs vols internationaux.

[25] Air Canada soutient que l'analyse de M. Wyant n'est pas pertinente car elle se base sur les prix totaux exigés par certains transporteurs pour démontrer que le supplément pour le carburant d'Air Canada n'est pas d'un niveau égal à celui de ces transporteurs. Air Canada fait valoir que la plainte de M. Wyant allègue que ce sont les suppléments pour le carburant du transporteur pour ses vols internationaux, et non pas les prix de base d'Air Canada, qui sont déraisonnables ou injustement discriminatoires.

[26] Air Canada indique que le prix du carburant devrait augmenter à nouveau prochainement et qu'après avoir chuté de manière spectaculaire au quatrième trimestre de 2008, le prix du pétrole a déjà augmenté d'environ 70 pour cent depuis le début de 2009. Air Canada ajoute qu'en raison de cette hausse rapide, certains transporteurs ont déjà majoré leurs suppléments pour le carburant sur diverses routes.

[27] Air Canada affirme qu'à l'instar de nombreux autres transporteurs, elle n'aurait pas pu prévoir la baisse soudaine du prix du carburant au milieu de 2008 et que cela n'a rien à voir avec la faiblesse des stratégies de couverture d'Air Canada, mais plutôt avec l'incapacité du transporteur de prévoir l'avenir, en particulier la chute spectaculaire du prix du carburant.

[28] Air Canada affirme que les attentes de M. Wyant, d'après son analyse, voulant qu'une baisse du prix du carburant aviation qui survient trois mois avant l'achat d'un billet devrait se refléter dans le prix de ce billet sont irréalistes, fondées sur une incompréhension des faits et tout simplement inexactes.

[29] M. Wyant fait valoir qu'Air Canada a systématiquement déclaré que ses suppléments pour le carburant étaient provisoires et qu'elle s'est engagée à y mettre un terme dès lors que le prix du carburant aviation baisserait à moins de 40 $ le baril pendant 30 jours consécutifs. M. Wyant indique que le prix des hydrocarbures ne chutera probablement jamais aux niveaux constatés au cours des premières années de cette décennie et que, selon le critère utilisé par Air Canada pour mettre fin à ses suppléments pour le carburant, ces derniers seront vraisemblablement permanents.

Analyse et constatations

[30] L'Office note qu'Air Canada, tout comme ses concurrents, n'impose pas de suppléments pour le carburant pour les vols au Canada ou entre le Canada et les États-Unis d'Amérique, alors que la grande majorité des transporteurs aériens qui exploitent des services internationaux à destination et en provenance du Canada continuent de percevoir ces suppléments. Air Canada soutient que, puisque ses concurrents imposent des suppléments sur les vols internationaux, le fait de mettre un terme à ses suppléments pour le carburant aurait une incidence négative sur sa position concurrentielle. L'Office reconnaît qu'il y a une concurrence féroce entre les transporteurs sur le plan du transport transatlantique et estime que si l'Office détermine qu'Air Canada ne devrait pas être autorisée à imposer des suppléments pour le carburant sur les routes visées, alors que ses concurrents continuent de le faire, cette détermination aurait une incidence négative sur la position concurrentielle d'Air Canada.

[31] L'Office accepte la déclaration d'Air Canada que les coûts du carburant représentent une part significative de ses coûts opérationnels et qu'en raison de cette situation, il est important que le transporteur recouvre ces coûts du carburant pour rester financièrement rentable.

[32] L'Office est d'avis qu'en raison du régime en vertu duquel de nombreux transporteurs achètent leur carburant, c'est-à-dire en vertu d'accords d'approvisionnement à long terme qui font intervenir certaines méthodes d'établissement des prix, il est extrêmement difficile de refléter immédiatement sur les suppléments les baisses des prix du carburant à mesure qu'elles se produisent, et aux mêmes niveaux. À cet égard, l'Office n'estime pas qu'il est déraisonnable que le billets acheté par M. Wyant n'ait pas forcément reflété la baisse du prix du carburant qui peut s'être produite trois mois avant son achat.

