Décision n° 477-C-A-2010

le 18 novembre 2010

le 18 novembre 2010

PLAINTE déposée par Gábor Lukács contre WestJet.

Référence no M4120-3/09-06749


INTRODUCTION

[1] Gábor Lukács a déposé une plainte auprès de l'Office des transports du Canada (Office) dans laquelle il demande la prise d'un arrêté provisoire suivie de la prise d'un arrêté définitif pour suspendre dans le cadre du premier, puis annuler dans le cadre du deuxième une disposition relative à la responsabilité concernant les bagages figurant à la règle 17(a)(1) du tarif CTA(A) No. 4 de WestJet portant sur les services internationaux et transfrontaliers réguliers (Tarif). M. Lukács fait valoir que la disposition en question est contraire à la Convention de Montréal (Convention). La disposition en litige de la règle 17(a)(1) du Tarif prévoit ce qui suit :

Les bagages, qui doivent être adéquatement identifiés à l'extérieur, doivent être contenus dans des valises ou des conteneurs semblables de façon à en faciliter le transport et à en assurer la sécurité au moyen des pratiques courantes de garde et de manutention. Les articles fragiles ou périssables, l'argent, les bijoux, l'argenterie, les titres négociables ou autres, ou tout autre article de valeur ou échantillon de documents commerciaux ne sont pas acceptés comme bagage enregistré. Le transporteur n'est pas responsable de la perte ou du retard de livraison de tels articles ou de tout dommage causé à ceux-ci s'ils sont contenus dans un bagage enregistré. (Le texte en caractères gras souligne le passage de la disposition faisant l'objet de la plainte.) [traduction]

[2] Dans sa réponse à la plainte, et pour se conformer à la jurisprudence de l'Office, WestJet propose la version révisée suivante de cette disposition :

Les bagages, qui doivent être adéquatement identifiés à l'extérieur, doivent être contenus dans des valises ou des conteneurs semblables de façon à en faciliter le transport et à en assurer la sécurité au moyen des pratiques courantes de garde et de manutention. Certains articles, parce qu'ils sont fragiles, périssables ou de grande valeur, ne se prêtent pas ou ne conviennent pas au transport par bagage enregistré. Parmi les articles de grande valeur figurent l'argent, les bijoux, l'argenterie, les titres négociables ou autres, et les échantillons de documents commerciaux. Ensemble, tous les articles de grande valeur, fragiles, et périssables sont désignés « articles exclus » dans le présent tarif. WestJet interdit de placer de tels articles exclus dans un bagage enregistré. En confiant vos bagages à WestJet, vous confirmez à WestJet que votre bagage ne contient aucun article exclu et WestJet accepte, par conséquent, de transporter votre bagage. (Le texte en caractères gras souligne la révision proposée.) [traduction]

[3] Dans sa décision no LET-C-A-26-2010, l'Office a noté que WestJet, dans sa réponse à la plainte, a proposé des modifications à la règle 17(a)(1) du Tarif, mais elle n'a pas répondu au fond de la plainte de M. Lukács.

[4] En outre, dans la décision no LET-C-A-26-2010, l'Office a indiqué qu'il lui serait utile d'obtenir d'autres présentations relatives au libellé révisé de la règle 17(a)(1) afin de rendre sa décision en cette matière et, par conséquent, l'Office a donné l'occasion à WestJet et à M. Lukács, respectivement, de déposer une réponse et une réplique. WestJet a déposé sa réponse le 24 février 2010, et M. Lukács y a répliqué le 5 mars 2010.

[5] Les extraits pertinents de la Convention et de la législation sont présentés en annexe.

QUESTIONS

  1. Est-ce que l'actuelle règle 17(a)(1) du Tarif exonère ou tend à exonérer WestJet de sa responsabilité d'une façon qui contrevient aux articles 17(2) et 19 de la Convention et, le cas échéant, quel est l'effet de cette contravention?
  2. En ce qui a trait à la révision de la règle 17(a)(1) du Tarif proposée par WestJet :
    1. La référence aux articles de « grande valeur » est-elle peu explicite, et donc contraire à l'alinéa 122(c) du Règlement sur les transports aériens, DORS/88-58, modifié (RTA)?
    2. La liberté contractuelle entre WestJet et ses passagers et le principe de préclusion juridique ont-ils priorité sur les dispositions de la Convention?
    3. Si la réponse à la question 2(ii) est non, est-ce que la modification de la règle 17(a)(1) du Tarif proposée par WestJet exonère ou tend à exonérer WestJet de sa responsabilité d'une façon qui contrevient aux articles 17(2) et 19 de la Convention et, le cas échéant, quel est l'effet de cette contravention?

[6] Comme il est indiqué dans les motifs qui suivent, l'Office conclut que :

  • L'actuelle règle 17(a)(1) exonère WestJet de sa responsabilité d'une façon qui contrevient aux articles 17(2) et 19 de la Convention. Par conséquent, la règle 17(a)(1) est nulle et de nul effet. De plus, elle n'est pas juste et raisonnable, et, donc, contraire au paragraphe 111(1) du RTA.
  • La règle 17(a)(1) révisée du Tarif est claire quant à la référence aux articles de « grande valeur ».
  • En ce qui a trait à la révision proposée de la règle 17(a)(1) du Tarif, la liberté contractuelle et le principe de préclusion juridique n'ont pas priorité sur les dispositions de la Convention.

[7] En outre, en dépit du fait que la révision proposée de la règle 17(a)(1) est claire quant à la référence aux articles de « grande valeur », l'Office est d'avis, compte tenu de l'information au dossier, que la modification de la règle 17(a)(1) proposée par WestJet tend à l'exonérer de sa responsabilité, ce qui est contraire aux articles 17(2) et 19 de la Convention. Par conséquent, l'Office est d'avis que la révision proposée de la règle 17(a)(1) serait considérée nulle et de nul effet si WestJet la dépose auprès de l'Office.

