Fiche d'information : Décision 228-AT-A-2011 - 16 juin 2011

Dans sa décision no 4-AT-A-2010 (janvier 2010), l'Office des transports du Canada a examiné les demandes de deux plaignantes portant sur des difficultés qu'elles ont eues en raison de leur allergie aux arachides et aux noix lorsqu'elles ont voyagé avec Air Canada.

Déficience et obstacle

Dans sa décision de janvier 2010, l'Office a conclu que les plaignantes sont des personnes ayant une déficience au sens de la partie V de la Loi sur les transports au Canada.

L'Office a également conclu que l'absence d'une politique officielle d'Air Canada visant à répondre aux besoins des personnes ayant une déficience en raison de leur allergie aux arachides ou aux noix, et l'incertitude ainsi créée, constituent un obstacle aux possibilités de déplacement des plaignantes et des personnes dont l'allergie aux arachides ou aux noix constitue une déficience au sens de la partie V de la LTC.

Accommodement approprié

Dans sa décision de janvier 2010, l'Office a également fait la constatation préliminaire que l'institution de zones tampons, y compris une annonce faite aux passagers y occupant un siège, constitue l'accommodement approprié pour les personnes ayant une déficience en raison de leur allergie aux arachides ou aux noix.

Dans sa décision no 431-AT-A-2010 (octobre 2010), l'Office a présenté ses /conclusions finales sur ce qui constitue l'accommodement approprié pour les personnes ayant une déficience en raison de leur allergie aux arachides ou aux noix, lorsqu'Air Canada dispose d'un préavis d'au moins 48 heures du besoin d'accommodement d'une personne :

  1. Air Canada instituera une zone tampon comme il est décrit ci-après pour le passager ayant une déficience en raison de son allergie aux arachides ou aux noix :

    • Première classe des aéronefs gros-porteurs internationaux : le siège fusiforme où se trouve la personne.
    • Classe affaires nord-américaine : la seule rangée de sièges où se trouve la personne.
    • Classe économique : la rangée de sièges où est assise la personne ayant une déficience en raison de son allergie aux arachides ou aux noix, ainsi que de la rangée de sièges qui se trouve directement devant et celle directement derrière la personne. Dans les secteurs où une cloison se trouve directement devant ou derrière la rangée de sièges où se trouve la personne allergique, la zone tampon est alors constituée de la cloison, de la rangée de sièges où se trouve la personne allergique et de la rangée de sièges directement devant ou derrière la personne (en fonction d'où se trouve la cloison).
  2. Dans les zones tampons, seuls des aliments sans arachides et sans noix seront servis par Air Canada dans le cadre du service de repas et de collations.

  3. Une annonce sera faite aux passagers qui occupent un siège dans la zone tampon par le personnel d'Air Canada mentionnant qu'il est interdit de consommer des produits qui contiennent des arachides et des noix et que seuls des aliments sans arachides et sans noix leur seront servis lors des collations et des repas pendant le vol. De plus, le personnel d'Air Canada doit gérer la situation lorsqu'un passager refuse de se conformer à ces règles en déplaçant le passager non coopératif ou, au besoin si le passager refuse de se déplacer, en déplaçant la personne ayant une déficience en raison de son allergie aux arachides ou aux noix dans un endroit où il est possible de recréer la zone tampon.

Contrainte excessive

Dans la décision d'octobre 2010, l'Office a également exigé d'Air Canada qu'elle présente une politique officielle, pour examen et approbation par l'Office, advenant qu'elle accepte de mettre en œuvre les mesures requises pour fournir l'accommodement approprié. Dans l'éventualité où Air Canada aurait refusé de mettre en œuvre ces mesures ou toute partie de celles-ci, elle devait présenter ses arguments étayant qu'elles lui imposaient une contrainte excessive.

En réponse à la décision d'octobre 2010, Air Canada a indiqué qu'elle entendait adopter une politique et mettre en œuvre des procédures qui donneront suite aux points (1) et (3) des /conclusions de l'Office sur l'accommodement approprié.