[33] L'Office a tenu compte des arguments présentés par les parties au sujet des stratégies employées par Air Canada pour faire face au prix du carburant, notamment les activités de couverture. L'Office est d'avis qu'en général, les transporteurs devraient avoir la souplesse voulue pour utiliser comme ils l'entendent des stratégies qui répondent à leurs besoins opérationnels sous réserve de certaines limites législatives ou réglementaires. À cet égard, l'Office est d'avis que les éléments de preuve qui lui ont été présentés sont insuffisants pour conclure que les stratégies utilisées par Air Canada pour faire face au prix du carburant sont déraisonnables.

[34] L'Office a tenu compte des mémoires des deux parties et est d'avis que M. Wyant n'a pas fourni suffisamment d'éléments de preuve pour réfuter la position d'Air Canada que le prix du carburant ne s'est pas encore suffisamment stabilisé pour justifier la suppression des suppléments pour le carburant sur les vols en question.

[35] En conclusion, l'Office estime que les arguments présentés par Air Canada au sujet du besoin de continuer à imposer des suppléments pour le carburant sont plus convaincants que ceux de M. Wyant et que M. Wyant ne s'est pas acquitté du fardeau qui lui incombe de prouver que ces suppléments pour le carburant sont injustes et déraisonnables. L'Office a noté dans la décision no 746-C-A-2005 qu'« [un] équilibre doit être établi entre, d'une part, les droits des passagers d'être assujettis à des conditions de transport raisonnables et, d'autre part, les obligations statutaires, commerciales et opérationnelles du transporteur aérien concerné ». L'Office est d'avis que, compte tenu de la volatilité du prix du carburant et des paramètres de concurrence, l'ajout d'un supplément pour le carburant au prix du billet de M. Wyant n'est pas déraisonnable.

Incorporation du supplément pour le carburant dans le prix de base d'un billet

Mémoires

[36] Air Canada fait valoir que les suppléments pour le carburant sont imposés par l'ensemble de l'industrie du transport aérien, y compris sur les routes transatlantiques, et que, si elle devait incorporer le supplément pour le carburant dans ses prix, elle subirait un sérieux désavantage concurrentiel. Air Canada ajoute que ses tarifs réguliers et bilatéraux sont généralement modifiés sur une base annuelle ou saisonnière, ce qui contribue à la stabilité du marché, et que le fait d'intégrer un montant reposant sur les fluctuations du prix du carburant dans les prix de base au moyen de redressements fréquents nuirait à cette stabilité.

[37] En ce qui a trait à l'argument présenté par Air Canada selon lequel l'incorporation des suppléments pour le carburant dans les prix de base pour le transport international aurait pour effet de nuire à la compétitivité du transporteur, M. Wyant affirme que cet argument est « dénué de sens » étant donné que le niveau du tarif global, qui comprend le prix de base et le supplément, serait identique au niveau résultant de l'ajout d'un supplément pour le carburant distinct au prix de base. M. Wyant affirme par ailleurs qu'il n'y a pas de différence entre les tarifs nord-américains et internationaux en ce qui a trait à leur incidence relative sur la demande, peu importe que les suppléments pour le carburant soient ou non incorporés dans les prix de base. M. Wyant indique également que la décision d'un consommateur de voyager ou non repose sur le prix total perçu par un transporteur aérien et non pas sur une composante du prix.

[38] Pour ce qui est de l'affirmation d'Air Canada que l'incorporation des coûts fluctuants du carburant dans les prix de base par des rajustements fréquents perturberait la stabilité des prix, M. Wyant affirme qu'une telle incorporation n'entraînerait pas de plus grandes perturbations que celles qui résultent actuellement du rajustement des prix en raison des pressions de la concurrence, des soldes de places, etc. M. Wyant fait valoir qu'Air Canada a incorporé des suppléments pour le carburant dans ses tarifs nord-américains et se demande pourquoi le transporteur n'en fait pas autant pour ses tarifs internationaux.

[39] Pour ce qui est de la conjoncture concurrentielle dans laquelle Air Canada évolue, le transporteur affirme que le fait d'éliminer complètement les suppléments pour le carburant et d'augmenter les prix de base d'un montant analogue sur les routes où les concurrents d'Air Canada perçoivent un supplément aurait un effet catastrophique sur la situation financière du transporteur, compte tenu du niveau et de l'intensité de la concurrence sur les routes internationales.