OBSERVATION PRÉLIMINAIRE

[8] Dans sa présentation, WestJet fait valoir le droit de common law qui lui permet de limiter les articles qu'elle transporte à moins qu'elle se déclare consentante à accepter tous les articles qui lui sont soumis et que, par conséquent, elle devient un transporteur public.

[9] M. Lukács a mis en doute la pertinence du statut de transporteur public quant au fond de sa déclaration. Toutefois, selon M. Lukács, que ce soit pertinent ou non, WestJet est un transporteur public.

[10] M. Lukács note qu'il ne semble pas y avoir de législation canadienne directe ou de jurisprudence sur ce point, et il se réfère donc à des documents de réglementation et de jurisprudence américains.

[11] M. Lukács évoque particulièrement les circulaires d'information 120-12 et 120-12A de la Federal Aviation Administration (FAA) des États-Unis qui comparent les notions de transport privé et de transport public de personnes et d'articles, et qui prévoient en partie ce qui suit :

Un transporteur devient un transporteur public quand il se présente au public ou à un segment du public comme une entreprise qui souhaite fournir des services de transport dans les limites de ses installations à toute personne qui le désire. L'absence d'un tarif ou d'échelle tarifaire, l'offre de services de transport seulement en vertu de contrats individuels négociés ou le refus occasionnel d'offrir des services de transport ne constituent pas des éléments de preuve concluants établissant que le transporteur n'est pas un transporteur public. Quatre éléments définissent un transporteur public : (1) se présenter comme une entreprise qui souhaite (2) transporter des personnes ou des articles (3) d'un endroit à un autre (4) en échange d'une rémunération. Cette présentation qui fait d'une personne un transporteur public peut être faite de nombreuses façons, et la façon n'importe pas. [traduction]

[12] M. Lukács fait également référence à l'affaire Woolsey v. National Transportation Safety Board, 993 F.2d 516 où la majorité des juges de la cour d'appel ont statué que la définition de « transporteur public » de la FAA est « dans ses aspects pertinents, la même que celle que l'on retrouve dans la common law », et que :

La circulaire d'information indique à juste titre que le point essentiel pour déterminer le statut d'un transporteur est de savoir si ce dernier s'est présenté au public ou à un segment définissable du public comme étant une entreprise qui souhaite fournir des services de transport contre rémunération, sans discrimination. [traduction]

Analyse et constatation

[13] Les présentations de WestJet sur la question de son statut de transporteur public sont limitées. Par conséquent, il n'est pas clair que l'allégation de WestJet à savoir qu'elle n'est pas un « transporteur public » lui confère une dispense quant à la plainte déposée par M. Lukács.

[14] Cette allégation de WestJet signifie que si elle n'est pas un « transporteur public », elle a un droit absolu, compte non tenu de la Convention, de formuler les modalités en vertu desquelles elle acceptera les bagages à transporter, incluant les limites de sa responsabilité et les principes d'équité et de droit contractuels sur lesquels elle peut se fonder pour se défendre contre toute réclamation de responsabilité.

[15] Il faut toutefois noter que le fond de la plainte de M. Lukács repose sur la non conformité alléguée de WestJet quant à certaines dispositions de la Convention.

[16] L'article 1(1) – Champ d'application de la Convention énonce clairement que la « Convention s'applique à tout transport international de personnes, bagages ou marchandises, effectué par aéronef contre rémunération. » Aucune distinction n'est faite à savoir si le transporteur est un « transporteur public » ou non.

[17] Par conséquent, l'Office conclut que l'allégation de WestJet à savoir qu'elle n'est pas un transporteur public n'est pas pertinente. De plus, elle ne fournit aucune dispense en ce qui a trait au fond de la plainte de M. Lukács.

[18] Compte tenu des constatations qui précèdent, la question de savoir si WestJet est un transporteur public ou non n'a pas à être examinée.

DISPOSITION TARIFAIRE ACTUELLE

Question 1 : Est-ce que l'actuelle règle 17(a)(1) du Tarif exonère ou tend à exonérer WestJet de sa responsabilité d'une façon qui contrevient aux articles 17(2) et 19 de la Convention et, le cas échéant, quel est l'effet de cette contravention?

[19] Pour l'examen de cette question, trois éléments de la règle 17(a)(1) doivent être pris en compte, nommément la perte et le retard de livraison d'articles de bagages enregistrés, et les dommages causés à ceux-ci.

Présentations

[20] En ce qui a trait à ces trois éléments, M. Lukács, dans l'ensemble, allègue que l'actuelle règle 17(a)(1) du Tarif de WestJet va à l'encontre des obligations et responsabilités d'un transporteur aérien visées aux articles 17(2) et 19 de la Convention. Il allègue également que l'actuelle règle 17(a)(1) a pour effet d'exonérer les transporteurs de leur responsabilité ou d'établir des normes de responsabilité moins élevées que celles visées aux articles 17(2) et 19 de la Convention.

[21] M. Lukács renvoie à la décision de l'Office no 227-C-A-2008, McCabe contre Air Canada, où l'Office a conclu à la non validité de dispositions semblables dans le tarif d'Air Canada.

