Décision n° 86-C-A-2019

le 25 novembre 2019

DEMANDE présentée par Hayley Smith (demanderesse) contre Air Canada.

Numéro de cas : 
18-04802

RÉSUMÉ

[1] La demanderesse a déposé une demande auprès de l’Office des transports du Canada (Office) contre Air Canada concernant une annulation de vol et, en conséquence, son arrivée tardive à destination.

[2] La demanderesse réclame une indemnisation sous le régime du Règlement (CE) n° 261/2004 du Parlement européen et du Conseil (règlement (CE) n° 261/2004), ainsi qu’une indemnisation pour douleur et souffrance. Elle demande également un remboursement des dépenses supportées en raison du retard qu’elle a subi.

[3] L’Office n’a pas compétence pour faire appliquer les lois de l’Union européenne (UE) aux faits de ce dossier. Il a toutefois compétence pour régler les questions suivantes soulevées par la demanderesse :

  1. La règle 80(C)(2) du tarif d’Air Canada intitulé International Passenger Rules and Fares Tariff No. AC-2 Containing Local and Joint Rules, Regulations, Fares and Charges on Behalf of Air Canada Applicable to the Transportation of Passengers and Baggage Between Points in Canada/USA and Points in Areas 1/2/3 and Between the USA and Canada, NTA(A) No. 458 (tarif) établit-elle une distinction injuste au sens du paragraphe 111(2) du Règlement sur les transports aériens, DORS/88-58 (RTA)?
  2. La règle 80(C)(2) du tarif est-elle déraisonnable au sens du paragraphe 111(1) du RTA?
  3. Air Canada a-t-elle correctement appliqué les conditions énoncées dans son tarif, comme l’exige le paragraphe 110(4) du RTA?
  4. Si Air Canada n’a pas correctement appliqué son tarif, quel recours, le cas échéant, est à la disposition de la demanderesse?

[4] Pour les motifs énoncés ci-après, l’Office conclut que la règle 80(C)(2) du tarif est raisonnable et qu’elle n’établit pas une distinction injuste.

[5] L’Office conclut également que le transporteur n’a pas correctement appliqué son tarif, car il n’a pas pris toutes les mesures qui pouvaient raisonnablement s’imposer pour éviter les dommages causés à la demanderesse en raison du retard. En vertu de l’article 113.1 du RTA, l’Office ordonne à Air Canada d’indemniser la demanderesse de ses dépenses pour de la nourriture et ses frais de transport supplémentaires, soit un montant de 48,60 GBP. Air Canada doit payer ce montant à la demanderesse le plus tôt possible, mais au plus tard le 9 décembre 2019.

CONTEXTE

[6] Le 13 juin 2018, la demanderesse a pris un vol de Winnipeg (Manitoba) à Londres, Royaume-Uni, via Toronto (Ontario). Le jour du départ, Air Canada l’a informée d’un changement d’itinéraire. Son premier vol a été annulé et elle a été réacheminée sur de nouveaux vols avec le même itinéraire. La demanderesse a subi un retard d’environ 4 heures et 45 minutes à Winnipeg et est arrivée à Londres avec approximativement 5 heures et 45 minutes de retard par rapport à son itinéraire initial.

[7] Dans sa demande originale, la demanderesse a réclamé 800 CAD à titre d’indemnisation pour refus d’embarquement sous le régime du règlement (CE) n° 261/2004, et 75 CAD pour de la douleur et de la souffrance, ainsi que de la discrimination fondée sur son pays d’origine. Elle a cependant précisé par la suite qu’elle réclamait également la moitié du prix de son billet en guise d’indemnisation pour le retard, soit un montant d’au moins 486 CAD.

[8] Dans la décision no LET-C-A-36-2019, la demanderesse a été autorisée à modifier sa demande pour répondre aux nouvelles questions liées à la perturbation d’horaire. Cependant, l’Office n’a pas pu tenir compte des nouvelles préoccupations soulevées concernant la défaillance d’un système de divertissement durant le vol. L’Office a également conclu que la demanderesse ne s’est pas vu refuser l’embarquement et qu’il s’agit plutôt d’une perturbation d’horaire ou de retard.

