Lettre-décision n° LET-AT-C-A-32-2019
Demande par Tanveer Akhtar contre Saudi Arabian Airlines Corporation (Saudi Arabian Airlines).
RÉSUMÉ
[1] Tanveer Akhtar a déposé une demande auprès de l’Office des transports du Canada (Office) contre Saudi Arabian Airlines, au titre :
- du paragraphe 172(1) de la Loi sur les transports au Canada, L.C. 1996, ch. 10, modifiée (LTC), concernant le manquement présumé du transporteur à fournir une assistance avec fauteuil roulant à l’aéroport international d’Islamabad (aéroport d’Islamabad);
- du paragraphe 110(4) du Règlement sur les transports aériens, DORS/88-58, modifié (RTA), concernant l’annulation de son vol.
[2] La demanderesse réclame une indemnisation (montant non précisé) de Saudi Arabian Airlines pour les souffrances qu’elle a subies en raison du manquement par Saudi Arabian Airlines à lui fournir l’assistance avec fauteuil roulant, et pour le retard de son vol prévu le 31 mai 2018. Elle réclame également une indemnisation de 150 $CAN représentant les frais pour des services de bagagiste.
[3] L’Office se penchera sur les questions suivantes :
- Tanveer Akhtar est-elle une personne ayant une déficience au sens de la partie V de la LTC?
- Mme Akhtar a-t-elle rencontré un obstacle à ses possibilités de déplacement?
- Saudi Arabian Airlines a-t-elle correctement appliqué les conditions énoncées aux règles 55, 35 et 80 de son tarif intitulé International Passenger Rules and Fares Tariff, NTA(A) No. 324 (tarif) qui incorpore par renvoi la Convention pour l’unification de certaines règles relatives au transport aérien international – Convention de Montréal (Convention de Montréal)? Si Saudi Arabian Airlines n’a pas correctement appliqué les conditions énoncées dans son tarif, quel recours, le cas échéant, est à la disposition de la demanderesse?
[4] Pour les motifs énoncés ci-après, l’Office conclut que Tanveer Akhtar est une personne ayant une déficience et qu’elle a rencontré un obstacle à ses possibilités de déplacement lorsqu’elle n’a pas reçu l’assistance avec fauteuil roulant qu’elle avait demandée à l’aéroport d’Islamabad. À la lumière de ces conclusions, l’Office ouvrira maintenant les actes de procédure pour déterminer si l’obstacle était abusif.
[5] En outre, l’Office conclut que Saudi Arabian Airlines a correctement appliqué les conditions énoncées aux règles 35 et 80 de son tarif, mais n’a pas correctement appliqué la règle 55 de son tarif.
CONTEXTE
[6] La demanderesse a acheté des billets auprès de Saudi Arabian Airlines par l’entremise d’une agence de voyages pour un vol prévu le 31 mai 2018 d’Islamabad, Pakistan, à Toronto (Ontario) via Jeddah, Arabie saoudite.
[7] Lorsque la demanderesse s’est présentée à l’aéroport d’Islamabad le 31 mai 2018 pour prendre le vol no SV0889 à destination de Jeddah, le transport lui a été refusé. Le vol à destination de Jeddah a été retardé, et Saudi Arabian Airlines prétend que la demanderesse serait arrivée après le départ de son vol à destination de Toronto. Saudi Arabian Airlines l’a donc automatiquement réacheminée sur un vol à destination de Jeddah le 1er juin 2018.
[8] Tanveer Akhtar affirme également qu’à Islamabad, elle n’a pas reçu l’assistance avec fauteuil roulant qu’elle avait demandée. Pendant qu’elle attendait son vol du 1er juin, le transporteur a payé ses frais d’hôtel et de repas, mais ne l’a pas aidée à se rendre à l’hôtel et à en revenir avec ses bagages.
OBSERVATION PRÉLIMINAIRE
Compétence
[9] Saudi Arabian Airlines fait valoir que l’enquête menée par l’Office en vertu du paragraphe 172(1) de la LTC, dans le cas présent, dépasse la compétence de l’Office et est donc ultra vires.
