Décision n° CONF-R-9-2023

La présente décision est la version publique épurée de la décision confidentielle CONF‑R‑9‑2023 émise le 17 octobre 2023.

le 17 octobre 2023

Demande présentée par Meadow Lake Mechanical Pulp Inc. (MLMP) contre la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (CN) concernant les dépenses supportées en raison du manquement de CN à ses obligations en matière de niveau de services

Numéro de cas : 
22-17864

Résumé

[1] Dans la lettre-décision CONF‑R‑2‑2023 (décision), datée du 22 février 2023, l’Office des transports du Canada (Office) a conclu que CN avait manqué à ses obligations en matière de niveau de services lorsqu’elle n’a pas fourni à MLMP un nombre suffisant de wagons couverts pour transporter sa pâte entre le 1er janvier 2022 et le 31 mai 2022 (période visée par la plainte). L’Office a établi un échéancier pour que les parties fournissent des présentations sur les dépenses que MLMP a supportées en raison de ce manquement.

[2] Pour les motifs énoncés ci-après, l’Office ordonne à CN de verser à MLMP une indemnité de [SUPPRESSION] pour les dépenses que MLMP a supportées en raison du manquement de CN à ses obligations en matière de niveau de services. L’Office rejette également la demande d’adjudication des frais présentée par MLMP.

Contexte

[3] MLMP produit de la pâte à son usine située à Meadow Lake, en Saskatchewan (usine). MLMP transporte ensuite par camion la majorité de sa pâte au Centre de distribution de North Battleford (installation de transbordement), laquelle sera par la suite transportée jusqu’au terminal Euro Asia à Vancouver, en Colombie-Britannique (terminal).

[4] MLMP réclame une indemnité pour les dépenses qu’elle a supportées en raison du manquement de CN à ses obligations en matière de niveau de services pendant la période visée par la plainte. Elle affirme qu’elle a supporté des dépenses pour ce qui suit :

  • transport par camion de sa pâte à Edmonton (Alberta) pour la faire transporter par train jusqu’au terminal;
  • transport par camion de sa pâte d’Edmonton au terminal pour répondre aux commandes de ses clients lorsqu’elle n’était pas en mesure d’envoyer la pâte par train;
  • entreposage de la pâte dans divers entrepôts lorsqu’elle n’était pas en mesure de l’envoyer au terminal par train;
  • entreposage de la pâte à l’extérieur de son usine parce qu’il n’y avait plus d’espace dans l’entrepôt;
  • transport par camion de plus de pâte qu’à l’habitude directement de son usine jusqu’au terminal;
  • participation au Programme de mise aux enchères de wagons (CAP) de CN pour tenter d’obtenir des wagons supplémentaires pour transporter sa pâte jusqu’au terminal.

[5] MLMP affirme qu’elle a supporté des dépenses supplémentaires totalisant [SUPPRESSION] en raison du manquement de CN à ses obligations en matière de niveau de services par rapport aux dépenses qu’elle aurait supportées si CN lui avait fourni un nombre suffisant de wagons couverts à l’installation de transbordement pour transporter sa pâte par train de la façon habituelle. En plus de demander ce montant, MLMP affirme que l’Office devrait lui adjuger les frais liés à l’instance.

Observations préliminaires

[6] Dans sa présentation, CN s’oppose au dépôt par MLMP de nouveaux éléments de preuve sur ses dépenses après que l’Office a émis sa décision concernant le manquement aux obligations en matière de niveau de services. CN souligne le fait que MLMP a initialement demandé une indemnité sans fournir de documents justificatifs, et fait valoir qu’il est injuste d’un point de vue procédural de permettre à MLMP de recevoir la réponse initiale de CN et de remédier à ce que CN qualifie de lacune dans la demande initiale en déposant de nouveaux éléments de preuve.

[7] CN affirme également que, dans sa réponse précédente, elle ne suggérait pas à l’Office de scinder le cas en deux parties : l’une portant sur le fond et l’autre sur la demande d’indemnité, et de donner à MLMP une autre occasion de déposer des présentations sur les dépenses qu’elle a supportées. CN précise que son argument était plutôt qu’elle devrait avoir une deuxième occasion de répondre à la demande de MLMP à la lumière de la décision de l’Office sur la question de savoir s’il y a eu manquement aux obligations en matière de niveau de services, ce qui inclurait l’explication de l’Office sur la façon dont elle est arrivée à une telle conclusion. Pour ces motifs, CN demande que l’Office ne tienne pas compte des nouveaux éléments de preuve déposés par MLMP.

