Lettre-décision n° CONF-4-2016
VERSION ÉPURÉE
DEMANDE présentée par Richardson International Limited en vertu des articles 127 et 128 de la Loi sur les transports au Canada, L.C. (1996), ch. 10, modifiée concernant l’interconnexion du trafic entre la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada et BNSF Railway Company à Winnipeg (Manitoba).
INTRODUCTION
[1] Richardson International Limited (RIL) a déposé une demande auprès de l’Office des transports du Canada (Office) en vertu des articles 127 et 128 de la Loi sur les transports au Canada, L.C. (1996), ch. 10, modifiée (LTC), lui demandant d’ordonner à CN d’effectuer l’interconnexion du trafic de RIL entre la voie d’évitement à son silo de Pioneer Mollard (silo de Mollard), situé près de Brunkild (Manitoba), et les lignes de BNSF Railway Company (BNSF) à Winnipeg (Manitoba).
[2] RIL demande que l’Office détermine :
- qu’un lieu de correspondance existe entre CN et BNSF à Winnipeg aux fins d’interconnexion;
- que le trafic de RIL en provenance du silo de Mollard est admissible à l’interconnexion.
[3] RIL demande également que l’Office ordonne à CN :
- de fournir des installations convenables pour l’interconnexion du trafic de RIL en provenance du silo de Mollard au lieu de correspondance entre CN et BNSF à Winnipeg;
- d’effectuer l’interconnexion du trafic de RIL aux prix prescrits.
[4] Un facteur important dans cette demande est le fait que le silo de Mollard soit situé sur une ligne de chemin de fer qui n’appartient plus à CN. En 1999, CN a transféré la subdivision Carman à Central Manitoba Railway Inc. (CEMR), une compagnie de chemin de fer de compétence provinciale. RIL demande une ordonnance d’interconnexion contre CN malgré le fait que le silo de Mollard ne se trouve pas sur la ligne de chemin de fer de CN. De récentes modifications aux limites prescrites de distance d’interconnexion signifient que le trafic en provenance du silo de Mollard pourrait être admissible à l’interconnexion à l’endroit où la ligne de CN se raccorde à la ligne de chemin de fer de BNSF à Winnipeg.
[5] RIL fait valoir que même si CN a transféré l’exploitation de la subdivision Carman à CEMR, une compagnie de chemin de fer provinciale d’intérêt local, CN conserve tout de même le contrôle de la ligne de chemin de fer de telle sorte qu’elle peut se voir ordonner d’effectuer l’interconnexion du trafic de RIL en provenance du silo de Mollard. RIL prétend aussi qu’en vertu du paragraphe 128(4) de la LTC, le transfert de la subdivision Carman à CEMR n’a aucune incidence sur le droit de RIL d’obtenir le prix fixé pour l’interconnexion.
[6] CN fait valoir que la subdivision Carman est exploitée par CEMR, une compagnie de chemin de fer indépendante qui gère et exploite elle-même ses lignes de chemin de fer et qu’en conséquence, l’interconnexion n’est pas disponible à partir de cet endroit. De plus, CN affirme que l’interconnexion n’était pas disponible au silo de Mollard au moment du transfert en 1999 et que par conséquent, le paragraphe 128(4) de la LTC ne peut pas servir à protéger un droit qui n’existait pas à ce moment-là.
[7] Il s’agit du premier cas où l’Office est tenu d’interpréter et d’appliquer le paragraphe 128(4) de la LTC, qui est entrée en vigueur le 29 mai 1996 lorsqu’elle a reçu la sanction royale.
QUESTIONS
- L’Office peut-il, en vertu du paragraphe 127(2) de la LTC, ordonner à CN d’effectuer l’interconnexion du trafic de RIL en provenance du silo de Mollard au lieu de correspondance entre BNSF et CN à Winnipeg?
- Le paragraphe 128(4) de la LTC s’applique-t-il à l’égard du trafic de RIL en provenance du silo de Mollard?
- L’Office est-il convaincu que les conditions permettant d’ordonner l’interconnexion sont satisfaites, c.-à-d. qu’une ligne de chemin de fer d’une compagnie de chemin de fer de compétence fédérale se raccorde à une ligne de chemin de fer d’une autre compagnie de chemin de fer de compétence fédérale et que l’expéditeur est situé dans l’une des zones d’interconnexion prescrites à partir d’un lieu de correspondance?
CONCLUSIONS
[8] Pour les motifs établis plus en détail ci-après, l’Office a décidé d’accorder la demande, en partie. L’Office conclut ce qui suit :
- il existe un lieu de correspondance entre CN et BNSF à Winnipeg;
- le silo de Mollard est situé dans les limites d’interconnexion agrandies actuelles de ce lieu de correspondance;
- le silo de Mollard est situé sur une ligne de chemin de fer exploitée par CEMR;
- CN n’est pas propriétaire de la ligne de chemin de fer de CEMR, ne l’exploite pas et n’en a pas le contrôle;
- CEMR est une compagnie de chemin de fer de compétence provinciale;
- en vertu du paragraphe 128(4) de la LTC, le transfert de l’exploitation de la ligne de chemin de fer de CN à CEMR en 1999 n’a aucune incidence sur un quelconque droit d’obtenir le prix fixé pour l’interconnexion du trafic en provenance du silo de Mollard, en vertu du Règlement sur l’interconnexion du trafic ferroviaire, DORS/88-41 (Règlement), modifié, en vigueur depuis le 1er août 2014;
- en vertu de l’article 87 de la LTC, le « point d’origine » du trafic en question en ce qui a trait à la détermination du prix d’interconnexion n’est pas le silo de Mollard en soi, mais le point où le trafic est transféré de CEMR à CN.
CONTEXTE
[9] Le 29 mai 2014, le Parlement a modifié la LTC pour ajouter le paragraphe 128(1.1) aux dispositions d’interconnexion. Aux termes de ce paragraphe, le Règlement « peut prévoir des distances différentes selon les régions ou les marchandises qu’il précise ». En conséquence, le 1er août 2014, l’Office a modifié le Règlement, de sorte que les limites de distance d’interconnexion sont passées de 30 km à 160 km pour toutes les marchandises au Manitoba, en Saskatchewan et en Alberta.
