Décision n° 86-C-A-2020

le 31 août 2020

DEMANDE présentée par Charlotte Muileboom, Thomas Muileboom et son enfant mineur (demandeurs) contre Air Canada (défenderesse) au titre du paragraphe 67(3) de la Loi sur les transports au Canada, LC 1996, c 10, concernant une perturbation d’horaire.

Numéro de cas : 
19-06932

RÉSUMÉ

[1] Les demandeurs ont déposé une demande auprès de l’Office des transports du Canada (Office) contre la défenderesse concernant le retard de leur vol de Vancouver (Colombie-Britannique) à Calgary (Alberta) le 27 avril 2019.

[2] Les demandeurs réclament une indemnisation totale de 2 400 CAD pour le coût de leurs trois billets.

[3] L’Office se penchera sur les questions suivantes :

  1. La défenderesse a-t-elle correctement appliqué les conditions énoncées dans son tarif intitulé Domestic Tariff General Rules Applicable to the Transportation of Passengers and Baggage, CTA(A) No. 3 (tarif) concernant les perturbations d’horaire, comme l’exige le paragraphe 67(3) de la Loi sur les transports au Canada, LC 1996, c 10 (LTC)?
  2. Si défenderesse n’a pas correctement appliqué les conditions énoncées dans son tarif, quelle mesure corrective, le cas échéant, l’Office devrait-il ordonner?

[4] Pour les motifs énoncés ci-dessous, l’Office conclut que la défenderesse a correctement appliqué les conditions énoncées dans son tarif relativement aux perturbations d’horaire et, par conséquent, l’Office rejette la demande.

CONTEXTE

[5] Les demandeurs devaient se rendre de Vancouver à Toronto (Ontario) comme suit :

  • le 27 avril 2019, de Vancouver à Calgary;
  • le 1er mai 2019, de Calgary à Toronto.

[6] Après le retard puis l’annulation de leur vol initial de Vancouver à Calgary, les demandeurs ont été réacheminés à bord d’un autre vol à destination de Calgary plus tard dans la journée. Ce vol a également été retardé puis annulé; les demandeurs ont été réacheminés à bord d’un vol à destination de Calgary, puis de Toronto le 1er mai 2019. Toutefois, avant leur départ le 1er mai 2019, les demandeurs ont été informés que le vol de Calgary à Toronto avait été annulé. Ils ont alors été réacheminés à bord d’un vol direct de Vancouver à Toronto qui partait plus tard le 1er mai 2019 et ils se sont rendus à destination.

OBSERVATION PRÉLIMINAIRE

[7] Les demandeurs font valoir que les communications de la défenderesse n’étaient pas claires et portaient à confusion. La défenderesse affirme que l’Office n’a pas compétence en ce qui concerne le niveau de service qu’un passager reçoit d’un transporteur aérien, et cite la décision no 18-C-A-2015 (Enisz c Air Canada), la décision no 55-C-A-2014 (Brine c Air Canada), la décision no 78-C-A-2017 (Kabra c Jet Airways) et la décision no 103-C-A-2017 (Chowdhury c Turkish Airlines) de l’Office. La compétence de l’Office se limite au versement d’une indemnisation à toute personne lésée des dépenses qu’elle a supportées consécutivement à la non-application par le transporteur des conditions énoncées dans son tarif. Comme le tarif ne contient pas d’obligations concernant la clarté des communications de la défenderesse, l’Office n’a pas compétence en la matière.

[8] Le Règlement sur la protection des passagers aériens, DORS/2019-150 (RPPA) inclut des obligations concernant la fréquence, la méthode et le contenu des communications des transporteurs aériens. Toutefois, une partie du RPPA est entrée en vigueur le 15 juillet 2019, et le reste est entré en vigueur le 15 décembre 2019. La perturbation du voyage des demandeurs a eu lieu le 27 avril 2019. Comme le RPPA n’était pas en vigueur à ce moment, l’Office considère qu’il ne s’applique pas dans le cas présent.

LA LOI ET LES DISPOSITIONS TARIFAIRES PERTINENTES

[9] Le paragraphe 67(3) de la LTC exige que le transporteur aérien, lors de l’exploitation d’un service intérieur, applique correctement les conditions de transport énoncées dans son tarif.

[10] Si l’Office conclut qu’un transporteur aérien n’a pas correctement appliqué son tarif, l’article 67.1 de la LTC confère à l’Office le pouvoir d’ordonner au transporteur :

a) d’appliquer un prix, un taux, des frais ou d’autres conditions de transport figurant au tarif;

b) d’indemniser toute personne lésée des dépenses qu’elle a supportées consécutivement à la non-application du prix, du taux, des frais ou des autres conditions qui figuraient au tarif;

c) de prendre toute autre mesure corrective indiquée.

