Décision n° 63-AT-A-2008
le 15 février 2008
DEMANDE déposée par Linda McKay-Panos pour l'adjudication des frais.
Référence no U 3570-14/04-1
DEMANDE
[1] Le 16 janvier 2008, Linda McKay-Panos a déposé des mémoires auprès de l'Office des transports du Canada (l'Office) en vertu de l'article 25.1 de la Loi sur les transports au Canada, L.C. (1996), ch. 10, modifiée (LTC) à l'appui de sa demande d'adjudication des frais liés à sa participation en tant qu'intervenante lors d'une instance devant l'Office.
CONTEXTE
[2] En 2002, le regretté Eric Norman, Joanne Neubauer et le Conseil des Canadiens avec déficiences (les demandeurs) ont déposé une demande contre Air Canada, la Société en commandite Jazz Air, représentée par son commandité, Commandité Gestion Jazz Air inc. exerçant son activité sous le nom d'Air Canada Jazz, et WestJet (les transporteurs en cause), au sujet des tarifs que ces transporteurs imposent aux personnes ayant une déficience qui ont besoin d'un siège additionnel en raison de leur déficience lorsqu'elles utilisent leurs services aérien intérieurs, et aussi contre l'Administration de l'aéroport international de Gander (AAIG) et l'Association du transport aérien du Canada (ATAC), au sujet des frais d'améliorations aéroportuaires exigés à l'aéroport international de Gander (le cas AFC).
[3] La demande a soulevé des questions complexes, et les plaidoiries ont été exceptionnellement longues. Des preuves d'experts détaillées ont été déposées, et l'Office a tenu une audience en deux étapes. La première étape a eu lieu en 2005, et la seconde étape en novembre 2006.
[4] Le 13 janvier 2006, la Cour d'appel fédérale a rendu sa décision au sujet de l'appel interjeté par Mme McKay-Panos de la décision de l'Office no 567-AT-A-2002 du 23 octobre 2002, relativement aux sièges que lui a fournis Air Canada et à la politique de ce transporteur qui consiste à imposer des frais supplémentaires aux passagers qui ont besoin d'un siège additionnel en raison de leur obésité, dans l'affaire Linda McKay-Panos c. Air Canada et Office des transports du Canada [2006] CFA 8 (l'affaire McKay-Panos c. Air Canada).
[5] La Cour d'appel fédérale a déterminé que Mme McKay-Panos est une personne ayant une déficience aux termes de la partie V de la LTC, du fait qu'elle ne pouvait prendre place dans son siège à bord de l'avion en raison de son obésité. La Cour a renvoyé l'affaire à l'Office pour que ce dernier décide si elle a rencontré un obstacle abusif à ses possibilités de déplacement. L'Office a déterminé qu'en raison du stade avancé du cas AFC et de la question similaire soulevée dans la demande de Mme McKay-Panos adressée à l'Office, la demande de Mme McKay-Panos serait suspendue en attendant la fin de l'enquête de l'Office dans le cas AFC. L'Office a également avisé Mme McKay-Panos de l'échéance pour déposer une demande visant les droits de participation si elle souhaitait intervenir dans le cas AFC.
[6] Le 11 mai 2006, Mme McKay-Panos a demandé le statut d'intervenante et des droits de participations dans le cas AFC, pour lequel elle se réservait le droit d'exiger une adjudication des frais relatifs à son intervention. L'Office a accordé à Mme McKay-Panos des droits de participation à la seconde étape de l'audience avec le statut d'intervenante, son intervention étant limitée aux questions d'obésité. Mme McKay-Panos a participé à la seconde étape de l'audience et aux plaidoiries écrites subséquentes en raison d'une question qui a été soulevée lors des plaidoiries.
[7] À la suite de cette enquête, l'Office a publié la décision no 6-AT-A-2008 (la Décision) le 10 janvier 2008, dans laquelle il a conclu que la politique des frais d'améliorations aéroportuaires d'AAIG et les politiques tarifaires des transporteurs en cause relatives aux services aériens intérieurs ont constitué des obstacles abusifs aux personnes qui ont besoin d'un siège additionnel en raison de leur déficience lorsqu'elles voyagent par avion. L'Office a enjoint à AAIG et aux transporteurs en cause de modifier leurs politiques et procédures actuelles de façon à instituer un régime « une personne, un tarif » par la mise en œuvre de diverses mesures correctives systémiques.
