Décision n° 5-AT-C-A-2023

le 18 janvier 2023

Demande présentée par Vikram Mehra contre WestJet au nom de la demanderesse mineure concernant des obstacles à ses possibilités de déplacement

Numéro de cas : 
21-50359

Résumé

[1] La demanderesse, une enfant mineure représentée par Vikram Mehra, a déposé une demande auprès de l’Office des transports du Canada (Office) contre WestJet dans laquelle elle affirme que les personnes handicapées approuvées par WestJet pour participer à son programme « une personne, un tarif » (1p1t) devraient pouvoir réserver leurs billets par l’intermédiaire du système de réservation en ligne. WestJet exige que les passagers du programme 1p1t téléphonent à son bureau des soins spéciaux pour faire leurs réservations.

[2] La demanderesse réclame que l’Office ordonne à WestJet :

  • de lui permettre à elle et à toutes les personnes handicapées, y compris à celles inscrites au programme 1p1t, de faire des réservations comprenant des accommodements liés à un handicap à partir du site Web de WestJet et de ses autres canaux de réservation, en tout temps;
  • de lui donner un accès direct au bureau des soins spéciaux, que ce soit par son Web, sa ligne téléphonique ou le courriel, en tout temps.

[3] Dans la décision CONF-AT-A-7-2022 (décision provisoire), émise le 27 avril 2022, l’Office a conclu que la demanderesse est une personne handicapée et qu’elle a rencontré des obstacles, à savoir des heures d’ouverture limitées du bureau des soins spéciaux qui ont restreint sa capacité de faire une réservation à titre de participante du programme 1p1t, et en raison du temps d’attente excessivement long au téléphone pour joindre le bureau des soins spéciaux. L’Office a également conclu qu’il n’a pas le pouvoir d’ordonner à WestJet de fournir la réparation que la demanderesse a réclamée initialement, soit un voyage tout compris pour des vacances familiales ou des bons de voyage.

[4] L’Office a suspendu la présente instance en attendant de rendre sa décision définitive dans l’affaire Browne c WestJet, qui portait sur les deux mêmes obstacles et visait le même transporteur. La décision 114-AT-A-2022 (Browne c WestJet) a été émise le 20 septembre 2022. Dans la décision LET-AT-A-47-2022 (décision sur l’obstacle abusif), l’Office a :

  • levé la suspension;
  • conclu que les obstacles reconnus dans la décision provisoire sont abusifs pour les motifs énoncés dans la décision LET-AT-A-17-2022 (Browne c WestJet) [décision provisoire dans l’affaire Browne];
  • conclu, de façon préliminaire, que grâce aux mesures correctives indiquées dans Browne c WestJet, les obstacles abusifs ont été éliminés, et qu’aucune autre mesure n’est requise;
  • reconnu le stress et la frustration que M. Mehra a éprouvés lorsqu’il a dû composer avec WestJet, mais a conclu que l’Office n’avait pas le pouvoir d’ordonner des indemnités pour les souffrances et douleurs subies par des personnes qui ne sont pas handicapées;
  • donné aux parties l’occasion de justifier pourquoi l’Office ne devrait pas rendre sa décision définitive;
  • ouvert les actes de procédure sur l’indemnisation pour les souffrances et douleurs subies.

[5] Dans la présente décision, l’Office rend définitive sa conclusion préliminaire selon laquelle les mesures correctives indiquées dans Browne c WestJet permettent d’éliminer les obstacles abusifs et qu’aucune autre action n’est nécessaire. L’Office règle également la question de l’indemnité pour les souffrances et douleurs subies.

[6] Pour les motifs énoncés ci‑après, l’Office ordonne à WestJet de verser à la demanderesse une indemnité de 500 CAD pour les souffrances et douleurs subies.

Contexte

[7] WestJet a admis la demanderesse à titre de participante à son programme 1p1t. Lorsque M. Mehra a tenté d’effectuer une réservation pour elle à ce titre en juillet 2021, il lui a fallu tellement de temps pour rejoindre le bureau des soins spéciaux par téléphone que les billets qu’il voulait acheter n’étaient plus offerts au prix indiqué initialement sur le site Web de WestJet.

Observation préliminaire

[8] Le 14 novembre 2022, la demanderesse a répondu à la décision sur l’obstacle abusif et, le 25 novembre 2022, WestJet a déposé sa réponse.

[9] Même si rien de tel n’a été prévu dans la décision sur l’obstacle abusif rendue par l’Office, la demanderesse a déposé une réplique à la réponse de WestJet le 28 novembre 2022, sans d’abord déposer une requête en ce sens conformément aux Règles de l’Office des transports du Canada (Instances de règlement des différends et certaines règles applicables à toutes les instances).

[10] L’Office conclut que la présentation de la demanderesse n’ajoute aucune nouvelle information à la présente instance, par conséquent il ne la versera pas aux archives.

