Décision n° 313-C-A-2010
le 27 juillet 2010
PLAINTE déposée par Gábor Lukács contre WestJet concernant sa limite de responsabilité à l'égard du transport intérieur de bagages
Référence no M4120-3/09-04027
INTRODUCTION ET QUESTION
[1] Gábor Lukács a déposé une plainte auprès de l'Office des transports du Canada (Office) dans laquelle il fait valoir que la limite de responsabilité de WestJet de 250 $ par passager, par incident pour les dommages causés aux bagages ou la perte ou le retard des bagages transportés entre des points intérieurs est déraisonnable, et donc contraire au paragraphe 67.2(1) de la Loi sur les transports au Canada, L.C. (1996), ch. 10, modifiée (LTC).
[2] Dans sa décision n° LET-C-A-51-2010 du 29 mars 2010, l'Office a formulé certaines constatations préliminaires et a donné à WestJet et à M. Lukács l'occasion, par l'intermédiaire d'un processus de justification, de donner suite à ces constatations préliminaires. L'Office a également donné l'occasion à WestJet d'indiquer les raisons pour lesquelles l'Office ne devrait pas ordonner la prise de mesures spécifiques, telles qu'elles sont énoncées dans la décision, en ce qui a trait à la limite de responsabilité du transporteur à l'égard du transport intérieur de bagages. La décision faisant état des mémoires et des constatations préliminaires figure en annexe.
[3] L'Office doit déterminer si WestJet a justifié les raisons pour lesquelles l'Office ne devrait pas conclure que la limite de responsabilité de 250 $ du transporteur à l'égard du transport intérieur de bagages est déraisonnable, et donc contraire au paragraphe 67.2(1) de la LTC.
LE CAS PRÉSENT
[4] Dans la présente décision, l'Office se prononcera sur les constatations préliminaires énoncées dans la décision no LET-C-A-51-2010, en s'appuyant sur son analyse des éléments de preuve au dossier ainsi que sur les constatations qu'il a formulées dans la décision précédente et sur les plaidoiries du processus de justification.
[5] De plus, l'Office examinera les arguments de WestJet selon lesquels les constatations préliminaires de l'Office s'écartent considérablement de ses décisions antérieures relatives au paragraphe 67.2(1) de la LTC.
CRITÈRE D'ÉVALUATION APPLIQUÉ
[6] Le critère établi par l'Office visant à déterminer si une condition de transport est « déraisonnable » au sens du paragraphe 67.2(1) de la LTC est énoncé dans la décision n° LET-C-A-51-2010.
DÉCISION FINALE
Limites de responsabilité fixées dans d'autres administrations et par la Convention de Montréal
Constatation préliminaire de l'Office
[7] L'Office a conclu que l'argument de WestJet concernant cette question précise n'est pas convaincant et que l'évaluation des éléments de preuve favorise la position de M. Lukács.
Mémoires
[8] Les parties n'ont pas abordé cette question dans leur réponse à la demande de justification.
Analyse et constatation
[9] Puisque les parties n'ont fourni aucune réponse à ce sujet, l'Office, en s'appuyant sur son analyse de cette question particulière telle qu'elle est indiquée dans la décision n° LET-C-A-51-2010, estime que WestJet n'a présenté aucune preuve convaincante et que l'évaluation des éléments de preuve favorise la position de M. Lukács selon laquelle, lorsqu'on considère le caractère raisonnable de la limite de responsabilité de WestJet à l'égard du transport intérieur de bagages, il convient de tenir compte des limites existantes dans d'autres administrations et de la limite de responsabilité à l'égard des bagages prescrite par la Convention de Montréal.
Corrections à apporter
Constatation préliminaire de l'Office
[10] L'Office a conclu que les arguments de WestJet ne sont pas persuasifs et que le transporteur n'a pas adéquatement démontré les raisons pour lesquelles ses obligations statutaires, commerciales et opérationnelles exigent le maintien de sa limite de responsabilité actuelle à l'égard des bagages.
Mémoires
[11] WestJet fait valoir que, à ce jour, il n'existe aucune preuve que les passagers de vols intérieurs enregistrent régulièrement des biens personnels d'une valeur de plus de 250 $. Le transporteur souligne qu'un examen des décisions de l'Office ne révèle aucune plainte antérieure selon laquelle la limite de responsabilité de WestJet à l'égard du transport intérieur de bagages est déraisonnable.
[12] WestJet soutient que le fait d'augmenter sa limite de responsabilité la rendrait vulnérable à l'égard de passagers malhonnêtes qui surestiment la valeur du contenu de leurs bagages. WestJet prétend que, même si Air Canada risque d'être exposée à des surestimations de cette nature, la structure de coûts différente de ce transporteur lui permet de mieux prendre à sa charge la limite de responsabilité accrue.
[13] M. Lukács maintient que, en raison des données déposées par WestJet, lesquelles indiquent qu'environ 25 pour cent des réclamations aux fins de dédommagement concernent des règlements de plus de 250 $, le rejet de la limite de responsabilité actuelle du transporteur permettrait simplement d'harmoniser le tarif et la pratique de WestJet. M. Lukács maintient également que le nombre de plaintes relatives à une disposition précise du tarif est sans pertinence quant à savoir si cette disposition est raisonnable. En ce qui concerne ce dernier point, M. Lukács soulève que WestJet a réussi à convaincre ses passagers que le dédommagement qu'elle offre excède celui pouvant être obtenu en déposant une plainte officielle.
[14] En ce qui a trait à l'affirmation de WestJet selon laquelle cette dernière serait dans une position vulnérable si on lui imposait d'augmenter sa limite de responsabilité à l'égard des bagages, M. Lukács fait remarquer que le transporteur n'a déposé aucune preuve visant à quantifier les coûts supplémentaires assumés en raison d'une limite accrue.
[15] M. Lukács fait valoir que WestJet n'a pas fourni de preuve visant à démontrer que le rejet ou la substitution de la limite de responsabilité du transporteur entraînerait des conséquences négatives sur ses obligations statutaires, commerciales et opérationnelles.