QUESTION
[8] L'Office devrait-il adjuger les frais à Mme McKay-Panos pour sa participation en tant qu'intervenante lors des plaidoiries relatives au cas AFC.
ANALYSE ET CONSTATATIONS
[9] En vertu de l'article 25.1 de la LTC, l'Office peut adjuger des frais.
[10] Les transporteurs en cause affirment que dans la Décision, il n'était pas demandé à Mme McKay-Panos de soumettre des mémoires au sujet des frais. Toutefois, cela ne devrait pas être interprété comme une décision par l'Office selon laquelle Mme McKay-Panos n'a pas droit à une adjudication de frais. Comme il est indiqué plus haut, Mme McKay-Panos a réservé le droit de demander une adjudication de frais dans sa demande de statut d'intervenante et l'Office n'a jamais déterminé qu'elle n'y avait pas droit.
[11] Les transporteurs en cause font valoir que l'intervention de Mme McKay-Panos n'était pas nécessaire dans les plaidoiries relatives à l'instance AFC puisque Mme McKay-Panos avait déjà abordé la question de l'obésité dans les plaidoiries relatives à d'autres instances devant l'Office. Ce dernier est en désaccord avec les transporteurs en cause et estime que Mme McKay-Panos s'est vu accorder le statut d'intervenante dans le cas AFC à la suite de la délivrance de la décision de la Cour d'appel fédérale. Par suite de cette décision, l'Office a inclus dans l'instance AFC les personnes ayant une déficience en raison de leur obésité. L'Office lui a accordé des droits de participation dans le cas AFC puisqu'il était important pour lui d'étudier les questions spécifiques aux personnes ayant une déficience en raison de leur obésité dans son examen du cas AFC.
[12] L'Office est aussi en désaccord avec les transporteurs en cause lorsqu'ils affirment que l'Office doit appliquer ce qu'ils décrivent comme « la règle habituelle en matière de litige d'intérêt public selon laquelle les intervenants n'ont pas droit aux frais et ne devraient pas les payer ». L'Office a le pouvoir discrétionnaire d'allouer les frais et, par le passé, s'est basé sur un ensemble de principes généraux pour déterminer l'adjudication des frais, y compris si la partie qui demande l'adjudication des frais :
- a un intérêt appréciable dans l'instance;
- a participé à l'instance de manière responsable;
- a apporté une contribution importante et utile à l'instance;
- a contribué à mieux faire comprendre les questions à l'étude par toutes les parties devant l'Office.
[13] De plus, l'Office peut considérer d'autres facteurs, comme l'importance et la complexité des questions, la quantité de travail, les résultats de l'instance, et si « l'intérêt public » que soulèvent les plaidoiries justifie une adjudication des frais. L'Office estime aussi que l'adjudication des frais est parfois justifiée afin d'encourager la participation active aux plaidoiries devant l'Office.
[14] L'Office estime qu'il est approprié d'appliquer ces principes dans le cas présent.
Mme McKay-Panos a-t-elle un intérêt appréciable dans l'instance?
[15] Le fait que Mme McKay-Panos soit grandement intéressée par le cas AFC est évident.
[16] Deux groupes cibles précis de personnes ayant une déficience étaient touchés par la question étudiée dans le cas AFC : les personnes ayant des déficiences plus graves qui doivent, en vertu des tarifs intérieurs des transporteurs en cause, voyager avec un Accompagnateur, et les personnes qui ont besoin d'un siège additionnel pour elles-mêmes, y compris les personnes ayant une déficience en raison de leur obésité. Comme il est susmentionné, la Cour d'appel fédérale a déterminé que Mme McKay-Panos avait une déficience en raison de l'obésité, parce qu'elle ne pouvait prendre place dans son siège à bord de l'aéronef d'Air Canada, mais a laissé l'Office le soin de déterminer si elle avait rencontré un obstacle abusif à ses possibilités de déplacement. L'un des obstacles soulevés par Mme McKay-Panos était que la politique tarifaire d'Air Canada lui imposait un tarif plus élevé pour son transport que celui imposé aux autres passagers; ce même obstacle a été soulevé par les demandeurs dans le cas AFC. Voilà pourquoi l'Office a accordé à Mme McKay-Panos des droits de participation lors des plaidoiries relatives au cas AFC.