La loi

Accessibilité

[11] L’Office a le pouvoir de se prononcer sur des demandes dans lesquelles une personne affirme qu’il existe un obstacle abusif aux possibilités de déplacement des personnes handicapées dans le réseau de transport fédéral.

[12] Comme l’Office l’a affirmé dans la décision 33-AT-A-2019 (décision d’interprétation), il détermine s’il existe un obstacle abusif aux possibilités de déplacement d’une personne handicapée en utilisant une approche en deux volets :

Partie 1 : Il incombe à la demanderesse de démontrer, selon la prépondérance des probabilités :

- qu’elle a un handicap. Un handicap est une déficience notamment physique, intellectuelle, cognitive, mentale ou sensorielle, trouble d’apprentissage ou de la communication ou limitation fonctionnelle, de nature permanente, temporaire ou épisodique, manifeste ou non et dont l’interaction avec un obstacle nuit à la participation pleine et égale d’une personne dans la société.

et

- qu’elle a rencontré un obstacle. Un obstacle est tout élément — notamment celui qui est de nature physique ou architecturale, qui est relatif à l’information, aux communications, aux comportements ou à la technologie ou qui est le résultat d’une politique ou d’une pratique — qui nuit à la participation pleine et égale dans la société des personnes ayant des déficiences notamment physiques, intellectuelles, cognitives, mentales ou sensorielles, des troubles d’apprentissage ou de la communication ou des limitations fonctionnelles. Il doit y avoir un certain lien entre le handicap de la demanderesse et l’obstacle.

Partie 2 : Si l’Office détermine que la demanderesse a un handicap et qu’elle a rencontré un obstacle, il incombe alors à la défenderesse de prendre l’une ou l’autre des mesures suivantes :

- expliquer, en tenant compte des solutions proposées par la demanderesse, comment elle propose d’éliminer l’obstacle en apportant une modification générale à la règle, à la politique, à la pratique, à la technologie, à la structure physique visée ou à n’importe quel autre élément constituant un obstacle ou, si une modification générale n’est pas possible, en adoptant une mesure d’accommodement personnalisée;

ou

- démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle ne peut pas éliminer l’obstacle sans se voir imposer une contrainte excessive.

Réparations

[13] L’Office a déterminé dans la décision provisoire qu’il n’y avait pas de règlement pertinent en vigueur au moment de l’incident qui pouvait limiter ses pouvoirs de réparation. Si l’Office conclut que les obstacles sont abusifs, il peut ordonner n’importe quelles mesures parmi les suivantes :

a) la prise de mesures correctives indiquées;

b) le versement d’une indemnité destinée à couvrir les frais supportés par une personne handicapée en raison de l’obstacle en cause, notamment les frais occasionnés par le recours à d’autres biens, services ou moyens d’hébergement;

c) le versement d’une indemnité pour les pertes de salaire subies par une telle personne en raison de l’obstacle;

d) le versement d’une indemnité — dont le montant maximal, rajusté chaque année conformément à l’article 172.2, est de 20 000 $ — pour les souffrances et douleurs subies par une telle personne en raison de l’obstacle;

e) le versement d’une indemnité — dont le montant maximal, rajusté chaque année conformément à l’article 172.2, est de 20 000 $ — s’il en vient à la conclusion que l’obstacle résulte d’un acte délibéré ou inconsidéré.

Confirmation des services

[14] Un transporteur doit consigner dans le dossier de réservation de la personne handicapée les services qu’il lui fournira, et il doit lui fournir sans délai une confirmation par écrit de ces services.

Mesures correctives

Positions des parties

La demanderesse

[15] La demanderesse soutient que WestJet n’a pas fait les changements qu’elle a affirmé avoir faits et que la question devrait être examinée. Elle indique que M. Mehra a tenté de joindre le bureau des soins spéciaux par téléphone le 13 novembre 2022 afin d’obtenir de l’aide pour faire ses réservations, mais sans succès. Elle affirme également que, pour joindre le bureau des soins spéciaux, il n’y a pas de numéro de téléphone direct sur le site Web de WestJet ni lorsqu’elle signale le numéro du service à la clientèle régulier. Elle soutient que M. Mehra n’a pas non plus été capable de trouver le formulaire sur le site Web de WestJet afin de demander un siège supplémentaire pour un accompagnateur.

WestJet

[16] WestJet répète qu’elle a instauré un processus permettant aux passagers du programme 1p1t de réserver un itinéraire 24 heures sur 24, 7 jours par semaine.