[40] Pour ce qui est de l'affirmation de M. Wyant selon laquelle les consommateurs ne comparent que les prix sans réduction, Air Canada répond que M. Wyant ne tient aucun compte du fonctionnement des circuits de distribution des prix ou des réalités du comportement des consommateurs face aux stratégies de marketing et de publicité. Air Canada fait valoir que les sites Web et les annonces publicitaires de la plupart des transporteurs aériens du monde entier ne mentionnent pas d'emblée les prix sans réduction et ne fournissent une ventilation détaillée des composantes du prix total que lorsque l'itinéraire complet est choisi. Air Canada soutient que, contrairement à l'opinion de M. Wyant selon laquelle les consommateurs passent par les différentes étapes des sites Web des transporteurs pour calculer un prix total à des fins de comparaison, les consommateurs sont souvent très sensibles à l'affichage initial des prix, qui ne comportent pas les frais additionnels, comme un supplément pour le carburant, et qu'ils fondent leur comparaison des prix sur ce qu'ils voient à l'écran.

[41] M. Wyant affirme qu'il est dénué de sens de la part d'Air Canada d'affirmer que le fait d'incorporer le supplément pour le carburant dans le prix de base rendrait le transporteur non concurrentiel. M. Wyant prétend que le prix d'un billet serait le même, peu importe que ce prix comporte le prix de base et le supplément pour le carburant, ou que le prix incorpore le supplément pour le carburant. M. Wyant indique que la décision d'acheter un billet repose sur le prix global et non pas sur une composante de ce prix.

Analyse et constatations

[42] L'Office note que la grande majorité des transporteurs qui exploitent des services internationaux à partir du Canada, dont les principaux concurrents d'Air Canada, perçoivent actuellement des suppléments pour le carburant. L'Office note par ailleurs que les systèmes de distribution qu'utilisent les transporteurs aériens, comme les sites Web et les systèmes de réservation électroniques, ne mentionnent habituellement pas le prix total du voyage dans les annonces initiales du prix. L'Office accepte l'argument d'Air Canada selon lequel les prix qui s'affichent initialement exercent une influence significative sur les décisions prises par les consommateurs. De ce fait, l'Office est d'avis que, si Air Canada était tenue d'incorporer les suppléments pour le carburant dans ses prix de base, elle subirait un désavantage concurrentiel par rapport à d'autres transporteurs dont le prix initial qui s'affiche ne mentionne pas un prix comportant les suppléments pour le carburant. L'Office note que, même si des suppléments pour le carburant ne sont pas perçus sur les marchés intérieurs et transfrontaliers, c'est un processus qui est suivi par tous les transporteurs alors qu'en revanche, sur les marchés internationaux, la grande majorité des transporteurs, sur ces marchés en particulier, perçoivent un supplément pour le carburant.

[43] L'Office est d'avis qu'en ce qui a trait à cette question en particulier, les arguments d'Air Canada sont plus convaincants et que M. Wyant a omis de présenter des éléments de preuve suffisants qui démontrent qu'un équilibre n'a pas été établi entre les droits des passagers d'être assujettis à des conditions de transport raisonnables et les obligations statutaires, commerciales et opérationnelles d'Air Canada.

2. Les suppléments pour le carburant imposés par Air Canada sur les vols à destination de l'Europe sont-ils injustement discriminatoires?

Critère à appliquer

[44] Le critère fixé par l'Office pour déterminer si une taxe ou une condition de transport qu'applique un transporteur est « injustement discriminatoire » a été établi par l'Office dans la décision no 746-C-A-2005. Le critère est un processus en deux temps.

[45] L'Office doit d'abord déterminer si la taxe ou la condition de transport appliquée est « discriminatoire ». Si l'Office détermine que la taxe ou la condition de transport appliquée par le transporteur est discriminatoire, il doit alors déterminer si cette discrimination est « injuste ».

