Lettre-décision n° LET-R-33-2019
Détermination par l’Office des transports du Canada (Office), concernant la méthode à utiliser pour déterminer la dette à long terme qui entrera dans le calcul du coût du capital de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (CN) pour la campagne agricole 2019-2020.
RÉSUMÉ
CN fait valoir que la façon actuelle d’imputer une partie de sa dette à son bilan canadien risquerait de donner lieu à une surévaluation de sa dette à long terme, donc elle propose une méthode différente. L’Office conclut que l’argument de CN concernant la surévaluation de sa dette est probablement vrai et qu’il pourrait s’avérer nécessaire d’utiliser une approche différente. Il conclut toutefois que CN n’a pas fourni assez de renseignements pour qu’il puisse procéder à une évaluation convenable de cette méthode de rechange qu’elle propose.
L’Office envisage donc d’utiliser une méthode provisoire basée sur le nombre de tonnes-milles payantes pour la campagne agricole 2019-2020, mais il invite CN à lui faire parvenir des présentations additionnelles sur la méthode de rechange qu’elle a proposée afin qu’il puisse l’étudier.
CONTEXTE
En août 2017 et le 24 mai 2018, CN a demandé à l’Office de revoir sa façon de calculer le taux du coût de son capital dans le cadre du processus relatif à l’indice des prix composite afférent au volume (IPCAV). Le taux du coût du capital est une donnée qui entre dans le calcul de l’IPCAV et sert dans toutes les déterminations réglementaires qui reposent sur certains coûts. CN demandait plus particulièrement que l’Office considère d’utiliser une approche établie en fonction de l’Amérique du Nord, ou qu’il suggère de quelle façon CN pourrait répartir sa dette déclarée entre les activités qu’elle mène au Canada et aux États-Unis.
Dans la détermination no R-2018-225, l’Office a noté que « [m]ême si le taux du coût du capital est une donnée importante utilisée pour calculer l’IPCAV, il est déterminé au cours d’un processus réglementaire distinct de l’Office qui, en conséquence, étudiera la requête de CN dans le cadre de ce processus-là et non dans la présente détermination ».
Le 12 février 2019, dans sa présentation sur le taux du coût de son capital pour 2019-2020, CN a proposé une approche établie en fonction de l’Amérique du Nord pour déterminer la structure de son capital.
PRATIQUE COURANTE
À l’heure actuelle, selon les livres de la société mère de CN, dont le siège social est au Canada, CN a contracté une dette à long terme pour financer ses activités tant aux États-Unis qu’au Canada.
Dans la décision no 125-R-1997, l’Office abordait la question du montant de la dette qu’il convenait d’imputer au bilan réglementaire de CN, lequel bilan est déterminé conformément à la Classification uniforme des comptes et documents ferroviaires connexes (CUC), qui est à la base des déterminations sur le coût du capital. Dans cette décision, l’Office concluait « qu’aux fins du coût du capital, le fait de se fonder sur la dette à long terme de l’ensemble du CN, réduite en fonction des activités non ferroviaires identifiables, était un bon moyen de déterminer la dette à long terme du CN ». On considère que la dette fait partie du bilan réglementaire de CN, sauf si CN peut prouver qu’elle a été contractée pour des besoins précis autres que pour des activités ferroviaires, ou encore pour financier des activités du côté américain. Chaque titre de créance est affecté en totalité, en partie ou pas du tout aux activités ferroviaires du côté canadien.
PRÉSENTATION DE CN
CN estime qu’il n’est absolument pas crédible, pour une société qui maintient une cote de solvabilité de niveau A, que dans les bilans qu’elle a déposés dans le passé, on impute aux capitaux propres un ratio de 170 % de sa dette à long terme.
CN affirme que depuis des années, son compte 65 [dettes à long terme] de la CUC montre un solde nul, puisque la totalité de sa dette à long terme a été imputée à des activités qui ont eu lieu aux États‑Unis. C’est pourquoi elle apparaît maintenant dans le compte 87 [investissement net dans des actifs ferroviaires] de la CUC, au titre des activités canadiennes.
CN propose de remplacer la méthode courante de répartition des titres de créance précis entre les deux pays par une méthode selon laquelle la dette serait imputée de manière à ce que le ratio entre la dette à long terme et les capitaux propres pour les activités canadiennes soit le même pour toute l’entreprise.
ANALYSE ET CONSTATATIONS
L’Office est d’accord avec CN lorsqu’elle affirme qu’à des fins réglementaires, la proportion de sa dette considérée comme étant canadienne est probablement trop élevée. Toutefois, dans sa présentation, CN ne fournit pas assez de preuves documentaires et l’analyse est insuffisante pour que l’Office puisse évaluer correctement la méthode qu’elle propose.