[10] Saudi Arabian Airlines indique que la partie V de la LTC confère à l’Office le pouvoir de prendre des règlements et d’enquêter sur des plaintes dans le but d’éliminer les obstacles abusifs dans le réseau de transport « assujetti à la compétence législative du Parlement ». Elle affirme que la compétence de l’Office se limite au réseau de transport fédéral et que, puisque la demanderesse effectuait un voyage de nature international et que le manquement allégué à fournir l’assistance avec fauteuil roulant s’est produit entre deux points à l’étranger, le réseau de transport fédéral n’entre pas en ligne de compte.
[11] Saudi Arabian Airlines prétend que la LTC n’autorise pas ni n’exige explicitement que l’Office se penche sur des questions d’accessibilité qui pourraient survenir pendant des vols internationaux. Elle fait valoir que la seule raison pour laquelle l’Office peut statuer sur des questions qui peuvent survenir en dehors de la compétence conférée par le législateur est de s’appuyer sur la Convention de Montréal. La Convention de Montréal, selon Saudi Arabian Airlines, empêche tout motif d’action en dommages-intérêts contre un transporteur aérien, sauf si le motif découle des conditions et des limites de responsabilité énoncées dans la Convention de Montréal. Elle fait valoir que le législateur n’avait pas l’intention d’élargir la compétence de l’Office au-delà des frontières du Canada ni de l’autoriser à dresser des conclusions qui compromettraient les obligations du Canada prévues dans des traités.
[12] Bien que Saudi Arabian Airlines soit un transporteur aérien étranger, elle détient une licence canadienne pour exploiter des vols internationaux à destination et en provenance du Canada. L’itinéraire en question comprenait un segment de vol entre deux points à l’étranger, mais dont la dernière destination était Toronto, au Canada. La connexion avec le Canada est réelle et notable.
[13] Si une plainte est déposée à l’Office, la LTC lui confère le pouvoir de mener l’enquête afin de déterminer s’il y a un obstacle abusif aux possibilités de déplacement des personnes ayant une déficience. La Convention de Montréal n’empêche pas ce pouvoir si le fournisseur de services est un transporteur étranger qui exploite un service international. Elle ne définit pas non plus de manière exhaustive les types d’actions en justice qui peuvent être exercées contre les transporteurs. Selon l’article 29 de la Convention de Montréal, d’autres types d’actions en justice peuvent être exercées, mais elles sont assujetties aux conditions et aux limites de responsabilité prévues dans la Convention de Montréal.
[14] L’Office a exercé sa compétence à l’égard de transporteurs étrangers au titre de l’article 172 de la LTC relativement à des itinéraires internationaux, où la dernière destination était le Canada, par exemple dans la décision n° 55-AT-A-2018, et où le vol d’origine était exploité à partir du Canada, par exemple dans la décision n° 336-AT-A-2004.
[15] À la lumière de ce qui précède, l’Office est d’avis qu’il a compétence pour mener l’enquête concernant le service d’assistance avec fauteuil roulant fourni à la demanderesse lors de son vol d’Islamabad à Toronto, via Jeddah.
Réclamation d’une indemnisation
[16] Mme Akhtar réclame une indemnisation (montant non précisé) de Saudi Arabian Airlines pour ses souffrances du fait de ne pas avoir obtenu l’assistance avec fauteuil roulant, et pour le retard de son vol prévu le 31 mai 2018.
[17] Comme l’Office l’a indiqué dans des décisions antérieures, par exemple dans la décision no 18‑C‑A-2015 et la décision no 55‑C‑A‑2014, il est régi par la LTC laquelle ne contient aucune disposition sur le versement d’indemnités en argent en cas de préjudices généraux comme des inconvénients, le traitement perçu comme manquant de dignité, ou encore pour de la douleur et de la souffrance.
LA LOI ET LES DISPOSITIONS TARIFAIRES PERTINENTES
[18] La plainte de Mme Akhtar soulève des questions liées à l’accessibilité et à l’application du tarif de Saudi Arabian Airlines relativement aux retards de vol.
Accessibilité
[19] La partie de la demande portant sur l’accessibilité a été déposée au titre du paragraphe 172(1) de la LTC, laquelle prévoit ce qui suit :
Même en l’absence de disposition réglementaire applicable, l’Office peut, sur demande, enquêter sur toute question relative à l’un des domaines visés au paragraphe 170(1) pour déterminer s’il existe un obstacle abusif aux possibilités de déplacement des personnes ayant une déficience.