[10] RIL exploite un réseau de silos à grains, dont les installations à grande capacité et les terminaux portuaires s’étendent dans tout le Canada, et des usines de trituration du canola et des activités de mouture du grain partout en Amérique du Nord.
[11] CN est une compagnie de chemin de fer canadienne de compétence fédérale de catégorie 1, titulaire du certificat d’aptitude no 97001-8, qui lui permet d’exploiter ou de construire des chemins de fer au Canada.
[12] En 1997, RIL a terminé la construction de son silo de Mollard qui se trouvait, à ce moment-là, sur la subdivision Carman de CN, près de Brunkild (Manitoba).
[13] Le silo de Mollard est situé au point milliaire 24,9 de la subdivision Carman, dans un rayon d’environ 50 km du point de raccordement entre CN et BNSF à Winnipeg et sur une distance d’environ 69 km le long de la voie. Le silo de Mollard est situé à environ 41,5 km de la jonction Carman, le point de raccordement entre la subdivision Carman et la subdivision Rivers de CN; ce point de raccordement se trouve au point milliaire 8,3 de la subdivision Rivers.
[14] En 1999, CN et CEMR ont conclu les accords suivants (collectivement « accords ») :
- Accord d’achat de biens, dans le cadre duquel CN a vendu, transféré et affecté à CEMR l’ensemble de ses droits, titres et intérêts dans certaines lignes de chemin de fer, y compris le tronçon de la subdivision Carman où se trouve le silo de Mollard.
- Accord de coopération commerciale, par lequel les parties ont consenti à développer une relation de coopération commerciale à long terme et à favoriser leurs intérêts commerciaux et financiers.
- Accord d’exploitation, de commercialisation et de correspondance, dont le préambule établit son objectif de [SUPPRESSION]. De plus, [SUPPRESSION], CN et CEMR ont conclu des accords de droit de circulation mutuels en vertu desquels CN n’a aucun droit de circulation sur la subdivision Carman.
[15] Comme CEMR n’est pas une compagnie de chemin de fer relevant de l’autorité législative du Parlement, elle n’est pas tenue de détenir un certificat d’aptitude.
LOI
[16] L’article 87 de la LTC définit une « compagnie de chemin de fer » comme étant « la personne titulaire du certificat d’aptitude visé à l’article 92 ou la société formée de telles personnes, ou la personne mentionnée au paragraphe 90(2) ». Cette disposition définit également le terme « exploitation », à laquelle définition « y sont assimilés l’entretien du chemin de fer et le fonctionnement d’un train ».
[17] De plus, l’article 87 définit « point de destination » et « point d’origine » comme suit :
« point de destination » Le point de transfert du trafic, pour une ligne faisant l’objet d’un transfert visé aux paragraphes 128(4) ou 129(2), depuis la ligne d’une compagnie de chemin de fer sur celle d’une compagnie non assujettie à la présente partie.
« point d’origine » Le point de transfert du trafic, pour une ligne faisant l’objet d’un transfert visé aux paragraphes 128(4) ou 129(2), sur la ligne d’une compagnie de chemin de fer depuis celle d’une compagnie non assujettie à la présente partie.
[18] Le paragraphe 90(1) de la LTC interdit l’exploitation d’un chemin de fer sans être titulaire d’un certificat d’aptitude.
[19] L’article 111 de la LTC énonce les définitions qui s’appliquent à la partie III, section IV, de la LTC comme suit :
« lieu de correspondance » Lieu où la ligne d’une compagnie de chemin de fer est raccordée avec celle d’une autre compagnie de chemin de fer et où des wagons chargés ou vides peuvent être garés jusqu’à livraison ou réception par cette autre compagnie.
« interconnexion » Le transfert du trafic des lignes d’une compagnie de chemin de fer à celles d’une autre compagnie de chemin de fer conformément aux règlements d’application de l’article 128.
« prix d’interconnexion », terme défini seulement dans la version anglaise, signifie le prix établi par le règlement pris en vertu de l’alinéa 128(1)b) ou déterminé conformément à ce dernier.
[20] L’article 127 de la LTC prévoit ce qui suit :
- Si une ligne d’une compagnie de chemin de fer est raccordée à la ligne d’une autre compagnie de chemin de fer, l’une ou l’autre de ces compagnies, une administration municipale ou tout intéressé peut demander à l’Office d’ordonner l’interconnexion.
- L’Office peut ordonner aux compagnies de fournir les installations convenables pour permettre l’interconnexion, d’une manière commode et dans les deux directions, à un lieu de correspondance, du trafic, entre les lignes de l’un ou l’autre chemin de fer et celles des autres compagnies de chemins de fer qui y sont raccordées.
- Si le point d’origine ou de destination d’un transport continu est situé dans un rayon de 30 kilomètres d’un lieu de correspondance, ou à la distance supérieure prévue par règlement, le transfert de trafic par une compagnie de chemin de fer à ce lieu de correspondance est subordonné au respect des règlements.
- Sur demande formée au titre du paragraphe (1), l’Office peut statuer que, dans un cas particulier où le point d’origine ou de destination du trafic est situé à plus de 30 kilomètres d’un lieu de correspondance, ou à la distance supérieure prévue par règlement, et où il est d’avis que, dans les circonstances, le point d’origine ou de destination est suffisamment près du lieu de correspondance, le point d’origine ou de destination, selon le cas, est réputé situé à l’intérieur de cette distance.
[21] Le paragraphe 128(4) de la LTC prévoit ce qui suit :
Il demeure entendu que le transfert, en application de la section V ou de l’article 158 de la Loi de 1987 sur les transports nationaux, des droits de propriété ou d’exploitation sur une ligne ne limite pas le droit d’obtenir le prix fixé pour l’interconnexion.
[22] Le paragraphe 141(3) de la LTC prévoit ce qui suit :
Sous réserve de l’article 144.1, la compagnie de chemin de fer peut transférer, notamment par vente ou bail, ses droits de propriété ou d’exploitation sur une ligne en vue de la continuation de son exploitation.