[11] Les dispositions pertinentes du tarif sont énoncées à l’annexe.

POSITIONS DES PARTIES ET CONSTATATIONS DE FAITS

Les demandeurs

[12] Les demandeurs font valoir que leur vol initial de Vancouver à Calgary, le vol n° AC222, dont le départ était prévu pour 17 h 30 le 27 avril 2019, a été retardé à deux reprises puis annulé. Les demandeurs soutiennent que la défenderesse a regroupé deux vols en un seul, et qu’elle a indiqué que son aéronef initial était trop petit et qu’un aéronef plus grand serait utilisé pour mieux absorber les turbulences à Calgary.

[13] Les demandeurs font également valoir qu’on leur a réservé des places à bord d’un autre vol de Vancouver à Calgary, le vol n° AC218, dont le départ était prévu pour 19 h le même jour. Ils affirment qu’après que l’heure de départ a été révisée à plusieurs reprises, le vol a été annulé vers minuit. Les demandeurs soutiennent en outre que la défenderesse a annulé le vol et qu’elle a indiqué que l’aéronef était trop gros et que la piste à Calgary ne pouvait pas être suffisamment dégagée pour le recevoir.

[14] Les demandeurs déclarent que, dans la matinée du 28 avril 2019, ils ont reçu un message texte de la défenderesse les informant qu’ils avaient été réacheminés à bord d’un autre vol, le vol n° AC200, de Vancouver à Calgary le 1er mai 2019, quatre jours après la date de départ initialement prévue. Les demandeurs affirment qu’ils ont appelé la défenderesse pour s’informer des autres options de vol, notamment pour savoir s’il y avait d’autres places disponibles, quelle que soit la classe. Ils ajoutent que lorsqu’on leur a dit non, ils ont demandé s’ils pouvaient plutôt réserver un vol direct de Vancouver à Toronto, et qu’on leur a encore dit non.

[15] Les demandeurs déclarent également que, le 1er mai 2019, ils ont reçu un message texte les informant que le deuxième segment de leur voyage à Toronto, le vol n° AC144 de Calgary à Toronto, avait été annulé. Ils affirment que lorsqu’ils ont appelé la défenderesse, celle-ci les a informés que l’annulation était attribuable à des problèmes mécaniques. Les demandeurs font valoir que la défenderesse les a ensuite réacheminés à bord d’un vol direct de Vancouver à Toronto, le vol n° AC116, prévu pour plus tard dans la journée.

[16] Les demandeurs remettent en question la justification fournie pour l’annulation des vols nos AC222 et AC218, et font valoir qu’un délai de quatre jours entre le départ initialement prévu et le vol de remplacement est excessif.

[17] Les demandeurs indiquent qu’ils ont déposé une demande auprès de leur société émettrice de carte de crédit et qu’ils ont été remboursés pour les frais d’hébergement à l’hôtel.

La défenderesse

[18] La défenderesse soutient que le 27 avril 2019, une violente tempête de neige printanière s’est abattue sur l’aéroport de Calgary. La défenderesse soutient que le vol n° AC222 de Vancouver à Calgary a été retardé puis annulé pour cette raison, et que les demandeurs ont été réacheminés à bord du vol régulier n° AC218. La défenderesse soutient que l’aéronef Airbus 319 qui devait initialement assurer le vol n° AC218 a été remplacé par un aéronef comptant plus de places, un Boeing 777, afin d’accueillir les passagers additionnels qui devaient initialement voyager à bord du vol n° AC222. La défenderesse soutient que pendant que l’équipage du vol n° AC218 attendait que les conditions météorologiques à Calgary s’améliorent, le vol a été retardé trois fois de plus avant d’être annulé en raison des conditions d’exploitation difficiles liées à la météo à l’aéroport de Calgary.

[19] La défenderesse confirme qu’elle a réacheminé les demandeurs à bord d’un autre vol à destination de Calgary, le vol n° AC200, dont le départ était prévu pour le 1er mai 2019, soit quatre jours plus tard. Elle fait valoir qu’en raison des conditions météorologiques extrêmes qui ont touché l’Alberta sur l’ensemble du réseau, il s’agissait du premier vol disponible d’Air Canada.