[20] L’Office détermine s’il y a un obstacle abusif aux possibilités de déplacement d’une personne ayant une déficience au moyen d’une approche en trois parties.
Partie 1 : L’Office se penche sur la question de savoir si la demanderesse, ou la personne au nom de laquelle une demande est déposée, est une personne ayant une déficience au sens de la partie V de la LTC.
Partie 2 : Si l’Office détermine que la demanderesse, ou la personne au nom de laquelle une demande est déposée, est une personne ayant une déficience au sens de la partie V de la LTC, l’Office détermine si elle a rencontré un obstacle. Un obstacle est une règle, une politique, une pratique, ou une structure physique ayant pour effet de priver une personne ayant une déficience de l’égalité d’accès aux services qui sont normalement accessibles aux autres utilisateurs du réseau de transport fédéral.
Partie 3 : Si l’Office détermine que la demanderesse, ou la personne au nom de laquelle une demande est déposée, est une personne ayant une déficience et qu’elle a rencontré un obstacle, l’Office donne à la défenderesse l’occasion soit :
- d’expliquer comment elle propose d’éliminer l’obstacle en apportant une modification générale à la règle, à la politique, à la pratique ou à la structure physique visée ou, si la modification n’est pas possible, à une mesure d’accommodement;
- de démontrer qu’elle ne peut pas éliminer l’obstacle sans se voir imposer une contrainte excessive.
[21] Dans la présente décision, l’Office se penchera sur les deux premières parties de cette approche.
Application du RTA
[22] Le paragraphe 110(4) du RTA exige que le transporteur aérien, lors de l’exploitation d’un service international, applique correctement les conditions de transport énoncées dans son tarif.
[23] Si l’Office conclut qu’un transporteur aérien n’a pas correctement appliqué son tarif, l’article 113.1 du RTA confère à l’Office le pouvoir d’ordonner au transporteur :
- de prendre les mesures correctives qu’il estime indiquées;
- de verser des indemnités à quiconque pour toutes dépenses qu’il a supportées en raison de la non-application de ces prix, taux, frais ou conditions de transport.
Application du tarif concernant les retards de vol
[24] La règle 55(B), partie A, du tarif de Saudi Arabian Airlines incorpore par renvoi la Convention de Montréal et prévoit ce qui suit :
[traduction]
(1) Le transport ci-après est assujetti aux règles et aux limites relatives à la responsabilité établie par la Convention (voir la règle 1 [DÉFINITIONS] aux présentes) à moins que le transport ne soit pas de nature internationale au sens de la Convention.
[…]
(4) Aux fins du transport international régi par la Convention de Montréal, les règles de responsabilité prévues dans celle-ci font partie intégrante du présent texte et prévalent sur, voire remplacent, toutes autres dispositions du présent tarif qui seraient contraires auxdites règles.
[25] La règle 35(C) du tarif de Saudi Arabian Airlines concernant les dépenses de passagers pendant le trajet prévoit ce qui suit :
[traduction]
[…]
(2) [N] (ne s’applique pas à LY) à l’exception de ce qui est prévu ci-après, les dépenses d’hôtel ne sont pas incluses dans les billets des passagers, et dans le cas d’une nuitée prévue ou d’autres correspondances pendant les services, le coût de l’hébergement à l’hôtel peut être assumé par le transporteur.
[…]
[26] La règle 80(B) du tarif de Saudi Arabian Airlines énonce les mesures que le transporteur prendra en cas de réacheminement involontaire :
[traduction]
Si le transporteur annule un vol, n’effectue pas un vol selon l’horaire prévu, remplace par un type différent d’aéronef ou de classe de service, ne peut pas fournir un siège préalablement confirmé, ou refuse le transport au passager ou le retire du vol, conformément à la règle 25 (REFUS DE TRANSPORT – LIMITES DE TRANSPORT) dans le présent tarif, le transporteur prendra l’une ou l’autre des mesures suivantes :
(1) transporter le passager à bord d’un autre aéronef de passagers si l’espace le permet;
(2) fournir l’endos autorisant la prise en charge par un autre transporteur aérien ou service de transport pour la partie non utilisée du billet aux fins du réacheminement;
(3) réacheminer le passager vers la destination figurant sur le billet ou la partie applicable de celui-ci au moyen de son propre service ou d’un autre mode de transport; si le prix, les frais d’excédent de bagages et tous autres frais de services applicables sont supérieurs à la valeur de remboursement du billet ou des parties applicables de celui-ci conformément à la règle 90 (REMBOURSEMENTS) du présent tarif, le transporteur n’exige aucuns frais supplémentaires du passager, mais rembourse la différence si le prix et les frais relatifs au nouvel itinéraire sont inférieurs;
(4) effectuer un remboursement involontaire conformément à la règle 90 (REMBOURSEMENTS).