Plus particulièrement, cette méthode ne tient pas compte des différences dans les fondements comptables entre la CUC et les états financiers consolidés de CN. Ces différences sont particulièrement évidentes dans le cas de la comptabilité des biens. Par exemple, les états financiers consolidés de CN (voir la note 19 des états financiers pour l’année 2018 complète) montrent que CN possède des biens au Canada et un investissement net de près de 20 milliards de dollars. Toutefois, le bilan réglementaire de CN indique un montant légèrement supérieur à 13 milliards de dollars d’investissement net dans des biens.
En raison de ces différences de comptabilité, l’utilisation de la méthode proposée par CN pourrait ne pas refléter les réels besoins de financement au titre de l’investissement ferroviaire net (défini dans la détermination no R‑2017‑198). Selon la méthode proposée par CN, seulement 38 % de sa dette à long terme serait imputée à son bilan réglementaire. Puisque la dette à long terme est contractée pour usage général par la compagnie, l’Office s’attendrait à voir une répartition qui cadrerait davantage avec la portée des activités de CN au Canada. Remarquons que CN a gagné plus des deux tiers de ses revenus au Canada en 2018, et que pour chaque employé qui travaille pour elle aux États-Unis, elle en compte 2,3 au Canada.
La méthode proposée par CN s’écarterait de façon importante de la pratique réglementaire passée, car ainsi, on vient ignorer la CUC de longue date qui encadre la comptabilité réglementaire. CN n’a pas expliqué le lien entre son bilan consolidé, le bilan de sa société mère canadienne, et son bilan réglementaire. CN n’a pas non plus présenté de preuve pour soutenir son affirmation selon laquelle l’ensemble de sa dette à long terme a été imputée à ses activités du côté américain, ce qui porte à zéro son solde au titre du compte 65 de la CUC.
Avant qu’une détermination finale puisse être faite, il faudra un dossier plus complet et un examen approfondi du lien entre le bilan canadien de CN et son bilan réglementaire.
PROCESSUS D’EXAMEN
Pour examiner adéquatement la méthode proposée par CN, l’Office lancera un processus d’examen additionnel. Les renseignements qui seront examinés grâce à ce processus l’aideront à rendre une décision sur la méthode à appliquer pour répartir la dette à long terme de CN, en vue des calculs pour déterminer le coût de son capital pour la campagne agricole 2020-2021.
INSTRUCTION POUR LE PROCESSUS D’EXAMEN
L’Office charge CN de lui fournir les renseignements suivants au plus tard le 1er mai 2019 :
- un rapprochement détaillé entre le bilan vérifié de la société mère de CN et le document F1 figurant dans le rapport annuel qu’elle a déposé auprès de Transports Canada pour les trois dernières années, soit 2016, 2017 et 2018. Dans le cas du rapprochement pour 2018, si la version finale du document F1 n’est pas disponible, un rapprochement avec sa version préliminaire est acceptable;
- des documents et/ou des explications pour appuyer le rapprochement entre les différences.
De plus, le personnel de l’Office pourrait se rendre sur les lieux pour vérifier les renseignements présentés par CN.
APPROCHE PROVISOIRE – LA MÉTHODE DU TMP
À titre de correctif pour la surévaluation probable de la dette à long terme imputée au bilan de CN, l’Office envisage, comme solution provisoire pour la campagne agricole 2019-2020, d’adopter une méthode basée sur le nombre de tonnes-milles payantes (TMP). Une TMP est le transport d’une tonne de marchandises sur un mille. Selon cette méthode, les capitaux empruntés pour usage général seraient imputés au bilan réglementaire de CN selon la proportion du nombre total de TMP de CN effectué en sol canadien. Grâce à cette méthode, on s’assure que l’imputation de la dette à long terme de CN à son bilan réglementaire soit étroitement liée à la proportion de ses activités au Canada. L’approche vient modifier comme suit la pratique courante d’imputation des titres de créance précis :
- une dette à long terme qui peut être précisément répartie entre deux pays continuerait d’être imputée de la même façon;
- tous les capitaux empruntés pour usage général seraient imputés au bilan réglementaire en fonction de la proportion de TMP de CN en sol canadien de l’année au cours de laquelle le titre de créance a été émis.
INSTRUCTION CONCERNANT L’APPROCHE PROVISOIRE
CN peut présenter jusqu’au 5 avril 2019 des commentaires à l’Office sur l’approche provisoire.
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