Détermination n° A-2020-122
DEMANDE présentée par Sunwing Airlines Inc. (Sunwing) en vertu du paragraphe 80(1) de la Loi sur les transports au Canada, LC 1996, c 10 (LTC), pour obtenir la prorogation des exemptions temporaires à l’application de certaines exigences du Règlement sur la protection des passagers aériens, DORS/2019-150 (RPPA).
DEMANDE présentée par Air Canada en vertu du paragraphe 80(1) de la LTC pour obtenir la prorogation des exemptions temporaires à l’application de certaines exigences du RPPA et une exemption à l’application d’exigences supplémentaires du RPPA.
CONTEXTE
[1] Comme la pandémie de COVID-19 a entraîné des changements rapides de plusieurs aspects du transport aérien intérieur et mondial depuis le mois de mars 2020, notamment l’imposition d’un éventail de restrictions concernant les voyages, l’émission de plusieurs avis aux voyageurs et la ruée subséquente de nombreux Canadiens voulant rentrer chez eux, l’Office a décidé d’exempter temporairement les transporteurs aériens de l’obligation du RPPA de réacheminer les passagers auprès de transporteurs concurrents, de modifier temporairement le moment où l’obligation d’un transporteur de verser des indemnités pour les inconvénients commence et de réduire temporairement le montant des indemnités qui sont dues. Conformément à ces exemptions, les transporteurs n’étaient tenus de verser des indemnités que s’ils avaient informé les passagers d’une perturbation moins de 72 heures à l’avance (délai modifié par rapport à 14 jours) et si le passager avait subi un retard de plus de 6 heures (délai modifié par rapport à 3 heures).
[2] Au départ, ces exemptions avaient été approuvées jusqu’au 30 avril 2020 dans la détermination no A-2020-42 et prorogées par la suite, puisque la crise perdurait, jusqu’au 30 juin 2020 dans la détermination no A-2020-47.
[3] Dans la détermination no A-2020-47, l’Office a également décidé d’accorder temporairement davantage de temps aux transporteurs pour donner suite aux demandes d’indemnisation pour inconvénients qui étaient en instance le 25 mars 2020 ou qui avaient été présentées entre le 25 mars 2020 et le 30 juin 2020. Au lieu de devoir donner suite dans les 30 jours suivant la présentation d’une demande, les transporteurs ont bénéficié d’un délai de 120 jours à partir de l’expiration de l’exemption, c’est-à-dire jusqu’au 28 octobre 2020.
CADRE LÉGISLATIF
[4] Le paragraphe 80(1) de la LTC autorise l’Office à agir comme suit :
L’Office peut, par arrêté assorti des conditions qu’il juge indiquées, soustraire quiconque à l’application de toute disposition de la partie II de la LTC ou de ses textes d’application s’il estime que l’intéressé, selon le cas :
- s’y est déjà, dans une large mesure, conformé;
- a pris des mesures équivalant à l’application effective de la disposition;
- se trouve dans une situation ne rendant ni nécessaire, ni même souhaitable ou commode, cette application.
PRÉSENTATION DE SUNWING
[5] Le 5 juin 2020, Sunwing a déposé une demande pour que la date d’expiration des exemptions accordées dans la détermination no A-2020-42 ainsi que dans la détermination no A-2020-47 soit reportée au 30 septembre 2020, date après laquelle Sunwing aurait 120 jours pour donner suite aux demandes d’indemnisation des passagers.
[6] Sunwing affirme que la situation des transporteurs aériens n’a pas beaucoup évolué depuis que les exemptions ont été accordées et que le respect des exigences du RPPA en cause est non seulement déconseillé, mais que cela serait également irréaliste.
PRÉSENTATION D’AIR CANADA
[7] Le 19 juin 2020, Air Canada a déposé une demande pour que la date d’expiration des exemptions du RPPA établie dans la détermination no A-2020-42 soit reportée au 31 décembre 2020. Air Canada n’a pas demandé à l’Office de proroger l’exemption accordée dans la détermination no A-2020-47 afférente au délai de réponse aux demandes d’indemnisation des passagers en vertu du RPPA.