[22] M. Lukács renvoie également à un avis (74 Fed. Reg. 14837-38) du Department of Transportation (DOT) des États-Unis traitant des dispositions tarifaires relatives à « certains articles spécifiques », incluant les antiquités, les documents, l'équipement électronique, les films, les bijoux, les clés, les manuscrits, les médicaments, l'argent, les tableaux et les photographies. L'avis indique, entre autres choses, que :

[…] De telles exclusions, bien que non interdites pour les contrats de transport intérieur, contreviennent aux articles 17 et 19 de la Convention. Bien que les transporteurs puissent souhaiter adopter certaines dispositions pour interdire aux passagers d'inclure certains articles dans les bagages enregistrés, une fois que le transporteur a accepté un bagage enregistré, les articles qu'il contient sont protégés. [traduction]

[23] WestJet n'a fait aucune représentation en réponse aux arguments de M. Lukács relatifs à l'actuelle règle 17(a)(1) du Tarif. WestJet s'est plutôt contentée de proposer une version modifiée de cette disposition du Tarif. Comme il a été mentionné plus haut, cette question a été portée à l'attention de WestJet dans la décision no LET-C-A-26-2010, et l'Office lui a demandé de soumettre d'autres présentations. Toutefois, les présentations subséquentes soumises par WestJet ne faisaient référence qu'à la disposition révisée du Tarif.

Analyse et constatations

[24] Puisque le Tarif de WestJet porte sur le transport international, la Convention, qui est incluse dans la Loi sur le transport aérien, L.R.C. (1985), ch. C-26 (Loi sur le transport aérien) et qui est par conséquent une loi canadienne, s'applique au Tarif. De plus, en vertu de l'article 26 de la Convention, le Tarif ne doit pas contrevenir aux dispositions de la Convention.

[25] En outre, l'article 111 du RTA exige, entre autres choses, que les tarifs soient justes et raisonnables.

[26] En ce qui a trait à la question particulière de la perte d'articles dans un bagage enregistré, la règle 17(a)(1) du Tarif prévoit, entre autres choses, que WestJet ne peut être tenue responsable de la perte de tels articles.

[27] L'article 17(2) de la Convention prévoit, entre autres choses, qu'un transporteur est responsable des dommages survenus en cas de perte de bagages enregistrés si la perte s'est produite au cours de toute période durant laquelle le transporteur avait la garde des bagages enregistrés.

[28] Comme le fait valoir M. Lukács, dans la décision no 227-C-A-2008, McCabe contre Air Canada, l'Office a entendu une question semblable, particulièrement sur l'application de l'article 17(2) de la Convention à une disposition tarifaire semblable. Dans ce cas, l'Office a déterminé que « si un transporteur accepte de transporter les bagages enregistrés et que ceux-ci sont sous la garde et le contrôle du transporteur, ce dernier est responsable de ces bagages dans l'éventualité de perte ou d'avarie, sans égard au fait qu'il ait refusé de transporter des articles ». L'Office en est arrivé à une conclusion semblable dans la décision no 309-C-A-2010, Kipper contre WestJet, et dans la décision no 208-C-A-2009, Lukács contre Air Canada.

[29] L'Office note également, comme le mentionne M. Lukács dans sa présentation, que l'avis 74 Fed. Reg. 14837-38 du DOT est cohérent avec la décision de l'Office no 227-C-A-2008, McCabe contre Air Canada.

[30] Par conséquent, l'Office conclut que l'actuelle règle 17(a)(1) n'est pas compatible avec l'article 17(2) de la Convention en ce qui a trait à la responsabilité en cas de perte de bagages.

[31] En ce qui a trait à la question particulière du retard dans le transport de certains articles contenus dans un bagage enregistré, la règle 17(a)(1) prévoit, entre autres choses, que WestJet ne peut être tenue responsable de tels retards.

[32] L'article 19 de la Convention dispose, entre autres choses, qu'un transporteur est responsable du dommage résultant d'un retard dans le transport de bagages, sauf s'il prouve qu'il a pris toutes les mesures qui pouvaient raisonnablement s'imposer pour éviter le dommage, ou qu'il lui était impossible de les prendre.

[33] La règle 17(a)(1) ne démontre pas à juste titre que la limite de responsabilité de WestJet ne s'applique que lorsqu'il est prouvé que le transporteur, ses préposés et mandataires ont pris toutes les mesures qui pouvaient raisonnablement s'imposer pour éviter le dommage résultant d'un retard dans le transport, ou qu'il leur était impossible de les prendre.

[34] En vertu de l'article 19 de la Convention, il est clair que la limite de responsabilité du transporteur pour un dommage résultant d'un retard n'est pas liée au contenu des bagages. Par conséquent, l'Office est d'avis que l'actuelle règle 17(a)(1) n'est pas compatible avec l'article 19 de la Convention en ce qui a trait à la responsabilité en cas de retard du transport de certains articles contenus dans un bagage enregistré.

[35] En ce qui a trait à la question de dommages à certains articles contenus dans un bagage enregistré, la règle 17(a)(1) prévoit, entre autres choses, que WestJet ne peut être tenue responsable de tels dommages.

[36] Dans la décision no 208-C-A-2009, Lukács contre Air Canada, l'Office a déterminé que pour exonérer un transporteur de sa responsabilité en cas de dommages causés aux bagages en vertu de l'article 17(2) de la Convention, il doit y avoir une relation de cause à effet entre le dommage et la nature ou un vice propre des bagages.

[37] Dans l'arrêté no 2006-A-88 portant sur le tarif d'affrètement CTA(A) No. 7 de Kelowna Flightcraft Air Charter Ltd., l'Office a convenu qu'il était raisonnable pour un transporteur de limiter sa responsabilité en cas de dommages résultant de la nature ou d'un vice propre des bagages. Cependant, pour qu'une telle limite de responsabilité soit raisonnable, il doit y avoir un lien entre le dommage et la nature ou un vice propre des bagages.

[38] Comme le libellé de l'actuelle règle 17(a)(1) n'établit pas cette relation, l'Office est d'avis que la règle 17(a)(1) du Tarif, en ce qui a trait à la responsabilité des dommages à certains articles contenus dans les bagages, n'est pas compatible avec l'article 17(2) de la Convention.