Analyse et constatations
[16] En ce qui a trait à l'affirmation de WestJet selon laquelle, puisque l'Office n'a jamais reçu de plainte concernant la limite de responsabilité du transporteur à l'égard des bagages, il n'existe aucune preuve que cette limite de responsabilité est déraisonnable, l'Office est d'avis que l'absence de plainte antérieure ne constitue pas un indicateur du caractère raisonnable d'une condition de transport. Dans la décision n° LET-C-A-51-2010, l'Office a indiqué qu'il estimait que le faible nombre de plaintes relatives à une question particulière n'est pas forcément un facteur déterminant quant à savoir si une certaine condition de transport est déraisonnable. À cet égard, l'Office a noté que les données déposées auprès de l'Office par WestJet au sujet du dédommagement accordé par le transporteur en réponse aux réclamations relatives aux bagages au cours d'une période de cinq mois (août à décembre 2009) révèlent que parmi les 241 réclamations déposées au cours de cette période, 61 des réclamants ont obtenu un dédommagement excédant la limite de responsabilité de 250 $ de WestJet, le montant le plus élevé étant de 1 450,40 $. L'Office a également affirmé que la volonté apparente de WestJet d'accorder parfois aux passagers un dédommagement dont le montant excède la limite fixée dans le tarif du transporteur pourrait avoir une incidence sur le nombre de plaintes relatives à ce type de limite.
[17] En ce qui concerne l'argument de WestJet selon lequel il n'existe aucune preuve démontrant que les passagers de vols intérieurs enregistrent des bagages d'une valeur de plus de 250 $, les éléments de preuve fournis par WestJet, soit des données au sujet du dédommagement accordé par le transporteur au cours de la période d'août à décembre 2009, révèlent que pour au moins 25 pour cent des réclamations déposées, il est possible que la valeur des bagages ait dépassé 250 $.
[18] En ce qui a trait à l'argument de WestJet selon lequel une limite de responsabilité accrue risque d'encourager les passagers malhonnêtes à surestimer la valeur de leurs réclamations, l'Office estime que cet argument n'est pas convaincant étant donné que, en l'absence d'une justification à l'appui, un tel argument repose sur la présomption que les passagers font preuve de mauvaise foi. Si WestJet est soucieuse à cet égard, elle peut adopter différents moyens en vue de déclarer inadmissibles les réclamations susceptibles d'être mal fondées. Elle pourrait notamment exiger une preuve raisonnable démontrant que les frais réclamés pour la perte ou la livraison tardive des bagages ou les dommages causés à ceux-ci sont légitimes. Ainsi, le montant du dédommagement accordé à un passager ne correspondra pas automatiquement à la responsabilité maximale fixée dans le tarif de WestJet.
[19] L'Office estime que l'argument de WestJet concernant cette question précise n'est pas convaincant, et que l'évaluation des éléments de preuve favorise la position de M. Lukács selon laquelle un nombre limité de plaintes à l'égard d'une condition de transport ne laisse pas forcément croire que ladite condition est raisonnable.
Limites de responsabilité fixées par d'autres transporteurs intérieurs
Constatation préliminaire de l'Office
[20] Malgré l'affirmation de WestJet que le faible nombre de plaintes relatives aux bagages porte à croire qu'il n'y a aucun problème systémique à régler, l'Office a conclu que l'argument de WestJet relativement à cette question en particulier n'est pas convaincant.
Mémoires
[21] WestJet fait valoir que le groupe de transporteurs mentionnés dans la décision no LET-C-A-51-2010 vise les transporteurs qui fixent des limites de responsabilité supérieures à celle de WestJet, et que la limite de responsabilité de 1 500 $ d'Air Canada diffère sensiblement de celle fixée par d'autres transporteurs intérieurs. WestJet prétend que de nombreux transporteurs fixent des limites qui sont comparables à la sienne, notamment Air Labrador, CalmAir, Hawkair et Pacific Coastal Airlines. WestJet fait valoir que sa limite de responsabilité ne peut pas être considérée comme déraisonnable en raison des limites fixées par la vaste majorité des transporteurs qui offrent des services intérieurs. WestJet soutient que, étant donné qu'il existe plusieurs moyens de transport couramment utilisés par la population canadienne et que la LTC favorise une approche multimodale pour la réglementation du réseau de transport, l'Office devrait envisager d'autres moyens de transport afin de déterminer ce que constitue une limite de responsabilité raisonnable à l'égard du transport intérieur de bagages. En ce sens, WestJet fait remarquer que les exploitants ferroviaires, dont Ontario Northland (100 $/sac; 2 sacs maximum) et VIA Rail Canada Inc. (375 $/enfant; 750 $/adulte; 250 $/articles spécifiques), et les exploitants d'autocars, notamment Greyhound Canada (250 $), appliquent des limites de responsabilité qui sont comparables à la limite fixée par WestJet.
[22] WestJet note que la protection globale qu'elle assure à ses passagers n'est pas moindre que celle offerte par d'autres transporteurs appliquant des limites de responsabilité différentes de la sienne. Le transporteur indique qu'il a décidé de mettre l'accent sur d'autres secteurs visant à renforcer l'expérience du client, notamment ceux énoncés dans son engagement « La garantie qui tient. ».
[23] M. Lukács indique que l'argument de WestJet concernant les limites fixées par d'autres transporteurs est trompeur puisque la limite d'Ontario Northland s'applique aux bagages à main et non aux bagages dont la responsabilité relève du transporteur, et que, pour un coût minime, Greyhound Canada permet à ses passagers de déclarer une valeur excédentaire pouvant atteindre 1 000 $. M. Lukács soutient que les transporteurs aériens cités par WestJet ne constituent pas une véritable concurrence étant donné que le chevauchement entre les réseaux de ces transporteurs et le réseau de WestJet est peu élevé, s'il y a lieu. M. Lukács fait valoir que la limite de responsabilité de WestJet ne devrait pas être considérée comme raisonnable simplement parce qu'elle est comparable aux limites fixées par d'autres transporteurs, lesquelles sont déraisonnablement basses.