[…]
[27] L’article 19 de la Convention de Montréal énonce la responsabilité du transporteur en cas de retard et prévoit ce qui suit :
Le transporteur est responsable du dommage résultant d’un retard dans le transport aérien de passagers, de bagages ou de marchandises. Cependant, le transporteur n’est pas responsable du dommage causé par un retard s’il prouve que lui, ses préposés et mandataires ont pris toutes les mesures qui pouvaient raisonnablement s’imposer pour éviter le dommage, ou qu’il leur était impossible de les prendre.
1. MME AKHTAR EST-ELLE UNE PERSONNE AYANT UNE DÉFICIENCE AU SENS DE LA PARTIE V DE LA LTC?
[28] Mme Akhtar affirme qu’elle a besoin d’une assistance avec fauteuil roulant lorsqu’elle voyage. Saudi Arabian Airlines ne conteste pas le fait que Mme Akhtar est une personne ayant une déficience.
[29] À la lumière de ce qui précède, l’Office conclut que Mme Akhtar est une personne ayant une déficience au sens de la partie V de la LTC.
2. MME AKHTAR A-T-ELLE RENCONTRÉ UN OBSTACLE À SES POSSIBILITÉS DE DÉPLACEMENT?
Positions des parties
MME AKHTAR
[30] Mme Akhtar affirme qu’à l’aéroport d’Islamabad le 31 mai 2018, elle n’a pas reçu d’assistance avec fauteuil roulant même si elle en avait fait la demande à l’avance.
SAUDI ARABIAN AIRLINES
[31] Saudi Arabian Airlines admet que la demande d’assistance avec fauteuil roulant apparaît dans le dossier de passager de Mme Akhtar pour tous ses vols.
[32] Saudi Arabian Airlines est d’avis que Mme Akhtar a reçu une assistance avec fauteuil roulant convenable lorsqu’elle s’est présentée à son personnel en poste à Islamabad, et qu’elle a reçu l’assistance demandée aux autres points de son trajet. En ce qui a trait aux questions d’accessibilité, elle fait valoir que de telles exigences doivent également être évaluées en fonction des particularités du cadre de transport, et qu’il a peut‑être été impossible de fournir des services accessibles entre l’aérogare et le lieu d’hébergement de la demanderesse.
Analyse et détermination
[33] Les fournisseurs de services de transport ont l’obligation d’offrir un accommodement aux besoins des personnes ayant une déficience. Une personne ayant une déficience rencontre un obstacle à ses possibilités de déplacement si elle démontre qu’elle a besoin d’un accommodement qu’on ne lui a pas fourni, ce qui revient à la priver de l’égalité d’accès aux services accessibles aux autres passagers dans le réseau de transport fédéral.
[34] Il incombe à la demanderesse de fournir des preuves suffisamment convaincantes pour établir son besoin d’accommodement, prouver que ce besoin n’a pas été satisfait et de démontrer qu’elle a rencontré un obstacle. Le fardeau de la preuve qui s’applique en l’espèce est la prépondérance des probabilités, ce qui signifie que la partie à qui revient le fardeau, dans ce cas-ci la demanderesse, doit démontrer que sa position est plus probable que celle de la partie opposée.
[35] Il est incontesté que Mme Akhtar a demandé l’assistance avec fauteuil roulant à l’avance. Mme Akhtar affirme ne pas avoir reçu cette assistance à l’aéroport d’Islamabad le 31 mai 2018. Saudi Arabian Airlines déclare quant à elle avoir fourni à Mme Akhtar l’assistance avec fauteuil roulant quand c’était nécessaire, mais elle n’explique pas clairement quand ni comment, et elle ne présente pas non plus de preuve pour soutenir sa position. L’Office conclut donc, selon la prépondérance des probabilités, que Mme Akhtar n’a pas reçu l’assistance avec fauteuil roulant demandée et qu’elle a rencontré un obstacle à ses possibilités de déplacement le 31 mai 2018.