[9] La demanderesse réclame maintenant une indemnisation pour les dépenses suivantes :

18 GBP – stationnement à l’aéroport Heathrow;
10,50 GBP – billet pour l’autobus qu’elle a raté à partir de Heathrow;
20 GBP – repas à l’aéroport de Winnipeg;
13,50 GBP – appel téléphonique pour organiser son retour à la maison;
25,10 GBP – essence utilisée pour le retour à la maison.

LA LOI ET LES DISPOSITIONS TARIFAIRES PERTINENTES

[10] Les dispositions pertinentes du RTA, de la Convention pour l’unification de certaines règles relatives au transport aérien international – Convention de Montréal (Convention de Montréal) et du tarif du transporteur sont reproduites en annexe.

OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES

Douleur et souffrance

[11] La demanderesse a réclamé une indemnisation pour de la douleur et de la souffrance, ainsi que pour de la discrimination fondée sur son pays d’origine.

[12] Cependant, ni la Loi sur les transports au Canada (LTC) ni le RTA ne confèrent à l’Office le pouvoir d’accorder des dommages-intérêts généraux. Conformément à des décisions précédentes, comme la décision no 18-C-A-2015 (Enisz c. Air Canada), l’Office peut seulement rembourser des dépenses supportées directement par un passager et ne peut accorder d’indemnité pour de la douleur ou de la souffrance. Par conséquent, les réclamations de la demanderesse pour douleur et souffrance n’entrent pas dans les pouvoirs de l’Office.

Charges payées d’avance

[13] La demanderesse a demandé à être indemnisée pour un billet d’autobus prépayé qu’elle n’a pu utiliser en raison du retard.

[14] L’alinéa 113.1b) du RTA habilite l’Office à ordonner le versement d’indemnités pour certaines dépenses supportées par les passagers relativement à des services aériens internationaux.

[15] Les versions anglaise et française de l’alinéa 113.1b) du RTA divergent. La version en anglais renferme la phrase « any expense incurred by a person adversely affected by », c’est-à-dire que l’alinéa prévoit des indemnités pour toute personne lésée des dépenses qu’elle a supportées consécutivement à la non-application par le transporteur de son tarif. La version en français prévoit des indemnités à quiconque pour « toutes dépenses qu’il a supportées en raison de » la non-application par un transporteur de son tarif.

[16] Afin de régler cette divergence, il faut se référer à  l’alinéa 67.1b) de la LTC qui confère à l’Office le même pouvoir à l’égard des services aériens intérieurs. Dans cette disposition, les deux versions de la Loi sont compatibles avec la version française de l’alinéa 113.1b) du RTA, car elles prévoient le versement d’indemnités pour les dépenses « incurred as a result of » ou « consécutivement à » la non‑application par le transporteur de son tarif.

[17] Selon les règles d’interprétation des lois bilingues (R. c. Daoust, [2004] 1 R.C.S. 217, 2004 CSC 6), il convient de privilégier le sens commun aux deux versions du texte législatif. Le sens commun de l’alinéa 113.1b) est la version la plus restreinte qui est, dans ce cas précis, la version française. Comme l’Office appliquera cette interprétation restrictive, il conclut que, pour que des indemnités soient accordées au titre de l’alinéa 113.1b) du RTA, les dépenses doivent avoir été supportées parce que le transporteur n’a pas correctement appliqué son tarif.

[18] Vu que le paiement du billet d’autobus prépayé par la demanderesse a été fait avant le retard de son vol et qu’il n’est pas une conséquence directe de la non-application par Air Canada de son tarif, l’Office conclut qu’aucune indemnité au titre de l’alinéa 113.1b) du RTA ne peut être accordée pour cette dépense.