Analyse et constatation
[24] WestJet est d'avis que la constatation préliminaire de l'Office, selon laquelle la limite de responsabilité du transporteur à l'égard des bagages est déraisonnable, est inexacte étant donné que cette constatation ne tient pas compte des limites moins élevées appliquées par la vaste majorité des autres transporteurs intérieurs et par certains fournisseurs de services ferroviaires et d'autocars. M. Lukács se demande si les transporteurs invoqués par WestJet comme ayant des limites plus basses représentent une véritable concurrence pour WestJet. En outre, M. Lukács fait valoir que certains renseignements fournis par WestJet concernant les limites fixées par Ontario Northland et Greyhound Canada sont trompeurs.
[25] Bien que WestJet ait ciblé des exemples de limites appliquées par d'autres transporteurs intérieurs, elle n'a fourni aucun argument convaincant visant à soutenir sa position selon laquelle sa limite de responsabilité ne peut pas être considérée comme déraisonnable. Dans cette optique, l'Office reconnaît l'argument de M. Lukács voulant que la limite de responsabilité de WestJet ne doit pas être considérée comme raisonnable simplement parce qu'elle est comparable aux limites fixées par d'autres transporteurs, puisque ces limites peuvent être déraisonnablement basses.
[26] De plus, WestJet n'a pas réussi à démontrer que les transporteurs aériens auxquels elle a fait référence, et lesquels appliquent des limites de responsabilité à l'égard des bagages moins élevées que la sienne, constituent une concurrence appréciable au réseau de WestJet. Il s'agit d'un facteur qui aurait pu être pris en compte par l'Office lors de sa prise de décision. L'Office reconnaît que le principal concurrent national de WestJet sur la majorité des itinéraires du transporteur, à savoir Air Canada, applique une limite maximale de 1 500 $ pour le transport intérieur de bagages, avec une disposition pour la valeur excédentaire pouvant atteindre 2 500 $.
[27] En ce qui concerne l'affirmation de WestJet selon laquelle l'Office devrait prendre en considération les limites de responsabilité s'appliquant à d'autres moyens de transport intérieur et, en particulier, les exemples qu'elle a fournis à l'appui de sa position, l'Office est d'avis que la valeur des renseignements communiqués par le transporteur est limitée puisque ces renseignements, comme l'a fait remarquer M. Lukács, ne correspondent pas entièrement à la responsabilité assumée par les transporteurs cités par WestJet. À ce titre, l'Office conteste l'argument de WestJet à cet égard.
[28] Enfin, WestJet a fait valoir que le contrôle du nombre de réclamations relatives aux bagages et de la responsabilité y associée est l'un des moyens qui permettent à WestJet de rester rentable. Bien que l'atteinte de la rentabilité soit un objectif approprié, l'Office n'estime pas que cet objectif permet de dispenser un transporteur aérien de son obligation statutaire selon laquelle il doit appliquer des conditions de transport raisonnables. En juger autrement irait à l'encontre du fondement même du paragraphe 67.2(1) de la LTC.
[29] L'Office estime que l'argument de WestJet concernant cette question précise n'est pas convaincant, et que l'évaluation des éléments de preuve favorise la position de M. Lukács selon laquelle la comparaison effectuée par WestJet entre sa propre limite de responsabilité et celle fixée par d'autres transporteurs n'est pas persuasive étant donné que les limites appliquées par ces autres transporteurs peuvent elles-mêmes être déraisonnables.
Accès aux tarifs et assurance
Constatation préliminaire de l'Office
[30] L'Office a conclu que l'argument de WestJet concernant cette question particulière est moins convaincant que celui de M. Lukács.
Mémoires
[31] Les parties n'ont pas abordé cette question dans leurs mémoires respectifs se rapportant à la décision n° LET-C-A-51-2010.
Analyse et constatation
[32] Puisque les parties n'ont présenté aucun mémoire supplémentaire en réponse à cette constatation, l'Office, en s'appuyant sur son analyse de la présente question, telle qu'elle est énoncée dans la décision n° LET-C-A-51-2010, estime que l'argument de WestJet concernant cette question précise est moins convaincant que celui de M. Lukács selon lequel l'accès aux tarifs est hors de propos puisque les conditions de transport établies dans les tarifs sont imposées aux passagers.
Obligations commerciales
Constatation préliminaire de l'Office
[33] L'Office a conclu que WestJet n'a déposé aucune preuve convaincante pour justifier sa limite de responsabilité actuelle de 250 $ à l'égard du transport intérieur de bagages.
Mémoires
[34] WestJet n'a pas abordé cette question particulière dans sa réponse à la décision n° LET-C-A-51-2010.
[35] M. Lukács fait valoir que WestJet n'a pas fourni de preuve visant à démontrer que le rejet ou la substitution de la limite de responsabilité du transporteur entraînerait des conséquences négatives sur ses obligations statutaires, commerciales et opérationnelles.
Analyse et constatation
[36] Dans la décision n° LET-C-A-173-2009, l'Office a posé plusieurs questions à WestJet en vue d'obtenir des renseignements de la part du transporteur, certains de nature commerciale et financière, qui pourraient contribuer à la prise de décision de l'Office dans cette affaire. Les questions suivantes font partie de celles qui ont été posées :
Quelle méthodologie WestJet a-telle adoptée afin d'établir une limite de responsabilité intérieure de 250 $ pour la perte ou le retard des bagages ou les dommages causés à ceux-ci, et quels motifs ont permis de justifier que ce montant était raisonnable?
[…] WestJet doit fournir une explication détaillée quant à la façon dont une limite de responsabilité accrue entraînerait des conséquences négatives sur sa situation financière. Dans son explication, WestJet doit traiter des répercussions possibles si elle devait appliquer une limite plus élevée, soit un montant équivalent à celui fixé par la Convention de Montréal ou à celui de son principal concurrent, Air Canada. [traduction]
[37] WestJet n'a pas expliqué les motifs justifiant sa limite de responsabilité de 250 $, et elle n'a présenté aucune preuve démontrant qu'elle pourrait subir des conséquences financières négatives si elle devait augmenter sa limite de responsabilité, en particulier jusqu'à un montant équivalent à celui fixé par la Convention de Montréal ou à celui d'Air Canada.
