Décision n° 447-R-2014
DEMANDE présentée par Louis Dreyfus Commodities Canada Ltd. pour une adjudication de frais contre la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada en ce qui a trait à sa requête visant à faire exécuter lʼordonnance provisoire.
INTRODUCTION
[1] Le 14 avril 2014, Louis Dreyfus Commodities Canada Ltd. (LDC) a déposé auprès de l’Office des transports du Canada (Office) une plainte relative au niveau de services contre la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (CN) et a demandé à l’Office de lui accorder un redressement provisoire.
[2] LʼOffice a accordé un redressement provisoire à LDC dans une ordonnance provisoire en date du 2 mai 2014 (ordonnance provisoire).
[3] Le 2 septembre 2014, LDC a déposé une requête auprès de l’Office, alléguant que CN ne respectait pas l’ordonnance provisoire et demandant à l’Office de la faire exécuter et d’obliger CN à payer des frais.
[4] Le 22 septembre 2014, l’Office a rendu une décision confidentielle (ordonnance d’exécution) dans laquelle lʼOffice a conclu que CN ne respectait pas l’ordonnance provisoire. L’Office a rappelé à CN qu’elle était tenue de se conformer à l’ordonnance provisoire jusqu’à ce qu’une décision soit rendue quant à la plainte relative au niveau de services.
[5] L’Office a ensuite ouvert des actes de procédure et a reçu des présentations de LDC et de CN relativement à la requête de LDC visant à obliger CN à payer des frais.
Question
[6] L’Office devrait-il adjuger des frais à LDC?
Conclusion
[7] L’Office adjuge des frais à LDC.
POSITIONS DES PARTIES
[8] CN fait valoir que toute décision d’adjudication des frais devrait avant tout s’appuyer sur l’article 25.1 de la Loi sur les transports au Canada, L.C. (1996), ch. 10, modifiée (LTC). Selon elle, l’Office a interprété et appliqué cet article de façon uniforme. CN fait référence à la 432-C-A-2013">décision n° 432-C-A-2013, dans laquelle l’Office a eu l’occasion d’examiner la portée et l’étendue de l’article 25.1 de la LTC. CN souligne que cette approche voulant qu’une adjudication des frais est justifiée seulement dans des circonstances spéciales ou exceptionnelles a été également adoptée par l’Office dans la 268-R-2013">décision n° 268-R-2013. CN fait valoir que nulle part dans la requête d’exécution LDC ne fournit la preuve d’une quelconque « circonstance spéciale ou exceptionnelle » qui justifierait que l’Office autorise le recours exceptionnel à lʼadjudication des frais, mais au contraire, la manière dont LDC a soumis cette requête d’« exécution » irait à l’encontre de toute adjudication de frais en faveur de LDC.
[9] CN affirme également ce qui suit :
[traduction]
[...] au lieu de plaider sa cause d’une manière adéquate et exhaustive, LDC a choisi de présenter ses preuves de façon incomplète et fragmentaire par l’intermédiaire d’un certain nombre de lettres adressées à l’Office.
[...]
Au lieu de joindre toutes les preuves nécessaires à sa demande initiale, comme cela est requis, LDC a déposé une demande réduite au strict minimum et a choisi de pallier les insuffisances de sa présentation incomplète à l’aide de nouveaux éléments volumineux, pour tenter d’étayer et de consolider sa requête en redressement. LDC a déposé de nouvelles allégations et annexes sans y être préalablement autorisée par l’Office.
[10] CN prétend s’être vue contrainte d’écrire à l’Office, le 9 septembre puis le 10 septembre 2014, pour se plaindre du fait que LDC avait plusieurs fois présenté de nouvelles preuves à lʼappui de ses affirmations selon lesquelles CN avait enfreint l’ordonnance provisoire.
[11] CN souligne que, dans le cadre de sa discrétion dʼadjuger ou de refuser dʼadjuger des frais, l’Office doit notamment déterminer si « les parties ont agi efficacement et de bonne foi ». CN soutient qu’en morcelant sa cause et en introduisant de nouvelles preuves sans y être autorisée à chaque étape de lʼinstance, au lieu de soumettre une demande complète dès le début, LDC n’a clairement pas « agi efficacement ». CN ajoute que la conduite de LDC a inutilement prolongé la durée de lʼinstance et quʼil ne devrait pas y avoir adjudication des frais dans ces circonstances.