[8] L’Office a le pouvoir de contrôler son processus, qui peut comprendre de poser des questions aux parties et de demander des documents et des présentations afin d’avoir en main un dossier complet. Une demande de présentations supplémentaires sur des mesures correctives après une décision sur le fond est conforme à la pratique antérieure de l’Office en ce qui concerne les demandes d’indemnité à la suite de plaintes relatives au niveau de services (décision CONF‑4‑2017), y compris un cas mettant en cause CN (décision CONF‑11‑2016).

[9] Dans le cas présent, comme dans les cas précédents, l’Office a fourni aux deux parties l’occasion de fournir des présentations sur les dépenses supportées à la lumière de sa décision sur la plainte relative au niveau de services. MLMP et CN se sont toutes deux prévalues de cette occasion. Avant de déposer une réponse, CN a demandé à MLMP des renseignements supplémentaires sur les dépenses réclamées, les a obtenus et a reçu un délai supplémentaire de l’Office pour fournir sa réponse. Le processus a donné lieu à un échange complet entre les parties et a permis de constituer un dossier plus complet sur lequel fonder une décision. Par conséquent, l’Office rejette l’argument de CN selon lequel le processus est injuste et les éléments de preuve déposés par MLMP devraient être ignorés.

Compétence de l’Office pour accorder une indemnité

[10] Lorsque l’Office conclut qu’une compagnie de chemin de fer a manqué à ses obligations en matière de niveau de services, il a le pouvoir discrétionnaire en vertu de la Loi sur les transports au Canada d’ordonner à la compagnie d’indemniser toute personne lésée des dépenses qu’elle a supportées en raison du non-respect des obligations de la compagnie. À l’établissement du montant de l’indemnité à laquelle une partie a droit, l’Office a déclaré qu’il pouvait ordonner le paiement d’une indemnité pour les coûts déboursés, c’est-à-dire des dépenses qui découlent du manquement aux obligations en matière de niveau de services (décisions 2015‑07‑10 et CONF‑2‑2017).

Transport par camion de la pâte à Edmonton, puis au terminal

[11] MLMP soutient qu’elle avait déjà une entente avec MTE Logistix Edmonton Inc. pour l’utilisation de l’un de ses entrepôts à Edmonton (entrepôt M8) comme installation de transbordement avant la période visée par la plainte, et affirme que, comme CN n’a pas fourni suffisamment de wagons couverts à l’installation de transbordement pour répondre à la totalité de ses besoins dans le passé, elle transportait par camion la pâte à Edmonton pour l’acheminer par conteneurs ferroviaires intermodaux.

[12] MLMP affirme qu’en raison du manquement de CN pendant la période visée par la plainte, elle a transporté par camion beaucoup plus de pâte qu’à l’habitude jusqu’à Edmonton pour l’expédier par train au moyen de conteneurs maritimes. Les données qu’a fournies MLMP confirment cette affirmation, car elles démontrent que MLMP a transporté par camion 714 tonnes de pâte à Edmonton entre le 1er janvier 2021 et le 31 mai 2021 (période de référence), comparativement à 17 916 tonnes pendant la période visée par la plainte.

[13] MLMP soutient qu’elle n’a finalement pas été en mesure d’obtenir des services ferroviaires ou des conteneurs maritimes pour expédier la pâte qu’elle avait transportée par camion à Edmonton, et qu’elle a dû se résoudre à transporter par camion de grandes quantités de pâte jusqu’au terminal à partir d’Edmonton. CN indique qu’il ne s’agit pas d’une méthode efficace pour l’expédition de pâte, ce que MLMP admet. Toutefois, MLMP soutient qu’elle n’a eu recours à cette méthode d’expédition de la pâte qu’en raison de l’incapacité de CN à transporter par train la pâte d’Edmonton au terminal, et qu’elle n’a tenté de faire expédier la pâte par train d’Edmonton au terminal qu’en raison du manquement de services de CN à l’installation de transbordement. L’Office accepte l’explication de MLMP selon laquelle elle a expédié sa pâte de cette façon en raison du manquement de services à l’installation de transbordement.