[38] En l'absence de toute preuve convaincante en ce qui a trait à cette question précise, l'Office estime que WestJet n'a pas réussi à justifier le caractère raisonnable de sa limite de responsabilité actuelle de 250 $ à l'égard du transport intérieur de bagages.
Question découlant de la réponse de WestJet à la décision n° LET-C-A-51-2010
La constatation préliminaire constitue une dérogation importante aux décisions précédentes de l'Office concernant les plaintes déposées en vertu du paragraphe 67.2(1) de la LTC
Mémoires
[39] WestJet prétend que les constatations préliminaires qu'a formulées l'Office dans la décision n° LET-C-A-51-2010 vont à l'encontre des décisions précédentes de l'Office relatives au paragraphe 67.2(1) de la LTC et selon lesquelles :
Les transporteurs à faibles coûts sont assujettis à des conditions d'utilisation différentes de celles des transporteurs traditionnels. Par conséquent, leurs conditions de transport ne doivent pas forcément être assimilées à celles des transporteurs traditionnels;
Les tarifs réduits font l'objet de restrictions plus sévères. [traduction]
[40] WestJet soutient qu'étant donné qu'elle est un transporteur à faibles coûts offrant des tarifs réduits, le paragraphe 67.2(1) de la LTC donne au transporteur une certaine souplesse quant aux restrictions imposées sur les conditions de transport.
[41] WestJet fait valoir que, dans la décision n° 333CA2006 relative à une plainte au sujet d'une augmentation par Air Canada des frais de transport d'un animal à bord d'un aéronef, l'Office, au moment de déterminer si cette hausse était justifiée, a conclu que les transporteurs à faibles coûts, notamment WestJet, ne doivent pas forcément être considérés de la même façon que les transporteurs traditionnels puisque leurs modèles de gestion sont différents.
[42] WestJet note que, dans la décision n° 680-C-A-2001, laquelle porte sur une plainte concernant une interdiction par Air Canada d'utiliser des billets aller-retour en série, l'Office a pris en considération le fait que les billets à bas prix pouvaient raisonnablement faire l'objet de conditions plus strictes.
[43] WestJet fait valoir que, dans la décision n° 37-C-A-2002 relative à une plainte au sujet d'une pénalité imposée par Air Canada pour des changements de réservations à ses billets à tarifs réduits, l'Office a reconnu qu'il n'était pas déraisonnable pour les transporteurs aériens offrant des tarifs réduits d'imposer des restrictions sur leurs billets. En outre, WestJet indique que l'Office est parvenu à cette même conclusion dans la décision n° 38-C-A-2002.
[44] M. Lukács soutient que les cas auxquels fait référence WestJet concernent l'établissement de prix, les tarifs et la structure tarifaire, et qu'il est facilement possible de distinguer ces cas du cas en l'espèce, lequel se rapporte à la limite de responsabilité de WestJet et qui découle du fait que le transporteur n'a pas rempli ses obligations contractuelles. M. Lukács fait valoir qu'on peut aisément décrire l'importante différence entre les deux types de disposition de la façon suivante : la première est une condition « initiale » qui permet de réglementer le cours normal de la prestation des services, tandis que la seconde se veut une condition « finale » qui permet de régir les droits des passagers lorsque le transporteur n'a pas rempli ses obligations contractuelles.
[45] M. Lukács conteste l'argument de WestJet voulant qu'elle est un transporteur à faibles coûts, faisant remarquer que les tarifs de vols intérieurs de WestJet sont généralement à peu près identiques à ceux d'Air Canada. À cet égard, M. Lukács fait valoir que WestJet n'a déposé aucune preuve visant à soutenir sa position selon laquelle elle est un transporteur à faibles coûts et n'a pas expliqué non plus le sens de cette expression. M. Lukács note également que WestJet ne peut désormais plus être considérée uniquement comme un transporteur intérieur étant donné qu'elle a accru ses activités dans le but d'offrir des vols à destination de l'Amérique du Nord et de l'Amérique centrale.
[46] M. Lukács maintient que l'Office n'a jamais déterminé que l'offre par un transporteur d'un tarif réduit dispensait ce dernier de l'obligation de fixer des conditions de transport raisonnables, et ajoute que WestJet n'a établi aucun lien logique entre sa limite de responsabilité actuelle et sa structure tarifaire.
Analyse et constatation
[47] L'Office traite les plaintes au cas par cas et applique le critère d'évaluation énoncé dans la décision n° LET-C-A-173-2009 aux faits spécifiques liés à chaque cas.
[48] De plus, l'Office estime que les décisions précédentes auxquelles WestJet fait référence se distinguent du cas en l'espèce pour la raison indiquée par M. Lukács, laquelle invoque, en particulier, que les cas cités par WestJet concernent le caractère raisonnable de l'établissement des prix, des tarifs et de la structure tarifaire, tandis que la présente affaire concerne la limite de responsabilité de WestJet à l'égard de la perte des bagages ou des dommages causés à ceux-ci. En outre, nonobstant l'argument de WestJet en ce qui a trait à la nature de ses activités et la disponibilité des tarifs réduits, ces éléments ne libèrent pas le transporteur de l'obligation de fixer des conditions de transport raisonnables. De plus, l'Office reconnaît que tous les transporteurs des États-Unis, communément appelés « transporteurs traditionnels » et « transporteurs à faibles coûts », sont assujettis à une responsabilité maximale de 3 300 $US à l'égard du transport intérieur de bagages.
[49] L'Office estime que l'argument de WestJet concernant cette question précise n'est pas convaincant, et que l'évaluation des éléments de preuve favorise la position de M. Lukács selon laquelle les cas cités par WestJet se distinguent du cas en l'espèce, et que l'offre de tarifs réduits n'autorise pas un transporteur aérien à fixer des conditions de transport déraisonnables.