3. SAUDI ARABIAN AIRLINES A-T-ELLE CORRECTEMENT APPLIQUÉ LES CONDITIONS ÉNONCÉES AUX RÈGLES 55, 35 ET 80 DE SON TARIF QUI INCORPORE PAR RENVOI LA CONVENTION DE MONTRÉAL? SI SAUDI ARABIAN AIRLINES N’A PAS CORRECTEMENT APPLIQUÉ LES CONDITIONS ÉNONCÉES DANS SON TARIF, QUELLE MESURE CORRECTIVE, LE CAS ÉCHÉANT, EST À LA DISPOSITION DE MME AKHTAR?
Positions des parties
MME AKHTAR
[36] Mme Akhtar affirme s’être vu refuser le transport à l’aéroport d’Islamabad le 31 mai 2018 parce que le vol avait été surréservé. Elle n’a pas reçu de carte d’embarquement pour ce vol. Pendant que d’autres voyageurs embarquaient dans l’aéronef, on lui a dit d’attendre le prochain vol, qui partait le lendemain. Au lieu de partir pour Jeddah à 22 h 15 le 31 mai 2018, Mme Akhtar est partie à 18 h 10 le 1er juin 2018.
[37] Mme Akhtar déclare que ses frais d’hébergement à l’hôtel ont été payés par Saudi Arabian Airlines. Elle indique toutefois avoir payé en tout 150 $CAN pour obtenir de l’aide avec ses bagages (50 $CAN en frais de services de bagagiste lorsqu’elle est arrivée à l’aéroport d’Islamabad le 31 mai 2018, 50 $CAN lorsqu’elle a quitté l’aéroport pour se rendre à l’hôtel, et encore 50 $CAN à son départ de l’hôtel pour revenir à l’aéroport le lendemain et prendre le vol de remplacement). Mme Akhtar n’a pas de reçus pour soutenir cette affirmation.
SAUDI ARABIAN AIRLINES
[38] Saudi Arabian Airlines affirme que le vol de Mme Akhtar du 31 mai 2018 n’était pas surréservé. Elle affirme plutôt avoir refusé le transport à Mme Akhtar parce que l’aéronef qui partait d’Islamabad est arrivé en retard en raison de travaux de maintenance et parce que le vol précédent a eu du retard. Au lieu de partir d’Islamabad comme prévu à 22 h 15, l’aéronef est parti 2 heures et 28 minutes plus tard, soit à 00 h 43, et est arrivé à Jeddah après l’heure prévue de départ du vol de correspondance de Mme Akhtar de Jeddah à Toronto. En conséquence, Mme Akhtar aurait manqué son deuxième vol.
[39] Le système électronique de Saudi Arabian Airlines a automatiquement réacheminé Mme Akhtar sur un autre vol partant d’Islamabad 20 heures et 15 minutes plus tard, soit à 18 h 30 le 1er juin 2018. Saudi Arabian Airlines affirme qu’en raison des exigences de visas qui s’appliquent du fait de la nationalité de la demanderesse, Saudi Arabian Airlines a été incapable d’organiser un autre transport qui aurait permis à Mme Akhtar d’arriver à Toronto plus tôt que l’heure à laquelle elle est arrivée le 1er juin 2018.
[40] Saudi Arabian Airlines affirme avoir pris toutes les mesures raisonnables pour éviter que Mme Akhtar subisse un préjudice en raison du retard. Pendant que cette dernière attendait le nouveau vol, la compagnie aérienne a payé son hébergement à l’hôtel et ses repas. Selon Saudi Arabian Airlines, le montant de 150 $CAN est excessif pour des services de bagagiste, si l’on tient compte du revenu annuel des personnes qui vivent à Islamabad. Elle fait également remarquer qu’une nuit à l’hôtel coûte un peu plus de 100 $CAN. Si l’Office conclut que Saudi Arabian Airlines est responsable de ces dépenses, elle fait valoir que le montant maximal à rembourser devrait être de 100 $CAN, montant qui couvrirait les services de bagagiste pour se rendre à l’hôtel et revenir à l’aéroport d’Islamabad après le retard de vol.
