Détermination n° R-2022-104
DEMANDE présentée par la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (CN) pour une modification aux déterminations LET-R-30-2020, R-2020-81 et R-2021-197, au titre de l’article 32 de la Loi sur les transports au Canada, LC 1996, c 10(LTC).
Un erratum a été émis le 22 septembre 2022.
RÉSUMÉ
[1] CN a déposé une demande au titre de l’article 32 de la LTC pour la modification de trois déterminations connexes :
- la détermination du coût du capital pour 2020-2021 (LET-R-30-2020);
- la détermination de l’IPCAV connexe (R-2020-81);
- la détermination du revenu admissible maximal (RAM) connexe (R-2021-197) (collectivement, les déterminations).
[2] CN souligne qu’après qu’il a rendu les déterminations, l’Office des transports du Canada (Office) a émis la détermination R-2022-16, laquelle a modifié le traitement de la dette issue de BC Rail aux fins du coût du capital.
[3] CN fait remarquer que la détermination R-2022-16 a renversé le traitement de la dette issue de BC Rail énoncé dans la décision LET-R-30-2020. Elle fait valoir que la décision LET-R-30-2020 a donné lieu à un RAM artificiellement plus bas pour la campagne agricole 2020-2021 que ce qu’il aurait été autrement. Ce bas RAM a entraîné une perte de revenus d’un montant de 9,7 millions de dollars et le versement de l’excédent de revenus et d’une pénalité à la Western Grains Research Foundation (WGRF) en application de la détermination R-2021-197, soit un montant de 2 519 660 $.
[4] CN affirme que la détermination R-2022-16, émise à la suite de consultations publiques, constitue un fait nouveau ou une évolution des circonstances par rapport à la détermination précédente portant sur le traitement de la dette issue de BC Rail. Cette détermination précédente avait modifié la pratique de longue date de l’Office en ce qui concerne le traitement de cette dette. CN réclame la modification des déterminations pour incorporer le changement de traitement de la dette issue de BC Rail établi dans la détermination R-2022-16 et une réparation de 12,1 millions de dollars.
[5] La présente détermination porte sur les questions suivantes :
- La décision de l’Office sur le traitement de la dette issue de BC Rail dans la détermination R-2022-16 constitue-t-elle des faits nouveaux ou une évolution des circonstances relatives aux déterminations et, le cas échéant, l’évolution est‑elle suffisamment importante pour justifier une modification des déterminations?
- Le cas échéant, l’Office devrait-il accorder la réparation demandée par CN?
[6] Pour les motifs énoncés ci-après et en vertu de l’article 32 de la LTC, l’Office modifie le taux du coût du capital pour 2020‑2021, initialement établi dans la décision LET‑R‑30‑2020, pour la faire passer d’une valeur de 5,19 % à 5,49 %. L’Office accorde à CN une réparation d’un montant de 4 169 701 $, pour la perte de revenus décrite aux présentes, et demande à la WGRF de rembourser à CN le montant de 2 519 660 $ qui lui a été accordé en application de la détermination R-2021-197.
ANALYSE ET DÉTERMINATIONS
[7] Le taux du coût du capital est un élément clé de l’indice des prix composite afférent au volume (IPCAV), lequel est utilisé pour calculer le RAM de CN et de CP. Un élément important du calcul du coût du capital est la dette à long terme. La présente détermination porte principalement sur le traitement d’un instrument d’emprunt à long terme en particulier, soit la dette issue de BC Rail.
[8] Le 3 mars 2022, CN a déposé une demande au titre de l’article 32 de la LTC pour une modification des déterminations. CN prétend que la décision de l’Office dans la détermination R-2022-16 relativement au traitement de la dette issue de BC Rail constitue des faits nouveaux et une évolution des circonstances suffisamment importante pour justifier une modification des déterminations susmentionnées. CN réclame une réparation pour les revenus qu’elle prétend avoir perdus.
[9] Voici un bref résumé des faits relatifs au cas présent :
- Pour la période de 2006 à 2019, la dette issue de BC Rail était comptabilisée par l’Office en valeur marchande, à un taux d’intérêt de 0 %, aux fins du calcul du coût du capital.
- Le 5 mars 2020, le personnel de l’Office a demandé à CN des renseignements supplémentaires sur la déclaration de la dette issue de BC Rail, puisqu’elle n’était pas conforme à la détermination R-2017-198, qui a déterminé que la dette à long terme doit être comptabilisée en valeur nominale.
- N’ayant reçu aucune réponse de CN, l’Office a émis la décision LET-R-30-2020 le 28 avril 2020, dans laquelle il a révisé le traitement historique de la dette issue de BC Rail, la comptabilisant à une valeur nominale de 842 millions de dollars plutôt qu’à une valeur marchande de 12 millions de dollars. Le taux du coût du capital a ainsi été déterminé par l’Office à une valeur de 5,19 %.
- Le 28 mai 2020, CN a répondu à la demande du personnel de l’Office du 5 mars 2020 et a expliqué que la dette issue de BC Rail est particulière puisqu’elle n’a pas été émise par CN pour l’achat de BC Rail, mais elle a plutôt été héritée par CN dans le cadre du plan de restructuration de la dette relatif à l’acquisition de BC Rail. CN a souligné que la détermination de l’Office a désigné à tort la dette issue de BC Rail comme ayant été utilisée pour financer l’achat de BC Rail.