[12] Selon CN, comme dans le cas de sa requête d’exécution de l’ordonnance provisoire, LDC a seulement fait une requête générale et incomplète dʼadjudication des frais vers la fin de sa requête d’exécution, sans fournir de raison ou de preuve concrète permettant de justifier une telle adjudication. CN ajoute qu’avant quʼelle puisse raisonnablement donner suite à une réclamation (dʼadjudication des frais ou autre) présentée par un demandeur tel que LDC, ce dernier doit clairement expliquer et exposer les motifs pour lesquels sa requête devrait être accueillie. CN indique que cela est particulièrement vrai lorsque, comme dans le cas présent, la mesure demandée est exceptionnelle ou extraordinaire, comme l’est lʼadjudication des frais par l’Office. CN soutient qu’il n’est ni approprié ni justifié de lui demander de répondre à des allégations à son égard qui nʼont pas été entièrement divulguées.
[13] Selon CN, il est impératif dʼexaminer les décisions concrètes de l’Office quant à l’évaluation du bien-fondé de toute adjudication des frais. CN indique que bien que l’Office ait déclaré qu’il s’attendait à ce que CN se conforme à l’ordonnance provisoire jusqu’à ce qu’une décision soit rendue dans le cadre de la plainte relative au niveau de services, lʼOffice n’avait rien exigé de plus de CN. CN ajoute que, bien que l’Office ait pu estimer que CN devait faire davantage d’efforts, les circonstances en lʼespèce ne justifient pas le recours extraordinaire à lʼadjudication des frais.
[14] CN demande respectueusement à l’Office de rejeter la demande dʼadjudication de frais.
[15] LDC accepte la 432-C-A-2013">décision n° 432-C-A-2013 et la 268-R-2013">décision n° 268-R-2013 et les principes qu’elles sous-tendent. Selon LDC, lʼadjudication de frais à LDC dans le cas présent respecte entièrement ces principes :
- LDC a un intérêt appréciable dans l’instance;
- LDC a participé à l’instance de manière responsable;
- LDC a largement contribué à une meilleure compréhension des questions.
[16] LDC maintient que conformément aux principes énoncés dans les décisions susmentionnées, il existe des circonstances spéciales ou exceptionnelles justifiant une adjudication des frais en lʼespèce, lesquelles circonstances sont, en termes simples, le non-respect injustifié par CN de l’ordonnance provisoire.
[17] LDC affirme qu’elle n’a pas agi de manière inadéquate, que ses preuves sont convaincantes et étayées par un affidavit et que toutes les autres allégations faites par LDC visaient uniquement à contrer les déclarations fallacieuses de CN. Entre autres déclarations fallacieuses, LDC cite les suivantes :
- la déclaration de CN selon laquelle elle ne pouvait pas livrer la marchandise, car la ligne ferroviaire de Hudson Bay Railway Company était congestionnée;
- la déclaration de CN selon laquelle les voies ferrées de l’installation Aberdeen étaient bloquées et qu’il était impossible d’y faire circuler les wagons demandés par LDC au moment de leur utilisation prévue;
- la déclaration de CN selon laquelle elle ne pouvait pas livrer la marchandise en raison d’un cas de force majeure;
- la déclaration de CN selon laquelle LDC n’avait pas reçu d’autorisation pour le terminal de la part de M. Stowe.
[18] Selon LDC, CN a eu toutes les occasions de justifier ses actions et de déposer une réponse en ce qui a trait aux preuves présentées par LDC, mais a tout simplement été incapable de fournir des justifications parce quʼil nʼen existe aucune.
[19] LDC soutient que l’Office a conclu, sur la base des preuves déposées, que CN ne s’est pas conformée à l’ordonnance provisoire et que les raisons qu’elle a invoquées pour justifier cette non-conformité n’étaient pas valables.
[20] LDC fait valoir que sa présentation en date du 16 septembre 2014 constitue sa preuve la plus convaincante étayant sa requête dʼadjudication de frais, laquelle est résumée par le passage suivant extrait de cette présentation :
À la lumière de ce qui précède et des preuves déposées par LDC dans ses présentations à cet égard, LDC demande respectueusement à l’Office de prendre des mesures immédiates pour faire exécuter son ordonnance provisoire et, dans les circonstances, dʼobliger CN à payer des frais, conformément à la requête de LDC. LDC indique que les ordonnances de l’Office demandant aux compagnies de chemin de fer de fournir des installations convenables pour les marchandises offertes par ses clients pour le transport doivent être respectées par ces compagnies et doivent être strictement appliquées, à défaut de quoi les dispositions de la Loi sur les transports au Canada relatives au niveau de services ne constitueront plus l’outil essentiel de la politique nationale des transports que le Parlement avait prévu [...]
