Décision n° 519-AT-A-2008

le 16 octobre 2008

le 16 octobre 2008

DEMANDE déposée par Linda McKay-Panos en vertu des paragraphes 172(1) et (3) de la Loi sur les transports au Canada, L.C. (1996), ch. 10, modifiée, concernant les difficultés qu'elle a éprouvées dans le cadre d'un voyage avec Air Canada entre Calgary (Alberta) et Ottawa (Ontario) au mois d'août 1997.

Référence no U 3570/97-21


INTRODUCTION

[1] Linda McKay-Panos a déposé une demande auprès de l'Office des transports du Canada (l'Office) relativement :

  • au siège qu'Air Canada lui a assigné à bord de vols entre Calgary et Ottawa en août 1997;
  • à la politique du transporteur qui exige des prix plus élevés des passagers qui ont besoin de plus d'espace assis en raison de leur obésité;
  • au traitement que lui a réservé le personnel d'Air Canada, au moment des réservations et pendant le voyage.

CONTEXTE

[2] La présente demande a soulevé pour la première fois auprès de l'Office la question visant à déterminer si l'obésité est une déficience aux termes de la Partie V de la Loi sur les transports au Canada (LTC). Le 12 décembre 2001, l'Office a rendu la décision no 646-AT-A-2001 (la décision Calgary) après la tenue d'une audience à Calgary. Dans cette décision, l'Office a conclu que l'obésité en soi n'est pas une déficience au sens de la Partie V de la LTC, mais qu'il y a sans doute des personnes dans la population des personnes obèses qui ont une déficience en raison de leur obésité. L'Office a déterminé qu'il continuerait d'étudier, en fonction de chaque cas pris individuellement, la question de savoir si une personne obèse est une personne ayant effectivement une déficience aux termes des dispositions sur le transport accessible de la LTC.

[3] Par conséquent, l'Office a ouvert les plaidoiries de manière à déterminer si Mme McKay-Panos est une personne ayant une déficience et il a déterminé dans la décision no 567-AT-A-2002 (la décision sur la déficience) que, bien que Mme McKay-Panos soit obèse et qu'elle n'ait pu s'asseoir dans un siège de la classe économique d'Air Canada, elle n'est pas une personne ayant une déficience. Cependant, un membre dissident a appliqué la méthode avalisée par l'Office dans la décision Calgary et a déterminé que Mme McKay-Panos est une personne ayant une déficience en raison de son obésité.

[4] Mme McKay-Panos a appelé de la décision sur la déficience devant la Cour fédérale d'appel (la CFA). Le 13 janvier 2006, la CFA a rendu sa décision, renversant par le fait même la décision de l'Office. Conformément à la méthode avalisée par l'Office dans la décision de Calgary et à l'opinion du membre dissident dans la décision sur la déficience, la CFA a déterminé que Mme McKay-Panos est, en fait, une personne ayant une déficience en raison de son obésité. La CFA a renvoyé l'affaire à l'Office qui doit déterminer si Mme McKay-Panos, comme personne ayant une déficience, s'est heurtée à des obstacles abusifs à ses possibilités de déplacement.

OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES

[5] Alors que le dossier de Mme McKay-Panos se trouvait devant la CFA dans le but de déterminer si elle était une personne ayant une déficience en raison de son obésité, l'Office examinait déjà bon nombre de demandes touchant la question des frais additionnels imposés aux passagers ayant une déficience qui ont besoin de plus d'espace pour satisfaire leurs besoins particuliers (l'affaire AFC). L'Office avait commencé les audiences sur la question lorsque la CFA a rendu sa décision à propos de la déficience de Mme McKay-Panos. Par conséquent, l'affaire de Mme McKay-Panos a été suspendue par l'Office en attente de la détermination de l'Office relativement à l'affaire AFC. Mme McKay-Panos a demandé et reçu un droit de participation à la deuxième étape des audiences dans l'affaire AFC.

[6] Le 10 janvier 2008, l'Office a rendu la décision no 6-AT-A-2008 dans l'affaire AFC. L'Office a conclu que les politiques d'Air Canada, d'Air Canada Jazz et de WestJet relativement aux frais additionnels demandés dans le but de répondre aux besoins des passagers ayant une déficience nécessitant de l'espace supplémentaire constituent un obstacle abusif puisque ces politiques exigent de ces personnes « des frais et des redevances supplémentaires afin de se prévaloir des services de transport, qui excèdent ce que les autres passagers paient pour les mêmes services de transport, afin que leurs besoins liés à leur déficience soient satisfaits ». La validation du fait que les personnes ayant une déficience ont les mêmes droits que les autres d'avoir accès aux réseaux de transport fédéraux, y compris l'attribution par le transporteur d'un siège approprié, est essentielle à la décision.