[23] Finalement, le paragraphe 146(2) de la LTC prévoit ce qui suit :
En cas de transfert — notamment par vente ou bail — par la compagnie de la ligne ou de droits qu’elle y détient, en vertu d’une convention résultant du processus établi en vertu des articles 143 à 145 ou autrement, la compagnie cessionnaire n’a plus d’obligation en vertu de la présente loi relativement à l’exploitation de la ligne ou à son utilisation par la société de transport publique, et ce à compter de la date de signature de l’acte de transfert.
QUESTION 1 : L’OFFICE PEUT-IL, EN VERTU DU PARAGRAPHE 127(2) DE LA LTC, ORDONNER À CN D’EFFECTUER L’INTERCONNEXION DU TRAFIC DE RIL EN PROVENANCE DU SILO DE MOLLARD AU LIEU DE CORRESPONDANCE ENTRE BNSF ET CN À WINNIPEG?
Positions des parties
RIL
[24] RIL fait valoir que même si CN a vendu la subdivision Carman à CEMR, son contrôle sur l’exploitation de la ligne est prévu de telle manière qu’il devrait être déterminé que CN exploite le chemin de fer et que, de ce fait, elle soit tenue d’effectuer l’interconnexion du trafic de RIL en provenance du silo de Mollard.
[25] RIL affirme que [SUPPRESSION].
[26] RIL fait valoir que [SUPPRESSION]; toutefois, RIL fait valoir que [SUPPRESSION].
[27] RIL fait référence à une lettre envoyée par JRI à CN le [SUPPRESSION] (lettre). La lettre précise les conditions de l’accord entre JRI et CN concernant le service ferroviaire à fournir à JRI au silo de Mollard après le transfert de la subdivision Carman à CEMR. RIL affirme que [SUPPRESSION].
[28] RIL fait valoir que les accords conclus entre CEMR et CN révèlent une intégration opérationnelle importante, particulièrement en ce qui a trait au trafic de RIL en provenance du silo de Mollard. RIL fait référence à [SUPPRESSION] pour démontrer que CN contrôle, ou maintient la capacité de contrôler, l’exploitation le long de la ligne de Carman de CEMR.
[29] Finalement, RIL soutient qu’une entité qui exploite à titre de compagnie de transport ferroviaire de marchandises ne peut pas transporter les marchandises sans se procurer des wagons et les raccorder à des locomotives. À cet égard, RIL fait valoir que CN conserve l’obligation de fournir à CEMR des locomotives et du matériel technique aux termes de l’article 1 de la lettre, et des wagons aux termes de l’Accord d’exploitation, de commercialisation et de correspondance. RIL fait valoir que ces obligations sont en place pour permettre à CEMR de remplir ses obligations en matière de services que CN a acceptées.
[30] RIL fait valoir que sans les wagons fournis par CN, CEMR ne pourrait pas exploiter les trains sur les lignes de chemin de fer en restant viable sur le plan commercial. RIL soutient qu’en conséquence, CN doit être réputée comme « agissant de manière nécessaire à l’exploitation » des trains sur les lignes transférées en fournissant les wagons et en conservant l’obligation de fournir des locomotives et du matériel technique au besoin.
[31] RIL fait référence à [SUPPRESSION] :
[SUPPRESSION]
[32] RIL conclut que tous ces facteurs démontrent que CN continue d’exploiter les lignes conjointement avec CEMR, et qu’elle a donc droit à l’interconnexion à partir du silo de Mollard.
CN
[33] CN fait valoir qu’en [SUPPRESSION] 1999, CN a transféré, [SUPPRESSION], la subdivision Carman à CEMR, une filiale détenue en propriété exclusive de Cando Contracting Ltd. (Cando) établie en 1999 par Cando en vue d’acquérir les subdivisions Pine Falls et Carman de CN.
[34] CN indique que CEMR est une compagnie de chemin de fer indépendante qui gère et exploite elle-même les lignes transférées. CN affirme que CEMR est une entité indépendante et que la relation commerciale établie aux termes des accords de 1999 ne change rien à ce fait.
[35] CN fait valoir que les accords ne peuvent pas être interprétés comme accordant à CN des droits et des intérêts suffisants pour considérer la subdivision Carman comme étant une « ligne de chemin de fer » aux fins d’interconnexion. CN indique que selon ces accords, elle a transféré à CEMR l’ensemble de ses activités ferroviaires de la subdivision Carman.
[36] CN affirme qu’aux termes des accords, [SUPPRESSION]. Selon CN, [SUPPRESSION].
[37] CN fait également valoir que [SUPPRESSION].
[38] De plus, CN soutient que [SUPPRESSION].
[39] CN reconnaît qu’après l’achat de la subdivision Carman, JRI a envoyé une lettre à CN expliquant les conditions de l’accord entre elles concernant le service ferroviaire à fournir au silo de Mollard à la suite du transfert. CN affirme que [SUPPRESSION].
[40] CN fait valoir que [SUPPRESSION].
[41] De plus, CN soutient que [SUPPRESSION].
[42] CN fait valoir que [SUPPRESSION] relativement à une plainte [SUPPRESSION], l’Office a établi qu’une relation fonctionnelle étroite entre deux compagnies de chemin de fer n’était pas suffisante pour qu’une compagnie contrôle l’autre. CN fait valoir que [SUPPRESSION].
[43] CN indique que dans [SUPPRESSION]. De plus, CN affirme que [SUPPRESSION]. Selon CN, c’est également le cas pour CEMR.
[44] CN affirme qu’à la lumière de faits presque identiques, les conclusions avancées par l’Office dans [SUPPRESSION] devraient aussi s’appliquer aux faits du cas présent et amener l’Office à rejeter la demande de RIL.
Analyse et constatations
[45] La première question à déterminer est de savoir si CN, comme le fait valoir RIL, continue d’exploiter ou de contrôler la subdivision Carman. Si la ligne de chemin de fer a été vendue en vertu de la LTC, alors CN n’a plus d’obligation, en vertu de cette loi, à l’égard de l’exploitation de cette ligne. Si, en revanche, il n’y a pas eu de transfert, ou si CN a autrement retenu un quelconque intérêt opérationnel dans la ligne de chemin de fer et qu’elle continue d’exploiter la ligne, les obligations imposées par la LTC concernant l’exploitation ou le contrôle de la ligne subsistent donc. L’Office aurait compétence sur cette ligne de chemin de fer, et l’interconnexion pourrait être disponible à partir du silo de Mollard.