[20] La défenderesse soutient que les demandeurs ont été informés le 1er mai 2019 que le deuxième segment de leur voyage à Toronto, le vol n° AC144 de Calgary à Toronto, avait été annulé en raison de problèmes mécaniques. La défenderesse allègue que, pour cette raison, elle a dû réacheminer les demandeurs à bord d’un vol direct de Vancouver à Toronto, le vol n° AC116, prévu pour plus tard dans la journée.

[21] La défenderesse fait valoir qu’elle a correctement appliqué son tarif. Elle cite la règle 80 (Perturbations d’horaire) qui énonce, à la règle 80(A)(1) du tarif, que les horaires ne sont pas garantis. La défenderesse affirme que le vol n° AC222 de Vancouver à Calgary a été annulé en raison d’une violente tempête qui s’est abattue sur l’aéroport de Calgary, des circonstances imprévues et indépendantes de sa volonté. La défenderesse affirme que la tempête a extrêmement nui à ses activités et a entraîné 16 annulations, 12 retards et diverses modifications d’itinéraires. Le transporteur aérien note également qu’Environnement Canada avait émis des avertissements de chute de neige, de tempête hivernale et de blizzard.

[22] La défenderesse soutient qu’étant donné que le retard était attribuable à des circonstances indépendantes de sa volonté, sa seule obligation au titre de la règle 80(B) du tarif (le transporteur qui exploite le vol fournira des arrangements de voyage alternatifs) était de réacheminer les demandeurs. La défenderesse affirme qu’une fois que le vol n° AC222 a été annulé, elle a tenté de prendre des arrangements pour que les demandeurs puissent prendre un vol ce soir-là en utilisant un aéronef plus grand pour le vol n° AC218, qui avait également une meilleure capacité d’absorption des turbulences qu’un aéronef plus petit. Cependant, la défenderesse soutient que l’aéroport de Calgary a fait savoir qu’aucun autre gros-porteur ne pouvait être pris en charge à l’aéroport en raison de la douzaine d’annulations qui avaient déjà eu lieu, ce qui signifie que le vol n° AC218 a dû être annulé.

[23] En ce qui concerne la période de quatre jours avant le départ du nouveau vol subséquent des demandeurs vers Calgary, la défenderesse allègue qu’il n’y avait pas de places disponibles pour réacheminer les demandeurs avant le 1er mai 2019. Elle affirme que les vols d’Air Canada de Vancouver à Calgary les 28, 29 et 30 avril 2019 étaient complètement vendus ou survendus ou qu’aucun de ces vols n’avait pas suffisamment de places disponibles pour trois passagers.

[24] La défenderesse affirme également que, bien que rien au dossier n’indique que les demandeurs aient demandé un vol direct de Vancouver à Toronto après la réservation de leurs places à bord du vol n° AC200, tous les vols directs de la défenderesse de Vancouver à Toronto les 28, 29 et 30 avril 2019 étaient déjà complets.

[25] En réponse à la demande d’indemnisation des demandeurs pour la valeur de leurs billets, la défenderesse fait remarquer que les demandeurs se sont bel et bien rendus à leur destination finale. Bien que la défenderesse reconnaisse que l’itinéraire a pris plus de temps que prévu, elle soutient qu’elle n’est aucunement dans l’obligation de rembourser le coût des billets ou toute somme alors que le voyage a été effectué, et elle cite la décision n° 56-C‑A-2018 (Dotan et al. c El Al Israel et Jet Airways) de l’Office.

Constatations de faits

[26] Selon les rapports sur la capacité des vols et les rapports Netline déposés par la défenderesse, l’Office conclut que le 27 avril 2019, tous les vols d’Air Canada de Vancouver à Calgary les 28, 29 et 30 avril 2019 étaient complètement vendus ou survendus ou qu’ils n’avaient pas suffisamment de places disponibles pour accueillir une famille de trois passagers. L’Office conclut également, selon les rapports sur la capacité des vols et les rapports Netline déposés par la défenderesse, que le 27 avril 2019, tous les vols directs de la défenderesse de Vancouver à Toronto, qui devaient partir les 28, 29 et 30 avril 2019, étaient déjà complets.

ANALYSE ET DÉTERMINATIONS

[27] Le fardeau de la preuve repose sur les demandeurs, qui doivent établir, selon la prépondérance des probabilités, que le transporteur n’a pas correctement appliqué les conditions de transport énoncées dans son tarif.

La défenderesse a-t-elle correctement appliqué les conditions énoncées dans son tarif concernant les perturbations d’horaire, comme l’exige le paragraphe 67(3) de la LTC?