[39] Considérant que l'actuelle règle 17(1)(a) du Tarif n'est pas compatible avec la Convention ou n'en reflète pas avec précision ses dispositions pour ce qui est des trois éléments exposés ci‑dessus, l'Office conclut que l'actuelle règle 17(1)(a) du Tarif exonère ou tend à exonérer WestJet de sa responsabilité d'une façon qui contrevient aux articles 17(2) et 19 de la Convention.

[40] L'article 26 de la Convention dispose, entre autres choses, que toute disposition (du tarif d'un transporteur) tendant à exonérer un transporteur de sa responsabilité ou à établir une limite inférieure à celle qui est fixée dans la Convention est nulle et de nul effet.

[41] Par conséquent, l'Office conclut que, par l'application de l'article 26 de la Convention, l'actuelle règle 17(a)(1) du Tarif est nulle et de nul effet.

[42] Ces conclusions de l'Office ne concernent que certaines parties de l'actuelle règle 17(a)(1) du Tarif et seules les parties touchées doivent être jugées nulles et de nul effet; les autres parties de cette règle demeurent en vigueur. Quand des parties d'une clause contractuelle sont jugées nulles et de nul effet, il faut alors déterminer si les parties jugées nulles et de nul effet peuvent être supprimées sans modifier le sens du reste du libellé de la clause contractuelle. En l'espèce, les parties jugées nulles et de nul effet concernent l'objectif fondamental de cette règle, c'est-à-dire la limite de responsabilité. Ces parties sont au cœur de la règle et, par conséquent, la règle ne peut subsister si ces parties sont supprimées. Par conséquent, à des fins de clarté, l'Office confirme que l'actuelle règle 17(a)(1) du Tarif est, dans son ensemble, nulle et de nul effet.

[43] Dans la décision no 227-C-A-2008, McCabe contre Air Canada, l'Office a conclu que, lorsqu'une disposition d'un tarif est nulle et de nul effet, cette disposition tarifaire ne peut être juste et raisonnable comme l'exige le paragraphe 111(1) du RTA.

[44] Par conséquent, l'Office est d'avis que l'actuelle règle 17(a)(1) du Tarif, étant nulle et de nul effet, n'est pas juste et raisonnable comme l'exige le paragraphe 111(1) du RTA.

DISPOSITION RÉVISÉE DU TARIF

Question 2(i) : En ce qui a trait à la révision de la règle 17(a)(1) du Tarif proposée par WestJet, la référence aux articles de « grande valeur » est-elle peu explicite, et donc contraire à l'alinéa 122(c) du RTA?

Présentations

[45] M. Lukács allègue que bien que WestJet propose d'exclure des articles des bagages enregistrés des passagers en fonction de leur « grande valeur », cette expression n'est pas définie dans la règle. M. Lukács allègue qu'il n'est pas clair qui décidera si un article particulier, pour lequel un passager a fait une réclamation, est de « grande valeur » selon le libellé de la disposition tarifaire révisée. M. Lukács fait valoir que la référence aux articles de « grande valeur » dans la disposition tarifaire révisée par WestJet n'est pas compatible avec les exigences en matière de clarté des tarifs internationaux énoncées à l'alinéa 122(c) du RTA.

[46] M. Lukács allègue que la révision tarifaire proposée par WestJet, qui exclut de façon factice les articles de « grande valeur », établit en fait une limite de responsabilité inférieure à celle qui est fixée dans la Convention.

[47] WestJet n'a soumis aucune présentation relativement à cette question.

Analyse et constatation

[48] Dans la décision no 116‑C‑A‑2005, Torres contre TACA International Airlines, S.A, l'Office a adopté une approche contextuelle pour déterminer ce que sont des articles de « valeur ». Dans cette décision, l'Office a déclaré :

La règle 55(C)(9)(a) du tarif international de TACA fait état d'argent, de bijoux, d'argenterie, de titres négociables, d'effets de commerce ou de tout autre objet de valeur [...] » Les mots qui précèdent le syntagme « tout autre objet de valeur » délimitent le contexte dans lequel une telle expression doit être interprétée et aident le lecteur à déterminer la portée des limites de responsabilité.

[49] La disposition tarifaire proposée par WestJet comprend la phrase suivante : « Parmi les articles de grande valeur figurent l'argent, les bijoux, l'argenterie, les titres négociables ou autres, et les échantillons de documents commerciaux. » [traduction] L'approche contextuelle adoptée dans la décision no 116‑C‑A‑2005 peut être adoptée dans le cas présent pour déterminer quels articles peuvent être considérés de « grande valeur ».

[50] Par conséquent, l'Office conclut que la disposition tarifaire révisée est claire quant à la question des articles de « grande valeur » et, quand un problème se pose et que l'on doit déterminer si un article est de « grande valeur », le problème peut être résolu en fonction de chaque cas.

Question 2(ii) : En ce qui a trait à la révision de la règle 17(a)(1) du Tarif proposée par WestJet, la liberté contractuelle entre WestJet et ses passagers et le principe de préclusion juridique ont-ils priorité sur les dispositions de la Convention?

Présentations

[51] WestJet allègue que l'article 33 de la Convention de Varsovie et l'article 27 de la Convention reconnaissent tous deux le droit d'un transporteur de refuser de conclure une entente contractuelle de transport. Par conséquent, WestJet prétend qu'un transporteur, à moins qu'il se déclare prêt à accepter tout trafic lui étant soumis, a, en vertu de la common law, le droit d'imposer des restrictions quant aux articles qu'il est disposé à transporter.

[52] WestJet renvoie à la décision no LET-AT-A-319-2005, dans laquelle il est énoncé que l'obligation de common law d'un transporteur se limite au transport de passagers « qui sont disposés à payer le tarif du service et qui acceptent les modalités de transport du transporteur ». [traduction] Par conséquent, WestJet allègue qu'elle peut choisir de ne pas accepter certains types de marchandise en vertu des modalités de transport de son contrat avec les passagers.