CONCLUSION
[50] Il est nécessaire d'établir un juste équilibre entre les obligations statutaires, commerciales et opérationnelles du transporteur aérien et le droit des passagers d'être assujettis à des conditions de transport raisonnables.
[51] L'Office détermine le caractère raisonnable d'une condition de transport au cas par cas. Dans certains cas, le caractère raisonnable d'une condition de transport peut être déterminé en fonction d'autres dispositions législatives, notamment les conditions de transport établies par la Convention de Montréal, ou des pratiques commerciales acceptées. Alors que d'autres limites de responsabilité peuvent être jugées raisonnables, l'Office est d'avis que la limite établie par la Convention de Montréal s'appliquant au transport international est également raisonnable dans le contexte du transport intérieur.
[52] Dans sa décision n° LET-C-A-51-2010, l'Office a formulé certaines constatations préliminaires concernant cette question et a donné l'occasion à WestJet d'indiquer les raisons pour lesquelles l'Office ne devrait pas rejeter la limite de responsabilité du transporteur à l'égard du transport intérieur de bagages. Par conséquent, le fardeau revenait à WestJet de démontrer que sa limite de responsabilité n'est pas déraisonnable.
[53] L'Office a examiné les éléments de preuve et les mémoires fournis par WestJet par rapport à ceux présentés par M. Lukács. L'Office conclut que les arguments de M. Lukács sont plus convaincants et persuasifs pour établir l'équilibre susmentionné. L'Office conclut donc que les obligations statutaires, commerciales et opérationnelles de WestJet au sujet de la limite de responsabilité à l'égard du transport intérieur de bagages ne l'emportent pas sur le droit de M. Lukács et d'autres consommateurs d'être assujettis à des conditions de transport raisonnables.
[54] Compte tenu des éléments qui précèdent, l'Office conclut que WestJet n'a pas justifié les raisons pour lesquelles l'Office ne devrait pas rejeter la disposition du tarif du transporteur applicable au transport intérieur, qui prévoit une limite de responsabilité de 250 $ à l'égard des bagages, parce qu'elle est déraisonnable et donc contraire au paragraphe 67.2(1) de la LTC. Par conséquent, l'Office :
- rejette la disposition du tarif intérieur de WestJet, qui prévoit une limite de responsabilité de 250 $ à l'égard des bagages, parce qu'elle est déraisonnable et donc contraire au paragraphe 67.2(1) de la LTC;
- ordonne au transporteur, dans les 20 jours ouvrables suivant cette décision, de présenter à l'Office une limite de responsabilité accrue et d'en fournir la justification, ainsi qu'une disposition permettant aux passagers, en échange de frais supplémentaires raisonnables, de déclarer une valeur excédentaire. En plus de cette directive, l'Office exige que, avant tout vol, WestJet révèle en détail aux passagers l'option de déclarer une valeur excédentaire, notamment en indiquant cette option sur les billets ou les itinéraires. Le mémoire de WestJet doit être remis simultanément à M. Lukács, qui aura 10 jours ouvrables pour déposer une réponse auprès de l'Office, dont une copie doit être envoyée simultanément à WestJet. WestJet disposera ensuite de 5 jours ouvrables pour déposer une réplique auprès de l'Office, dont une copie doit également être transmise à M. Lukács.
[55] Si l'Office détermine que la proposition de WestJet est déraisonnable, il exigera que le transporteur fixe la même limite de responsabilité que celle exigée en vertu de la Convention de Montréal.
[56] Conformément au paragraphe 28(1) de la LTC, le rejet susmentionné prendra effet au moment de la date d'entrée en vigueur de la disposition révisée du tarif régissant la limite de responsabilité de WestJet à l'égard du transport intérieur de bagages jugée acceptable par l'Office.
Membres
- J. Mark MacKeigan
- Geoffrey C. Hare
DÉCISION No LET-C-A-51-2010
Objet : Plainte concernant la limite de responsabilité à l'égard des bagages fixée par WestJet pour le transport intérieur
La présente fait référence à la plainte susmentionnée déposée par Gábor Lukács le 6 juillet 2009, à la réponse de WestJet du 22 septembre 2009, à la réplique de M. Lukács du 2 octobre 2009, à la décision no LET-C-A-173-2009 du 3 décembre 2009 dans laquelle l'Office des transports du Canada (Office) posait certaines questions à WestJet, aux réponses du transporteur du 23 décembre 2009 et du 12 janvier 2010 et aux répliques de M. Lukács du 2 janvier et du 2 février 2010.
MÉMOIRES
M. Lukács fait valoir que la limite de responsabilité de WestJet de 250 $ par passager, par incident pour les dommages, la perte ou le retard des bagages transportés entre des points intérieurs est déraisonnable, et est donc contraire au paragraphe 67.2(1) de la Loi sur les transports au Canada (LTC).
M. Lukács affirme que les limites de responsabilité à l'égard des bagages applicable au transport international sont pertinentes afin de déterminer si la limite de WestJet est raisonnable, et il note que les régimes suivants s'appliquent au transport des bagages :
- Convention de Montréal/Union européenne : 1 000 droits de tirage spéciaux (environ 1 800 $CAN) par passager;
- États-Unis d'Amérique (intérieur) : 3 300 $US (environ 3 800 $CAN);
- Australie (intérieur) : 1 600 $A (environ 1 475 $CAN);
- Nouvelle-Zélande (intérieur) : 1 500 $NZ (environ 1 100 $CAN) pour chaque unité de marchandises qui est perdue ou endommagée;
- Japon (intérieur) : 150 000 yen (environ 1 800 $CAN).
M. Lukács fait également valoir que la limite de responsabilité de 1 500 $ d'Air Canada à l'égard des bagages applicable au transport intérieur est raisonnable et conforme aux normes internationales.