[19] Le 15 juillet 2019, l’article 113.1 du RTA a été modifié et l’alinéa 113.1b) a été remplacé par l’alinéa 113.1(1)b). Dans le cas présent, l’Office a appliqué l’alinéa 113.1b), car l’incident a eu lieu avant le 15 juillet 2019. L’Office note, cependant, que les modifications effectuées à l’article 113.1 du RTA n’ont aucune incidence sur l’analyse ci‑dessus, vu que le libellé de l’alinéa 113.1(1)b) est identique à celui qui se trouvait dans l’ancien alinéa 113.1b).

Règlement (CE) no 261/2004

[20] Bien qu’il ne puisse faire appliquer des instruments étrangers, y compris le règlement (CE) no 261/2004, l’Office a indiqué, dans la décision no 15-C-A-2019 (Heaney c. Air Canada) [Heaney], qu’il avait compétence pour déterminer si les conditions de transport du transporteur liées à l’indemnité sont déraisonnables ou établissent une distinction injuste au sens de l’article 111 du RTA. Dans ce cas, l’Office a compétence pour déterminer si la règle 80(C)(2) du tarif est déraisonnable ou établit une distinction injuste :

[Traduction]

Dans le cas d’une perturbation d’horaire, le transporteur doit appliquer les mesures décrites dans la présente règle, à moins de dispositions contraires dans les lois locales applicables. Plus particulièrement, dans le cas des vols au départ des pays suivants, Air Canada mettra en application les dispositions des lois suivantes : Union européenne et Suisse : règlement (CE) no 261/2004[.]

LA RÈGLE 80(C)(2) DU TARIF ÉTABLIT-ELLE UNE DISTINCTION INJUSTE AU SENS DU PARAGRAPHE 111(2) DU RTA?

Positions des parties

LA DEMANDERESSE

[21] Selon la demanderesse, Air Canada l’a discriminée en fonction de son pays d’origine et de sa destination. Plus précisément, une indemnité sous le régime du règlement (CE) n° 261/2004 ne lui a pas été versée, car son vol partait du Canada plutôt que de l’UE. La demanderesse s’appuie sur la décision no 442-C-A-2013 (Azar c. Air Canada) [Azar] pour faire valoir que l’Office devrait appliquer le règlement (CE) no 261/2004 dans son cas.

AIR CANADA

[22] Air Canada conteste l’accusation de distinction injuste, au sens de l’article 111 du RTA, quant à la façon dont son tarif s’applique relativement au règlement (CE) no 261/2004. Le transporteur soutient que ce règlement ne s’applique pas à ses vols en provenance du Canada à destination de l’UE, car Air Canada n’est pas un transporteur de l’UE. Air Canada indique que tous les passagers qui subissent un retard pour un vol avec Air Canada à partir d’un pays à l’extérieur de l’UE sont assujettis à la même politique, conformément aux lois européennes et canadiennes, et que dans cette situation, la demanderesse n’a pas été traitée de manière préjudiciable par rapport à d’autres passagers.

Analyse et déterminations

[23] Selon l’alinéa 111(2)a) du RTA, il est interdit au transporteur « d’établir une distinction injuste à l’endroit de toute personne ou de tout autre transporteur aérien » en ce qui concerne les conditions de transport. La première étape dans la détermination à savoir si une condition de transport représente une distinction injuste au sens de l’article 111 du RTA est de déterminer si la condition est discriminatoire (Heaney).

[24] L’Office conclut que la demanderesse n’a pas démontré que la règle 80(C)(2) du tarif est discriminatoire en raison du pays d’origine, car cette règle s’applique de la même façon à tous les passagers qui prennent des vols en provenance du Canada et d’autres pays à l’extérieur de l’UE, peu importe le pays d’origine.

[25] En ce qui a trait aux arguments soulevés par la demanderesse concernant le caractère injuste de l’application de l’indemnisation prévues dans le règlement (CE) no 261/2004 aux vols en provenance de l’UE, mais pas du Canada, l’Office conclut qu’il est implicite dans la demande qu’il s’agit d’un argument sur le caractère raisonnable du tarif, comme il a été établi dans le cas Azar sur lequel s’est appuyée la demanderesse. Par conséquent, l’Office abordera ci-dessous les arguments de la demanderesse sur cette question.