[53] WestJet allègue également que si la décision no 227-C-A-2008, McCabe contre Air Canada, reconnaît le principe selon lequel un transporteur aérien qui a refusé de transporter certains articles peut quoi qu'il en soit être considéré comme ayant conclu un contrat de transport de ces articles, ceci révolutionnerait le principe contractuel de base d'offre et d'acceptation et serait alors mal fondé en loi. WestJet soutient qu'un passager ne peut unilatéralement accepter une offre qui n'a pas été présentée en premier lieu.

[54] WestJet allègue de plus que même si la modification tarifaire qu'elle a proposée a, dans la pratique, pour effet de limiter la possibilité pour un passager d'obtenir un dédommagement de WestJet, la décision dépend du droit contractuel et du droit de la preuve. WestJet se réfère en particulier au principe de préclusion juridique où une personne qui allègue l'existence d'un état des choses donné ne peut présenter une preuve contraire à son allégation.

[55] WestJet fait valoir que lorsque le principe de préclusion juridique s'applique, ce principe ne change pas le droit substantiel qui régit une relation ou une transaction, mais il peut empêcher une partie de présenter certains éléments nécessaires à l'établissement de l'applicabilité de la loi. WestJet indique que si la modification tarifaire proposée devait avoir cet effet dans un cas particulier, il serait alors essentiel que tous les éléments du principe de préclusion juridique puissent être présentés pour ce cas. WestJet allègue que la Convention n'a pas d'influence sur la question consistant à déterminer si le principe de préclusion juridique doit s'appliquer dans un cas donné.

[56] M. Lukács indique que, au Canada, les contrats de transport conclus entre les passagers et les transporteurs aériens sont assujettis à de nombreux points de loi qui se superposent à la common law et qui la modifient, à savoir la Convention, la Loi sur les transports au Canada, L.C. (1996), ch. 10, modifiée et le RTA.

[57] M. Lukács n'est pas d'accord avec l'allégation de WestJet relative à l'applicabilité de l'article 27 de la Convention. M. Lukács fait valoir que l'article 26 de la Convention porte que toute clause qui tend à exonérer un transporteur de sa responsabilité ou à fixer une limite inférieure à celle fixée dans la Convention est une clause nulle et de nul effet. M. Lukács fait valoir que la Convention permet, pour le transport, une liberté contractuelle seulement si les clauses ne sont pas contraires aux clauses de la Convention. Il indique que la Convention n'interdit pas à un transporteur de refuser la conclusion d'un contrat de transport. Par contre, il fait valoir que la Convention rend nulle et de nul effet toute clause contractuelle ayant pour effet d'abaisser la limite de responsabilité.

[58] M. Lukács fait de plus valoir que la décision no 287-C-A-2009, Griffiths contre Air Canada, reconnaît que le droit d'un transporteur aérien de refuser de conclure un contrat de transport n'est pas absolu, mais plutôt assujetti aux exigences de la loi en matière de raisonnabilité. M. Lukács soutient que, dans cette décision, l'Office a statué que toutes les conditions d'un tarif, incluant celles concernant le refus de transporter certains articles ou contenus, doivent être raisonnables. Par conséquent, M. Lukács allègue 1) qu'un transporteur ne peut pas arbitrairement exclure du transport certains articles; 2) qu'il doit y avoir une raison fondée sur les obligations légales, commerciales et d'exploitation du transporteur pour qu'il puisse exclure du transport certains articles dans un bagage enregistré; 3) que la raison invoquée pour les exclure doit l'emporter sur les droits des passagers; et 4) qu'il doit y avoir une raison fondée sur les obligations légales, commerciales et d'exploitation du transporteur pour qu'un transporteur puisse déclarer un article ou un type de contenu inapproprié au transport d'un bagage enregistré.

[59] En outre, M. Lukács soutient que WestJet a une compréhension erronée de la décision no 227‑C‑A‑2008, McCabe contre Air Canada. M. Lukács indique que la décision ne concerne en rien le droit contractuel parce qu'elle reposait seulement sur la Convention et que l'Office, dans sa décision, n'a jamais conclu qu'Air Canada avait passé un contrat pour le transport des articles. Il fait valoir que la conclusion de l'Office était qu'Air Canada avait accepté un bagage enregistré et que son contenu était sous son contrôle et sa garde et que, dans de telles circonstances, un transporteur est responsable des bagages en cas de perte et de dommage.

[60] M. Lukács soutient que la décision de l'Office no 227-C-A-2008, McCabe contre Air Canada, n'est pas exceptionnelle en matière de droit aérien et que des tribunaux et organismes de réglementation étrangers ont interprété les clauses de responsabilité de la Convention de façon semblable à l'interprétation de l'Office. Pour soutenir cette position, M. Lukács se réfère à l'avis du DOT (74 Fed. Reg. 14837-38), déjà mentionné dans la présente décision, qui, fait-il valoir, a pour but de fournir aux transporteurs aériens des États-Unis et étrangers des lignes directrices relatives aux dispositions tarifaires qui excluent la responsabilité en cas de perte, de dommage ou de retard de certains articles.

[61] M. Lukács souligne que l'avis d'information indique spécifiquement que de telles exclusions, bien qu'elles ne soient pas interdites dans le cas des contrats de transport intérieur, contreviennent aux articles 17 et 19 de la Convention. M. Lukács allègue que lorsqu'un transporteur accepte un bagage enregistré, son contenu, quel qu'il soit, est protégé et assujetti aux modalités de la Convention.

[62] M. Lukács n'est également pas d'accord avec WestJet qui prétend que les conclusions de la décision no 227-C-A-2008 de l'Office, McCabe contre Air Canada, révolutionneront le principe contractuel de base d'offre et d'acceptation. M. Lukács allègue que la Convention régit les droits des passagers envers les transporteurs aériens pour les sujets qui sont de sa juridiction. Il fait référence à l'article 29 et affirme que la Convention a priorité pour toutes les réclamations formulées en vertu du droit intérieur et, particulièrement, en vertu du droit contractuel. Donc, affirme-t-il, le droit contractuel est peu pertinent dans le cas présent.