[17] WestJet indique que depuis le 16 août 2021, sur son site Web, elle invite les personnes handicapées à utiliser son numéro du service à la clientèle régulier et à choisir l’option 7 pour joindre le bureau des soins spéciaux. WestJet affirme que les heures d’ouverture du bureau des soins spéciaux sont indiquées sur sa page Web, sous l’onglet « Attribution de sièges » puis dans le menu déroulant de l’onglet « Réservations » pour les demandes de siège particulier pour des personnes handicapées. Le bureau des soins spéciaux est ouvert du lundi au vendredi, de 6 h à 17 h 30 et le samedi, de 7 h à 17 h 30, heure des Rocheuses.

[18] WestJet affirme que, lorsque le bureau des soins spéciaux est fermé, les passagers du programme 1p1t peuvent utiliser le système de réservation en ligne pour réserver un itinéraire et payer un seul siège, puis soumettre un formulaire de demande en ligne pour demander un accommodement. Le formulaire de demande est examiné et traité dès que possible. Sur sa page Web, WestJet encourage les passagers du programme 1p1t à procéder ainsi lorsqu’ils sont incapables de communiquer avec WestJet par téléphone pour obtenir un siège répondant à leurs besoins. La page Web présente un lien menant au formulaire pour demander qu’un siège particulier soit ajouté à leur réservation.  

[19] WestJet soutient qu’aucune autre mesure corrective n’est requise pour éliminer les obstacles abusifs.

Analyse et détermination

[20] L’Office reconnaît que M. Mehra n’a pas pu joindre le bureau des soins spéciaux le 13 novembre 2022, un dimanche. Comme WestJet l’a indiqué dans sa réponse et sur son site Web, le bureau des soins spéciaux est fermé le dimanche. WestJet n’a pas publié un numéro de téléphone menant directement à son bureau des soins particuliers, mais l’Office constate que les personnes handicapées peuvent joindre le bureau durant les heures d’ouverture par la ligne du service à la clientèle régulier, option 7, et que ces renseignements sont indiqués sur son site Web.  

[21] WestJet a également démontré qu’il est possible d’accéder au lien menant au formulaire de demande d’accommodement sur son site Web. Toutefois, l’Office encourage WestJet à envisager de mettre ce formulaire à un endroit plus pratique sur son site Web, compte tenu des difficultés décrites par la demanderesse à cet égard.

[22] L’Office constate que WestJet a mis en œuvre les mesures correctives ordonnées dans Browne c WestJet. La demanderesse n’a pas suggéré d’autres mesures. En conséquence, l’Office rend définitive sa conclusion préliminaire selon laquelle ces mesures correctives ont contribué à l’élimination des obstacles abusifs reconnus dans le cas présent et qu’aucune autre mesure n’est requise.

Indemnité pour souffrances et douleurs

Positions des parties

La demanderesse

[23] La demanderesse soutient qu’elle n’a pas compris pourquoi WestJet n’a pas aidé sa famille et elle et que, pendant des jours, ses parents ne pouvaient pas s’expliquer pourquoi WestJet n’a pas répondu à leurs besoins. Elle indique qu’elle s’est sentie misérable et comme une moins que rien lorsqu’elle a été témoin de la frustration et du désarroi de son père, et du fait que sa famille n’a pas pu profiter de plusieurs belles journées. Elle déclare également qu’elle a eu besoin de l’aide d’un intervenant scolaire pour comprendre ce qu’elle a vécu et pourquoi elle s’est sentie discriminée.

[24] La demanderesse affirme que, parce qu’il a fallu trop de temps à M. Mehra pour acheter les billets auprès de WestJet, sa famille a dû débourser plus de 3 000 CAD en dépenses supplémentaires, car elle a dû acheter des billets plus chers pour un vol vers Vancouver auprès d’un autre transporteur et pour d’autres dépenses de vacances, comme l’hébergement à l’hôtel et une location de voiture, dont les prix augmentaient aussi à mesure que le temps passait.

[25] La demanderesse réclame le montant maximum d’indemnisation afin de recommencer à avoir confiance dans le système public et de se sentir comme toute autre personne non handicapée.

WestJet

[26] WestJet fait valoir que les présentations de la demanderesse ne suffisent pas pour prouver qu’elle a subi des douleurs et des souffrances au sens de la Loi sur les transports au Canada (LTC), ce qui lui donnerait droit à une indemnité.

[27] WestJet souligne que l’Office, sur son site Web, déclare que la Loi canadienne sur l’accessibilité lui confère le pouvoir d’accorder des indemnisations au même titre que le Tribunal canadien des droits de la personne (TCDP) en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne (LCDP).

[28] WestJet s’appuie sur l’affaire LebeauNote 1dans laquelle la Cour fédérale a confirmé la décision d’un arbitre de ne pas accorder d’indemnisation pour les souffrances et douleurs prétendues en raison de la discrimination reprochée à l’employeur. Dans cette affaire, la demanderesse n’avait fourni aucune preuve médicale à l’appui de ses allégations selon lesquelles elle avait souffert de stress, d’humiliation, d’une perte d’estime de soi, du syndrome de l’intestin irritable, d’insomnie, et de dépression en raison de la discrimination prétendue. La Cour a conclu que la décision de l’arbitre de ne pas accorder d’indemnisation au titre de la LCDP était raisonnable.