[7] Par conséquent, l'Office a enjoint à Air Canada, à Air Canada Jazz et à WestJet de modifier leurs politiques et procédures de manière à ajouter un régime « une personne, un tarif » pour les personnes ayant une déficience qui nécessitent de l'espace assis supplémentaire à bord de vols de services aériens intérieurs. Les transporteurs ont également été enjoints de ne pas exiger de frais pour les sièges supplémentaires requis pour, entre autres, les personnes ayant une déficience en raison de leur obésité. L'Office a accordé 12 mois aux transporteurs pour terminer et mettre en place les mesures correctives ordonnées.

[8] La décision no 6-AT-A-2008 traite donc des deux premières questions soulevées par Mme McKay-Panos.

QUESTION

[9] La question maintenant est de déterminer si le traitement réservé à Mme McKay-Panos par le personnel d'Air Canada a constitué un obstacle abusif à ses possibilités de déplacement, et, si tel est le cas, les mesures correctives qui devraient être prises.

FAITS, PREUVES ET MÉMOIRES

[10] Le 14 juin 1997, Mme McKay-Panos a communiqué avec Air Canada pour réserver un billet aller-retour, Calgary-Ottawa, dont le départ et le retour étaient prévus pour le 21 août et le 24 août 1997, respectivement. Elle a informé l'agent d'Air Canada de son poids et de sa taille et lui a demandé quels sièges répondraient le mieux à ses besoins. Elle a également offert d'acheter deux billets en classe économique ou un billet en classe affaires. L'agent de réservation lui a dit, après avoir consulté ses collègues, qu'il n'était pas nécessaire de réserver deux sièges puisque les sièges près cloison offrent plus d'espace que tout autre siège de la classe économique. L'agent d'Air Canada lui a confirmé que les sièges près cloison sont attribués aux personne plus corpulentes. Mme McKay-Panos a indiqué que l'agent n'était pas sympathique, qu'elle avait fait des remarques désobligeantes et qu'elle s'était moquée de sa situation.

[11] Lorsque Mme McKay-Panos est montée à bord de l'aéronef à Calgary le 21 août 1997, elle a découvert que les sièges près cloison n'étaient pas appropriés puisque les accoudoirs ne pouvaient pas être relevés et elle a eu beaucoup de difficulté à y prendre place. Elle a ajouté que ni elle, ni sa voisine ne pouvaient se servir de la tablette parce que ses hanches dépassaient les accoudoirs, là où les tablettes sont situées sur les sièges près cloison.

[12] Selon Mme McKay-Panos, les agents de bord ne lui ont offert aucune suggestion ni ne lui ont exprimé d'intérêt, malgré le fait qu'elle était presqu'en larmes et très embarrassée. Mme McKay-Panos fait valoir que les agents de bord la regardaient comme si elle était une nuisance et la heurtaient sans cesse avec les chariots de service. Au cours d'une escale, Mme McKay-Panos est restée debout pendant une heure en raison de la douleur extrême qu'elle ressentait. Sur le segment Toronto-Ottawa du voyage, on lui a offert un siège disponible en classe affaires sans frais additionnels.

[13] Le lendemain, la douleur était terrible et a obligé Mme McKay-Panos à rester au lit pendant quelques heures. De ce fait, le 22 août, c'est-à-dire deux jours avant son voyage de retour vers Calgary, elle a demandé à Air Canada de changer son siège pour les vols de retour. Elle a été informée que ce ne serait pas possible, que les deux vols avaient été surréservés, mais qu'elle pourrait acheter un siège en classe affaires pour le segment Toronto-Calgary à raison d'un supplément de 972 $. On lui a également offert, à l'arrivée du vol à Toronto, de demander un arrangement particulier pour le reste du voyage vers Calgary.