WestJet est d'accord avec l'affirmation de M. Lukács que la Convention de Montréal est utile pour étudier la question devant l'Office parce que les parties ont accès à un compte rendu adéquat du régime de responsabilité imposé par la Convention, mais elle n'est pas d'accord avec l'argument de M. Lukács selon qui les régimes de responsabilité applicables à d'autres administrations sont pertinents.
WestJet soutient que le caractère raisonnable d'une règle doit être examiné dans le contexte du texte législatif en entier dont elle fait partie et selon l'importance de ce texte législatif dans le contexte plus large du système judiciaire dont il fait partie. WestJet indique que le système en entier doit être examiné afin de déterminer comment il établit un équilibre entre les droits et les obligations et comment il détermine si l'équilibre est raisonnable. WestJet suggère, par exemple, qu'un transporteur aérien jugerait qu'il est raisonnable d'assumer une responsabilité supplémentaire pour les bagages en échange d'une limite immuable de responsabilité pour blessure corporelle. WestJet soutient que dans le cas de la Convention de Montréal, cet équilibre pourrait être examiné, mais il ne peut être examiné dans le cas d'autres systèmes judiciaires.
En ce qui a trait à la Convention de Montréal, WestJet fait valoir que les limites de responsabilité ne représentent qu'une partie des nombreuses règles qui définissent les droits et les responsabilités des parties et que, dans certaines circonstances, les droits et responsabilités sont favorables aux passagers, alors que dans d'autres circonstances, le transporteur est avantagé. WestJet fait valoir que le fait de choisir les dispositions de la Convention de Montréal qui sont particulièrement favorables à un passager, tout en ignorant d'autres dispositions de la Convention, déformerait gravement l'attribution des droits et obligations, ce qui est fondamentalement injuste pour les transporteurs aériens. WestJet indique que même si la Loi sur le transport aérien, qui incorpore la Convention de Montréal, donne au gouverneur en conseil le pouvoir d'appliquer la Convention au régime de transport intérieur, le gouvernement canadien a choisi de ne pas le faire.
WestJet soutient qu'en fait, il n'y a pas de corrections à apporter. WestJet fait valoir qu'en ce qui a trait au traitement des bagages, elle a pris les mesures opérationnelles nécessaires pour offrir un produit de qualité qui mène à un niveau élevé de satisfaction de la clientèle. À cet égard, WestJet affirme que le nombre de plaintes relatives aux bagages contre le transporteur est tellement faible qu'on peut en conclure que rien ne prouve qu'un passager ou un groupe de passagers est d'avis que WestJet a imposé des conditions de transport déraisonnables.
WestJet souligne que son site Web énonce les conditions de transport et que les passagers profitent de la législation sur la protection des consommateurs qui donne aux passagers l'accès aux tarifs du transporteur. WestJet fait valoir qu'une personne a toujours l'option de faire assurer ses bagages selon des conditions commerciales ou de voyager avec un autre transporteur. WestJet affirme en outre qu'elle a l'obligation commerciale de générer des profits pour ses actionnaires et qu'elle devrait être libre d'établir le prix de ses produits en conséquence.
Dans la décision no LET-C-A-173-2009, l'Office a dressé la liste des limites de responsabilité à l'égard des bagages applicable au transport intérieur de certains transporteurs canadiens, y compris des transporteurs dont la limite de responsabilité excède celle de WestJet, et il a demandé à WestJet de commenter ces limites, particulièrement celles qui sont plus élevées que la sienne. Les transporteurs nommés par l'Office étaient :
- Canadian North (750 $ par passager, avec une disposition pour la valeur excédentaire)
- Air Canada (1 500 $ par passager, avec une disposition pour la valeur excédentaire)
- Porter Airlines (1 000 $ par passager)
- Bearskin Airlines (750 $ par billet, avec une disposition pour la valeur excédentaire)
- First Air (750 $ par passager, avec une disposition pour la valeur excédentaire)
Dans sa réponse, WestJet reconnaît que certains transporteurs offrent des limites de responsabilité plus élevées, mais elle fait valoir que la rentabilité de ces transporteurs est inégale. Le transporteur soutient que le fait de contrôler le nombre de réclamations relatives aux bagages et la responsabilité y associée est l'une des nombreuses façons grâce auxquelles WestJet réussit à se distinguer comme l'un de tous les transporteurs dont la rentabilité est continue.
En ce qui a trait aux commentaires de WestJet au sujet de la pertinence des régimes de responsabilité dans les administrations étrangères, M. Lukács fait valoir que les tribunaux canadiens évoquent régulièrement des décisions rendues par des tribunaux du Royaume-Uni et des États-Unis, sans faire appel à des preuves d'expert supplémentaires en ce qui a trait à la législation dans ces pays.
M. Lukács note que les transporteurs étrangers offrant des limites de responsabilité plus élevées pour le transport intérieur ont les mêmes impératifs commerciaux que WestJet, mais aucune preuve ne suggère que ces limites plus élevées ont un impact sur la viabilité financière de ces transporteurs. M. Lukács note aussi que, selon ses calculs effectués en utilisant les chiffres fournis par WestJet dans son mémoire et une limite de responsabilité de 1 500 $, le coût que devrait supporter WestJet si elle augmentait sa limite à 1 500 $ serait négligeable.
M. Lukács soutient que le commentaire de WestJet au sujet de la disponibilité de ses tarifs est hors de propos puisque le contrat de transport qui lie le transporteur aux passagers n'est pas le résultat de négociations libres, mais est plutôt imposé aux passagers. M. Lukács est d'avis que l'argument de WestJet que les passagers ont l'option de choisir un autre transporteur est également hors de propos en raison du déséquilibre entre les pouvoirs économiques des passagers et ceux des transporteurs aériens. M. Lukács rejette l'affirmation de WestJet qu'il n'est pas nécessaire d'augmenter sa limite de responsabilité à l'égard des bagages parce qu'il n'y a aucune preuve de l'existence d'un problème systémique, et que l'intention juridique du paragraphe 67.2(1) de la LTC est d'assurer que des problèmes systémiques ne soient pas créés.