[21] LDC affirme que CN a enfreint l’ordonnance provisoire, et a été pris en flagrant délit. LDC ajoute qu’elle s’est vu assigner la tâche de démontrer ce fait, et que cela a été onéreux et coûteux. LDC conclut en indiquant qu’elle devrait se voir adjuger des frais dans ces circonstances.
ANALYSE ET CONSTATATIONS
[22] Aux termes du paragraphe 25.1(1) de la LTC, l’Office a tous les pouvoirs de la Cour fédérale en ce qui a trait à l’adjudication de frais relativement à toute instance devant lui en vertu des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, notamment de l’article 400. Cet article prévoit que la Cour fédérale a tous les pouvoirs discrétionnaires pour déterminer le montant des frais, pour les répartir et pour désigner les personnes qui doivent les payer.
[23] L’Office a le pouvoir discrétionnaire d’adjuger des frais et, dans le passé, il s’est appuyé sur un ensemble de principes généraux pour déterminer l’adjudication des frais, y compris la question de savoir si le demandeur d’adjudication de frais a un intérêt appréciable dans l’instance, a participé à l’instance de manière responsable, a apporté une contribution importante et pertinente à l’instance et a contribué à mieux faire comprendre les questions à toutes les parties devant l’Office. De plus, l’Office tient compte d’une combinaison de facteurs, notamment la nature de la demande et les questions soulevées; la durée, la complexité et le résultat de l’instance; et la question de savoir si les parties ont agi avec efficacité et de bonne foi.
[24] Dans l’ordonnance provisoire, l’Office a ordonné à CN de prendre certaines mesures visant à accorder un redressement provisoire à LDC. Le non-respect de l’ordonnance provisoire par CN a obligé LDC à présenter sa requête d’exécution de l’ordonnance provisoire et à déposer une série de preuves pour étayer sa position.
[25] L’Office a conclu dans l’ordonnance d’exécution que CN ne s’était pas conformée à l’ordonnance provisoire et que les raisons quʼelle a invoquées pour justifier cette non-conformité n’étaient pas valables. Si CN s’était conformée à l’ordonnance provisoire, LDC n’aurait pas été obligée de demander que lʼordonnance soit exécutée, ce qui lui aurait ainsi évité de consacrer autant de temps et d’efforts pour se représenter et étayer sa requête.
[26] L’Office conclut que LDC avait un intérêt appréciable dans lʼinstance, y a participé de manière responsable et y a contribué de façon pertinente. L’Office conclut également que la question soulevée était très importante pour LDC étant donné que CN n’avait pas pris toutes les mesures de redressement provisoires ordonnées par l’Office.
[27] Par conséquent, l’Office conclut qu’il est approprié d’adjuger des frais à LDC.
CONCLUSION
[28] À la lumière des constatations qui précèdent, l’Office adjuge des frais à LDC.
[29] L’Office, conformément au paragraphe 25.1(3) de la LTC, nomme le membre William G. McMurray à titre de taxateur. Il aura pour rôle de recueillir les renseignements nécessaires à l’établissement du montant des frais qui seront taxés et alloués à LDC.
[30] Avant que le taxateur mène des actes de procédure, les parties auront la possibilité de sʼentendre sur la question des frais. Si aucun consensus n’est atteint par les parties dʼici le 12 janvier 2015, LDC pourra porter cette question devant l’Office, et le taxateur amorcera alors le processus susmentionné.
TAXATION DU MÉMOIRE DE FRAIS 2015-447-R-2014 TAX
le 19 août 2015
ADJUDICATION de frais ─ Louis Dreyfus Commodities Canada Ltd. c. la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada.
Cas no 15-00722
INTRODUCTION
[1] La présente taxation découle de la décision no 447-R-2014 du 11 décembre 2014 de l’Office des transports du Canada (Office). Dans cette décision, l’Office a adjugé des frais à Louis Dreyfus Commodities Canada Ltd. (LDC) en ce qui a trait à sa demande visant à faire exécuter lʼordonnance provisoire rendue par l’Office le 2 mai 2014 (ordonnance provisoire), concernant une plainte relative au niveau de services contre la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (CN) en vertu de l’article 116 de la Loi sur les transports au Canada, L.C. (1996), ch. 10, modifiée (LTC) et la requête présentée à l’Office par LDC pour qu’il lui soit accordé un redressement provisoire.