[14] Le 24 août, Mme McKay-Panos est arrivée tôt à l'aéroport d'Ottawa, mais elle n'a pas réussi à faire changer son siège. À Toronto, elle a demandé une réattribution de siège pour le reste du voyage, mais l'agent, qui d'après Mme McKay-Panos a été impoli, méprisant et cruel tout au long de la conversation, a refusé de déplacer Mme McKay-Panos dans la classe affaires sans frais supplémentaires, ajoutant que ce serait contraire à la politique d'Air Canada. Par conséquent, Mme McKay-Panos a dû acheter un billet en classe affaires pour le segment Toronto-Calgary de son voyage pour la somme additionnelle de 972 $.

[15] Mme McKay-Panos prétend avoir été victime de stéréotype et de discrimination, et avoir été traitée de manière impolie et empreinte de jugement. Elle est d'avis qu'en raison de son obésité, elle n'a pas été traitée avec dignité, elle a éprouvé de la douleur physique et elle a été humiliée et embarrassée. Par conséquent, Mme McKay-Panos demande des excuses. Elle suggère également qu'Air Canada offre d'autres possibilités de sièges aux passagers obèses, et ce, à un prix raisonnable. Elle suggère également que des plateaux portatifs soient disponibles pour les passagers qui ne peuvent se servir des tablettes abattables ou dissimulées dans les accoudoirs.

[16] Air Canada indique qu'au moment du voyage de Mme McKay-Panos, sa politique en ce qui concerne les personnes ayant besoin de plus d'espace assis était d'offrir à celles-ci d'acheter un deuxième siège à 50 pour cent du prix régulier pour adulte ou à 100 pour cent du tarif excursion applicable. Par ailleurs, l'achat d'un seul siège dans la classe affaires pouvait suffire ou l'utilisation de deux sièges pour le prix d'un, là où faire se peut et de façon ponctuelle.

[17] En réponse à la plainte de Mme McKay-Panos, Air Canada lui a présenté ses excuses, a offert de lui rembourser la somme de 972 $ pour l'achat du billet en classe affaires, a revu son système informatisé de réservation (SIR) dans le contexte de l'assistance apportée aux personnes obèses et a diffusé une directive portant sur l'attribution appropriée de sièges aux passagers ayant besoin de plus d'espace assis en raison de leur taille. Air Canada a également déclaré qu'elle allait regrouper et clarifier les renseignements concernant les dimensions des sièges dans la nouvelle documentation du SIR et qu'elle ajouterait dans son programme de formation des précisions concernant les passagers ayant besoin de plus d'espace assis.

[18] Le transporteur indique que l'agent qui a aidé Mme McKay-Panos au moment des réservations lui a attribué les sièges près cloison à bord de tous les vols parce qu'elle croyait qu'il s'agissait là des sièges les plus appropriés pour Mme McKay-Panos. Les convictions de l'agent étaient fondées sur une directive afférente au SIR qui donne comme consigne aux agents d'attribuer les sièges près cloison aux passagers qui ont besoin de deux sièges.

[19] L'examen par Air Canada de son SIR et des renseignements remis aux clients obèses a révélé que, bien que l'attribution des sièges près cloison aux personnes ayant besoin d'un autre siège pour transporter un objet fragile comme un instrument de musique soit approprié, il ne va pas de même lorsqu'un second siège est requis en raison de la taille du passager. Dans le but d'éviter que l'incident ne se répète, Air Canada a émis une directive qui précise que les sièges près cloison ne sont pas appropriés pour les personnes obèses et elle en a informé l'agent ayant attribué à Mme McKay-Panos les sièges près cloison. Le transporteur a également modifié son programme actuel de formation continue sur la sensibilité à bord de manière à préciser que les sièges près cloison ne sont pas le meilleur choix pour les passagers obèses en raison du fait que les accoudoirs sont fixes et qu'ils contiennent la tablette, et de manière à ajouter une directive s'adressant au personnel navigant lui indiquant d'offrir aux passagers assis dans un siège près cloison un autre siège, de préférence avec un siège adjacent vide.

[20] Selon les discussions tenues entre le transporteur et l'équipage du vol Calgary-Ottawa du 21 août, Air Canada indique que le facteur de capacité élevé de 98,5 pour cent peut avoir contribué au fait que le personnel navigant n'a pas offert un autre siège à Mme McKay-Panos. En outre, Air Canada a discuté avec son employé du service à la clientèle de Toronto qui a vendu à Mme McKay-Panos le siège en classe affaires pour le voyage de retour de Calgary. L'agent a indiqué que, bien que le vol était complet et que plusieurs clients attendaient la possibilité de surclasser leur billet en classe affaires, la priorité a été accordée à Mme McKay-Panos.