[14] CN soutient que les dépenses que MLMP a réclamées pour le transport par camion de la pâte de son usine jusqu’au terminal, via Edmonton, sont surévaluées parce qu’elles comprennent le volume de pâte de MLMP qui était déjà entreposé à Edmonton au début de la période visée par la plainte. CN affirme que l’arriéré n’a pas été causé par un manquement de services pendant la période visée par la plainte, et soutient qu’elle ne devrait pas avoir à rembourser à MLMP les dépenses associées au transport de la pâte déjà entreposée au début de la période visée par la plainte d’Edmonton jusqu’au terminal.

[15] L’Office accepte la position de MLMP selon laquelle le volume de pâte déjà entreposée à Edmonton devrait être inclus dans les dépenses supportées en raison du manquement de CN à ses obligations en matière de niveau de services. L’inclusion de ce volume de pâte est conforme à la conclusion de l’Office dans la décision, à savoir que les besoins de MLMP en matière de wagons couverts pendant la période visée par la plainte comprenaient le volume de pâte qu’elle détenait dans les trois entrepôts d’Edmonton et que MLMP a demandé à CN de lui fournir des services à l’installation de transbordement pendant la période visée par la plainte pour transporter cette pâte. Comme CN n’a pas fourni un nombre suffisant de wagons couverts pour permettre à MLMP de transporter cette pâte par train pendant la période visée par la plainte, l’Office conclut que MLMP a droit à une indemnité pour les frais supplémentaires qu’elle a supportés pour transporter par camion cette pâte jusqu’au terminal.

[16] L’Office note que CN a contesté le volume de pâte qui devait être inclus dans le calcul des dépenses de MLMP, mais qu’elle ne conteste pas la méthode utilisée pour calculer les coûts supplémentaires par tonne. Après avoir examiné les présentations de MLMP concernant ces dépenses, l’Office conclut que la méthode utilisée par MLMP pour calculer ses coûts supplémentaires associés au transport par camion de la pâte jusqu’à Edmonton, puis jusqu’au terminal, est exacte.

[17] L’Office accepte donc les calculs présentés par MLMP, et conclut que MLMP a droit à une indemnité de [SUPPRESSION] pour les dépenses supplémentaires qu’elle a supportées pour transporter sa pâte jusqu’au terminal de cette façon en raison du manquement de CN à ses obligations en matière de niveau de services.

Entreposage

[18] MLMP affirme qu’en raison de l’incapacité de CN à fournir un nombre suffisant de wagons couverts pour réponse à ses besoins, elle a dû entreposer sa pâte à divers endroits (détails ci-dessous) jusqu’à ce qu’elle puisse la faire transporter jusqu’au terminal.

Entreposage par Edge Trucking

[19] MLMP soutient qu’en raison du manquement de CN à ses obligations en matière de niveau de services, elle a entreposé une partie de son volume de pâte excédentaire dans un entrepôt à Saskatoon (Saskatchewan) appartenant à Edge Trucking. Elle a fourni une ventilation des dépenses qu’elle a supportées pour ce faire, qui s’élèvent à [SUPPRESSION]. CN n’a pas contesté le montant de ces dépenses, ni le fait qu’elles ont été supportées en raison du manquement de services. L’Office conclut que la preuve déposée par MLMP concernant ces dépenses est crédible. Par conséquent, l’Office accepte ces dépenses et conclut que MLMP a droit à une indemnité pour les montants réclamés.

Entreposage dans des entrepôts à Edmonton

[20] MLMP a également entreposé un volume de pâte excédentaire dans trois entrepôts différents à Edmonton : l’entrepôt M8, un deuxième entrepôt exploité par MTE Logistix (entrepôt M17) et un troisième entrepôt exploité par Pro‑formance Intermodal Inc. (entrepôt Pro‑formance).

[21] Comme dans le cas de la pâte que MLMP a entreposée à l’entrepôt d’Edge Trucking, CN n’a pas contesté le montant des dépenses que MLMP affirme avoir supportées pour l’utilisation de l’entrepôt M17, ni le fait que ces dépenses découlaient du manquement de services. L’Office conclut aussi que la preuve déposée par MLMP concernant ces dépenses est crédible. L’Office accepte les montants réclamés et conclut donc que MLMP a droit à une indemnité de [SUPPRESSION] pour les dépenses qu’elle a supportées pour l’utilisation de cet entrepôt pendant la période visée par la plainte.