[2] Dans la décision no 447-R-2014, j’ai été nommé par l’Office en vertu du paragraphe 25.1(3) de la LTC, comme taxateur afin de déterminer le montant des frais qui seront taxés et alloués à LDC, lesquels doivent être payés par CN.
[3] Dans sa décision d’adjuger les frais, l’Office a indiqué que si aucun consensus n’était atteint par les parties au plus tard le 12 janvier 2015, LDC pourrait porter cette question devant l’Office, et le taxateur amorcerait le processus d’adjudication de frais. Dans une lettre du 11 février 2015, LDC a indiqué que les parties n’étaient pas parvenues à s’entendre sur les frais et a demandé que le taxateur entame les actes de procédure dans cette affaire.
CONTEXTE
[4] Le 14 avril 2014, LDC a déposé auprès de l’Office une demande relative au niveau de services allèguant que CN ne s’était pas acquittée de ses obligations en matière de niveau de services en ce qui a trait à ses élévateurs à grain de Glenavon (Saskatchewan), d’Aberdeen (Saskatchewan), de Joffre (Alberta) et de Lyalta (Alberta). LDC a également demandé à l’Office de lui accorder un redressement provisoire.
[5] LʼOffice a accordé un redressement provisoire à LDC dans l’ordonnance provisoire. L’Office a ordonné à CN de fournir, aux silos de LDC à Glenavon, Aberdeen, Joffre et Lyalta, le service de train pour le placement des wagons vides en vue de leur chargement, et par la suite, pour le ramassage des wagons remplis.
[6] Le 2 septembre 2014, LDC a déposé une requête auprès de l’Office, alléguant que CN n’avait pas respecté l’ordonnance provisoire et demandant à l’Office de la faire exécuter et d’obliger CN à payer des frais (procédure d’exécution).
[7] Le 22 septembre 2014, l’Office a rendu une décision confidentielle dans laquelle il a conclu que CN n’avait pas respecté l’ordonnance provisoire. L’Office a rappelé à CN qu’elle était tenue de se conformer à l’ordonnance provisoire jusqu’à ce qu’une décision soit rendue quant à la demande relative au niveau de services.
[8] L’Office a ensuite ouvert des actes de procédure et a reçu des présentations de LDC et de CN relativement à la requête de LDC visant à obliger CN à payer des frais relativement à son défaut de se conformer à l’ordonnance provisoire.
[9] Dans la décision no 447-R-2014, l’Office a adjugé à LDC des frais devant être payés par CN.
[10] Le 13 février 2015, j’ai ouvert les actes de procédure relativement à l’adjudication des frais et avisé les parties qu’elles pouvaient se référer, dans leur présentation, aux principes généraux appliqués antérieurement par les taxateurs de l’Office, mais aussi à d’autres documents de référence, y compris, sans s’y limiter, au tarif B des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106.
[11] Le 5 mars 2015, l’avocat de LDC a présenté un mémoire de frais en deux versions, soit une version confidentielle pour le taxateur et une version épurée pour CN et le public. LDC a demandé un traitement confidentiel fondé sur le secret professionnel de l’avocat et a indiqué que si la version confidentielle devait être communiquée à CN, LDC subirait un préjudice particulier et direct.
[12] Le 16 mars 2015, CN a présenté sa réponse au mémoire de frais qui renfermait une requête de sursis de toute ordonnance de paiement des dépens par CN à LDC en attendant l’issue de l’appel par CN de la décision de l’Office du 3 octobre 2014 devant la Cour d’appel fédérale.
[13] Le 20 mars 2015, LDC a présenté sa réplique à la présentation de CN du 16 mars 2015.
[14] Dans la lettre du 25 mai 2015, j’ai fait des déterminations préliminaires concernant la requête de sursis de CN et la question de confidentialité. En ce qui a trait à la requête de sursis de CN, je l’ai refusée à la lumière du fait que la demande d’autorisation d’appel par CN de l’ordonnance provisoire de l’Office a été rejetée avec dépens par la Cour d’appel fédérale le 10 juillet 2014.
[15] En ce qui a trait à la question de la confidentialité, j’ai avisé LDC soit de fournir à CN une version non épurée de sa présentation, soit de décider de ne pas fournir à CN une version non épurée de la présentation, auquel cas les dépens associés aux éléments épurés ne seraient pas considérés par le taxateur.
[16] Le 27 mai 2015, LDC a fourni à CN une version non épurée de sa présentation.
[17] Le 3 juin 2015, CN a répondu à la présentation non épurée de LDC et, le 11 juin 2015, LDC a déposé sa réplique.