LA RÈGLE 80(C)(2) DU TARIF EST-ELLE DÉRAISONNABLE AU SENS DU PARAGRAPHE 111(1) DU RTA?

Positions des parties

LA DEMANDERESSE

[26] La demanderesse s’appuie sur la décision Azar, où la passagère a soutenu que le transporteur avait fait une distinction arbitraire et déraisonnable entre les passagers à qui l’embarquement était refusé à bord de vol entre le Canada et l’UE en fonction de leur point d’origine.

AIR CANADA

[27] Air Canada soutient que la règle 80(C)(2) est raisonnable, et elle affirme qu’elle fait la distinction entre ses politiques sur les perturbations d’horaire et la politique d’indemnisation pour refus d’embarquement en cause dans la décision Azar. Air Canada indique qu’elle doit avoir une politique d’indemnisation pour refus d’embarquement au titre du sous‑alinéa 122c)(iii) du RTA. Elle soutient également que le règlement n’oblige pas les transporteurs aériens à avoir une politique d’indemnisation pour les retards ou les annulations de vol (sous‑alinéa 122c)(v)). Le transporteur soutient que l’Office n’a pas compétence pour imposer aux transporteurs l’obligation d’avoir un régime d’indemnisation pour des retards ou des annulations de vol, dans les circonstances.

[28] Le transporteur plaide qu’il serait redondant pour l’Office d’aborder la question, étant donné ce qui était, à ce moment‑là, le futur règlement canadien sur la protection des passagers aériens.

Analyse et déterminations

[29] Comme il a été précisé dans des décisions antérieures, comme Heaney et la décision no 44-C-A-2006 (Gottselig c. Air Canada), lorsqu’il détermine si une condition de transport appliquée par un transporteur aérien est déraisonnable au sens du paragraphe 111(1) du RTA, l’Office doit trouver un équilibre entre les droits des passagers à être assujettis à des conditions de transport raisonnables et les obligations légales, commerciales et opérationnelles du transporteur aérien.

[30] L’Office fait une distinction entre les circonstances de ce dossier et les circonstances de fond de la décision Azar, car l’embarquement n’a pas été refusé à la demanderesse dans ce cas-ci, tandis qu’il l’a été dans le cas Azar. Comme l’indique le transporteur, le RTA exige explicitement qu’il établisse ses politiques concernant l’indemnisation en cas de refus d’embarquement involontaire. Par ailleurs, le montant d’indemnisation que le transporteur a offert pour les vols en provenance de l’UE était l’un des nombreux facteurs considérés dans la décision Azar pour évaluer le caractère raisonnable du montant d’indemnisation pour refus d’embarquement que le transporteur offrait pour les vols en provenance du Canada et à destination de l’UE.

[31] Bien que les lois de l’UE puissent exiger le versement d’une indemnisation, dans certaines circonstances, pour des annulations de vols en provenance de l’UE, les lois canadiennes ne prévoient pas les mêmes exigences à l’heure actuelle. Le fait qu’une indemnisation puisse être exigée sur un territoire étranger ne signifie pas qu’un tarif qui s’applique à des vols sur d’autres territoires est déraisonnable s’il ne renferme pas les mêmes dispositions d’indemnisation.

[32] Par conséquent, l’Office conclut que le tarif d’Air Canada est raisonnable.

AIR CANADA A-T-ELLE CORRECTEMENT APPLIQUÉ LES CONDITIONS ÉNONCÉES DANS SON TARIF, COMME L’EXIGE LE PARAGRAPHE 110(4) DU RTA?

Positions des parties et constatations de faits

LA DEMANDERESSE

[33] Selon la demanderesse, des bons de repas ont été remis à d’autres passagers. Elle soutient qu’elle aurait dû également en recevoir un. La demanderesse demande pourquoi d’autres passagers ont reçu un bon de repas si le retard de vol était indépendant de la volonté du transporteur, étant donné que le tarif prévoit de tels bons seulement en cas de perturbations d’horaire attribuables au transporteur.