[46] Le paragraphe 146(2) de la LTC prévoit ce qui suit :
En cas de transfert — notamment par vente ou bail — par la compagnie de la ligne ou de droits qu’elle y détient, en vertu d’une convention résultant du processus établi en vertu des articles 143 à 145 ou autrement, la compagnie cessionnaire n’a plus d’obligation en vertu de la présente loi relativement à l’exploitation de la ligne ou à son utilisation par la société de transport publique, et ce à compter de la date de signature de l’acte de transfert.
[47] [SUPPRESSION] :
[SUPPRESSION]
[48] [SUPPRESSION], CN n’est plus propriétaire de la subdivision Carman.
[49] Sans égard à [SUPPRESSION], CEMR et CN ont conclu des accords créant certains droits et certaines obligations à l’égard de la subdivision Carman.
[50] [SUPPRESSION]. Notamment, CEMR n’a accordé à CN aucun droit de circulation sur la subdivision Carman.
[51] Aux termes de [SUPPRESSION].
[52] [SUPPRESSION].
[53] Bien que CN [SUPPRESSION].
[54] La nature de la relation entre CEMR et CN dans le cas présent est semblable à celle du cas dans lequel l’Office a émis [SUPPRESSION]. Dans ce cas-là, [SUPPRESSION]. Tous ces faits se retrouvent dans le cas présent.
[55] Selon la preuve, l’Office conclut que CEMR exploite la subdivision Carman, mais pas CN. Le chemin de fer [SUPPRESSION] CEMR, donc CEMR a acquis les droits d’utiliser le chemin de fer pour exploiter des trains dans le but de fournir des services de transport ferroviaire de marchandises à des clients situés sur les lignes, donc [SUPPRESSION]. Chaque partie était tenue à certaines obligations, mais l’ensemble des activités ferroviaires a été transféré à CEMR. Les accords en vigueur constituent une relation fonctionnelle étroite mutuellement profitable pour les parties, mais pas étroite à tel point que CEMR serait un mandataire de CN, ni suffisante pour conclure que CN a maintenu un intérêt fonctionnel dans la subdivision Carman.
[56] L’Office est d’avis que CN n’a pas de droit de propriété directe ni le contrôle de CEMR et que CN n’a pas de lien avec la subdivision Carman, que ce soit par voie de propriété, de contrôle, d’exploitation ou de location. Autrement dit, la nature de la relation entre CN et CEMR ne change rien au fait que CEMR est une compagnie de chemin de fer de compétence provinciale qui mène ses activités dans la province du Manitoba et n’est donc pas assujettie à la compétence de l’Office. L’Office conclut qu’en vertu de la LTC, CN n’a plus aucune obligation en ce qui a trait à cette ligne et que par conséquent, l’argument de RIL selon lequel CN devrait avoir une obligation d’effectuer l’interconnexion du trafic en provenance du silo de Mollard, sur ce fondement, ne tient pas la route.
QUESTION 2 : LE PARAGRAPHE 128(4) DE LA LTC S’APPLIQUE-T-IL À L’ÉGARD DU TRAFIC DE RIL EN PROVENANCE DU SILO DE MOLLARD?
Positions des parties
DEMANDE DE RIL
[57] RIL s’appuie sur le paragraphe 128(4) de la LTC, qui prévoit que le transfert, en application de la section V ou de l’article 158 de la Loi de 1987 sur les transports nationaux, L.R.C. (1985) ch. 28 (3e suppl.) (LTN), des droits de propriété ou d’exploitation sur une ligne ne limite pas le droit d’obtenir le prix fixé pour l’interconnexion.
[58] RIL indique également que le paragraphe 141(3) de la LTC, à la section V, permet à la compagnie de chemin de fer de transférer, notamment par vente ou bail, ses droits de propriété ou d’exploitation sur une ligne en vue de la continuation de son exploitation. RIL fait valoir que CN a transféré à CEMR ses activités de la subdivision Carman, en vertu de cet article et, en conséquence, soutient que le transfert n’a aucune incidence sur son droit d’obtenir de CN le prix fixé pour l’interconnexion.
RÉPONSE DE CN
[59] CN fait valoir qu’en raison de l’emplacement du silo de Mollard, RIL fonde sa demande sur les dispositions de la Loi sur le transport ferroviaire équitable pour les producteurs de grain, L.C. 2014, ch. 8 (projet de loi C-30), en vigueur depuis août 2014, qui a eu pour effet d’agrandir les limites de distance d’interconnexion à 160 km dans certaines parties du Canada.
[60] Selon CN, RIL affirme avoir le droit d’obtenir le prix fixé pour l’interconnexion de son trafic en provenance du silo de Mollard parce qu’elle est maintenant située à l’intérieur des limites de 160 km, comme si les dispositions du projet de loi C-30 s’appliquaient rétroactivement, et ce, à une installation située sur une ligne de chemin de fer provinciale. CN soutient que les nouvelles dispositions du Règlement visant les zones tarifaires d’interconnexion agrandies ne peuvent pas s’appliquer rétroactivement.
[61] CN fait valoir qu’afin que le paragraphe 128(4) de la LTC s’applique, le droit à l’interconnexion devait exister au moment où la ligne de chemin de fer a été transférée, ce qui n’est pas le cas dans le cas présent. CN soutient qu’au moment du transfert, le silo de Mollard était situé à l’extérieur de la zone tarifaire d’interconnexion de 30 km prévue dans la LTC et dans le Règlement.
[62] CN indique que l’intention législative du paragraphe 128(4) de la LTC était de protéger un expéditeur contre la perte des avantages liés à un droit existant à l’interconnexion au moment où une ligne de chemin de fer fédérale deviendrait une ligne de chemin de fer provinciale, et qu’une telle situation aurait été inéquitable et faite au détriment des expéditeurs qui avaient choisi cet emplacement pour leurs silos en sachant qu’ils auraient le droit d’obtenir le prix fixé pour l’interconnexion. CN affirme que le paragraphe 128(4) a été créé pour protéger les droits existants des expéditeurs, et non pas pour créer des droits supplémentaires plus de 15 ans après le transfert d’une ligne de chemin de fer.