PRINCIPES SOUS-JACENTS DE L’ADJUDICATION DES FRAIS
[18] Même si l’Office n’a pas de règlement ou de règles qui fixent les tarifs au sujet de l’adjudication des frais à une partie, j’ai examiné des ordonnances de taxation précédentes émises par les taxateurs de l’Office afin de cerner des critères de taxation communs, et j’ai examiné les principes appliqués par les tribunaux. Les deux avocats ont porté à mon attention à un certain nombre de décisions en matière de taxation de l’Office concernant l’adjudication des frais, en particulier, Taxation du mémoire de frais 2013-220-R-2013TAX (Municipalité Régionale de Halifax c. Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada) [MRH c. CN]; Taxation du mémoire de frais 1999-227-R-1998TAX/1999-48-R-1999TAX (Eagle Forest Products Limited Partnership c. la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada; Taxation du mémoire de frais no 2012-157-AT-MV-2011TAX (Terrance J. Green c. OC Transpo); et arrêté no 2008-AT-A-61 (Succession d’Eric Norman et autres. c. Air Canada et autres.).
[19] J’ai également examiné les principes appliqués par les tribunaux relativement à l’adjudication de frais, y compris les nombreux jugements portés à mon attention par l’avocat du demandeur et du défendeur de même que les arguments des avocats dans cette affaire pour en arriver à ce que je considère être une taxation des frais juste et raisonnable dans la mesure où les frais réclamés étaient raisonnablement nécessaires dans les circonstances.
DEMANDE DES FRAIS SUR UNE BASE AVOCAT-CLIENT PRÉSENTÉE PAR LDC
[20] LDC fait valoir que le manquement de CN de se conformer à l’ordonnance provisoire de l’Office justifie une adjudication de frais qui dédommage entièrement LDC sur les frais qu’elle a engagés durant la procédure d’exécution. LDC fait valoir qu’elle n’aurait pas engagé de frais relativement à la procédure d’exécution si CN s’était simplement conformée à l’ordonnance provisoire de l’Office. LDC demande par conséquent à l’Office une adjudication de ses frais relativement à la procédure d’exécution sur une base avocat-client.
[21] CN répond que l’adjudication de frais sur une base avocat-client n’est pas justifiée et que l’Office devrait rejeter la demande de LDC voulant que les frais soient adjugés sur la base d’une indemnisation complète. CN demande plutôt au taxateur d’adjuger des frais à LDC selon le tarif B des Règles des Cours fédérales qui établit les honoraires des avocats et débours qui peuvent être acceptés aux fins de la taxation des frais relatifs à divers services.
[22] À partir des principes établis par les tribunaux, je note que, en ce qui a trait aux frais sur une base avocat‑client, on s’attend habituellement à ce qu’il en découle une indemnisation complète des frais juridiques et des débours, et qu’ils sont habituellement adjugés seulement en cas de conduite répréhensible de la part de l’une ou l’autre des parties, par exemple par des moyens dilatoires, par le prolongement indu des instances ou encore par une conduite scandaleuse ou outrageuse. Dans mon évaluation, j’ai été guidé par ce principe et par le principe selon lequel les frais doivent être raisonnables dans les circonstances et avoir été engagés directement et nécessairement aux fins de la procédure d’exécution auprès de l’Office. J’ai également examiné et analysé minutieusement chaque élément du mémoire de frais, ainsi que toutes les présentations des parties.
MÉMOIRE DE FRAIS
[23] LDC a présenté un mémoire de frais détaillé qui indique le temps passé à préparer les actes de procédure et les documents connexes à la procédure d’exécution relative à l’ordonnance provisoire de l’Office du 2 mai 2014. La présentation des frais renferme ce qui suit : les factures détaillées des honoraires de Forrest C. Hume, l’avocat principal affecté à cette affaire; les factures des avocats secondaires, P. John Landry, Peter Osadetz, et Alex Smith. Le mémoire de frais présenté par LDC inclut également le montant de 190,72 $, plus la TPS, pour les débours. LDC demande l’adjudication de frais totalisant 24 214,28 $.
[24] En réponse, CN fait valoir que les frais devraient être adjugés à LDC selon le tarif B des Règles des Cours fédérales qui établit les honoraires des avocats et débours qui peuvent être acceptés aux fins de la taxation des frais relatifs à divers services. À l’aide du tarif B, CN laisse entendre que le total de l’adjudication des frais est de 2 700 $ pour les honoraires et débours.