[8] Air Canada a également demandé à l’Office d’accorder une nouvelle exemption de l’obligation de fournir une réservation confirmée sur un vol effectué par un transporteur avec lequel le transporteur d’origine a une entente commerciale, qui est énoncée aux sous-alinéas 17(1)a)(i) et 18(1)a)(i) du RPPA.
[9] Air Canada soutient que la prorogation et les nouvelles exemptions sont nécessaires parce que les transporteurs continuent d’être confrontés à des conditions difficiles, que l’incertitude entourant la demande de vols et les restrictions gouvernementales exigent que la planification des horaires des vols continue d’être fluide à court terme et, relativement aux réacheminements, qu’en ce qui a trait à la capacité des transporteurs de prévoir les services pouvant être fournis par d’autres transporteurs ou d’intervenir dans la prestation de ces services, elle est réduite.
ANALYSE
[10] Les dispositions du RPPA afférentes à l’indemnisation établissent un équilibre : elles permettent aux transporteurs de modifier les horaires de vol, notamment d’annuler et de regrouper les vols, pour des raisons commerciales tout en protégeant les passagers en imposant qu’ils soient indemnisés pour les inconvénients qu’ils subissent si ces changements sont apportés et communiqués 14 jours ou moins avant le départ d’un vol prévu. Cela réduit le risque que les passagers aient à faire face à des perturbations de vols peu avant leur date de départ en incitant les transporteurs à planifier les changements de l’horaire des vols pour des raisons commerciales suffisamment à l’avance pour éviter de devoir verser des indemnités pour les inconvénients qu’ils causent.
[11] Les ajustements temporaires que l’Office a apportés aux exigences en matière d’indemnisation prennent en compte que, bien qu’il soit peu probable que les perturbations des vols résultant des effets de la pandémie seraient entièrement attribuables aux transporteurs aériens (déclenchant ainsi l’obligation de verser des indemnités), les transporteurs avaient besoin de plus de certitude et de marge de manœuvre pour réviser rapidement les horaires des vols, compte tenu de la rapidité avec laquelle la situation évoluait et de l’urgente nécessité, pendant cette instabilité, de ramener les gens au Canada.
[12] De même, la suspension temporaire de l’obligation de réacheminer les passagers par l’entremise de transporteurs concurrents prenait en compte que les horaires de tous les transporteurs aériens évoluaient constamment et qu’il était plus probable que les efforts déployés pour remplir cette obligation soient une manœuvre de diversion plutôt qu’une source de secours pour les passagers, au moment où les transporteurs devaient précisément se consacrer à les ramener chez eux.
[13] Enfin, les délais impartis pour donner suite aux demandes d’indemnisation des passagers ont été temporairement assouplis afin que les transporteurs aériens puissent concentrer leurs efforts sur les exigences opérationnelles urgentes, comme le rapatriement des passagers coincés à l’étranger.
[14] Cependant, la situation a évolué. L’Office reconnaît que les transporteurs sont confrontés à de graves problèmes de liquidités et que la faiblesse et la fluidité continue du marché du transport aérien ont pour conséquence qu’il sera probable que les transporteurs doivent, au cours de la prochaine période, reporter et regrouper des vols plus souvent qu’ils en avaient l’habitude pendant la période avant la pandémie. Toutefois, les mesures temporaires énoncées dans la détermination no A-2020-42 ainsi que dans la détermination no A-2020-47 n’avaient pas pour objectif d’atténuer les pressions financières qui s’exerçaient sur les transporteurs, mais plutôt d’accroître leur capacité à composer avec les impératifs opérationnels – en particulier la nécessité de rapatrier des Canadiens se trouvant à l’étranger – dans des circonstances qui ont soudainement changé, du tout au tout, et à plusieurs reprises, à mesure que la crise prenait de l’ampleur.