[63] CN fait valoir que le paragraphe 128(4) de la LTC pourrait s’appliquer seulement si RIL détenait un droit existant à l’interconnexion au moment du transfert à CEMR de la subdivision Carman, mais ce n’est pas le cas. CN fait valoir qu’un droit ne peut pas être « touché » par un transfert si un tel droit n’existait pas à ce moment-là. CN soutient que lorsque RIL a choisi cet emplacement, elle était au courant que le silo de Mollard serait situé à l’extérieur de la limite de 30 km prévue à l’article 127 de la LTC et dans le Règlement. Elle ne peut donc pas faire valoir maintenant qu’elle a choisi cet emplacement en considération d’un droit à obtenir le prix fixé pour l’interconnexion.
[64] Finalement, CN fait valoir que le paragraphe 128(4) de la LTC ne s’applique pas à RIL puisque l’article 87 de la LTC définit quels points peuvent être considérés comme étant des « points d’origine » ou des « points de destination » au sens de cette disposition. CN affirme que conformément aux définitions de l’article 87, seulement le point milliaire 0,13 de la subdivision Carman (le point où la ligne de propriété de CN se termine et où celle de CEMR commence), près de la jonction Carman, peut être considéré comme étant un « point d’origine » ou un « point de destination » au sens du paragraphe 128(4) de la LTC. CN fait valoir que, comme la définition des points d’origine ou de destination est exhaustive, le silo de Mollard ne peut pas être visé par cette définition.
RÉPLIQUE DE RIL
[65] RIL fait valoir qu’elle ne cherche pas de faire appliquer rétroactivement les dispositions du projet de loi C-30 ou les modifications du Règlement. RIL indique que les modifications réglementaires qui prévoient une nouvelle distance prescrite de 160 km pour l’interconnexion, même si elles ont sans doute une incidence sur des transactions antérieures effectuées en vertu du paragraphe 128(4), s’appliquent prospectivement à partir du moment de leur entrée en vigueur. RIL fait valoir qu’elle ne cherche pas à obtenir une ordonnance visant l’interconnexion applicable à une date précédant l’entrée en vigueur du projet de loi C-30 ou des modifications au Règlement qui en découlent.
[66] RIL soutient que le libellé du paragraphe 128(4) de la LTC renvoie expressément à des transferts de lignes de chemin de fer non seulement en vertu de la section V de la partie III de la LTC, mais également en vertu de l’article 158 de la LTN. RIL fait valoir que le paragraphe 128(4) est d’abord entré en vigueur dans le cadre de l’adoption de la LTC en 1996, et que la LTN réglementait l’interconnexion, mais ne renfermait pas de dispositions en parallèle de celles du paragraphe 128(4).
[67] RIL soutient également que c’est seulement après l’adoption de la LTC que le Règlement a été modifié pour inclure les points d’origine et de destination dans la définition de « voie d’évitement » aux fins de l’interconnexion réglementée. RIL fait valoir qu’en conséquence, lorsque le législateur a adopté le paragraphe 128(4) dans le cadre de la LTC en 1996, la disposition a créé un accès à l’interconnexion réglementée, pour certains expéditeurs, fondé sur des transferts antérieurs.
[68] RIL indique que le législateur souhaitait de toute évidence que le paragraphe 128(4) de la LTC prévoie un accès à l’interconnexion réglementée fondé sur des transactions antérieures. RIL fait valoir que la façon dont CN interprète le paragraphe 128(4) mène à un résultat que le législateur ne peut pas avoir voulu.
[69] RIL souligne que durant la période comprise entre l’adoption de la LTN jusqu’à aujourd’hui, les prix prescrits dans le Règlement pour les zones 1 à 4 ont été modifiés au moins 12 fois. RIL fait valoir que l’approche de CN préserverait peut-être toutes les itérations successives du Règlement et exigerait qu’une compagnie de chemin de fer se conforme à diverses exigences, en fonction de la date à laquelle une ligne de chemin de fer en particulier a été transférée pour la continuation de l’exploitation. RIL affirme que cette question mènerait potentiellement à une multitude de prix d’interconnexion différents qui s’appliqueraient dans des circonstances essentiellement semblables, simplement parce que la date de transfert est différente. RIL indique qu’il s’agit d’un résultat absurde et que l’interprétation que fait CN du paragraphe 128(4) de la LTC devrait être rejetée.
[70] Finalement, RIL fait valoir que si le législateur avait eu l’intention de geler les droits des expéditeurs tels qu’ils existaient à la date à laquelle une compagnie de chemin de fer transfère une ligne en vertu de la section V de la LTC, il l’aurait formulé de façon claire et sans ambiguïté. RIL soutient que le législateur ne l’a pas fait, et que le libellé nécessaire pour limiter le droit à l’interconnexion ne doit pas être intégré par interprétation dans le paragraphe 128(4) de la LTC.
Analyse et constatations
[71] Dans la 35-R-2009">décision no 35-R-2009, l’Office s’est penché sur l’intention du législateur à l’égard des dispositions d’interconnexion :
L’interconnexion du trafic entre les compagnies de chemin de fer est une réalité au Canada depuis le début des années 1900. Le concept de l’interconnexion visait à limiter la prolifération des lignes de chemin de fer dans les zones urbaines desservant les industries manufacturières, mais le fait de limiter le nombre de lignes de chemin de fer dans une région peut donner lieu à un service et des tarifs monopolistiques. On estimait que la capacité d’échanger ou d’interconnecter le trafic avec une ou plusieurs autres compagnies de chemin de fer dans certaines limites permettrait de réduire le contrôle exclusif sur le trafic.
Les dispositions d’interconnexion actuelles de la LTC visent à donner aux expéditeurs un meilleur accès à des services concurrentiels et à des prix connus à d’autres transporteurs dans les limites de l’interconnexion. Une interprétation de la loi pertinente devrait aller dans le sens de cet objectif.