POSITIONS DES PARTIES
Position de CN
[25] CN ne conteste pas particulièrement les taux horaires de chaque avocat dans cette affaire, mais plutôt des éléments particuliers du bordereau comme étant inappropriés et pour lesquels un taux de 500 $ ou plus l’heure n’est pas raisonnable. CN fait valoir que ces éléments du bordereau entrecoupent souvent des entrées de travail valides et groupées en une entrée globale où le temps a été consolidé. CN soutient qu’il est impossible de déterminer le temps passé à chaque tâche pour cette entrée et que par conséquent, le bordereau au complet devrait être réduit comme cela a été fait dans la taxation du mémoire de frais 2013-220-R-2013TAX (Municipalité Régionale de Halifax c. Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada). CN allègue également que le temps passé à certaines entrées est excessif compte tenu des questions soulevées et du document de travail produit, qu’il y a eu beaucoup de duplication inutile du travail et que les heures du second, même du troisième avocat, devraient être rejetées, ou à tout le moins réduites de façon importante. CN ajoute que certains éléments du bordereau ne sont aucunement liés à la procédure d’exécution et que par conséquent, ils devraient être rejetés.
[26] Plus particulièrement, CN conteste les éléments particuliers du bordereau présentés par LDC ci‑après :
Temps de John Landry
[27] CN fait valoir que d’après un examen des entrées de temps de M. Landry, il est évident que la majorité de son temps a été consacrée à examiner et à discuter des questions durant de longues réunions avec M. Hume. CN indique que M. Landry a essentiellement agi comme un « consultant », ce qui devrait être inutile compte tenu des 34 années d’expérience de M. Hume en droit des transports et litiges, avec une spécialisation dans les questions ferroviaires.
La « lettre de Gonta »
[28] CN conteste tout le temps facturé pour répondre à la lettre de CN qui a été envoyée par Andy Gonta (lettre de Gonta) le 29 août 2014. Plus particulièrement, CN allègue que la lettre de Gonta n’est aucunement pertinente à la procédure d’exécution, car cette lettre explique simplement la nouvelle méthodologie d’affectation des wagons de CN. CN fait valoir que les heures facturées pour répondre à cette lettre ne doivent pas être prises en considération ou remboursées à LDC dans le cadre des présentes instances.
Temps d’Alex Smith
[29] CN conteste tout le temps passé par Alex Smith à l’examen et au dépôt de documents puisqu’il n’a effectué aucun travail important ni produit un quelconque document utile ou pertinent. CN fait valoir qu’elle ne devrait pas être tenue de payer cette duplication du travail.
Temps de Peter Osadetz
[30] CN fait valoir que les tâches facturées par M. Osadetz auraient pu être effectuées par un assistant juridique ou un parajuriste et que par conséquent, CN ne devrait pas être tenue de payer près de 300 $ l’heure pour ces tâches.
Temps de Forrest Hume
[31] CN fait valoir que le temps passé à préparer certains documents est excessif compte tenu des questions soulevées et du document de travail produit. CN soutient que d’autres tâches effectuées par M. Hume auraient pu être confiées à un avocat subalterne à un taux beaucoup plus bas et qu’il est déraisonnable de s’attendre à ce que CN rembourse ces frais à LDC.
Position de LDC
[32] LDC soumet les commentaires suivants :
Temps de John Landry
[33] LDC fait valoir que M. Landry a passé seulement 1,5 heure à aider à la préparation des présentations de LDC et que, vu sa grande expertise des litiges en matière de réglementation impliquant des questions complexes, le peu de temps qu’il a passé à fournir son aide était raisonnable.
La « lettre de Gonta »
[34] LDC fait valoir que dans la lettre de Gonta, CN a faussement affirmé qu’elle se conformait à l’ordonnance provisoire de l’Office et que la lettre de M. Hume du 4 septembre 2014 a été déposée auprès de l’Office expressément pour corriger cette affirmation erronée afin que l’Office ne soit pas induit en erreur durant la procédure d’exécution.
Temps d’Alex Smith
[35] LDC ne formule aucun commentaire particulier concernant le temps passé par Alex Smith.
Temps de Peter Osadetz
[36] LDC fait valoir qu’en général, les assistants juridiques ou parajuristes ne sont pas des notaires publics ou des commissaires aux serments qui sont autorisés à recevoir des affidavits. LDC soutient que compte tenu de l’importance de la question, de la rapidité à laquelle elle devait être exécutée et du fait que l’affidavit devait être fait dans une autre ville, M. Hume a préféré confier cette tâche à un associé plutôt qu’à un étudiant en droit. LDC fait valoir qu’il s’agissait d’une décision raisonnable que M. Hume était en droit de prendre.