Mme McKay-Panos a-t-elle participé à l'instance de manière responsable?
[17] Dans sa directive procédurale et sa directive procédurale supplémentaire publiées le 5 juillet 2006, l'Office a limité le droit de participation de Mme McKay-Panos à la seconde étape de l'audience pour la présentation de preuve, le contre-interrogatoire des témoins opposés à son intérêt et la présentation de mémoires oraux et écrits, limitée à la question de l'obésité relative aux tarifs aériens imposés pour les sièges additionnels dont ont besoin les personnes ayant une déficience qui utilisent les services aériens intérieurs. Mme McKay-Panos a engagé un avocat et un expert qui était en mesure de fournir des preuves afférentes à la question d'obésité. L'Office estime que la participation de Mme McKay-Panos à l'instance AFC était conforme à ces conditions et que sa participation, y compris les preuves qu'elle a soumises, n'ont pas entraîné de chevauchement pour ce qui est des questions traitées et de la preuve soumise par les demandeurs.
[18] De plus, l'Office note que Mme McKay-Panos a engagé un expert capable de fournir des preuves pertinentes au sujet de la question de l'obésité en ce qui concerne le cas AFC et a déposé un rapport d'expert avant l'échéance, relativement courte, prescrite qui avait déjà été fixée dans les plaidoiries.
[19] L'Office estime que Mme McKay-Panos a participé à l'instance AFC d'une manière responsable.
Mme McKay-Panos a-t-elle apporté une contribution importante et utile à l'instance?
[20] L'expert de Mme McKay-Panos a déposé une preuve qui n'a pas été présentée par les experts en obésité engagés par l'Office et les transporteurs en cause sur la question de la « capacité de prendre place » versus le « confort » relativement à l'utilisation d'un siège d'avion par un passager obèse. Cette preuve a été utile afin de déterminer quelle proportion de la population des personnes obèses a une déficience aux fins de la question soulevée dans le cas AFC. L'expert de Mme McKay-Panos a aussi fourni des preuves utiles sur les facteurs démographiques ayant un impact sur la propension à voyager par avion des personnes ayant une déficience en raison de leur obésité.
[21] Par conséquent, l'Office estime que Mme McKay-Panos a apporté une contribution importante et utile à l'instance AFC.
La participation de Mme McKay-Panos a-t-elle contribué à mieux faire comprendre les questions à l'étude par toutes les parties devant l'Office?
[22] Les transporteurs en cause font valoir que la question de l'obésité avait déjà été traitée par Mme McKay-Panos et réglée par la Cour d'appel fédérale dans la décision rendue sur l'affaire McKay-Panos c. Air Canada. Toutefois, l'Office est d'accord avec la position de Mme McKay-Panos selon qui cette instance était limitée à la question préliminaire de savoir si elle avait une déficience en raison de son obésité. La Cour d'appel fédérale n'a fourni aucun conseil sur la façon de déterminer si une personne a une déficience en raison de son obésité et sur la question connexe du nombre de personnes susceptibles de tirer avantage de telles décisions. Cette question a été étudiée par l'Office au moyen du témoignage de l'expert de Mme McKay-Panos.
[23] Les transporteurs en cause affirment aussi que les intérêts des personnes ayant une déficience en raison de leur obésité étaient déjà traités par le Conseil des Canadiens avec déficiences (CCD). Cependant, encore une fois, l'Office est d'accord avec l'argument de Mme McKay-Panos selon qui même si sa position et celle du CCD sont complémentaires, la preuve et les mémoires fournis à l'Office par Mme McKay-Panos étaient plus précis et directs. Le CCD a présenté très peu de preuves, surtout à la seconde étape de l'audience sur la question de l'obésité.