[63] M. Lukács indique également qu'en vertu de l'article 1(1) de la Convention, le champ d'application de la Convention est étendu et couvre l'ensemble du transport aérien international. Il fait valoir qu'en vertu de l'article 17(2), la responsabilité d'un transporteur ne découle pas de la conclusion d'un contrat ou d'une entente, mais du bagage confié « à la garde du transporteur » [traduction]. Il allègue que pour pouvoir se prévaloir des dispositions de l'article 17(2), le propriétaire des marchandises n'a qu'à prouver que les articles étaient sous le contrôle et la garde du transporteur et qu'il n'a pas à prouver l'existence d'un contrat.

Analyse et constatations

[64] Les Conventions de Montréal et de Varsovie imposent des obligations aux transporteurs, mais elles fixent également des limites strictes quant au montant recouvrable par un passager quand une réparation est demandée. Ces échanges et concessions font partie de l'équilibre des intérêts recherchés par les deux conventions.

[65] Comme il a été mentionné auparavant à propos de la Convention de Montréal, la Loi sur le transport aérien intègre les Conventions de Montréal et de Varsovie à la législation canadienne, ce qui leur confère force de loi au Canada.

[66] L'article 27 de la Convention prévoit ce qui suit :

Rien dans la présente convention ne peut empêcher un transporteur de refuser la conclusion d'un contrat de transport, de renoncer aux moyens de défense qui lui sont donnés en vertu de la présente convention ou d'établir des conditions qui ne sont pas en contradiction avec les dispositions de la présente convention. (caractères gras ajoutés)

[67] L'article 33 de la Convention de Varsovie prévoit ce qui suit :

Rien dans la présente Convention ne peut empêcher un transporteur de refuser la conclusion d'un contrat de transport ou de formuler des règlements qui ne sont pas en contradiction avec les dispositions de la présente Convention. (caractères gras ajoutés)

[68] En langage clair, ces articles signifient manifestement que les conditions établies par un transporteur dans son tarif ne peuvent être contraires aux dispositions de chacune de ces conventions. WestJet a évoqué ces articles, mais seulement pour ce qui est de la question de la conclusion d'un contrat de transport. WestJet a fait une lecture hors contexte de ces articles en ne tenant pas compte de l'ensemble de ces articles.

[69] Les arguments de M. Lukács sont persuasifs à cet égard. Il se réfère à la Convention, mais ses arguments sont également applicables à la Convention de Varsovie. En particulier, comme l'a fait valoir M. Lukács, la Convention permet la liberté contractuelle en matière de transport seulement si les clauses du contrat ne sont pas contraires aux dispositions de la Convention. Comme il l'a fait valoir, et l'Office est d'accord, la Convention n'interdit pas à un transporteur de refuser de conclure un contrat de transport. Cependant, par exemple, une fois qu'il a accepté de transporter un bagage, un transporteur ne peut pas imposer des conditions tarifaires contractuelles contraires à celles de la Convention, de telles conditions étant susceptibles d'être déclarées nulles et de nul effet et, le cas échéant, les dispositions de la Convention auront priorité sur la relation contractuelle entre le transporteur et le passager. La Convention crée un régime qui limite la liberté contractuelle d'un transporteur. Ce régime joue un rôle direct dans le cas présent où la conformité de la règle 17(a)(1) du Tarif avec les dispositions de la Convention est en litige.

[70] De même, si un tarif permet d'évoquer une défense en vertu de la common law ou un moyen de défense d'équité en faveur d'un transporteur, dans le cas présent le principe de préclusion juridique en relation avec les réclamations pour des dommages relatifs au transport des bagages, et a pour effet de nier à un passager le droit garanti par la Convention, un transporteur ne peut pas se fonder sur ce moyen de défense. En particulier, dans le cas présent, la défense fondée sur le principe de préclusion juridique reposerait sur la version révisée de la règle 17(a)(1) du Tarif qui exclut les articles qui ne sont pas contenus dans un bagage enregistré. Cette disposition tarifaire, à l'instar de toutes les autres clauses contractuelles énoncées dans le Tarif, est susceptible d'être déclarée nulle et de nul effet, et, le cas échéant, la défense fondée sur le principe de préclusion juridique n'aura aucun fondement en droit pour le transporteur.

[71] Par conséquent, l'Office, en ce qui a trait à la révision proposée de la règle 17(a)(1) du Tarif, conclut que la liberté contractuelle et le principe de préclusion juridique n'ont pas priorité sur les dispositions de la Convention.

Question 2(iii) : En ce qui a trait à la révision de la règle 17(a)(1) du Tarif proposée par WestJet, si la réponse à la question 2(ii) est non, est-ce que la modification de la règle 17(a)(1) du Tarif proposée par WestJet exonère ou tend à exonérer WestJet de sa responsabilité d'une façon qui contrevient aux articles 17(2) et 19 de la Convention et, le cas échéant, quel est l'effet de cette contravention?

Présentations

[72] WestJet soutient que la modification proposée du Tarif est conforme à la jurisprudence de l'Office en ce qui a trait à l'exclusion de responsabilité pour certains types de bagages dont le transport est régi par la Convention.

[73] M. Lukács soutient que la révision proposée de la règle 17(a)(1) est incompatible avec la Convention et le RTA.

[74] M. Lukács maintient que le libellé révisé de cette règle est une tentative de WestJet de transférer la responsabilité du transporteur au passager. Il allègue que le fardeau d'informer WestJet incombe au passager si ses bagages contiennent des articles exclus, aux termes du Tarif. M. Lukács allègue qu'un passager peut se voir refuser une compensation si le bagage contient des articles exclus, en se fondant sur le fait que le passager a fait une déclaration inexacte sur le contenu du bagage.