[22] En ce qui concerne les entrepôts M8 et Pro‑formance, CN soutient que MLMP avait déjà un volume de pâte dans les deux entrepôts au début de la période visée par la plainte et que MLMP ne devrait avoir droit qu’à une indemnité pour les dépenses qu’elle a supportées pour tout volume supplémentaire à la quantité qui était déjà entreposée au début de la période visée par la plainte.

[23] Toutefois, tout comme les arguments de CN concernant les dépenses de MLMP pour le transport par camion de la pâte d’Edmonton au terminal, un tel argument est contraire à la conclusion de l’Office dans la décision, soit que les exigences et les demandes de wagons couverts de MLMP auprès de CN pendant la période visée par la plainte comprenaient un nombre suffisant de wagons couverts pour transporter non seulement la pâte produite pendant la période visée, mais aussi la pâte excédentaire qu’elle détenait en entrepôt au début de la période visée par la plainte. Si CN avait fourni les wagons couverts demandés par MLMP pour répondre à ses besoins, cette pâte ne serait pas restée en entreposage.

[24] Compte tenu de ce qui précède, l’Office conclut que MLMP a droit à une indemnité pour les dépenses qu’elle a supportées pour l’utilisation de ces installations pendant la période visée par la plainte, c’est-à-dire [SUPPRESSION] pour l’utilisation de l’entrepôt M8 et [SUPPRESSION] pour l’utilisation de l’entrepôt Pro‑formance.

Entrepôt du Conseil tribal de Meadow Lake (CTML)

[25] Comme pour les entrepôts M8 et Pro‑formance, CN soutient qu’elle ne devrait pas être tenue d’indemniser MLMP pour l’utilisation de l’entrepôt du CTML, car MLMP avait déjà un volume de pâte dans cet entrepôt au début de la période visée par la plainte et que ce volume a diminué au cours de cette période. Cependant, comme indiqué ci-dessus, cet argument ne tient pas compte de la conclusion antérieure de l’Office selon laquelle les besoins en wagons couverts de MLMP comprenaient la quantité de pâte que celle-ci avait en entreposage au début de la période visée par la plainte.

[26] Le mois de janvier doit être traité différemment en raison de la méthode de facturation indiquée sur les factures qu’a fournies MLMP, qui montrent qu’elle a dû payer les mêmes frais mensuels pour l’utilisation de cet entrepôt, quelle que soit la quantité de pâte qu’elle y entreposait et quel que soit le nombre de jours pendant lesquels elle y entreposait de la pâte chaque mois. Cela est évident parce que le volume de fin de mois en avril avait atteint 0, mais le montant de la facture est resté le même parce qu’il s’agit de frais mensuels.

[27] Les données fournies montrent que MLMP avait un volume de pâte dans cet entrepôt à la fin de décembre 2021, et il semble donc qu’elle aurait supporté les frais mensuels pour janvier 2022 parce qu’elle avait de la pâte dans cet entrepôt le 1er janvier 2022, avant de passer des commandes de wagons couverts auprès de CN pendant la période visée par la plainte et avant le manquement de services de CN pendant cette période. Comme il semble que MLMP aurait supporté ces frais mensuels indépendamment du taux d’exécution des commandes de wagons couverts de CN en janvier 2022, l’Office ne peut pas conclure que les frais de janvier étaient dus au manquement pendant la période visée par la plainte. Par conséquent, MLMP n’a pas droit à une indemnité pour les dépenses associées à l’utilisation de l’entrepôt du CTML en janvier.

[28] Toutefois, comme CN n’a pas fourni un nombre suffisant de wagons couverts en fonction des commandes de MLMP au cours du mois de janvier pour lui permettre de transporter la pâte entreposée dans cet entrepôt, l’Office conclut que les dépenses de MLMP pour les autres mois de la période visée par la plainte sont attribuables au manquement de CN à ses obligations en matière de niveau de services et que MLMP a droit à une indemnité pour les dépenses qu’elle a supportées pour l’utilisation de cet entrepôt au cours des mois de février, de mars et d’avril, pour un total de [SUPPRESSION].

Dépenses liées au volume de pâte excédentaire entreposé à l’usine

[29] MLMP affirme qu’en raison du manquement de CN à ses obligations en matière de niveau de services, elle a dû entreposer temporairement une partie de sa pâte à l’extérieur, dans le stationnement de l’usine, et qu’elle n’entreposerait pas la pâte à l’extérieur si CN fournissait un nombre suffisant de wagons couverts pour la transporter.