[72] Le paragraphe 128(4) de la LTC prévoit les cas où une compagnie de chemin de fer de compétence fédérale transfère l’exploitation d’une ligne de chemin de fer à une compagnie de chemin de fer de compétence provinciale. Sans cette disposition, la LTC ne s’appliquerait plus à l’interconnexion du trafic sur cette ligne de chemin de fer, donc l’interconnexion ne serait pas disponible pour l’expéditeur situé sur cette ligne. Le paragraphe 128(4) préserve le droit d’obtenir le prix fixé pour l’interconnexion malgré le transfert. Toutefois, l’article 87 de la LTC précise que dans ces circonstances, même si le droit d’obtenir le prix fixé pour l’interconnexion peut être préservé, le point d’origine initial du trafic n’est pas, lui, préservé; le point d’origine devient le point où le trafic est transféré à la ligne d’une compagnie de chemin de fer assujettie à la partie III de la LTC depuis une ligne d’une compagnie non assujettie à cette partie. La référence à une ligne de chemin de fer dans l’article 87 à laquelle la partie III de la LTC ne s’applique pas appuie davantage le point de vue selon lequel le législateur prévoyait le transfert d’une ligne de chemin de fer fédérale à une compagnie de chemin de fer provinciale, et que l’intention était de préserver le droit d’obtenir le prix fixé pour l’interconnexion à l’égard du chemin de fer de compétence fédéral.
[73] La question dans le cas présent est toutefois de savoir si le paragraphe 128(4) de la LTC s’applique de manière à permettre à RIL de déposer maintenant une demande en vue d’obtenir le prix fixé pour l’interconnexion, du fait que le silo de Mollard est à l’intérieur de la distance prescrite de 160 km, distance qu’il ne respectait pas avant puisqu’il était à 30 km lorsque la ligne de chemin de fer a été transférée.
[74] L’Office convient que selon la règle générale, les lois ne doivent pas être interprétées comme ayant une portée rétroactive à moins que le texte de la loi ne le décrète expressément ou n’exige implicitement une telle interprétation (Gustavson Drilling (1964) Ltd. c. M.N.R, [1977] 1 R.C.S. 271).
[75] La LTC a reçu la sanction royale le 29 mai 1996. Le paragraphe 128(4), qui est entré en vigueur au moment de l’adoption de la LTC, fait particulièrement référence à des transferts de lignes de chemin de fer en vertu de la LTC, mais aussi à des lignes transférées avant, en vertu de l’article 158 de la LTN :
Il demeure entendu que le transfert, en application de la section V [de la LTC] ou de l’article 158 de la Loi de 1987 sur les transports nationaux, des droits de propriété ou d’exploitation sur une ligne ne limite pas le droit d’obtenir le prix fixé pour l’interconnexion. [Soulignement ajouté].
[76] L’Office est d’avis que cela démontre clairement que le paragraphe 128(4) de la LTC s’applique non seulement aux transferts qui ont déjà eu lieu depuis l’adoption de la disposition en 1996, ou qui auront lieu à l’avenir, mais également aux transferts qui se sont produits avant son adoption, du temps où la LTN était en vigueur. Par conséquent, le paragraphe 128(4) est de toute évidence rédigé de manière à s’appliquer à des transactions passées. Aucune des parties ne laisse entendre qu’il doit s’appliquer rétroactivement, en ce sens qu’il modifierait les droits à un moment dans le passé. Ce que RIL fait valoir est que le paragraphe 128(4) de la LTC est fait pour accorder un droit en vigueur qui, autrement, serait refusé en raison du transfert antérieur d’une ligne de chemin de fer. Le droit en vigueur sur lequel RIL cherche à s’appuyer dans sa demande est le droit à l’interconnexion qui survient lorsque le paragraphe 128(4) de la LTC est lu conjointement avec les dispositions sur le prolongement des limites d’interconnexion prévues dans le Règlement modifié, en vigueur depuis le 1er août 2014.
[77] De façon similaire, RIL ne propose pas d’appliquer rétroactivement les dispositions du projet de loi C-30. RIL ne fait pas valoir qu’elle avait droit à l’interconnexion au moment du transfert de la ligne de chemin de fer, par l’application rétroactive du projet de loi C-30. L’Office est d’accord avec la présentation de CN que l’intention n’était pas de créer de droits rétroactivement.
[78] CN fait valoir qu’afin de tirer parti du paragraphe 128(4) de la LTC, le droit à l’interconnexion doit avoir existé au moment du transfert. CN affirme que l’intention du législateur était de protéger seulement les expéditeurs qui avaient droit à l’interconnexion au moment du transfert, même si son affirmation ne repose sur aucun fondement législatif. CN renvoie aux définitions des mots « affect » et « entitlement » du dictionnaire anglais pour faire valoir qu’il doit y avoir un droit existant au moment du transfert, mais les définitions appuient de la même manière l’interprétation présentée par RIL selon laquelle le transfert antérieur n’a aucune incidence sur un droit en vigueur.
[79] L’Office accepte l’argument de RIL voulant que si le législateur avait eu l’intention seulement de geler et de préserver les droits d’interconnexion qui existaient au moment du transfert de la ligne de chemin de fer, il lui aurait été facile de le faire. Mais le législateur ne l’a pas fait. Au contraire, la disposition en question renvoie à « tout droit » d’obtenir le prix fixé pour l’interconnexion, sans préciser que ce droit doit déjà être « existant ». Cette affirmation appuie le point de vue de l’Office selon lequel le paragraphe 128(4) avait pour but, entre autres, de changer de manière prospective l’effet juridique de transactions passées.
[80] RIL ne fait pas valoir qu’elle a choisi l’emplacement du silo de Mollard pour avoir droit au prix fixé pour l’interconnexion. Le fait est que le projet de loi C-30 agrandit la zone dans laquelle l’interconnexion est disponible dans la province. Le silo de Mollard se trouve maintenant dans cette zone. L’argument est que le transfert de la ligne de chemin de fer n’a pas d’incidence sur le droit que RIL pourrait maintenant avoir en raison de cet agrandissement des limites d’interconnexion prescrites.
[81] L’Office conclut que l’application appropriée du paragraphe 128(4) prévoie que le transfert des droits de propriété ou d’exploitation sur une ligne de chemin de fer ne limite pas le droit d’obtenir le prix fixé pour l’interconnexion. En fonction de ce qui précède, l’Office conclut que le paragraphe 128(4) de la LTC s’applique au cas présent, et que tout droit que RIL pourrait avoir d’obtenir le prix fixé pour l’interconnexion aujourd’hui n’est pas touché par le transfert de la subdivision Carman à CEMR en 1999.