[29] WestJet soutient que l’Office ne devrait pas tenir compte des allégations de douleurs et de souffrances subies par quelqu’un d’autre que la demanderesse ou durant l’instance devant l’Office.

Analyse et détermination

[30] L’Office a le pouvoir d’exiger le versement d’une indemnité pour les souffrances et douleurs subies par une personne handicapée en raison d’un obstacle abusif à ses possibilités de déplacement. Les souffrances et les douleurs peuvent se manifester sous différentes formes, notamment par du stress, de l’anxiété, de la dépression, des douleurs ou des souffrances physiques, une perte de dignité ou un sentiment d’humiliation, ou une combinaison de ces facteurs. Chaque plainte est unique. Par conséquent, l’Office évalue l’indemnisation au cas par cas.

[31] L’Office accepte l’affirmation de la demanderesse selon laquelle elle a subi des douleurs et des souffrances en raison de sa confusion à savoir pourquoi WestJet a été incapable d’aider sa famille, pour avoir été témoin de la frustration et du désarroi que la situation a fait vivre à son père, et de son sentiment de discrimination, des facteurs assez graves qui ont amené la demanderesse à demander de l’aide auprès d’un intervenant scolaire.

[32] L’Office conclut que ces éléments de preuve suffisent pour justifier le versement d’une indemnisation pour les souffrances et douleurs que la demanderesse décrit. Des exemples plus graves de souffrances et de douleurs pourraient être corroborés à l’aide de dossiers médicaux, de rapports et d’autres éléments de preuve, mais l’Office conclut qu’il est déraisonnable de s’attendre à des éléments de corroboration pour ce type de demande.

[33] Bien que l’Office ne soit pas lié par les décisions du TCDP, la jurisprudence applicable renferme une orientation utile. Dans Alizadeh-Ebadi,Note 2le TCDP a affirmé : « En présence d’une preuve de préjudice moral, il faut tenter d’indemniser la victime ».

[34] Afin de déterminer le montant de l’indemnité, l’Office doit soupeser les éléments de preuve qui lui sont présentés et tenir compte de certains facteurs, comme la gravité et la durée des souffrances et douleurs subies par la demanderesse. L’indemnisation doit être juste et raisonnable, mais elle est difficile à quantifier; il s’agit essentiellement de tenter de mettre un prix sur le bonheur. Comme le reconnaît la Cour suprême du Canada dans AndrewsNote 3, l’estimation de la valeur des pertes non financières est plus un exercice philosophique et social qu’un exercice juridique ou logique parce que le préjudice n’est pas intégralement réparable en argent.

[35] Dans la jurisprudence du TCDP, le montant d’indemnisation dépend de la gravité des répercussions sur la victime, et les montants maximaux prévus sont habituellement adjugés aux plaintes « les plus flagrantes, frappantes, voire les pires » (HugieNote 4), ou « dans les cas les plus flagrants » (GrantNote 5).

[36] Les éléments de preuve du cas présent ne permettent pas de démontrer des conséquences qui justifieraient une indemnité maximale au titre de la LTC ou s’y rapprochant. Par conséquent, l’Office conclut qu’une indemnité de 500 CAD serait appropriée dans le contexte.

[37] Comme l’Office l’a affirmé dans la décision sur l’obstacle abusif, il reconnaît que M. Mehra a vécu du stress et de la frustration lorsqu’il a dû composer avec WestJet. Toutefois, l’Office n’a pas le pouvoir d’ordonner des indemnités pour les souffrances et douleurs subies par d’autres personnes que la personne handicapée elle-même.

[38] Finalement, les coûts des vacances familiales à Vancouver ont peut-être augmenté parce que la famille n’a pas pu profiter des prix de vente annoncés par WestJet, mais l’Office conclut qu’il n’a pas assez d’éléments de preuve pour adjuger des dépenses dans le cas présent.

Conclusion

[39] L’Office ordonne à WestJet de verser une indemnité de 500 CAD pour les souffrances et douleurs subies. WestJet doit verser ce montant à la demanderesse le plus tôt possible, mais au plus tard le 3 mars 2023.

Dispositions en référence Identifiant numérique (article, paragraphe, règle, etc.)
Loi sur les transports au Canada, LC 1996, c 10 172(1); 169.5; 172(2); 172(3); 172(2)(d)
Règlement sur les transports accessibles aux personnes handicapées, DORS/2019-244 58
Règles de l’Office des transports du Canada (Instances de règlement des différends et certaines règles applicables à toutes les instances), DORS/2014-104 34

Membre(s)

Heather Smith
Date de modification :