[46] En outre, pour que l'Office puisse déterminer si une taxe ou une condition de transport appliquée par un transporteur est « injustement discriminatoire », il doit adopter une démarche contextuelle qui lui permet d'équilibrer le droit qu'a le public voyageur de ne pas être assujetti à des conditions de transport qui sont discriminatoires et les obligations statutaires, opérationnelles et commerciales des transporteurs aériens. Cette position cadre également avec la politique nationale des transports décrite à l'article 5 de la LTC.

[47] L'Office a indiqué dans des décisions antérieures qu'une taxe ou une condition de transport serait discriminatoire si elle accorde à une catégorie particulière de passagers un traitement différent pour des raisons injustifiées.

Mémoires

[48] M. Wyant soutient que les suppléments pour le carburant d'Air Canada sont injustement discriminatoires en ce qu'ils sont appliqués différemment sur différentes routes, en particulier sur les routes nord-américaines par opposition aux routes européennes, comme dans le cas présent. Il fait valoir que, selon ses calculs, et lorsqu'il compare le supplément pour le carburant perçu sur un aller simple de Vancouver (Colombie-Britannique) à Miami, en Floride (avant qu'Air Canada ne mette un terme à ses suppléments pour le carburant sur les vols nord-américains), et sur son vol entre Calgary et Francfort, le supplément pour le carburant qu'il a dû payer, par kilomètre, représente à peu près deux fois le montant du supplément applicable à un vol entre Vancouver et Miami.

[49] M. Wyant indique que les suppléments pour le carburant sont nécessaires essentiellement en raison du prix du carburant, et que le prix unitaire du carburant ne varie pas aussi nettement selon la destination et qu'à cet égard, « des circonstances et des conditions essentiellement semblables » s'appliquent.

[50] M. Wyant soutient que les suppléments pour le carburant perçus par Air Canada sur les vols internationaux subventionnent les suppléments pour le carburant perçus sur les vols nord-américains ou servent à accroître déraisonnablement les gains d'un transporteur.

[51] Air Canada soutient que, dans la décision no 248-C-A-2002, l'Office a déterminé qu'une redevance n'est pas discriminatoire lorsqu'elle s'applique de manière uniforme et systématique et qu'à la lumière de cette décision, les suppléments pour le carburant perçus par Air Canada sur les vols à destination de l'Europe ne peuvent pas être considérés comme discriminatoires car ils s'appliquent équitablement à tous les passagers qui empruntent la même route. Air Canada ajoute que le critère permettant de déterminer si le supplément pour le carburant payé par M. Wyant est injustement discriminatoire ne consiste pas à comparer la totalité des routes du réseau du transporteur, ou à comparer les prix en fonction du nombre de kilomètres, comme l'a fait M. Wyant, mais plutôt à déterminer si tous les passagers dans le même cas que M. Wyant, sur la même route, autour de la même période, ont payé le même supplément pour le carburant. Air Canada soutient par ailleurs qu'il est solidement établi dans la loi que la discrimination est une distinction qui repose sur des caractéristiques personnelles, comme le sexe, l'âge et la religion, qui revêtent une importance fondamentale, et que ces caractéristiques sont en général protégées par la législation sur les droits de la personne. À cet égard, le choix qu'une personne fait d'une route plutôt que d'une autre n'est pas un droit individuel d'importance fondamentale et, par conséquent, le fait d'imposer un supplément pour le carburant en fonction des routes ne constitue pas de la discrimination. Air Canada affirme que ses suppléments pour le carburant ne sont pas injustement discriminatoires du fait qu'ils résultent nécessairement des obligations opérationnelles et saisonnières du transporteur.

Analyse et constatations

[52] La première question sur laquelle l'Office doit se pencher pour déterminer si une condition de transport est injustement discriminatoire consiste à savoir si la condition est discriminatoire.

[53] Même si Air Canada fait valoir que la discrimination est une distinction qui repose sur des caractéristiques personnelles et que, par conséquent, l'imposition d'un supplément pour le carburant en fonction des routes ne constitue pas de la discrimination, l'Office estime que cette opinion n'est pas pertinente à une conclusion de « injustement discriminatoire » dans le cadre du cas présent et au sens de l'article 111 du RTA. Au sens de l'article 111 du RTA, l'Office doit déterminer si les conditions de transport sont « injustement discriminatoires » et à cet égard, une condition de transport sera discriminatoire si, par exemple, elle réserve un traitement différent à une catégorie particulière de trafic.