AIR CANADA

[34] Selon Air Canada, la cause du retard était une fuite hydraulique indépendante de sa volonté. La fuite a été constatée au cours d’une inspection juste avant le départ et aucun problème n’avait été constaté durant l’inspection réalisée avant les vols précédents cette même journée. Une pièce a dû être obtenue de l’extérieur. Air Canada estime que la règle 80(C)(5)(a) de son tarif indique que les passagers ont droit à des bons de repas seulement si un retard lui est attribuable. Ainsi, la demanderesse n’avait pas droit à un bon de repas. De plus, le transporteur soutient qu’il ne devrait pas être tenu responsable des dépenses supportées car, conformément à la Convention de Montréal, incorporée par renvoi à sa règle 105, Air Canada a pris toutes les mesures qui pouvaient raisonnablement s’imposer pour atténuer les dommages à la demanderesse en la réacheminant à bord du prochain vol disponible.

CONSTATATIONS DE FAITS

[35] Il est incontesté que la demanderesse n’a pas reçu de bon de repas pendant le retard de plus de quatre heures.

[36] L’Office conclut que l’annulation de vol a été causée par une fuite hydraulique qui était indépendante de la volonté du transporteur.

[37] L’Office conclut que la demanderesse a été réacheminée à bord du prochain vol disponible vers sa destination à Londres.

Analyse et déterminations

[38] Il incombe à la demanderesse de prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu’Air Canada n’a pas correctement appliqué les conditions de transport énoncées dans son tarif ou qu’elle ne les a pas appliquées de façon uniforme.

[39] Dans le cas présent, le retard était indépendant de la volonté du transporteur.

[40] Les conditions de transport du transporteur en ce qui a trait aux perturbations d’horaire sont établies dans la règle 80 de son tarif. Si la perturbation d’horaire est indépendante de la volonté du transporteur, le passager a droit à une réservation à bord d’un autre vol d’Air Canada, ou d’un vol d’un transporteur avec lequel elle a un accord commercial.

[41] Air Canada a réacheminé la demanderesse à bord de son prochain vol disponible vers sa destination finale. Par conséquent, l’Office est d’avis que le transporteur a correctement appliqué la règle 80(C)(4) en ce qui a trait au réacheminement sur un autre vol.

[42] La règle 105 du tarif d’Air Canada incorpore par renvoi la Convention de Montréal. Même si le retard est indépendant de la volonté du transporteur, l’article 19 de la Convention de Montréal exige du transporteur qu’il prenne toutes les mesures qui peuvent raisonnablement s’imposer pour éviter, d’une part, que ses passagers subissent des dommages en cas de retard et, d’autre part, qu’elle soit tenue responsable de leurs dépenses. En fonction des circonstances, ces mesures pourraient comprendre le réacheminement du passager sur des itinéraires de rechange, l’offre de repas, l’offre de transport terrestre ou d’autres mesures d’atténuation (par exemple, voir la décision no 286-C-A-2016 [Johnson c. Air Canada], où l’offre d’un bon de repas était l’une des mesures d’atténuation prises par le transporteur).

[43] La règle 80(C)(5) du tarif exige seulement du transporteur qu’il fournisse un bon de repas après quatre heures, si le retard lui est attribuable, mais le tarif ne peut pas être incompatible avec la Convention de Montréal. Selon les circonstances, le transporteur pourrait être tenu d’offrir un repas comme mesure raisonnable afin d’éviter des dommages au titre de la Convention de Montréal, mais pas nécessairement sous forme de bon. L’Office est d’avis que l’offre d’un repas était nécessaire comme mesure raisonnable pour éviter le préjudice que la demanderesse a subi à l’aéroport de Winnipeg, compte tenu des circonstances, notamment la durée du retard (plus de quatre heures) et le moment où il est survenu, soit tôt en après-midi.