[82] L’Office conclut également, en vertu de l’article 87 de la LTC, que le point d’origine pour la détermination du prix d’interconnexion relativement au trafic de RIL en provenance du silo de Mollard se trouve au point milliaire 8,3 de la subdivision Rivers de CN, où le trafic est transféré de la ligne de CEMR à celle de CN.
QUESTION 3 : L’OFFICE EST-IL CONVAINCU QUE LES CONDITIONS POUR POUVOIR ORDONNER L’INTERCONNEXION SONT SATISFAITES, C.-À-D. QU’UNE LIGNE DE CHEMIN DE FER D’UNE COMPAGNIE DE CHEMIN DE FER DE COMPÉTENCE FÉDÉRALE SE RACCORDE À UNE LIGNE DE CHEMIN DE FER D’UNE AUTRE COMPAGNIE DE CHEMIN DE FER DE COMPÉTENCE FÉDÉRALE ET QUE L’EXPÉDITEUR EST SITUÉ DANS L’UNE DES ZONES D’INTERCONNEXION PRESCRITES À PARTIR D’UN LIEU DE CORRESPONDANCE?
CRITÈRES LIÉS À L’INTERCONNEXION
[83] En vertu de l’article 127 de la LTC, afin que l’Office ordonne l’interconnexion, trois critères particuliers doivent être satisfaits :
- La ligne d’une compagnie de chemin de fer doit être raccordée à la ligne d’une autre compagnie de chemin de fer;
- Il existe un lieu où les wagons peuvent être garés;
- Le point d’origine ou de destination est situé à l’intérieur de la distance prescrite d’un lieu de correspondance.
CRITÈRE 1 : LA LIGNE D’UNE COMPAGNIE DE CHEMIN DE FER DOIT ÊTRE RACCORDÉE À LA LIGNE D’UNE AUTRE COMPAGNIE DE CHEMIN DE FER
[84] Pour satisfaire au critère 1, trois sous-conditions doivent être satisfaites, notamment :
- Il doit y avoir deux compagnies de chemin de fer au sens de la LTC;
- Les deux compagnies de chemin de fer doivent détenir une ligne de chemin de fer au sens de la LTC;
- Il doit y avoir un raccordement entre les lignes des compagnies de chemin de fer.
Positions des parties
DEMANDE DE RIL
[85] RIL indique que depuis le récent agrandissement des limites d’interconnexion, son silo de Mollard, situé à environ 50 km au sud-ouest de Winnipeg, se trouve bien à l’intérieur des limites d’interconnexion prescrites du lieu de correspondance entre CN et BNSF à Winnipeg.
[86] RIL fait valoir que Winnipeg est un lieu de correspondance aux fins de l’interconnexion de son trafic en provenance du silo de Mollard et que l’Office a déjà déterminé de façon concluante dans la 35-R-2009">décision no 35-R-2009 (décision de Fort Rouge) qu’il existe un lieu de correspondance entre CN et BNSF à Winnipeg. RIL souligne que la Cour d’appel fédérale a maintenu la décision de Fort Rouge dans Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada c. Office des transports du Canada, 2010 CAF 166.
[87] En ce qui a trait à la première sous-condition du critère 1, RIL affirme qu’une « compagnie de chemin de fer », conformément à la définition de l’article 87 de la LTC, comprend toute compagnie qui détient un certificat d’aptitude en vertu de l’article 92. RIL fait valoir que CN, autorisée en vertu du certificat d’aptitude no 97001-7, et BNSF, autorisée en vertu du certificat d’aptitude no 97015-6, sont toutes deux des compagnies de chemin de fer au sens de la LTC.
[88] En ce qui a trait à la deuxième sous-condition du critère 1, RIL fait valoir que CN détient un vaste réseau de lignes de chemin de fer d’un bout à l’autre de Winnipeg. RIL affirme que BNSF détient également ses propres lignes de chemin de fer à Winnipeg et suffisamment d’intérêt sur d’autres voies de la gare de triage Fort Rouge pour détenir une ligne de chemin de fer aux fins des dispositions d’interconnexion de la LTC.
[89] En ce qui a trait à la troisième sous-condition du critère 1, RIL fait remarquer qu’il est établi dans la décision de Fort Rouge que les lignes de chemin de fer de BNSF et de CN se raccordent au point milliaire 4,5 de la subdivision Rivers de CN, à environ 1,91 mille à l’ouest de la gare de triage Fort Rouge.
RÉPONSE DE CN
[90] CN fait valoir que la demande de RIL ne satisfait pas à la première sous-condition selon laquelle il doit y avoir deux compagnies de chemin de fer au sens de la LTC. CN affirme qu’il est clair qu’une compagnie de chemin de fer de compétence fédérale au sens de la LTC est une compagnie de chemin de fer qui satisfait à l’un des critères susmentionnés et qui détient un certificat d’aptitude valide. CN affirme que CEMR n’est pas une compagnie de chemin de fer de compétence fédérale et ne détient pas de certificat d’aptitude délivré par l’Office. Elle n’est donc pas une « compagnie de chemin de fer » au sens de la LTC.
[91] CN soutient que cela est fatal pour la demande de RIL, car le silo de Mollard est situé sur une ligne de chemin de fer de compétence provinciale. Comme la première condition établie par l’Office pour que l’interconnexion soit disponible n’est pas satisfaite, l’Office devrait rejeter la demande de RIL pour cette seule raison.
RÉPLIQUE DE RIL
[92] RIL fait valoir que rien dans sa demande ne porte sur l’interconnexion réglementée à un emplacement où les lignes de CEMR se raccordent à celles d’une compagnie de chemin de fer assujettie à la LTC. RIL indique qu’elle demande une ordonnance exigeant que CN effectue l’interconnexion du trafic de RIL avec celui de BNSF au lieu de correspondance entre CN et BNSF à Winnipeg. RIL affirme que dans la décision de Fort Rouge, l’Office a conclu qu’un tel lieu de correspondance existe aux fins de l’interconnexion réglementée.