Air Canada a par la suite fait valoir que le fait de se conformer au point (2), c'est-à-dire l'exigence de ne servir que des produits exempts de noix ou d'arachides dans la zone tampon, représenterait une contrainte excessive. Air Canada a affirmé qu'il n'existe actuellement aucune cuisine de l'air en mesure de donner la garantie de collations et de repas exempts d'arachides ou de noix.

La décision no 228-AT-A-2011, rendue le 16 juin 2011, constitue l'évaluation de l'Office des représentations d'Air Canada visant à prouver l'existence d'une contrainte excessive.

Qu'est-ce qu'une contrainte excessive?

Lorsqu'un demandeur a établi l'existence d'un obstacle aux possibilités de déplacement d'une personne ayant une déficience dans le réseau de transport fédéral, la charge de la preuve incombe alors au fournisseur de services de transport intimé et il doit prouver, selon la prépondérance des probabilités, que l'obstacle n'est pas abusif.

La clé de l'évaluation par l'Office du caractère abusif de l'obstacle est un examen de l'interaction entre les accommodements pour la personne ayant une déficience et la difficulté pour le transporteur à fournir ces accommodements. L'évaluation a trait à l'obligation du fournisseur de services de transport, qui est de répondre aux besoins d'un passager ayant une déficience, dans la mesure où il n'en résulte pas contrainte excessive.

Pour établir qu'il existe une contrainte excessive, le transporteur doit démontrer qu'il y a des contraintes qui rendent l'élimination de l'obstacle déraisonnable, irréalisable ou, dans certains cas, impossible, à tel point que les accommodements ne peuvent être fournis. Les questions qui peuvent être prises en compte dans cette évaluation comprennent, sans s'y limiter, des enjeux structurels, sécuritaires, économiques et financiers.

Si une contrainte excessive ayant trait à l'accommodement approprié est établie par le transporteur à la satisfaction de l'Office, ce dernier se tourne alors vers les solutions de rechange disponibles pour répondre de la meilleure façon possible aux besoins d'une personne ayant une déficience, encore une fois dans la mesure où il n'en résulte pas une contrainte excessive pour le transporteur. De tels accommodements de rechange constituent des « accommodements raisonnables ».

L'accommodement raisonnable varie dans une certaine mesure selon les circonstances et dépend d'un équilibre entre les intérêts des personnes ayant une déficience et ceux du transporteur selon les circonstances entourant le cas. Cela comprend d'envisager l'importance et la récurrence ou la nature continue de l'obstacle et l'impact de l'obstacle sur les personnes ayant une déficience, ainsi que les facteurs et responsabilités commerciaux et opérationnels du fournisseur de services de transport.

Cadre législatif

Le mandat législatif de l'Office en ce qui concerne les personnes ayant une déficience est énoncé à la partie V de la Loi sur les transports au Canada, laquelle confère le pouvoir de prendre des règlements [paragraphe 170(1)] et un pouvoir d'arbitrer les plaintes [paragraphe 172(1)], dans le but exprès d'éliminer les obstacles abusifs aux possibilités de déplacement des personnes ayant une déficience au sein du réseau de transport fédéral.

La portée de la compétence de l'Office pour éliminer les obstacles abusifs tant par la réglementation que par le traitement de plaintes est définie en partie par une liste inclusive de questions présentées au paragraphe 170(1), laquelle est incorporée par renvoi au paragraphe 172(1).

La Cour suprême du Canada a confirmé dans l'affaire Conseil des Canadiens avec déficiences c. VIA Rail Canada Inc., [2007] 1 R.C.S. 650, 2007 CSC 15, que les dispositions relatives au transport accessible de la Lois sur les transports au Canada constituent, de par leur essence, la législation sur les droits de la personne.

En outre, la Cour a déclaré que les principes de la Loi canadienne sur les droits de la personne, y compris le principe d'accommodement raisonnable, doivent être appliqués par l'Office lorsqu'il identifie et remédie à des obstacles abusifs.

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