Lettre-décision n° LET-AT-A-26-2023
Demande présentée par Kandi Smiley contre Air Canada concernant des obstacles à ses possibilités de déplacement avec son animal de soutien émotionnel (ASE)
[1] Kandi Smiley a déposé une demande auprès de l’Office des transports du Canada (Office) contre Air Canada à qui elle reproche de ne pas avoir répondu à ses besoins liés à son handicap, puisqu’Air Canada n’a pas accepté son chien comme prévu à bord du vol qu’elle devait prendre le 21 août 2019. Mme Smiley a affirmé que son chien était un chien d’assistance, mais Air Canada l’a traité comme un ASE.
[2] Mme Smiley réclame que les employés d’Air Canada reçoivent de la formation, et elle demande une indemnité pour atteinte à sa dignité et en raison de séquelles émotionnelles qui résultent de cet incident.
[3] Le 4 mai 2021, en réponse à la lettre d’ouverture des actes de procédure, Air Canada a indiqué qu’elle annulait sa politique sur le transport des ASE et qu’elle n’accepterait plus de les transporter en cabine à compter du 1er mars 2021.
[4] Dans la décision LET-AT-A-42-2022 (décision sur le handicap), émise le 4 octobre 2022, l’Office a conclu que Mme Smiley est une personne handicapée. De plus, l’Office a conclu de façon préliminaire que le chien de Mme Smiley n’est pas un chien d’assistance.
[5] Dans la décision LET-AT-A-6-2023 (décision sur l’obstacle), émise le 14 février 2023, l’Office a confirmé sa conclusion préliminaire selon laquelle le chien de Mme Smiley est un ASE et non pas un chien d’assistance au sens des règlements fédéraux sur l’accessibilité pris en vertu de la Loi sur les transports au Canada (LTC). L’Office a également conclu que Mme Smiley a rencontré un obstacle en matière de communication du fait que le personnel du bureau médical d’Air Canada :
- n’a pas correctement évalué les renseignements que Mme Smiley a fournis concernant la taille de son ASE afin, d’une part, de l’informer d’avance du changement de l’aéronef prévu pour son vol pour un aéronef plus petit, ce qui entraînait un manque d’espace à l’intérieur de la cabine pour accueillir son ASE et, d’autre part, de la possibilité de changer sa réservation pour un prochain vol à bord d’un plus gros aéronef;
- n’a pas bien informé Mme Smiley de la possibilité qu’elle ne puisse pas prendre son vol comme prévu avec son ASE.
[6] Après que l’Office a statué sur la partie 1 de son approche en deux parties et a émis la décision sur le handicap et la décision sur l’obstacle, il a décidé de ne pas ouvrir immédiatement les actes de procédure sur la partie 2 de son approche pour déterminer si l’obstacle était abusif. Il a plutôt décidé d’examiner la question des déplacements avec un ASE dans les transports dans le contexte de plusieurs cas regroupés, dont celui de Mme Smiley (instance sur les ASE). L’Office a fait savoir que, lorsqu’il prononcerait sa décision finale dans l’instance sur les ASE, il examinerait de nouveau le cas de Mme Smiley pour statuer sur la partie 2 de son approche.
[7] Le 23 juin 2023, l’Office a émis la décision 105-AT-C-A-2023 dans l’instance sur les ASE (décision finale sur les ASE). Dans cette décision finale, l’Office a conclu, entre autres, que les chiens domestiqués pourraient en général faire de bons ASE, mais que si le transport de chien de soutien émotionnel (CSE) n’est pas réglementé, les transporteurs se verraient imposer une contrainte excessive en raison des risques pour la santé et la sécurité; des inquiétudes concernant le comportement et le bien-être de l’animal; et des conséquences des fausses déclarations visant à faire passer des animaux de compagnie pour des CSE. L’une des conditions indiquées par l’Office pour gérer les risques inhérents au transport de CSE est que le CSE doit rester pendant toute la durée du vol dans une cage de transport adéquate qui doit tenir et rester sous le siège qui se trouve devant la personne handicapée.