[75] M. Lukács soutient que cette disposition a pour effet d'exonérer les transporteurs de leur responsabilité ou fixe une limite de responsabilité inférieure à celle exigée par les articles 17(2) et 19 de la Convention et, par conséquent, que cette même disposition est contraire à l'article 26 de la Convention.

[76] M. Lukács allègue que pour décider si une disposition est nulle et de nul effet en vertu de l'article 26, il y a lieu de tenir compte de l'effet de cette disposition plutôt que de la forme ou du libellé de la disposition en question.

[77] À cet égard, et bien que la modification proposée de la règle 17(a)(1) du Tarif ne fait aucune référence directe à la limite de responsabilité dans le cas de perte, de retard de livraison ou de dommage d'articles contenus dans un bagage enregistré, M. Lukács produit des présentations pour chacun de ces trois éléments.

[78] En ce qui a trait à la perte, M. Lukács soutient que l'article 17(2) de la Convention n'exonère pas un transporteur de sa responsabilité en cas de destruction ou de perte de bagages et, par conséquent, que le transporteur ne peut pas s'exonérer lui-même de sa responsabilité, peu importe les circonstances. M. Lukács allègue que la disposition tarifaire proposée par WestJet n'est pas compatible avec l'article 17(2) car elle nie le droit d'un passager de déposer une réclamation relative à la destruction ou à la perte de bagages s'il est prouvé que les bagages contenaient des « articles exclus ».

[79] Pour ce qui est des retards dans la livraison, M. Lukács maintient que l'article 19 de la Convention établit une présomption de responsabilité du transporteur et donne au transporteur le fardeau de prouver l'existence de circonstances atténuantes. M. Lukács ajoute que pour se dégager de sa responsabilité, le transporteur doit prouver qu'il a pris toutes les mesures raisonnables pour éviter le retard. À son avis, le fait que le bagage contenait des articles exclus n'est pas pertinent à la question de la responsabilité en cas de retard.

[80] M. Lukács soutient que le fait que la disposition du tarif de WestJet porte qu'une réclamation d'un passager peut être rejetée parce que le bagage contenait des « articles exclus » n'est pas compatible avec l'article 19 de la Convention.

[81] À propos des dommages, M. Lukács allègue qu'un transporteur qui souhaite s'exonérer lui-même de sa responsabilité quant aux dommages causés aux bagages doit prouver que les dommages résultent de la nature ou d'un vice propre des bagages. M. Lukács allègue que l'article 17(2) de la Convention n'est pas une défense générale qui peut être invoquée pour tous les types de bagages, mais plutôt une défense en fonction du cas et qui peut être invoquée seulement après l'analyse de la nature du dommage. M. Lukács soutient que la référence par WestJet aux « articles exclus » dans la révision proposée de la règle 17(a)(1) crée l'illusion que le transporteur peut éviter l'analyse en fonction du cas et limiter sa responsabilité puisque la disposition permet à WestJet de rejeter les réclamations relatives aux dommages d'un bagage enregistré contenant des « articles exclus ». Ainsi, M. Lukács allègue que la disposition tarifaire est contraire à l'article 17(2) de la Convention.

Analyse

[82] Ayant déterminé que se conformer aux dispositions de la Convention restreint la liberté contractuelle de WestJet et sa capacité d'invoquer le principe de préclusion juridique, en ce qui a trait à la révision proposée de la règle 17(a)(1) du Tarif, la question clé est de déterminer si la version révisée de la règle 17(a)(1) du Tarif exonère ou tend à exonérer WestJet de sa responsabilité, ce qui est contraire aux articles 17 et 19 de la Convention.

[83] Comme il a été mentionné auparavant, la révision, telle qu'elle a été formulée, ne fait pas explicitement référence à une quelconque limite de responsabilité. Cependant, selon l'argument très persuasif de M. Lukács, le facteur déterminant n'est pas la forme ou le libellé de cette disposition tarifaire, mais plutôt l'effet de celle-ci.

[84] À l'examen de cet effet, il est clair, selon les présentations de WestJet, que l'intention du transporteur, en soumettant une version révisée de la règle 17(a)(1) du Tarif, est de se doter d'un moyen de défense contre toute plainte relative à la perte, au retard dans la livraison ou aux dommages causés aux bagages dont il n'est pas responsable parce que les bagages contenaient des « articles exclus ». Comme il a été démontré dans la présente décision par l'analyse exhaustive par l'Office de l'actuelle règle 17(a)(1), la limite de responsabilité ne peut pas être fondée seulement sur le transport d'« articles exclus ». Des dispositions de la Convention définissent les situations, à l'exclusion de toute autre, où un transporteur peut se défendre contre une réclamation relative à sa responsabilité quant au transport de bagages. La révision proposée de la règle 17(a)(1) outrepasse ces dispositions et tend à exonérer WestJet de sa responsabilité.

[85] Par conséquent, l'Office est d'avis que le libellé proposé pour la modification de la règle 17(a)(1) du Tarif n'est pas compatible avec les articles 17 et 19 de la Convention.

[86] Tout comme dans le cas des constatations précédentes, l'Office souligne que l'article 26 de la Convention prévoit, entre autres choses, que toute disposition (du tarif d'un transporteur) qui tend à exonérer un transporteur de sa responsabilité ou à fixer une limite inférieure à celle prévue dans la Convention est nulle et de nul effet.

[87] Par conséquent, l'Office est d'avis, aux termes de l'application de l'article 26 de la Convention, que la révision proposée de la règle 17(a)(1) du Tarif serait considérée nulle et de nul effet advenant son dépôt par WestJet auprès de l'Office.