[15] Sunwing et Air Canada n’ont pas fourni la preuve qu’elles sont confrontées aux mêmes genres d’impératifs opérationnels et de changements soudains et radicaux qui ont caractérisé les premières phases de la pandémie, et elles n’ont pas démontré pour quelles raisons, après plus de trois mois, il n’est pas possible d’adapter les opérations à de nouvelles réalités comme les mesures de précaution en matière de santé et de sécurité. Par ailleurs, l’exigence du RPPA donnant droit à une indemnisation ne sera pas déclenchée dans les cas où des vols sont perturbés par des causes indépendantes de la volonté des transporteurs, notamment de nouvelles restrictions concernant les voyages, même si ces perturbations surviennent peu de temps avant la date de départ, ni par des annulations faites par des passagers, mais elle sera déclenchée uniquement dans les situations où des vols sont perturbés pour des raisons entièrement attribuables aux transporteurs et qui ne sont pas nécessaires pour des raisons de sécurité, notamment la décision commerciale de regrouper des vols à faible coefficient d’occupation. Dans la situation actuelle, il est raisonnable de s’attendre à ce que les transporteurs prennent de telles décisions au moins 14 jours avant le départ de vols prévus, donnant ainsi aux passagers le préavis et la prévisibilité que le délai fixé dans le RPPA procure.
[16] Dans le même ordre d’idées, il convient que la disposition afférente aux réacheminements commence à être appliquée de nouveau, indépendamment du fait que, dans la pratique, la réduction du nombre de vols qui sont actuellement assurés par de nombreux transporteurs a pour effet que dans bien des situations, il y aura peu d’options de réacheminement, voire possiblement aucune.
[17] Pour ce qui est de la demande de Sunwing de proroger l’ajustement des délais pour répondre aux demandes d’indemnisation des passagers, Sunwing n’a pas démontré qu’elle a toujours besoin de mobiliser des ressources pour donner suite aux demandes opérationnelles urgentes, comme celles afférentes au rapatriement. À ce stade-ci, les transporteurs devraient donc être en mesure de revenir graduellement aux délais de réponse normaux fixés dans le RPPA. Ceci étant dit, le retour immédiat au délai de 30 jours pour donner suite aux demandes présentées aux transporteurs le 1er juillet 2020 ou après cette date serait peu souhaitable, car de nombreux transporteurs ont mis à pied du personnel en raison de la réduction du nombre de vols et des volumes de passagers, et parce qu’une telle mesure exigerait effectivement que les transporteurs donnent suite plus tôt à une demande d’indemnisation déposée entre le 1er juillet 2020 et le 29 septembre 2020 qu’à une demande qui était en attente le 25 mars 2020 ou qui avait été présentée entre le 25 mars 2020 et le 30 juin 2020.
CONCLUSION
[18] À la lumière de ce qui précède, l’Office juge qu’il convient de :
- rejeter la demande d’Air Canada d’être exemptée de l’application des exigences énoncées aux sous-alinéas 17(1)a)(i) et 18(1)a)(i) du RPPA;
- rejeter la demande de prorogation des exemptions ordonnées dans la détermination no A-2020-42 et la détermination no A-2020-47, sauf pour la période afférente au délai de réponse aux demandes d’indemnisation;
- ordonner, à cet égard, que, conformément au paragraphe 80(1) de la LTC, tous les transporteurs aériens soient exemptés de l’obligation énoncée au paragraphe 19(4) du RPPA de donner suite aux demandes d’indemnisation présentées entre le 1er juillet 2020 et le 29 septembre 2020, sous réserve que les transporteurs aériens donnent suite à ces demandes au plus tard le 28 octobre 2020.
[19] Les transporteurs sont néanmoins encouragés à traiter toutes les demandes dans le plus bref délai et dans l’ordre dans lequel elles sont présentées. À compter du 30 septembre 2020, le délai normal de 30 jours accordé pour donner suite aux demandes d’indemnisation en vertu du RPPA s’appliquera de nouveau.
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