[30] MLMP soutient qu’elle a supporté des dépenses s’élevant à [SUPPRESSION] pour l’achat de bâches et d’autres articles destinés à protéger des intempéries la pâte qui serait entreposée à l’extérieur, et pour le transport de la pâte à destination et en provenance du stationnement de l’usine.

[31] CN affirme que :

  • MLMP avait 4 895 tonnes de pâte en entreposage à l’usine au début de la période visée par la plainte;
  • MLMP avait la capacité d’entreposer 5 500 tonnes à l’intérieur et que le volume de pâte avait été réduit à 2 441 tonnes à la fin de février;
  • les données fournies par MLMP indiquent que son volume de pâte en fin de mois entreposé à l’usine n’a jamais dépassé 5 500 tonnes.

[32] CN soutient que la majorité de la pâte entreposée à l’extérieur par MLMP était un volume antérieur à la période visée par la plainte, que l’inventaire à l’usine a été ramené à des niveaux conformes à la période de référence à la fin de février 2022, et que, par conséquent, CN ne devrait pas avoir à indemniser MLMP pour les dépenses liées à l’entreposage de la pâte à l’extérieur.

[33] L’Office accepte les déclarations de MLMP selon lesquelles elle entrepose la pâte à l’extérieur que lorsqu’il n’y a pas d’espace dans son entrepôt et qu’elle n’a pas été tenue d’entreposer de la pâte à l’extérieur pendant la période de référence. L’Office accepte également l’affirmation de MLMP selon laquelle l’entreposage de la pâte à l’extérieur nécessite une main-d’œuvre et des matériaux supplémentaires pour atténuer le risque de dégradation du produit. Enfin, l’Office convient avec MLMP qu’il n’aurait pas été raisonnable de s’attendre à ce que MLMP supporte des dépenses supplémentaires liées au retour de la pâte à l’entrepôt lorsque de l’espace était disponible, comme l’a suggéré CN. De plus, rien n’indique que MLMP aurait ainsi réduit ses dépenses globales.

[34] En fonction de la preuve dont il dispose, l’Office conclut que les dépenses supportées par MLMP pour entreposer la pâte à l’extérieur étaient directement liées au manquement de services de CN, et que MLMP a donc droit à une indemnité pour les dépenses s’élevant à [SUPPRESSION] qu’elle a supportées pendant la période visée par la plainte.

Transport par camion de la pâte directement au terminal

[35] MLMP soutient que, pendant la période visée par la plainte, elle a dû expédier plus de pâte qu’à l’habitude par camion directement de l’usine au terminal en raison du manquement de CN à ses obligations en matière de niveau de services. Elle déclare que pendant la période de référence, elle a expédié en moyenne [SUPPRESSION] tonnes de pâte par camion directement au terminal chaque mois.

[36] CN soutient que le volume total de pâte que MLMP a expédié par cette méthode pendant la période visée par la plainte devrait être comparé au volume expédié de cette façon pendant la période de référence. MLMP, pour sa part, affirme que l’Office devrait comparer la quantité réelle de pâte qu’elle a expédiée par camion directement au terminal pendant la période visée par la plainte à la quantité moyenne qu’elle a expédiée par camion par mois pendant la période de référence (moyenne), et lui verser une indemnité correspondant au volume supplémentaire mensuel.

[37] MLMP affirme que l’approche de CN ne tient pas compte de l’incidence du manquement de services qui a entraîné une augmentation du volume de pâte à des niveaux ingérables, ce qui l’a obligé à augmenter la quantité de pâte qu’elle transportait par camion directement de l’usine au terminal. Elle ajoute que la disponibilité des camions à Meadow Lake fluctue considérablement, tout comme le coût du transport par camion. De même, elle souligne le fait que les dépenses évitées fluctuent considérablement, principalement en raison des surtaxes sur le carburant et sur le carbone de CN, de sorte que l’utilisation des volumes mensuels est une approche plus raisonnable pour déterminer à la fois les coûts du camionnage et les dépenses évitées. MLMP soutient également que l’approche de CN pose un problème insoluble étant donné qu’elle n’a aucun moyen précis de calculer les dépenses supplémentaires que MLMP a évitées en transportant par camion la pâte directement au terminal au cours de la période de cinq mois visée par la plainte.