Temps de Forrest Hume
[37] LDC fait valoir que la critique de CN selon laquelle M. Hume aurait dû déléguer certaines tâches à un avocat subalterne ne tient pas compte de la nature technique de la question ainsi que du caractère urgent et important pour LDC d’écarter la menace envers son moyen de subsistance découlant des manquements continus de CN à l’ordonnance provisoire. En ce qui concerne l’allégation de CN selon laquelle M. Hume aurait accompli des tâches administratives inappropriées dans le cadre de la révision ou de la rédaction de l’ébauche des documents, LDC confirme qu’une assistante juridique a offert un soutien administratif à M. Hume durant la rédaction de l’ébauche des présentations relatives à la question et que le temps de celle-ci n’a pas été facturé à CN. LDC fait valoir que la question centrale de l’ordonnance provisoire était extrêmement complexe et que ses connaissances et son expertise relatives aux activités ferroviaires ont permis à M. Hume de maîtriser et d’aborder les questions relatives à la preuve soulevées beaucoup plus rapidement et par conséquent, à un coût total moindre que ce qu’aurait pu accomplir un avocat subalterne. Pour ce qui est du commentaire de CN selon lequel l’avocat de LDC a consacré trop de temps à préparer les répliques aux présentations de CN, LDC indique que la majorité de ses présentations consistaient à corriger les nombreuses affirmations fausses et trompeuses de CN. CN ne peut pas se plaindre maintenant de devoir payer pour le temps qu’elle a obligé l’avocat de LDC à passer afin de s’assurer que l’Office rende sa décision fondée sur des renseignements exacts.
[38] LDC fait valoir que son avocat a passé uniquement 42,7 heures à faire exécuter l’ordonnance provisoire de l’Office et à obtenir l’adjudication de frais à cet égard. Selon LDC, le temps que l’avocat a passé à l’affaire est entièrement raisonnable, compte tenu du fait qu’il devait préparer et déposer cinq présentations détaillées et un affidavit relatifs à un secteur extrêmement technique des activités ferroviaires et qu’il devait respecter des délais très serrés.
ÉVALUATION
[39] Pour décider du montant à adjuger, je me suis appuyé sur les principes établis dans des décisions antérieures de l’Office, selon lesquels les frais sont généralement de nature compensatoire et devraient refléter les frais que les parties ont réellement engagés dans l’affaire. J’ai également tenu compte de divers facteurs, y compris le fait que le manquement de CN de se conformer à l’ordonnance provisoire a obligé LDC à entamer la procédure d’exécution. Par conséquent, je conclus qu’il est approprié dans les circonstances du cas présent d’autoriser 75 pour cent de tous les frais réclamés par les avocats de LDC dans cette affaire. Toutefois, les frais doivent également être raisonnables dans les circonstances et avoir été engagés directement et nécessairement aux fins de l’instance.
Éléments particuliers du bordereau ̶ Forrest Hume
[40] J’accepte tous les bordereaux, à l’exception des bordereaux ci-après que je rejette au complet :
31 octobre 2014 – facture no 1500877 – bordereau du 2 septembre 2014
[41] Examen initial de la lettre envoyée par A. Gonta – J’accepte l’argument de CN selon lequel la lettre de Gonta n’est pas directement et nécessairement liée à la procédure d’exécution dans cette affaire, mais qu’il s’agit plutôt d’une lettre indiquant que CN modifie sa méthodologie d’affectation des wagons-trémies pour le transport du grain de l’Ouest. Quoi qu’il en soit, cette même lettre a constitué le fondement d’une plainte de LDC contre CN que l’Office a rejetée dans une décision confidentielle du 12 mars 2015. Puisque ce bordereau est regroupé avec d’autres bordereaux, j’appliquerai le principe que l’Office a utilisé dans la taxation du mémoire de frais 2013-220-R-2013TAX (Municipalité régionale de Halifax c. Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada) où le taxateur a rejeté le bordereau au complet, car des éléments avaient été groupés ensemble. Je rejette par conséquent 4,2 heures de ce bordereau.
31 octobre 2014 – facture no 1500877 – 3 septembre 2014
[42] Préparation de l’ébauche de la lettre d’accompagnement pour la lettre de CN datant du 29 août 2014 à LDC – La lettre de CN du 29 août 2014 est la lettre de Gonta qui, comme je l’ai susmentionné, n’est pas à mon avis directement liée à la procédure d’exécution; par conséquent, je rejette ce bordereau. Cet élément du bordereau était regroupé avec d’autres éléments du bordereau; je rejette le bordereau au complet. Je rejette par conséquent 2,2 heures de ce bordereau.