[21] Le transporteur fait valoir que l'utilisation de plateaux portatifs, comme le suggérait Mme McKay-Panos, représenterait un risque d'accident.

[22] Dans sa réponse, Mme McKay-Panos s'est dite satisfaite des excuses présentées par Air Canada, de son offre de remboursement et de sa révision du SIR, mais elle conteste la question du traitement que lui a réservé le personnel d'Air Canada à Toronto et la version d'Air Canada de cet échange. Air Canada n'a pas répliqué à la réponse de Mme McKay-Panos. Cependant, au cours de la deuxième ronde de plaidoiries présentées par les parties quatre ans plus tard, Air Canada affirme ne pas admettre que Mme McKay-Panos ait été traitée de manière impolie et avec cruauté et refuse d'admettre tout élément de preuve démontrant que le présumé mauvais traitement réservé à Mme McKay-Panos ait été intentionnel en raison de son obésité ou que Mme McKay-Panos ait été l'objet de railleries. Air Canada n'a pas déposé de déclarations de témoins ni de preuves justificatives à cet égard.

ANALYSES ET CONSTATATIONS

[23] Pour en arriver à ses constatations, l'Office a tenu compte de tous les éléments de preuve soumis par les parties au cours des plaidoiries.

[24] Le mandat que confère la partie V de la LTC à l'Office consiste à veiller à l'élimination des obstacles abusifs que les personnes ayant une déficience rencontrent lorsqu'elles se déplacent dans le réseau de transport de compétence fédérale. Pour déterminer s'il existe un obstacle abusif aux possibilités de déplacement des personnes ayant une déficience, l'Office doit d'abord déterminer si les possibilités de déplacement de la personne ont été restreintes ou limitées par un obstacle. Le cas échéant, l'Office doit alors décider si l'obstacle était abusif.

Démarche de l'Office pour conclure en la présence ou non d'un obstacle

[25] Le mot « obstacle » n'est pas défini dans la LTC, mais il se prête à une interprétation libérale, car il s'entend généralement de ce qui s'oppose au passage ou à l'obtention d'un résultat ou qui gêne le mouvement. Par exemple, les difficultés ou les obstacles aux possibilités de déplacement des personnes ayant une déficience peuvent survenir dans les installations des fournisseurs de services de transport; ou découler de la conception du matériel ou de l'application de politiques, de procédures ou de pratiques; ou résulter du fait que les fournisseurs de services de transport ne se conforment pas à ces dernières, ou encore qu'ils n'ont pas su prendre des mesures positives afin d'assurer leur respect.

[26] Lorsqu'il se penche sur la question de savoir si une situation a constitué ou non un « obstacle » aux possibilités de déplacement d'une personne ayant une déficience, l'Office examine généralement l'incident relaté dans la demande afin de déterminer si la personne qui l'a présentée a établi à première vue :

  • qu'un obstacle aux possibilités de déplacement d'une personne ayant une déficience a été le résultat d'une distinction, d'une exclusion ou d'une préférence;
  • que l'obstacle était lié à la déficience de cette personne;
  • que l'obstacle est discriminatoire du fait qu'il a imposé un fardeau à la personne ou l'a privée d'un avantage.

Démarche de l'Office pour déterminer si l'obstacle est abusif

[27] Si l'Office conclut qu'un élément du réseau de transport fédéral constitue un obstacle pour certaines personnes ayant une déficience, il doit par la suite déterminer si celui-ci est abusif, car ce n'est qu'à la suite d'une décision affirmative en ce sens qu'il peut enjoindre au fournisseur du service de transport de prendre les mesures qui s'imposent pour corriger la situation.

[28] Ainsi, dès que le demandeur établit dans sa demande qu'il y a obstacle aux possibilités de déplacement d'une personne ayant une déficience dans le réseau de transport fédéral, le fardeau de la preuve est déplacé vers le fournisseur du service de transport visé qui doit démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que l'obstacle n'est pas abusif.

[29] Le fournisseur du service de transport doit démontrer que des efforts d'accommodement raisonnable ont été déployés. Dans chaque cas, l'accommodement raisonnable varie dans une certaine mesure selon les circonstances et dépend d'un équilibre entre les intérêts des personnes ayant une déficience et ceux des fournisseurs de services.