[54] Pour ce qui est de l'affirmation de M. Wyant selon laquelle, en fonction de ses calculs des suppléments pour le carburant perçus par kilomètre sur les routes nord-américaines par opposition aux routes internationales, le supplément pour le carburant perçu par Air Canada sur les vols internationaux est injustement discriminatoire, l'Office est d'avis que les comparaisons des suppléments au titre des routes à destination et en provenance de certains points ne sont pas forcément un bon moyen de déterminer s'il s'agit d'un cas de discrimination injuste. À cet égard, l'Office est d'avis qu'il ne doit pas forcément y avoir un rapport direct entre les coûts opérationnels à l'égard de certaines routes et les suppléments ou les prix de base qui s'appliquent au transport sur ces routes car le montant des suppléments et des prix de base peut dépendre d'un certain nombre de facteurs, notamment des montants perçus par les concurrents et de la période de l'année au cours de laquelle le voyage a lieu.

[55] Compte tenu de ce qui précède, l'Office estime que M. Wyant ne s'est pas acquitté du fardeau qui lui incombe de prouver que le supplément pour le carburant perçu par Air Canada pour un voyage entre Regina et Francfort aux dates en question est discriminatoire. Compte tenu de la conclusion de l'Office que les conditions d'Air Canada qui régissent les suppléments pour le carburant ne sont pas « discriminatoires » au sens de l'article 111 du RTA, l'Office n'est pas tenu d'examiner la question de savoir si ces dispositions sont « injustement discriminatoires ».

[56] En outre, M. Wyant fait référence à l'alinéa 111(2)b) du RTA lorsqu'il affirme que l'imposition d'un supplément pour le carburant sur les vols internationaux privilégie en quelque sorte les clients d'Air Canada en Amérique du Nord.

[57] À cet égard, après avoir présenté un certain nombre de calculs sur le montant du supplément pour le carburant imposé sur les routes internationales et nord-américaines, M. Wyant conclut que le supplément pour le carburant perçu sur les deux billets qu'il a achetés représentait environ deux fois le montant, selon le nombre de kilomètres, du supplément qui s'applique au transport en Amérique du Nord. Il affirme que le supplément pour le carburant perçu sur les vols internationaux subventionne le supplément pour le carburant perçu sur les vols nord-américains, ce qui va à l'encontre de l'alinéa 111(2)b) du RTA en ce que le supplément en question privilégie les autres clients d'Air Canada qui voyagent sur les routes en Amérique du Nord.

[58] L'Office est d'avis que M. Wyant n'a pas convaincu l'Office que le supplément pour le carburant privilégie les autres clients d'Air Canada qui voyagent sur les routes en Amérique du Nord.

CONCLUSION

[59] Compte tenu des constations qui précèdent, l'Office rejette la plainte.

Membres

  • J. Mark MacKeigan
  • Jean-Denis Pelletier, ing.

ANNEXE À LA DÉCISION NO. 456-C-A-2009


Annexe A

Tarif d'Air Canada portant sur les prix et les règles applicables au transport international de passagers, N.T.A.(A) no 458

Règle 27 – SUPPLÉMENT POUR LE CARBURANT APPLIQUÉ AUX VOLS INTERNATIONAUX

...

(B) VOLS TRANSATLANTIQUES

...

(3) Pour les voyages en provenance du Canada à destination de l'Allemagne, des frais de 112 $CAN seront exigés sur les secteurs internationaux via l'Est du Canada (Ontario, Québec, Nouveau-Brunswick, Nouvelle-Écosse, Île-du-Prince-Édouard, Terre-Neuve) ou des frais de 112 $CAN via l'Ouest du Canada (Colombie-Britannique, Alberta, Saskatchewan, Manitoba).

(D) GÉNÉRAL

...

(3) Pour tous les autres segments de vol d'un itinéraire international, des frais de 40 $CAN par secteur seront exigés. Exception: des frais de 35 $CAN par secteur seront exigés à l'intérieur du Territoire no 2.

Membre(s)

J. Mark MacKeigan
Jean-Denis Pelletier, ing.
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