[38] Les données fournies par MLMP montrent qu’elle a transporté par camion moins de pâte qu’à l’habitude directement au terminal au cours des mois de janvier et de février. Par conséquent, MLMP n’a pas réclamé de dépenses supplémentaires pour ces mois. Toutefois, les données montrent également que MLMP a transporté par camion [SUPPRESSION] tonnes directement au terminal en mars [SUPPRESSION] tonnes de plus que la moyenne), [SUPPRESSION] tonnes en avril [SUPPRESSION] tonnes de plus que la moyenne), et [SUPPRESSION] tonnes en mai [SUPPRESSION] tonnes de plus que la moyenne), ce qui a entraîné une augmentation de [SUPPRESSION] tonnes entre la période de référence et la période visée par la plainte.

[39] Au cours des mois de janvier et de février, MLMP semble avoir évité la plupart des dépenses qu’elle avait supportées pour transporter la pâte par camion directement au terminal pendant la période de référence. Selon les éléments de preuve dont dispose l’Office, il semble que cette pâte ait été soit entreposée, soit transportée par camion jusqu’à Edmonton, puis jusqu’au terminal. MLMP a réclamé une indemnité pour des dépenses liées à ces deux scénarios et, comme il est indiqué ci-dessus, l’Office a conclu que MLMP a droit à l’indemnité pour les dépenses qu’elle a supportées.

[40] Si l’Office acceptait l’approche de MLMP, il ordonnerait qu’elle soit indemnisée pour toute la pâte excédentaire qu’elle a entreposée ou transportée par camion à Edmonton pendant les mois de janvier et février, sans déduire les dépenses qu’elle aurait supportées en transportant les [SUPPRESSION] tonnes de pâte directement au terminal pendant ces mois, comme elle l’avait fait au cours de la période de référence.

[41] Compte tenu de ce qui précède, l’Office est d’accord avec l’approche suggérée par CN qui consiste à comparer les volumes totaux réels de pâte qui ont été expédiés pendant la période visée par la plainte aux volumes totaux réels qui ont été expédiés pendant la période de référence, indépendamment du moment de l’expédition. L’Office conclut que cette approche constitue une méthode plus raisonnable de calculer les dépenses que MLMP a supportées à la suite du manquement, car elle tient compte du volume de pâte que MLMP a transporté par camion directement au terminal pendant les mois de janvier et de février de la période de référence. De même, l’Office accepte l’affirmation de MLMP selon laquelle le coût du transport par camion de la pâte jusqu’au terminal a varié au cours de la période visée par la plainte, mais il conclut que l’utilisation de la moyenne des trois mois de la période visée par la plainte pour lesquels des données ont été fournies est une approche raisonnable pour déterminer les dépenses supplémentaires.

[42] D’après les données qu’a fournies MLMP, elle a transporté par camion [SUPPRESSION] tonnes de pâte directement au terminal pendant la période visée par la plainte, et [SUPPRESSION] tonnes pendant la période de référence, ce qui représente une augmentation de [SUPPRESSION] tonnes.

[43] MLMP a fourni ses dépenses supplémentaires par tonne pour le transport par camion de la pâte directement au terminal pour les mois de mars, d’avril et de mai en comparant ses dépenses à celles qu’elle a évitées en n’envoyant pas la pâte par train. Elle n’a pas fourni de données pour les mois de janvier et de février, car, selon sa justification, elle ne demande pas d’indemnité pour les dépenses de ces mois.

[44] À la lumière des éléments de preuve présentés, l’Office conclut qu’il est raisonnable d’utiliser la moyenne des coûts supplémentaires qu’a supportés MLMP par tonne au cours des mois de mars, d’avril et de mai pour calculer les dépenses supplémentaires associées au transport par camion de [SUPPRESSION] tonnes supplémentaires de pâte directement au terminal pendant la période visée par la plainte en raison du manquement de CN à ses obligations en matière de niveau de services. MLMP soutient que ses coûts supplémentaires par tonne au cours de ces mois étaient de [SUPPRESSION], de [SUPPRESSION] et de [SUPPRESSION], ce qui donne une moyenne de [SUPPRESSION]. Par conséquent, l’Office conclut que MLMP a droit à une indemnité de [SUPPRESSION] pour les dépenses qu’elle a supportées pour transporter par camion la pâte directement au terminal.