[30] Dans chaque cas, l'accommodement raisonnable se traduira par la solution la plus convenable qui respecte la dignité de la personne, répond à ses besoins et promeut l'indépendance, l'intégration et la pleine participation des personnes ayant une déficience dans le réseau de transport fédéral et qui n'impose pas de contrainte excessive au fournisseur du service de transport.

[31] Afin d'établir qu'il est soumis à une contrainte excessive, le fournisseur du service de transport doit démontrer qu'il a considéré et déterminé qu'il n'y avait aucune autre solution pouvant mieux répondre aux besoins d'une personne ayant une déficience qui se trouve en présence d'un obstacle et qu'en raison de ces contraintes il serait déraisonnable, peu pratique, voire impossible, d'éliminer l'obstacle.

[32] Il est impossible d'établir une liste exhaustive des obstacles qu'un passager ayant une déficience peut rencontrer et des contraintes auxquelles les fournisseurs de services de transport sont soumis dans leurs efforts pour répondre aux besoins des personnes ayant une déficience. Un équilibre doit cependant être établi entre les diverses responsabilités de ces fournisseurs de services et le droit des personnes ayant une déficience de voyager sans rencontrer d'obstacle. C'est dans la recherche de cet équilibre que l'Office applique les concepts de caractère abusif et de contrainte excessive.

Le cas présent

Le traitement réservé à Mme McKay-Panos par le personnel d'Air Canada a-t-il constitué un obstacle à ses possibilités de déplacement?

[33] Mme McKay-Panos a décrit son voyage avec Air Canada comme ayant été une expérience humiliante et embarrassante, au cours de laquelle elle n'a pas été traitée avec dignité. Mme McKay-Panos fait valoir que l'agent de réservation d'Air Canada n'était pas sympathique, qu'elle a fait des observations non justifiées et qu'elle a ri lorsque Mme McKay-Panos lui a décrit sa situation au moment des réservations; que les agents de bord l'ont heurtée à plusieurs reprises sans s'excuser avec les chariots de service au cours du vol Calgary-Toronto; que malgré le fait qu'elle ait été en larmes et qu'elle souffrait, aucun agent de bord ne s'est préoccupé de son état ni ne lui a demandé comment elle se sentait; et, à Toronto, lors du vol de retour, Mme McKay-Panos a dû traiter avec une employée impolie et antipathique lorsqu'elle a demandé de changer de siège pour la portion Toronto-Calgary du voyage.

[34] En outre, au cours de la deuxième ronde de plaidoiries déposées par les parties quatre ans plus tard, Mme McKay-Panos a fait ressortir que le traitement que lui avait réservé le personnel d'Air Canada n'était pas un incident isolé, qu'il s'agissait d'un incident parmi une suite d'incidents qui se sont déroulés au téléphone et en personne, et à des dates différentes.

[35] Dans sa réponse à la plainte de Mme McKay-Panos, Air Canada indique avoir communiqué avec l'agent de réservation qui s'est occupée des réservations de vols de Mme McKay-Panos, avec l'équipage de bord du vol de retour et avec l'employé du service à la clientèle de Toronto qui lui a vendu le billet en classe affaires. Aucune indication ne vient corroborer le fait que le personnel d'Air Canada a réfuté les allégations de Mme McKay-Panos; on a plutôt suggéré des justifications aux événements. Bien qu'Air Canada n'ait pas traité la question de l'embarras, de l'humiliation et du manque de dignité perçus par Mme McKay-Panos, le transporteur lui a offert ses excuses en ce qui a trait à ce qu'elle a vécu lors de ses déplacements.

[36] Dans son mémoire déposé quatre ans plus tard et portant sur le sujet de déficience, Air Canada a réfuté que Mme McKay-Panos avait été traitée de manière impolie et cruelle, qu'il existait des preuves permettant de démontrer qu'on avait réservé à Mme McKay-Panos un mauvais traitement en raison de son obésité et que Mme McKay-Panos avait fait l'objet de railleries.