SI AIR CANADA N'A PAS CORRECTEMENT APPLIQUÉ SON TARIF, QUEL RECOURS, LE CAS ÉCHÉANT, EST À LA DISPOSITION DE LA DEMANDERESSE?

Positions des parties et constatations des faits

LA DEMANDERESSE

[44] La demanderesse allègue qu’en raison du retard, ses parents ont dû conduire jusqu’à l’aéroport Heathrow pour venir la chercher puisqu’elle a raté l’autobus qui l’aurait ramenée chez elle et dont elle avait payé le billet d’avance. En ce qui concerne les dépenses supportées pour un autre moyen de transport à partir de l’aéroport Heathrow, la demanderesse réclame les sommes suivantes :

18 GBP – stationnement à l’aéroport Heathrow;
13,50 GBP – appel téléphonique pour organiser son retour à la maison;
25,10 GBP – essence utilisée pour le retour à la maison.

[45] Elle réclame également 20 GBP pour un repas à l’aéroport de Winnipeg qu’elle a mangé en attendant son nouveau vol.

[46] La demanderesse indique ne pas avoir fourni de reçus pour ses dépenses, car elle ne peut les trouver. Elle est d’avis qu’elle avait droit à un bon de repas et qu’elle ne devrait donc pas avoir à fournir de reçu pour son repas.

AIR CANADA

[47] Le transporteur allègue que la demanderesse n’a pas prouvé les dépenses réclamées et qu’il existe de nombreuses formes de documentation qu’elle aurait pu fournir en plus des reçus, comme des copies de ses relevés de carte de crédit ou des captures d’écran des sites Web pertinents pour prouver le coût de certains éléments, comme les frais de stationnement ou le prix des billets d’autobus.

CONSTATATIONS DE FAITS

[48] L’Office conclut que la demanderesse n’a pas pu utiliser son billet d’autobus en raison du retard et qu’elle a dû prendre d’autres arrangements pour retourner à la maison. L’Office conclut également qu’elle a acheté un repas durant l’attente à l’aéroport de Winnipeg. Toutefois, comme il sera constaté ci-dessous, la demanderesse n’a prouvé, selon la prépondérance des probabilités, le caractère raisonnable du montant des dépenses réclamées.

Analyse et déterminations

[49] Compte tenu de la conclusion de l’Office selon laquelle le transporteur n’a pas correctement appliqué son tarif, ce dernier est responsable des dépenses raisonnables supportées par la demanderesse en raison du retard.

[50] La responsabilité du transporteur dans le cas du retard se limite à 4 150 droits de tirage spéciaux pour chaque passager aux termes de l’article 22(1) de la Convention de Montréal. Bien que la réclamation de la demanderesse ne dépasse pas ce montant, l’Office conclut que certaines des dépenses sont déraisonnables et que la demanderesse n’a pas prouvé qu’elle a supporté les montants réclamés.

[51] Une partie, lorsqu’elle tente de prouver des dépenses et leur caractère raisonnable, doit le faire en présentant les meilleurs éléments de preuve disponibles en tenant compte de la nature et des circonstances de l’affaire. Bien que la production des reçus originaux puisse généralement appuyer la preuve de perte, selon les circonstances, des reçus peuvent ne pas être exigés pour prouver les dommages, comme l’indiquent la décision no 308-C-A-2010 (MacGillivray c. Cubana) et la décision no 36-C-A-2018 (Scordo c. Air Canada). D’autres méthodes, comme une déclaration sous serment, une déclaration ou encore le caractère raisonnable inhérent des dépenses réclamées pourraient, dans certains cas, aider à déterminer la validité de la réclamation. Il est à noter également que la Convention de Montréal n’exige pas de preuve de perte sous la forme de reçus d’achat. Néanmoins, les reçus ou d’autres preuves documentaires peuvent s’avérer nécessaires pour prouver le montant d’une réclamation lorsqu’il semble anormalement élevé.