- Le 25 septembre 2020, l’Office a lancé des consultations concernant la méthodologie de calcul des taux du coût du capital.
- Le 29 avril 2021, l’Office a émis la décision LET-R-35-2021, laquelle répondait entre autres à la lettre de CN du 28 mai, en partie pour reconnaître que la dette issue de BC Rail est particulière et qu’elle devrait être comptabilisée à sa valeur marchande plutôt qu’à sa valeur nominale (12 millions de dollars plutôt que 842 millions de dollars).
- Le 11 février 2022, l’Office a émis la détermination R-2022-16 dans laquelle il a statué notamment que la dette issue de BC Rail de CN doit être comptabilisée à sa valeur marchande à un taux d’intérêt implicite de 5,75 %.
[10] CN est d’avis que la détermination R-2022-16 constitue un fait nouveau ou une évolution des circonstances et mérite donc une modification. Cette détermination, qui a été émise après la tenue de consultations, lesquelles consultations n’avaient pas encore été tenues au moment de l’émission de la décision LET-R-30-2020, est venue confirmer que le traitement de la dette issue de BC Rail pouvait être déclaré à valeur marchande aux fins du calcul du coût du capital de CN, soit un retour à la pratique antérieure que l’Office appliquait au traitement de la dette issue de BC Rail.
[11] Dans sa réponse du 28 mai 2020 à la demande de renseignements supplémentaires de l’Office du 5 mars 2020, CN a indiqué que plusieurs facteurs, notamment les perturbations liées à la COVID-19, a limité l’accès aux dossiers pour les employés en télétravail, et la mémoire institutionnelle limitée relativement à l’acquisition de BC Rail d’il y a 15 ans, l’ont retardée dans sa réponse à la demande de l’Office. La détermination dans la décision LET-R-30-2020 a donc été rendue sans que l’Office ait pu profiter d’une réponse complète de la part de CN. L’Office accepte cette explication comme étant raisonnable pour préciser pourquoi les renseignements demandés par son personnel n’étaient pas facilement accessibles par le personnel de CN et disponibles pour le dépôt auprès de l’Office au moment de la demande.
[12] Par voie de conséquence, si CN avait été en mesure de déposer une réponse complète auprès de l’Office, le changement au traitement de la dette issue de BC Rail établi dans la décision LET-R-30-2020, par rapport au traitement antérieur, pourrait ne pas s’être produit. La décision de l’Office de tenir des consultations, dont les conclusions ont été de revenir à la pratique antérieure de l’Office quant au traitement de cette dette, a donné lieu à des circonstances qui n’étaient pas présentes au moment où la décision LET-R-30-2020 a été émise.
[13] En outre, l’Office note que la décision LET-R-30-2020 a entraîné un changement important de la position financière de CN, de sorte que la différence de traitement de la dette issue de BC Rail a finalement fait en sorte que CN avait un RAM plus bas que ce qui aurait été le cas autrement. En vertu de l’article 32 de la LTC, l’Office conclut que la combinaison des circonstances justifie une révision et une modification de la détermination de l’Office dans la décision LET-R-30-2020.
[14] L’Office reconnaît que dans le cas présent, si l’Office avait rendu sa décision sur le traitement de la dette issue de BC Rail plus tôt, CN aurait profité d’un RAM sensiblement plus élevé pour la campagne agricole de 2020-2021, soit un RAM de 1 049 079 046 $.
[15] Bien que CN réclame 12,1 millions de dollars en réparation, cette valeur reposait sur son calcul du taux révisé du coût du capital à 5,75 % fondé en partie sur l’exclusion de certains montants de capitaux empruntés pour usage général liés à l’achat d’actifs américains. Cependant, conformément à la détermination LET-R-30-2020, l’exclusion de tels montants lors du calcul du coût du capital n’est pas permise. Par conséquent, l’Office a calculé le coût du capital révisé à une valeur de 5,49 %.
[16] Selon le taux révisé du coût du capital de 5,49 %, la réparation due à CN est de 6 569 377 $, ce qui représente le montant de la marge additionnelle de revenu admissible pour 2020-2021 calculée à l’aide du taux révisé du coût du capital (« la perte de revenus »).
[17] De même, CN n’aurait pas dépassé le RAM pour la campagne agricole 2020-2021 si ce dernier avait été calculé au moyen du taux révisé du coût du capital. Par conséquent, l’Office est d’avis que l’excédent de revenus et de la pénalité, soit la somme de 2 519 660 $ versée à la WGRF conformément à la détermination R‑2021-197, devraient être remboursés à CN. Après la prise en compte du montant de la pénalité de 119 984 $, le montant restant de 4 169 701 $ (6 569 377 $ - 2 399 676 $) sera évalué comme une réduction des revenus découlant du mouvement du grain de l’Ouest de CN dans le cadre de la détermination du RAM et des revenus pour 2021-2022, laquelle doit être rendue au plus tard le 31 décembre 2022. Si la totalité de la somme ne peut être appliquée dans le cas où le RAM pour 2021-2022 n’est pas dépassé, elle peut dans ce cas être reportée à la prochaine année où le RAM est dépassé.
[18] Par conséquent, l’Office demande à la WGRF de rembourser à CN la somme de 2 519 660 $ qui lui a été attribuée en vertu de la détermination R-2021-197.
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