[37] L'Office a examiné les éléments de preuve au dossier et conclut qu'aucun élément de preuve présenté par Air Canada ne vient appuyer sa position ou réfuter la version des faits de Mme McKay-Panos. Bien qu'Air Canada ait répondu à la plainte de Mme McKay-Panos à deux occasions après le dépôt de cette plainte en 1997, en aucun temps Air Canada n'a soulevé le traitement réservé à Mme McKay-Panos. Le transporteur n'a présenté aucune déclaration de témoin de la part de son personnel, ni n'a présenté de rapport d'incident qui aurait pu établir les détails de l'incident. Air Canada a par la suite réfuté l'existence d'un comportement inapproprié, sans toutefois offrir d'explication ou de preuve de fond pouvant réfuter les allégations de Mme McKay-Panos, malgré qu'elle ait assuré à plusieurs reprises avoir discuté de l'affaire avec les employés directement touchés. L'Office est donc d'avis que, en vertu de la prépondérance des probabilités, les éléments de preuve au dossier appuient la constatations des faits en faveur de la version des événements de Mmeang3084 McKay-Panos.

[38] L'Office note qu'au cours du vol Calgary-Toronto, Mme McKay-Panos a dû prendre place dans un siège totalement inapproprié pour sa taille, lui occasionnant de la douleur physique, de l'humiliation et de l'embarras. L'incapacité de l'équipage de l'aéronef de lui fournir un siège plus approprié n'a fait qu'exacerber la situation, tout comme le fait que les agents de bord ne cessaient de heurter Mme McKay-Panos avec les chariots de service. Mme McKay-Panos a déclaré avoir été en larmes, avoir été obligée de rester debout pendant l'heure qu'a duré l'escale à Toronto et avoir été incapable de bouger pendant quelques heures le lendemain. Avant le retour vers Calgary, Mme McKay-Panos n'a reçu aucune assurance de la part d'Air Canada que l'expérience ne se répéterait pas. Elle a été traitée de manière impolie par l'agent d'embarquement à Toronto et elle a dû payer des frais supplémentaires de 972 $ pour changer le siège qu'elle avait déjà acheté selon les recommandations du personnel d'Air Canada, pour une place en classe affaires, malgré le fait qu'elle avait déjà mentionné cette possibilité au moment des réservations. Par conséquent, Mme McKay-Panos a vécu du stress et l'incertitude par rapport à ses déplacement ultérieurs, puisqu'elle ne savait pas si on pourrait répondre à ses besoins avec dignité sans l'humilier et l'embarrasser encore une fois.

[39] Compte tenu des éléments précédents, l'Office conclut que le traitement réservé à Mme McKay-Panos par le personnel d'Air Canada a constitué un obstacle à ses possibilités de déplacement.

Le traitement réservé à Mme McKay-Panos par le personnel d'Air Canada a-t-il constitué un obstacle abusif à ses possibilités de déplacement?

[40] Ayant conclu que la manière dont le personnel d'Air Canada a traité Mme McKay-Panos a constitué un obstacle à ses possibilités de déplacement, l'Office doit maintenant déterminer si cet obstacle était abusif.

[41] L'Office est d'avis qu'une attitude impolie et qu'un manque de sensibilité – qui ne sont ni des objectifs ni des politiques d'un transporteur, mais représentent plutôt une non-conformité avec ceux-ci – ne peuvent être traités adéquatement par le biais de l'application du critère de contrainte excessive parce que l'accommodement approprié requis n'est pas l'adoption ni la création d'une politique pouvant soulever la question de contrainte, mais plutôt l'amélioration des moyens permettant de se conformer aux politiques actuelles, comme la clarification, l'adaptation et l'ajustement des politiques, des procédures et de la formation et ainsi compléter ce qui existe déjà.

[42] L'importance de la formation comme moyen d'assurer un traitement approprié et d'éliminer les obstacles abusifs dans le réseau de transport fédéral a été reconnue depuis longtemps par l'Office comme le démontre, par exemple, le Règlement sur la formation du personnel en matière d'aide aux personnes ayant une déficience, DORS/94-42 (le Règlement sur la formation). La section 4 du Règlement sur la formation prévoit qu'une formation sur les politiques et les procédures d'un transporteur aérien en ce qui concerne les personnes ayant une déficience doit être offerte aux employés et aux entrepreneurs qui offrent des services connexes au transport, qui interagissent avec le public ou qui prennent des décisions touchant le transport de personnes ayant une déficience de manière à veiller à ce qu'ils soient sensibilisés aux besoins particuliers des personnes ayant une déficience et qu'ils connaissent ces besoins pour pouvoir offrir un niveau de service convenable à ces voyageurs.