[24] Enfin, même si l'Office a entendu le témoignage des demandeurs lors de la première étape de l'audience au sujet des circonstances personnelles et des expériences de voyage, aucun témoignage similaire n'a été entendu au sujet de l'obésité et, en particulier, sur l'impact négatif des mesures d'accommodement ponctuelles offertes par les transporteurs en cause aux personnes ayant une déficience en raison de leur obésité. Ce point de vue a été fourni grâce à la participation de Mme McKay-Panos en tant qu'intervenante lors de la seconde étape de l'audience.
[25] À la lumière de ce qui précède, l'Office estime que la participation de Mme McKay-Panos a clairement contribué à mieux faire comprendre les questions à l'étude par toutes les parties à l'instance AFC.
[26] De plus, l'Office prend note des facteurs supplémentaires suivants soumis par l'avocat de Mme McKay-Panos à l'appui de sa demande d'adjudication des frais :
- Il ne s'agit pas d'une affaire privée entre deux ou trois parties;
- Les mesures correctives qui découlent de la présente instance profiteront à la collectivité entière, et à la communauté des personnes ayant une déficience en particulier;
- Il ne s'agit pas d'une affaire commerciale où Mme McKay-Panos pourrait tirer des gains financiers des mesures correctives qui ont été ordonnées par l'Office;
- Il a fallu beaucoup de temps et d'efforts de la part de Mme McKay-Panos afin de poursuivre cette affaire devant l'Office en raison de la portée des questions soulevées et la nature de l'enquête effectuée par l'Office dans ce dossier;
- Les efforts de Mme McKay-Panos ont garanti que les questions de transport accessible ont progressé;
- Mme McKay-Panos a très bien réussi en ce qui a trait à son recours grâce à cette instance, même s'il est reconnu que la décision de son cas particulier n'a pas encore été prise.
[27] L'Office accepte tout ce qui précède et estime que la participation de Mme McKay-Panos à son enquête dans le cas AFC a contribué à améliorer l'accessibilité du transport aérien au Canada pour les personnes ayant une déficience qui ont besoin d'un siège additionnel en raison de leur déficience. L'affaire à l'étude en était une très importante et de longue date pour la communauté des personnes ayant une déficience et non négligeable sur le plan de l'intérêt public. L'Office reconnaît que Mme McKay-Panos a investi beaucoup de temps et d'efforts dans sa participation et reconnaît que cela n'a pas été fait afin d'obtenir des gains financiers personnels.
[28] Même si l'Office n'adjuge pas, habituellement, les frais dans les cas dont il est saisi, il a déterminé que dans le cas présent des frais devraient être alloués à Mme McKay-Panos pour sa participation à cette instance. L'Office estime qu'il y a lieu aussi de nommer un taxateur pour mener des plaidoiries afin de recueillir des renseignements sur la question du montant des frais à adjuger. À la fin des plaidoiries et sur réception de tous les documents nécessaires, le taxateur déterminera le montant qui devra être payé à Mme McKay-Panos. Les transporteurs en cause ont déjà déposé des mémoires relatifs au montant des frais à adjuger; ces mémoires seront fournis au taxateur aux fins d'étude.
[29] Même si AAIG est aussi un demandeur dans le cas AFC, l'Office estime qu'il serait inapproprié d'adjuger les frais contre cette partie, puisque l'intervention de Mme McKay-Panos concernait les politiques tarifaires des transporteurs en cause et non pas la politique d'AAIG consistant à imposer des frais d'améliorations aéroportuaires aux accompagnateurs.
CONCLUSION
[30] Compte tenu des constatations qui précèdent, l'Office adjuge à Mme McKay-Panos les frais découlant de sa participation en tant qu'intervenante dans l'enquête de l'Office du cas AFC. De plus, en vertu du paragraphe 25.1(3) de la LTC, l'Office nomme Beaton Tulk comme taxateur afin de déterminer quels frais doivent être taxés et alloués et devront être payés par les transporteurs en cause.
Membres
- Gilles Dufault
- Beaton Tulk
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