Analyse et détermination
[41] L’article 19 de la Convention de Montréal prévoit qu’un transporteur est responsable du dommage résultant d’un retard sauf s’il prouve qu’il a pris toutes les mesures qui pouvaient raisonnablement s’imposer pour éviter le dommage ou qu’il lui était impossible de les prendre. En conséquence, Saudi Arabian Airlines est responsable des dépenses que Mme Akhtar a supportées en conséquence du retard, à moins qu’elle puisse démontrer avoir pris toutes les mesures qui pouvaient raisonnablement s’imposer pour éviter ces dommages.
[42] L’Office accepte que le retard du vol de Saudi Arabian Airlines d’Islamabad à Jeddah le 31 mai 2018 ait été attribuable à la maintenance imprévue de l’aéronef et au retard du vol précédant celui de Mme Akhtar. Conformément à la règle 80(B)(1) du tarif, Mme Akhtar a été transportée le lendemain dans un autre de ses aéronefs à bord duquel une place était disponible.
[43] Les parties ne remettent pas en question le fait que Saudi Arabian Airlines a payé les repas et l’hébergement à l’hôtel de Mme Akhtar les 31 mai et 1er juin 2018, conformément à la règle 35(C)(2) du tarif.
[44] À la lumière de ce qui précède, l’Office conclut que Saudi Arabian Airlines a correctement appliqué les règles 80(B)(1) et 35(C)(2) de son tarif.
[45] Toutefois, l’Office conclut que Saudi Arabian Airlines n’a pas correctement appliqué la règle 55(B) de son tarif du fait qu’elle n’a pas payé les frais de service de bagagiste de Mme Akhtar pour se rendre à l’hôtel et revenir à l’aéroport d’Islamabad. Elle avait besoin d’aide et a dû payer pour obtenir le service, lequel n’aurait pas été nécessaire si elle avait pris le vol prévu au départ. Mme Akhtar réclame 150 $CAN, mais l’Office conclut que les coûts réels supportés en raison du retard de vol représentent 100 $CAN, car le montant relatif à son arrivée à l’aéroport d’Islamabad le 31 mai 2018 n’est pas attribuable au retard. Saudi Arabian Airlines n’a pas démontré avoir pris toutes les mesures qui pouvaient raisonnablement s’imposer pour éviter le dommage, par exemple de veiller au transfert des bagages entre l’hôtel et l’aéroport.
[46] À la lumière de ce qui précède, l’Office conclut que Saudi Arabian Airlines est responsable des frais de 100 $CAN réclamés par la demanderesse pour les services de bagagiste.
ORDONNANCES ET PROCHAINES ÉTAPES
[47] Ayant conclu que Mme Akhtar est une personne ayant une déficience et qu’elle a rencontré un obstacle à ses possibilités de déplacement à l’aéroport d’Islamabad du fait qu’elle n’a pas reçu l’assistance avec fauteuil roulant qu’elle a demandée, l’Office ordonne à Saudi Arabian Airlines de fournir des présentations écrites soit :
- pour expliquer comment elle propose d’éliminer l’obstacle en apportant une modification générale à la règle, à la politique, à la pratique, à la technologie ou à la structure physique visée ou, si la modification générale n’est pas possible, à une mesure d’accommodement personnalisée;
- pour démontrer qu’elle ne peut pas éliminer l’obstacle sans se voir imposer une contrainte excessive.
[48] Saudi Arabian Airlines a jusqu’au 15 avril 2019 pour déposer sa réponse, après quoi Mme Akhtar disposera de trois jours ouvrables pour déposer sa réplique.
[49] Toute correspondance et tout acte de procédure doit faire référence au cas no 18-04281 et être déposé au secrétariat de l’Office par courriel à l’adresse : secretariat@otc-cta.gc.ca.
[50] En vertu de l’alinéa 113.1b) du RTA, l’Office ordonne à Saudi Arabian Airlines de verser à la demanderesse une indemnisation de 100 $CAN. Saudi Arabian Airlines doit payer ce montant à la demanderesse le plus tôt possible, mais au plus tard le 15 mai 2019.
Membre(s)
- Date de modification :