[43] Le personnel doit également recevoir une formation générale de sensibilisation de manière à pouvoir déterminer les besoins des passagers ayant une déficience et y répondre de façon appropriée. Par exemple, le Règlement sur la formation prévoit que les employés doivent recevoir un niveau de formation approprié aux exigences de leurs fonctions, y compris les politiques et les procédures du transporteur ou de l'exploitant de terminal, les besoins des personnes ayant une déficience les plus susceptibles d'avoir des besoins supplémentaires et la capacité de prévoir ces besoins, les responsabilités du transporteur ou de l'exploitant de terminal afférentes à ces personnes, notamment le niveau d'assistance et les méthodes de communication, et les compétences essentielles pour offrir de l'assistance aux personnes ayant une déficience.

[44] Adéquatement formé, le personnel du transporteur devrait posséder le niveau de sensibilisation approprié et les connaissances nécessaires des besoins particuliers d'une personne ayant une déficience, que ce soit à la suite de connaissances acquises par la formation ou par un dialogue avec le passager en question. L'Office se préoccupe des cas où le comportement du personnel ne reflète pas les pratiques et les politiques établies d'un transporteur en matière de services offerts aux personnes ayant une déficience ou des cas où le personnel ne semble pas connaître ces pratiques et politiques malgré la formation reçue.

[45] Air Canada a mis en place des politiques relativement aux services offerts à tous les passagers, y compris les passagers ayant une déficience. Il va sans dire que la courtoisie et le respect sont le fondement de ces politiques. En outre, comme l'exige le Règlement sur la formation, Air Canada a adopté une formation particulière à la sensibilisation en ce qui concerne les passagers ayant une déficience de manière à ce que ces passagers soient traités avec la même courtoisie et le même respect que les autres passagers.

[46] L'Office est d'avis que rien ne peut justifier le mauvais traitement réservé à Mme McKay-Panos par le personnel d'Air Canada, sans égard au fait qu'il ait su ou non qu'elle était une personne ayant une déficience. Il importe de noter que l'impolitesse et le traitement irrespectueux qu'on a réservé à Mme McKay-Panos n'est pas un incident isolé ne touchant qu'un employé ou un groupe d'employés, mais bien divers membres du personnel au cours d'une période et lors d'étapes différentes de son voyage.

[47] L'Office conclut donc que les difficultés éprouvées par Mme McKay-Panos sont un repère indicatif des conséquences liées à l'incapacité du personnel d'Air Canada de respecter les politiques et les procédures. Étant donné qu'Air Canada a des programmes de formation en place, l'Office estime que le transporteur aurait dû s'attendre à ce que son personnel offre les services conformes à cette formation et interagisse avec les personnes ayant une déficience d'une manière conforme à cette formation – c'est-à-dire avec respect et dignité – et même s'en assurer.

[48] Comme Air Canada a déjà des programmes de formation en place pour son personnel relativement à l'interaction avec les personnes ayant une déficience, et comme Mme McKay-Panos a été déterminée comme étant une personne ayant une déficience en raison de son obésité, l'ajout d'un volet dans le programme de formation d'Air Canada relativement aux personnes ayant une déficience en raison de leur obésité devrait améliorer la manière dont le personnel d'Air Canada interagira avec ces personnes et les services qu'il leur offrira.

[49] Compte tenu de ce qui précède, l'Office conclut que le traitement réservé à Mme McKay-Panos par le personnel d'Air Canada a constitué un obstacle abusif à ses possibilités de déplacement.

MESURES CORRECTIVES

[50] Subséquemment à la publication de la décision no 6-AT-A-2008, Air Canada est actuellement en cours de modification ou d'élaboration de politiques ordonnées dans ladite décision relativement à l'espace assis supplémentaire pour, notamment, les personnes ayant une déficience en raison de leur obésité. L'Office enjoint à Air Canada de veiller, si ce n'est déjà fait, à ce que son programme de formation et le matériel connexe comprennent les renseignements touchant les services offerts aux clients ayant une déficience en raison de l'obésité et l'interaction avec ceux-ci. Ces renseignements devraient clairement démontrer que l'obésité peut être une déficience et qu'elle peut nécessiter un accommodement particulier dans le même esprit que les passagers ayant une autre déficience peuvent nécessiter un accommodement particulier pour satisfaire leurs besoins. En dernier lieu, les renseignements relatifs à la formation doivent toucher les aspects tels que la sensibilisation à l'importance de traiter avec dignité les passagers ayant une déficience en raison de leur obésité.

Membres

  • Geoffrey C. Hare
  • J. Mark MacKeigan
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