Analyse et constatations
[93] Le statut de CN et de BNSF à titre de compagnies de chemin de fer au sens de la LTC n’est pas remis en question. L’Office a délivré un certificat d’aptitude à CN pour exploiter ou construire des chemins de fer au Canada. De façon similaire, l’Office a délivré un certificat d’aptitude à BNSF pour exploiter un chemin de fer en Colombie-Britannique et au Manitoba. Comme les deux compagnies de chemin de fer sont titulaires d’un certificat d’aptitude, en vertu de l’article 87 de la LTC, les deux sont des compagnies de chemin de fer au sens de la LTC.
[94] L’argument de CN est que CEMR n’est pas une compagnie de chemin de fer au sens de la LTC. Toutefois, CEMR n’est pas la partie concernée, car il n’est pas allégué que la ligne de chemin de fer de CEMR se raccorde à celle de BNSF. De plus, le fait que l’article 87 fournisse une définition précise de ce que constitue un « point d’origine » relativement au paragraphe 128(4) de la LTC appuie davantage le point de vue selon lequel on ne tient pas compte de CEMR ou de sa ligne de chemin de fer, mais bien que c’est CN et BNSF qui sont les compagnies de chemin de fer considérées aux fins d’interconnexion.
[95] En ce qui a trait aux deuxième et troisième sous-conditions du critère 1, l’Office a déjà déterminé dans la décision de Fort Rouge que BNSF détient une ligne de chemin de fer au sens des dispositions d’interconnexion de la LTC, et que les lignes de chemin de fer de BNSF et de CN se raccordent au point milliaire 4,5 de la subdivision Rivers de CN, à environ 1,91 mille à l’ouest de la gare de triage Fort Rouge.
[96] En se fondant sur ce qui précède, l’Office conclut que toutes les trois sous-conditions du critère 1 sont satisfaites; en conséquence, le critère 1 est satisfait. Les conclusions de l’Office cadrent avec la décision de Fort Rouge, c.-à-d. qu’une ligne de chemin de fer exploitée par CN se raccorde, à Winnipeg, à une ligne de chemin de fer exploitée par BNSF.
CRITÈRE 2 : IL EXISTE UN LIEU OÙ LES WAGONS PEUVENT ÊTRE GARÉS
[97] L’Office a déterminé dans la décision de Fort Rouge que la gare de triage Fort Rouge de CN est un lieu où des wagons chargés ou vides peuvent être garés jusqu’à leur livraison ou réception. CN ne remet pas ce fait en question. L’Office conclut que, conformément à sa décision de Fort Rouge, le critère 2 est satisfait.
CRITÈRE 3 : LE POINT D’ORIGINE OU DE DESTINATION EST SITUÉ À L’INTÉRIEUR DE LA DISTANCE PRESCRITE D’UN LIEU DE CORRESPONDANCE
Positions des parties
RIL
[98] RIL indique que le lieu de correspondance à Winnipeg est de toute évidence à l’intérieur de la distance d’interconnexion prescrite par rapport au silo de Mollard. En vertu de l’alinéa 7(2)e) du Règlement, la distance d’interconnexion prescrite au Manitoba est de 160 km. Le silo de Mollard est situé dans un rayon d’environ 50 km du lieu de correspondance entre CN et BNSF à Winnipeg.
CN
[99] CN affirme que le silo de Mollard n’était pas situé dans un rayon de 30 km d’un lieu de correspondance. CN fait valoir qu’il s’agit de la zone où l’interconnexion était disponible en vertu du Règlement et du paragraphe 127(3) de la LTC lorsque CN a transféré la subdivision Carman à CEMR, en 1999.
Analyse et constatations
[100] L’Office a déterminé dans la décision de Fort Rouge qu’il existe un lieu de correspondance entre BNSF et CN à Winnipeg aux fins de l’interconnexion conformément à la LTC et au Règlement.
[101] De plus, l’Office conclut que le silo de Mollard se trouve à l’intérieur de la distance prescrite, car il est situé à environ 50 km du lieu de correspondance entre CN et BNSF à Winnipeg. CN ne remet pas ce fait en question, mais fait plutôt valoir que RIL n’a pas droit à l’interconnexion à partir de cet emplacement parce qu’elle n’était pas à 30 km du lieu de correspondance au moment du transfert de la ligne de chemin de fer à CEMR. Comme il a déjà été déterminée, la limite d’interconnexion prescrite en vigueur est celle qui importe, et RIL n’a pas à établir qu’elle se situait à l’intérieur de la distance prescrite au moment du transfert. Le transfert de l’exploitation de la ligne de chemin de fer en 1999, depuis une compagnie de chemin de fer de compétence fédérale (CN) à une compagnie de chemin de fer de compétence provinciale (CEMR), est toutefois pertinent pour déterminer le point d’origine des marchandises. Même si le silo de Mollard est situé à l’intérieur des limites d’interconnexion, telles qu’elles ont été modifiées le 1er août 2014, le silo de Mollard n’est pas le point d’origine du trafic en question aux fins du prix d’interconnexion. En vertu du paragraphe 87(4) de la LTC, le point d’origine du trafic en question est le point où il est transféré de la ligne de CEMR à celle de CN.
[102] L’Office fait remarquer qu’au moment du transfert, le silo de Mollard ne se trouvait pas à l’intérieur des limites de distance d’interconnexion prescrites et n’aurait pas été admissible au prix fixé pour l’interconnexion. Toutefois, il est évident que si CN n’avait pas vendu la subdivision Carman, le silo de Mollard aurait sans conteste été admissible au prix fixé pour l’interconnexion en conséquence de l’agrandissement des limites de distance d’interconnexion.
[103] L’Office conclut donc que le critère 3 est satisfait.
CONCLUSION
[104] À la lumière de ce qui précède, l’Office conclut que tous les critères liés à l’interconnexion sont satisfaits. Il ordonne donc à CN, dès maintenant, d’effectuer l’interconnexion du trafic de RIL au lieu de correspondance entre CN et BNSF à Winnipeg, conformément au Règlement.
[105] En vertu de l’article 87 de la LTC, le point d’origine du trafic de RIL en provenance du silo de Mollard se trouve au point milliaire 8,3 de la subdivision Rivers de CN, où le trafic est transféré de la ligne de CEMR à celle de CN.
La présente décision est la version publique épurée de la décision confidentielle no CONF-4-2016 émise le 19 avril 2016 qui ne saurait être rendue publique.
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