[28] La définition de perturbation d’horaire dans le tarif, qui figure à la règle 80(C)(1), comprend les retards dans les départs ou les arrivées prévus, les annulations de vol ou les remplacements d’équipement. Les demandeurs qualifient d’excessif le retard de quatre jours jusqu’au prochain vol disponible d’Air Canada à la suite de l’annulation du vol n° AC218 à destination de Calgary.

[29] La défenderesse soutient que la cause de cette perturbation d’horaire était indépendante de sa volonté, car elle était liée à des conditions météorologiques défavorables extrêmes à l’aéroport de Calgary. La définition de perturbation d’horaire énoncée à la règle 80(C)(1) du tarif ne fait pas la différence entre les retards causés par des circonstances attribuables au transporteur et ceux causés par des circonstances indépendantes de sa volonté.

[30] La règle 80(B) du tarif prévoit qu’en cas de perturbation d’horaire, le transporteur fournira des arrangements de voyage alternatifs pour le transport du passager. La règle 80(C)(4) du tarif prévoit six options auxquelles le transporteur peut avoir recours pour fournir ces arrangements. Dans la décision no 27-C-A-2018 (Gosnell c Air Canada), l’Office a conclu que la défenderesse a le pouvoir discrétionnaire de choisir parmi les options énoncées à la règle 80(C)(4) pour déterminer la meilleure façon de répondre aux besoins des passagers en cas de perturbation d’horaire.

[31] Au moment de la perturbation d’horaire, le 27 avril 2019, tous les vols de la défenderesse de Vancouver à Calgary les 28, 29 et 30 avril 2019 étaient complètement vendus ou survendus, ou n’avaient pas assez de places disponibles pour trois passagers. En outre, tous les vols directs de la défenderesse de Vancouver à Toronto les 28, 29 et 30 avril 2019 étaient déjà complets. La défenderesse, conformément à la règle 80(C)(4)(a) de son tarif, a réacheminé les demandeurs à bord du prochain vol disponible d’Air Canada à destination de Calgary, le vol n° AC200, dont le départ était prévu le 1er mai 2019.

CONCLUSION

[32] À la lumière de ce qui précède, l’Office conclut qu’en réacheminant les demandeurs à bord du prochain vol disponible d’Air Canada, la défenderesse a correctement appliqué les conditions énoncées aux règles 80(B) et 80(C)(4) de son tarif, comme l’exige le paragraphe 67(3) de la LTC. Par conséquent, l’Office rejette la demande.


ANNEXE À LA DÉCISION No 86-C-A-2020

Domestic Tariff General Rules Applicable to the Transportation of Passengers and Baggage, CTA(A) No. 3 (tarif)

Remarque : Le tarif d’Air Canada a été déposé en anglais seulement.

La règle tarifaire 80(A) concernant les perturbations d’horaire prévoit ce qui suit :

(1)  Schedules not guaranteed

Times and aircraft type shown in timetables or elsewhere are approximate and not guaranteed, and form no part of the contract of carriage. Schedules are subject to change without notice. No employee, agent or representative of the Carrier is authorized to bind the Carrier by any statements or representation as to the dates or times of departure or arrival, or of the operation of any flight. It is always recommended that the passenger ascertain the flight’s status and departure time either by registering for updates on their electronic device, via the Carrier’s website or by referring to airport terminal displays.

….

La règle 80(B) concernant l’organisation d’un transport de rechange prévoit ce qui suit :

The Carrier operating the flight that is experiencing the schedule irregularity will make alternative transportation arrangements for the passenger.

La règle 80(C)(1) définit une perturbation d’horaire comme suit :

….

a) Delay in scheduled departure or arrival of a Carrier’s flight

b) Flight cancellation, omission of a scheduled stop, or any other delay or interruption in the scheduled operation of a Carrier’s flight, or

c) Substitution of equipment or of a different class of service, or

….

La règle 80(C)(4) prévoit que, dans l’éventualité d’une perturbation d’horaire, le transporteur exercera l’une des options suivantes :

a) Carry the passenger on another of its passenger aircraft or class of service on which space is available without additional charge regardless of the class of service; or, at the Carrier’s option;

b) Endorse to another Carrier with which Air Canada has an agreement for such transportation, the unused portion of the ticket for purposes of rerouting; or at the Carrier’s option;

c) Reroute the passenger to the destination named on the ticket or applicable portion thereof by its own or other transportation services; and if the fare for the revised routing or class of service is higher than the refund value of the ticket or applicable portion thereof as determined from RULE 100 – REFUNDS, the Carrier will require no additional payment from the passenger but will refund the difference if it is lower or,
….

Membre(s)

Mary Tobin Oates
Date de modification :