[8] Maintenant que l’Office a émis la décision finale sur les ASE, il se penche à nouveau sur le cas de Mme Smiley afin d’ouvrir les actes de procédure sur la partie 2 de l’approche décrite dans la section ci-après intitulée La loi. De toute évidence, le CSE de Mme Smiley est trop gros pour entrer dans une cage qui tiendrait sous le siège devant elle à bord d’un aéronef. Toutefois, au cours de la présente instance, l’Office ne se penchera pas sur la question de savoir si le CSE de Mme Smiley devrait être accepté dans les transports à l’avenir. En fait, puisque l’obstacle reconnu par l’Office dans la partie 1 porte sur la communication d’information par Air Canada lorsqu’elle a accepté de transporter Mme Smiley et son CSE, la partie 2 se limitera à cette question.
La loi
[9] L’Office a le pouvoir de se prononcer sur des demandes dans lesquelles une personne affirme qu’il existe un obstacle abusif aux possibilités de déplacement des personnes handicapées dans le réseau de transport fédéral.
[10] L’Office détermine s’il existe un obstacle abusif aux possibilités de déplacement d’une personne handicapée au moyen d’une approche en deux parties.
Partie 1 : Il revient au demandeur de démontrer, selon la prépondérance des probabilités :
-
- qu’il a un handicap, c’est-à-dire une déficience notamment physique, intellectuelle, cognitive, mentale ou sensorielle, tout trouble d’apprentissage ou de la communication (ou toute limitation fonctionnelle) de nature permanente, temporaire ou épisodique, manifeste ou non et dont l’interaction avec un obstacle nuit à la participation pleine et égale d’une personne dans la société;
et
-
- qu’il a rencontré un obstacle, c’est-à-dire tout élément — notamment un élément de nature physique ou architecturale, qui est relatif à l’information, aux communications, aux comportements ou à la technologie ou qui est le résultat d’une politique ou d’une pratique — qui nuit à la participation pleine et égale dans la société des personnes ayant des déficiences notamment physiques, intellectuelles, cognitives, mentales ou sensorielles, des troubles d’apprentissage ou de la communication ou des limitations fonctionnelles. Il doit y avoir un certain lien entre le handicap et l’obstacle.
Partie 2 : Si l’Office détermine qu’un demandeur a un handicap et qu’il a rencontré un obstacle, il incombe alors à la défenderesse de prendre l’une ou l’autre des mesures suivantes :
-
- expliquer, en tenant compte des solutions proposées par le demandeur, comment elle propose d’éliminer l’obstacle en apportant une modification générale à la règle, à la politique, à la pratique, à la technologie ou à la structure physique visée, ou à tout autre élément constituant un obstacle ou, si la modification générale n’est pas possible, en adoptant une mesure d’accommodement personnalisée;
ou
-
- démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle ne peut pas éliminer l’obstacle sans se voir imposer une contrainte excessive.
[11] Maintenant que l’Office a statué sur la partie 1 et a émis la décision sur le handicap et la décision sur l’obstacle, il ouvre les actes de procédure dans le cas de Mme Smiley sur la partie 2 de son approche en deux parties.
Quels sont les recours de Mme Smiley si l’Office conclut à un obstacle abusif à ses possibilités de déplacement?
[12] Lorsque l’Office conclut qu’il existe un obstacle abusif, il a le pouvoir d’ordonner que la défenderesse prenne les mesures correctives indiquées et, s’il y a lieu, verse à la personne handicapée une indemnité pour les frais que cette dernière a supportés ou les pertes de salaire qu’elle a subies en raison de l’obstacle abusif. L’Office a également le pouvoir d’ordonner le versement d’une indemnité pour les souffrances et douleurs subies en raison de l’obstacle abusif ou d’une indemnité lorsque l’obstacle abusif résulte d’un acte délibéré ou inconsidéré, jusqu’à un maximum de 20 000 CAD chacun (sous réserve de rajustements annuels).
[13] Toutefois, la LTC limite la portée de ces pouvoirs d’ordonner des mesures correctives si l’Office est convaincu que le transporteur s’est conformé ou n’a pas contrevenu aux dispositions réglementaires applicables en matière d’accessibilité prises au titre de la LTC. Par conséquent, l’Office doit déterminer s’il existe des règlements sur l’accessibilité pris au titre de la LTC qui s’appliquent au cas présent afin de déterminer les recours dont Mme Smiley peut se prévaloir.
[14] Dans la décision sur l’obstacle, l’Office a conclu que le chien de Mme Smiley n’est pas un chien d’assistance au sens des règlements fédéraux sur l’accessibilité pris en vertu de la LTC. Aucun règlement n’encadre les ASE ou les CSE.