Dépenses liées à la vente aux enchères des wagons couverts de CN

[45] MLMP soutient que lorsque CN n’a pas fourni un nombre suffisant de wagons couverts à la suite de ses demandes de service, elle a tenté d’obtenir des wagons couverts supplémentaires en participant au programme CAP de CN. MLMP soutient qu’elle a dépensé [SUPPRESSION] pour tenter d’obtenir plus de wagons couverts dans le cadre du programme de mise aux enchères, et qu’elle n’y aurait pas participé si elle avait reçu un nombre suffisant de wagons couverts. CN ne conteste pas le fait que MLMP a supporté ces dépenses en raison du manquement de services. L’Office conclut qu’il s’agit de dépenses que MLMP a supportées en raison du manquement de CN à ses obligations en matière de niveau de services.

[46] Plus précisément, il s’agit de dépenses que MLMP a payées directement à CN pour obtenir des wagons couverts à un prix gonflé pendant une période de service inadéquat. L’existence d’un programme de mise aux enchères pendant cette période sous-entend nécessairement que des wagons couverts supplémentaires étaient disponibles pour les expéditeurs, mais seulement pour ceux qui voulaient et pouvaient payer un prix supérieur au tarif légal. Il est difficile de concilier la description faite par MLMP du programme CAP de CN avec le droit statutaire d’un expéditeur à un service adéquat pour toutes les marchandises à transporter sur le chemin de fer à un prix licitement exigible.

[47] L’Office ordonne à CN d’indemniser MLMP en lui restituant le montant de [SUPPRESSION] qu’elle a versé dans le cadre du CAP.

Coûts des instances devant l’Office

[48] Le pouvoir conféré à l’Office d’adjuger des frais est discrétionnaire. Comme l’a indiqué CN, historiquement, l’Office n’a adjugé des frais à une partie que dans des circonstances spéciales ou exceptionnelles. Par exemple, dans la décision 4‑R‑2017 (Louis Dreyfus Commodities Canada Ltd. c la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada) — le cas cité par MLMP dans ses arguments — l’Office a noté qu’il y a eu plusieurs semaines où l’expéditeur avait reçu un taux d’exécution de 0 %. L’Office a conclu que le nombre, la fréquence et l’importance des demandes de service non justifiées ou non satisfaites, ainsi que les coûts qui en résultent pour l’expéditeur, ont conduit à la demande de niveau de service et aux coûts supplémentaires associés à la poursuite de cette demande. L’Office a conclu que les circonstances dans ce cas étaient exceptionnelles, étant donné que les obligations en matière de services avaient été établies dans un contrat confidentiel. Dans le cas présent, l’Office conclut que le niveau de service fourni par CN représente un manquement à ses obligations, mais que cela n’est pas suffisant en soi pour constituer une circonstance exceptionnelle, comme l’a soutenu MLMP. À la lumière de ce qui précède, l’Office conclut que MLMP n’a pas droit à une adjudication des frais.

Conclusion

[49] En résumé, l’Office conclut que MLMP a droit à l’indemnité suivante en raison du manquement de CN à ses obligations en matière de niveau de services :

Transport par camion de pâte jusqu’à Edmonton, puis jusqu’au terminal [SUPPRESSION]
Entreposage – Edge trucking [SUPPRESSION]
Entreposage – entrepôt M8 [SUPPRESSION]
Entreposage – entrepôt M17 [SUPPRESSION]
Entreposage – entrepôt Pro‑formance [SUPPRESSION]
Entreposage – entrepôt du CTML [SUPPRESSION]
Volume de pâte excédentaire entreposé à l’usine [SUPPRESSION]
Transport par camion directement au terminal [SUPPRESSION]
Dépenses liées au CAP [SUPPRESSION]
Total [SUPPRESSION]


[50]Par conséquent, l’Office ordonne à CN de verser à MLMP la somme de [SUPPRESSION] en raison des dépenses que MLMP a supportées en raison du manquement de CN à ses obligations en matière de niveau de services le plus tôt possible, mais au plus tard le 15 janvier 2024.


Dispositions en référence Identifiant numérique (article, paragraphe, règle, etc.)
Loi sur les transports au Canada, LC 1996, c 10 116(1); 116(4)

Membre(s)

Elizabeth C. Barker
Lenore Duff
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