31 octobre 2014 – facture no 1500877 – 23 septembre 2014
[43] Réception de la décision de l’Office au sujet de la présentation des frais. Dans l’arrêté no 2008‑AT-A-61 (Succession d’Eric Norman et al. c. Air Canada), le taxateur a rejeté les frais réclamés pour la révision d’une décision de l’Office. Je suis d’accord que les frais liés à la réception et à la révision de la décision de l’Office au sujet de la présentation des frais ne doivent pas être remboursés par CN. Je rejette par conséquent 2,2 heures de ce bordereau.
31 octobre 2014 – facture no 1500886 – 24 septembre 2014
[44] Réception de la présentation des frais de CN et préparation de l’ébauche de la réponse de LDC à la présentation des frais de CN. Comme cela n’est pas directement lié à la demande d’exécution de l’ordonnance provisoire présentée par LDC, je rejette deux heures de ce bordereau.
31 octobre 2014 – facture no 1500886 – 24 septembre 2014
[45] Téléconférence avec C. Rubin et autres au sujet de la décision de l’Office relative à l’exécution de l’ordonnance provisoire – Comme je l’ai susmentionné, le taxateur a rejeté les frais réclamés pour la révision d’une décision de l’Office dans l’arrêté no 2008-AT-A-61 (Succession d’Eric Norman et al. c. Air Canada). Je suis d’accord que les frais liés à la révision de la décision de l’Office au sujet de l’exécution de l’ordonnance provisoire ne doivent pas être remboursés par CN. Par conséquent, je rejette deux heures de ce bordereau.
[46] Je rejette au total 10,6 heures des heures réclamées par M. Hume.
[47] Comme M. Hume a réclamé 36,8 heures, j’accorde 26,2 heures.
Éléments particuliers du bordereau pour M. Landry, M. Osedetz et M. Smith
[48] Je conclus que les cinq heures réclamées collectivement par M. Landry, M. Osedetz et M. Smith ne sont pas déraisonnables et qu’elles ont été engagées directement et nécessairement en lien avec la procédure d’exécution devant l’Office. J’accepte par conséquent tous les frais à 75 pour cent.
Sommaire – Honoraires des avocats
[49] En résumé, j’accepte les frais ci-après pour les avocats de LDC :
Forrest Hume : 26,2 heures à 575 $ l’heure = 15 065 $ x 75 % = 11 298,75 $
P. John Landry : 1,5 heure à 525 $ l’heure = 787,50 $ x 75 % = 590,63 $
Peter Osadetz : 1,2 heure à 290 $ l’heure = 348 $ x 75 % = 261 $
Alex Smith : 2,3 heures à 250 $ l’heure = 575 $ x 75 % = 431,25 $
DÉBOURS
[50] LDC a présenté les débours suivants :
frais de messagerie : 68,07 $
des appels interurbains : 122,65 $
Total des débours : 190,72 $
[51] Comme CN n’a pas remis en question les débours présentés par LDC, j’accepte les débours totalisant 190,72 $.
DEMANDE DE LDC RELATIVE AUX FRAIS DE TAXATION
[52] LDC, dans sa réplique du 11 juin 2015, a demandé des frais concernant la taxation de frais dans cette affaire. LDC fait valoir que l’insinuation de CN voulant que les avocats de LDC l’aient surfacturée relativement à cette affaire est honteuse et insultante, et à la lumière de la nature de la présentation des frais de CN, LDC demande que j’adjuge également les frais de cette taxation à un montant que je juge raisonnable.
[53] Comme LDC a demandé des frais de taxation dans sa réplique finale, CN n’a pas eu l’occasion d’y répondre. Quoi qu’il en soit, il y a très peu de demande de taxation antérieure de l’Office, voire aucune, où le taxateur a adjugé les frais liés à la taxation des frais. Je rejette par conséquent cette demande de frais de LDC.
FRAIS TAXÉS
[54] Je taxe les honoraires et débours comme suit :
HONORAIRES DES AVOCATS :
Forrest Hume : 11 298,75 $
P. John Landry : 590,63 $
Peter Osadetz : 261 $
Alex Smith : 431,25 $
TOTAL DES HONORAIRES D’AVOCAT : 12 581,63 $
DÉBOURS : 192,72 $
SOUS-TOTAL : 12 774,35 $
TPS : 638,72 $
TOTAL : 13 413,07 $
(signature)
William G. McMurray
Taxateur
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