[15] Le Règlement sur les transports accessibles aux personnes handicapées encadre la communication d’information, mais il n’est entré en vigueur que le 25 juin 2020, donc après l’incident. En outre, le Règlement sur les transports aériens était en vigueur au moment de l’incident, mais il n’encadre pas la communication d’information.
[16] Par conséquent, comme aucun règlement ne s’applique dans le cas présent, si à la dernière étape de l’instance, l’Office conclut que la demanderesse a rencontré un obstacle abusif, il peut ordonner toute mesure corrective prévue par la LTC, notamment une indemnité pour les souffrances et douleurs subies et une indemnité en cas d’acte délibéré ou inconsidéré.
Prochaines étapes
Directive sur le dépôt de présentations sur un obstacle abusif ou des mesures correctives possibles, et sur l’indemnisation
[17] Comme il l’a indiqué précédemment, l’Office a conclu que Mme Smiley est une personne handicapée et qu’elle a rencontré un obstacle du fait que le personnel du bureau médical d’Air Canada :
- n’a pas correctement évalué les renseignements que Mme Smiley a fournis concernant la taille de son ASE afin, d’une part, de l’informer d’avance du changement de l’aéronef prévu pour son vol pour un aéronef plus petit, ce qui entraînait un manque d’espace à l’intérieur de la cabine pour accueillir son ASE et, d’autre part, de la possibilité de changer sa réservation pour un prochain vol à bord d’un plus gros aéronef;
- n’a pas bien informé Mme Smiley de la possibilité qu’elle ne puisse pas prendre son vol comme prévu avec son ASE.
[18] Mme Smiley réclame une indemnité pour atteinte à sa dignité et en raison de séquelles émotionnelles qui résultent de cet incident. Afin d’étayer sa demande, Mme Smiley a jusqu’à 17 h, heure locale de Gatineau, le 23 août 2023, pour fournir les éléments suivants à l’Office, et en acheminer une copie à Air Canada :
(1) le ou les motifs pour lesquels l’Office devrait accorder une indemnité pour les souffrances et douleurs subies;
(2) toute preuve d’ordre médical pour soutenir sa demande d’indemnité pour les souffrances et douleurs subies;
(3) s’il y a lieu, une preuve des dépenses qu’elle a supportées en raison de l’obstacle, notamment les frais occasionnés par le recours à
d’autres biens, services ou moyens d’hébergement;
(4) s’il y a lieu, une preuve des pertes de salaire qu’elle a subies en raison de l’obstacle;
(5) s’il y a lieu, le ou les motifs pour lesquels l’Office devrait conclure que l’obstacle résultait d’un acte délibéré ou inconsidéré.
[19] L’Office donne ensuite à Air Canada la possibilité de répondre aux présentations de Mme Smiley sur l’indemnisation et de déposer sa réponse à la partie 2. Dans sa réponse, Air Canada doit, selon le cas :
- expliquer, en tenant compte des solutions proposées par la demanderesse, comment elle propose d’éliminer l’obstacle en apportant une modification générale à la règle, à la politique, à la pratique, à la technologie ou à la structure physique visée, ou à tout autre élément constituant un obstacle ou, si la modification générale n’est pas possible, en adoptant une mesure d’accommodement personnalisée;
- démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle ne peut pas éliminer l’obstacle sans se voir imposer une contrainte excessive.
[20] Air Canada a dix jours ouvrables après avoir reçu les présentations de Mme Smiley pour déposer à l’Office sa réponse aux présentations de Mme Smiley sur l’indemnisation et sa réponse à la partie 2, et en fournir une copie à Mme Smiley, après quoi Mme Smiley aura cinq jours ouvrables pour déposer une réplique auprès de l’Office et en fournir une copie à Air Canada.
[21] Les présentations sur l’indemnisation seront examinées si l’Office conclut à l’existence d’un obstacle abusif après la clôture des actes de procédure sur la partie 2.
[22] Toute la correspondance et tous les actes de procédure doivent renvoyer au cas 21‑00896 et être déposés auprès du Secrétariat de l’Office à secretariat@otc‑cta.gc.ca.
Dispositions en référence | identifiant numérique (article, paragraphe, règle, etc.) |
---|---|
Loi sur les transports au Canada, LC 1996, c 10 | 172(1); 172(2); 169.5; 172(3) |
Règlement sur les transports aériens, DORS/88-58 | 149(1) |
Règlement sur les transports accessibles aux personnes handicapées, DORS/2019-244 | 54 |
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