CONCLUSION

[88] Comme il est indiqué dans l'ordonnance qui suit, l'Office conclut que l'actuelle règle 17(a)(1) du Tarif est nulle et de nul effet.

[89] Par conséquent, l'actuelle règle 17(a)(1) du Tarif n'a pas force exécutoire à compter de la date de la présente décision et jusqu'à ce que WestJet dépose une règle 17(a)(1) modifiée, les droits des passagers quant aux réclamations en cas de destruction, de perte, de dommage causés aux bagages enregistrés ou de dommages causés par un retard dans la livraison seront régis par la Convention, incluant les articles 17(2) et 19 de la Convention.

[90] Compte tenu de l'information au dossier, l'Office est d'avis que la modification de la règle 17(a)(1) du Tarif proposée par WestJet est contraire aux articles 17(2) et 19 de la Convention. Par conséquent, l'Office est aussi d'avis que la version modifiée de la règle 17(a)(1) serait considérée comme étant nulle et de nul effet en vertu de l'article 26 de la Convention advenant que WestJet la dépose auprès de l'Office.

ORDONNANCE

[91] Conformément à l'article 26 de la Convention, l'actuelle règle 17(a)(1) du Tarif de WestJet est considérée nulle et de nul effet parce qu'elle est contraire aux articles 17(2) et 19 de la Convention. De plus, conformément à l'article 113(a) du RTA, l'Office rejette la règle 17(a)(1) du Tarif parce qu'elle n'est pas juste et raisonnable et, donc, contraire au paragraphe 111(1) du RTA.

[92] L'Office ordonne à WestJet de déposer, dans les 45 jours suivant la date de la présente décision, une version modifiée de la règle 17(a)(1) du Tarif qui reflètera rigoureusement les dispositions des articles 17(2) et 19 de la Convention.

Membres

  • John Scott
  • Geoffrey C. Hare

EXTRAITS DES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES APPLICABLES

La convention de Montréal

Article 1er – Champ d'application

1. La présente convention s'applique à tout transport international de personnes, bagages ou marchandises, effectué par aéronef contre rémunération. Elle s'applique également aux transports gratuits effectués par aéronef par une entreprise de transport aérien.

Article 17 – Mort ou lésion subie par le passager - dommage causé aux bagages

2. Le transporteur est responsable du dommage survenu en cas de destruction, perte ou avarie de bagages enregistrés, par cela seul que le fait qui a causé la destruction, la perte ou l'avarie s'est produit à bord de l'aéronef ou au cours de toute période durant laquelle le transporteur avait la garde des bagages enregistrés. Toutefois, le transporteur n'est pas responsable si et dans la mesure où le dommage résulte de la nature ou du vice propre des bagages. Dans le cas des bagages non enregistrés, notamment des effets personnels, le transporteur est responsable si le dommage résulte de sa faute ou de celle de ses préposés ou mandataires.

Article 19 – Retard

Le transporteur est responsable du dommage résultant d'un retard dans le transport aérien de passagers, de bagages ou de marchandises. Cependant, le transporteur n'est pas responsable du dommage causé par un retard s'il prouve que lui, ses préposés et mandataires ont pris toutes les mesures qui pouvaient raisonnablement s'imposer pour éviter le dommage, ou qu'il leur était impossible de les prendre.

Article 26 – Nullité des dispositions contractuelles

Toute clause tendant à exonérer le transporteur de sa responsabilité ou à établir une limite inférieure à celle qui est fixée dans la présente convention est nulle et de nul effet, mais la nullité de cette clause n'entraîne pas la nullité du contrat qui reste soumis aux dispositions de la présente convention.

Article 27 – Liberté de contracter

Rien dans la présente convention ne peut empêcher un transporteur de refuser la conclusion d'un contrat de transport, de renoncer aux moyens de défense qui lui sont donnés en vertu de la présente convention ou d'établir des conditions qui ne sont pas en contradiction avec les dispositions de la présente convention.

Article 29 – Principe des recours

Dans le transport de passagers, de bagages et de marchandises, toute action en dommages-intérêts, à quelque titre que ce soit, en vertu de la présente convention, en raison d'un contrat ou d'un acte illicite ou pour toute autre cause, ne peut être exercée que dans les conditions et limites de responsabilité prévues par la présente convention, sans préjudice de la détermination des personnes qui ont le droit d'agir et de leurs droits respectifs. Dans toute action de ce genre, on ne pourra pas obtenir de dommages-intérêts punitifs ou exemplaires ni de dommages à un titre autre que la réparation.

La convention de Varsovie

Article 33

Rien dans la présente Convention ne peut empêcher un transporteur de refuser la conclusion d'un contrat de transport ou de formuler des règlements qui ne sont pas en contradiction avec les dispositions de la présente Convention.

Règlement sur les transports aériens, DORS/88-58

Paragraphe 111(1)

Les taxes et les conditions de transport établies par le transporteur aérien, y compris le transport à titre gratuit ou à taux réduit, doivent être justes et raisonnables et doivent, dans des circonstances et des conditions sensiblement analogues, être imposées uniformément pour tout le trafic du même genre.

Alinéa 113a)

L'Office peut suspendre tout ou partie d'un tarif qui paraît ne pas être conforme aux paragraphes 110(3) à (5) ou aux articles 111 ou 112, ou refuser tout tarif qui n'est pas conforme à l'une de ces dispositions.

Alinéa 122c)

Les tarifs doivent contenir les conditions de transport, dans lesquelles est énoncée clairement la politique du transporteur aérien concernant au moins les éléments suivants :

[…]

(x) les limites de responsabilité à l'égard des passagers et des marchandises,

[…]

Membre(s)

Geoffrey C. Hare
Raymon J. Kaduck
J. Mark MacKeigan
John Scott
Jean-Denis Pelletier, ing.
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