M. Lukács fait valoir que les données déposées par WestJet au sujet du dédommagement pour les réclamations relatives aux bagages appuient la conclusion qu'une limite de responsabilité plus élevée n'aurait pas pour résultat un dédommagement proportionnellement plus élevé pour les passagers. M. Lukács indique que ces données révèlent que, à plusieurs occasions, WestJet a offert un dédommagement qui excédait sa limite de responsabilité de 250 $. M. Lukács soutient donc qu'une directive de l'Office enjoignant à WestJet d'augmenter sa limite de responsabilité à 1 500 $ ne fera qu'harmoniser le tarif et la pratique apparente du transporteur, et ne créera pas de coûts perceptibles pour WestJet.
ANALYSE ET CONSTATATIONS PRÉLIMINAIRES
Le critère d'évaluation qui doit être appliqué
Le critère établi par l'Office dans la décision no 666-C-A-2001 exige que, pour déterminer si une condition de transport est « déraisonnable » au sens du paragraphe 67.2(1) de la LTC, il est nécessaire d'établir un juste équilibre entre le droit des passagers d'être assujettis à des conditions raisonnables de transport et les obligations opérationnelles, commerciales et réglementaires du transporteur aérien.
Les conditions de transport sont établies unilatéralement par un transporteur aérien sans la moindre contribution des passagers. Le transporteur aérien établit ses conditions de transport en fonction de ses propres intérêts, dont le fondement réside dans des exigences réglementaires ou simplement commerciales. Il n'y a aucune présomption qu'un tarif est raisonnable.
Lorsqu'il soupèse les droits des passagers et les obligations du transporteur, l'Office doit tenir compte de tous les éléments de preuve et des mémoires déposés par les deux parties et trancher la question de savoir si la condition de transport est raisonnable ou déraisonnable en fonction de la partie qui a présenté les preuves les plus convaincantes et persuasives.
Limites de responsabilité fixées dans d'autres administrations et par la Convention de Montréal
M. Lukács soutient qu'il est approprié, lorsqu'on considère le caractère raisonnable de la limite de responsabilité de WestJet à l'égard des bagages applicable au transport intérieur, de tenir compte des limites existantes dans d'autres administrations et de la limite de responsabilité à l'égard des bagages prescrite par la Convention de Montréal.
WestJet affirme que le système judiciaire en entier d'une administration étrangère doit être examiné afin de déterminer comment il assure l'équilibre entre les droits et les obligations et comment il détermine si l'équilibre est raisonnable.
WestJet fait valoir que le fait de choisir les dispositions de la Convention de Montréal qui sont particulièrement favorables à un passager, tout en ignorant d'autres dispositions de la Convention qui favorisent les transporteurs, déformerait gravement l'attribution des droits et obligations, ce qui est fondamentalement injuste pour les transporteurs aériens.
M. Lukács soutient que les tribunaux canadiens invoquent régulièrement des décisions rendues par des tribunaux du Royaume-Uni et des États-Unis sans faire appel à des preuves d'expert supplémentaires en ce qui a trait à la législation dans ces pays.
L'Office note que l'industrie du transport aérien intérieur est en grande partie déréglementée et que, contrairement à ce qui est le cas pour le transport international, les transporteurs aériens qui exploitent des services intérieurs ne sont pas limités par des conventions internationales, par exemple la Convention de Montréal, qui dictent que certaines conditions de transport, comme celles ayant trait à la responsabilité, doivent être appliquées. En raison de l'absence dans le régime intérieur d'actes réglementaires exigeant que certains droits et certaines responsabilités s'appliquent aux passagers et aux transporteurs en ce qui a trait à la responsabilité, les transporteurs sont relativement libres de déterminer ce qui selon eux est un équilibre approprié entre ces droits et ces responsabilités, pourvu que les conditions de transport soient raisonnables.
En ce qui a trait au régime de responsabilité qui peut être appliqué dans les administrations étrangères, l'avis provisoire de l'Office, pour ce qui est de répondre à la question de savoir si une certaine responsabilité à l'égard des bagages est nécessaire, est qu'il n'est peut-être pas nécessaire d'examiner le système judiciaire en entier d'une administration étrangère pour déterminer comment il assure l'équilibre entre les droits et les responsabilités.
L'Office conclut que l'argument de WestJet concernant cette question en particulier n'est pas convaincant et que l'évaluation des éléments de preuve en ce qui a trait à cette question particulière favorise la position de M. Lukács.
Les corrections à apporter
WestJet soutient que, vu le faible nombre de plaintes déposées par les passagers de WestJet au sujet des bagages, il n'y a pas de corrections à apporter.
M. Lukács rejette l'affirmation de WestJet qu'il n'est pas nécessaire qu'elle augmente sa limite de responsabilité à l'égard des bagages en raison de l'absence de preuve de l'existence d'un problème systémique, et que l'intention juridique du paragraphe 67.2(1) de la LTC est d'assurer que des problèmes systémiques ne soient pas créés.
L'Office est d'avis que le faible nombre de plaintes relatives à une question particulière n'est pas forcément un facteur déterminant quant à la question de savoir si une certaine condition de transport est déraisonnable. L'Office note, à cet égard, que les données déposées auprès de l'Office par WestJet au sujet du dédommagement accordé par le transporteur en réponse aux réclamations relatives aux bagages au cours d'une période de cinq mois (août à décembre 2009) révèlent que parmi les 241 réclamations déposées au cours de cette période, 61 des réclamants ont obtenu un dédommagement excédant la limite de responsabilité de 250 $ de WestJet, le montant le plus élevé étant de 1 450,40 $. La volonté apparente de WestJet d'accorder une indemnité aux passagers excède parfois la limite fixée dans le tarif du transporteur pourrait avoir un impact sur le nombre de plaintes relatives à ce genre de limite.
L'Office note également que, en raison de l'argument de WestJet voulant qu'il n'y a pas de corrections à apporter en raison du faible nombre de plaintes liées aux bagages déposées par ses passagers, on pourrait prétendre qu'une augmentation de la limite de responsabilité de WestJet à l'égard des bagages aurait des conséquences financières minimes. L'Office note aussi que, dans la décision no LET-C-A-173-2009, il a donné à WestJet l'occasion de quantifier l'impact financier sur le transporteur s'il devait être obligé de fixer une limite de responsabilité plus élevée à l'égard des bagages, comme la limite d'Air Canada ou celle prescrite dans la Convention de Montréal, et que WestJet a choisi de ne pas déposer une réponse formelle.
En ce qui a trait à cette question précise, l'Office conclut que les arguments de WestJet ne sont pas convaincants et que le transporteur n'a pas démontré adéquatement pourquoi ses obligations statutaires, commerciales et opérationnelles exigent le maintien de sa limite actuelle de responsabilité à l'égard des bagages.
Limites de responsabilité fixées par d'autres transporteurs aériens intérieurs
Dans la décision no LET-C-A-173-2009, l'Office a dressé la liste des limites de responsabilité à l'égard des bagages applicables au transport intérieur de certains transporteurs canadiens, y compris des transporteurs dont la limite de responsabilité excède celle de WestJet. WestJet affirme que certains transporteurs offrent des limites de responsabilité plus élevées, mais indique que la rentabilité de ces transporteurs est inégale, et que le contrôle du nombre de réclamations relatives aux bagages et de la responsabilité y associée est l'un des moyens qui permettent à WestJet de rester rentable.
En ce qui a trait à l'affirmation de WestJet que le faible nombre de plaintes concernant les bagages suggère qu'il n'y aucun problème systémique qui doit être réglé, l'Office conclut que l'argument de WestJet concernant cette question en particulier n'est pas convaincant.
Accès aux tarifs et assurance
WestJet fait valoir que, par décret, les passagers ont accès aux tarifs des transporteurs, qui les affichent sur leur site Web, facilitant ainsi le choix d'un passager quant au transporteur avec qui il voyagera. WestJet ajoute que les passagers ont l'option de contracter une assurance pour leurs bagages.
M. Lukács soutient que la disponibilité des tarifs de WestJet et ceux d'autres transporteurs est hors de propos puisque le contrat de transport qui lie le transporteur aux passagers n'est pas le résultat de négociations libres, mais est plutôt imposé aux passagers.
L'Office est d'avis que les possibilités d'accéder aux tarifs, de contracter une assurance, et de voyager avec un autre transporteur aérien, n'annulent pas le besoin de satisfaire à l'exigence législative selon laquelle les conditions de transport doivent être raisonnables.
L'Office conclut que l'argument de WestJet concernant ce sujet en particulier est moins convaincant que celui de M. Lukács.
Obligations commerciales
WestJet fait valoir qu'elle a l'obligation commerciale de générer des profits pour ses actionnaires, qu'elle devrait être libre d'établir le prix de ses produits en conséquence et que le fait de contrôler le nombre de réclamations relatives aux bagages et la responsabilité y associée sont des moyens qui lui permettent de se distinguer comme l'un de tous les transporteurs dont la rentabilité est continue.
M. Lukács indique que d'autres transporteurs qui offrent des limites de responsabilité plus élevées pour le transport intérieur ont les mêmes impératifs commerciaux que WestJet, mais il n'existe aucune preuve qui suggère que ces limites plus élevées ont un impact sur la viabilité financière de ces transporteurs.
L'Office est d'avis que l'obligation commerciale d'un transporteur d'être rentable et de générer des profits pour les actionnaires n'est pas un argument convaincant pour justifier une condition de transport qui pourrait être déraisonnable. L'Office rejette donc cet argument. De faire valoir, comme WestJet le fait, que le maintien d'un niveau de rentabilité de premier rang éclipse une exigence réglementaire liée au caractère raisonnable d'un tarif serait d'élever le maintien de la rentabilité à un statut de défense quant à tout défaut de satisfaire à une exigence réglementaire. Cela excède l'exigence d'établir un équilibre entre le droit des passagers d'être assujettis à des conditions raisonnables de transport et les obligations opérationnelles, commerciales et réglementaires du transporteur aérien, comme il est établi dans la LTC.
En ce qui a trait cette question précise, l'Office conclut que WestJet n'a présenté aucune preuve convaincante pour justifier la limite de responsabilité actuelle du transporteur de 250 $.
CONCLUSION
Il est nécessaire d'établir un juste équilibre entre le droit des passagers d'être assujettis à des conditions raisonnables de transport et les obligations opérationnelles, commerciales et réglementaires du transporteur.
L'Office a examiné les preuves et les mémoires de WestJet par rapport aux preuves et aux mémoires de M. Lukács. L'Office conclut que les arguments de M. Lukács sont plus convaincants et persuasifs pour établir l'équilibre susmentionné. L'Office conclut donc que les obligations opérationnelles, commerciales et réglementaires précisées par WestJet au sujet d'une limite de responsabilité à l'égard des bagages ne l'emportent pas sur le droit de M. Lukács et d'autres consommateurs d'être assujettis à des conditions de transport raisonnables.
Par conséquent, l'Office conclut, à titre préliminaire, que la limite de responsabilité de 250 $ de WestJet à l'égard des bagages applicable au transport intérieur est déraisonnable et est donc contraire au paragraphe 67.2(1) de la LTC. En raison des retombées possibles d'une décision de l'Office à cet égard, l'Office donne à WestJet l'occasion de donner, dans les 20 jours suivant la date de cette décision, les raisons pour lesquelles l'Office ne devrait pas rejeter la disposition du tarif intérieur du transporteur, qui prévoit une limite de responsabilité de 250 $ à l'égard bagages, parce qu'elle est déraisonnable et donc contraire au paragraphe 67.2(1) de la LTC. La réponse de WestJet doit aussi être remise simultanément à M. Lukács, qui aura 10 jours suivant la date de réception de la réponse pour déposer une réplique, dont une copie doit être envoyée simultanément à WestJet.
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