REPAS

[52] La demanderesse n’a fourni aucun reçu pour appuyer son affirmation selon laquelle elle a dépensé 20 GBP (environ 35 CAD) en nourriture à l’aéroport de Winnipeg. L’Office est convaincu que la demanderesse a supporté des dépenses pour acheter de la nourriture. Cependant, il conclut que le montant réclamé, en l’absence de reçu pour le confirmer, est déraisonnablement élevé, compte tenu du moment et du lieu. L’Office estime que 10 GBP est un montant d’indemnisation raisonnable pour un repas à l’heure du midi pour une personne à l’aéroport de Winnipeg.

FRAIS DE TRANSPORT

[53] Bien que la demanderesse n’ait fourni aucune preuve pour prouver les frais d’essence réclamés, l’Office conclut que le montant réclamé est raisonnable compte tenu des circonstances. Ainsi, l’Office accorde à la demanderesse le montant réclamé pour l’essence (25,10 GBP). De plus, en ce qui a trait aux frais liés à l’appel téléphonique réclamés par la demanderesse pour organiser un autre transport après avoir raté son autobus, bien qu’elle n’ait fourni aucune preuve du montant de l’appel à 13,50 GBP, l’Office conclut que ce montant est raisonnable dans les circonstances.

[54] L’Office conclut que la demanderesse n’a pas prouvé, selon la prépondérance des probabilités, les frais de stationnement réclamés. En l’absence de preuve pour ces frais, l’Office fait observer que les frais de stationnement ne sont pas nécessaires si quelqu’un est venu chercher la demanderesse à l’aéroport.

CONCLUSION

[55] L’Office conclut que la règle 80(C)(2) du tarif est raisonnable et n’établit pas une distinction injuste.

[56] L’Office conclut également qu’Air Canada est responsable de certains frais sous le régime de la Convention de Montréal et de la règle 105 de son tarif, puisqu’elle n’a pas pris toutes les mesures qui pouvaient raisonnablement s’imposer pour éviter les dommages qu’a subis la demanderesse en raison du retard. L’Office ordonne à Air Canada d’indemniser la demanderesse d’un montant de 10 GBP pour ses dépenses de nourriture, de 25,10 GBP pour ses frais de transport supplémentaires et de 13,50 GBP pour son appel téléphonique, soit un total de 48,60 GBP.

ORDONNANCE

[57] En vertu de l’article 113.1 du RTA, l’Office ordonne à Air Canada de verser à la demanderesse des indemnités de 48,60 GBP. Air Canada doit payer ce montant à la demanderesse le plus tôt possible, mais au plus tard le 9 décembre 2019.


ANNEXE À LA DÉCISION No 86-C-A-2019

Règlement sur les transports aériens, DORS/88-58

Le paragraphe 110(4) prévoit ce qui suit :

(4)  Lorsqu’un tarif déposé porte une date de publication et une date d’entrée en vigueur et qu’il est conforme au présent règlement et aux arrêtés de l’Office, les taxes et les conditions de transport qu’il contient, sous réserve de leur rejet, de leur refus ou de leur suspension par l’Office, ou de leur remplacement par un nouveau tarif, prennent effet à la date indiquée dans le tarif, et le transporteur aérien doit les appliquer à compter de cette date.

L’article 111 prévoit ce qui suit :

(1)  Les taxes et les conditions de transport établies par le transporteur aérien, y compris le transport à titre gratuit ou à taux réduit, doivent être justes et raisonnables et doivent, dans des circonstances et des conditions sensiblement analogues, être imposées uniformément pour tout le trafic du même genre.

(2)  En ce qui concerne les taxes et les conditions de transport, il est interdit au transporteur aérien :

a) d’établir une distinction injuste à l’endroit de toute personne ou de tout autre transporteur aérien;
b) d’accorder une préférence ou un avantage indu ou déraisonnable, de quelque nature que ce soit, à l’égard ou en faveur d’une personne ou d’un autre transporteur aérien;
c) de soumettre une personne, un autre transporteur aérien ou un genre de trafic à un désavantage ou à un préjudice indu ou déraisonnable de quelque nature que ce soit.

(3)  L’Office peut décider si le trafic doit être, est ou a été acheminé dans des circonstances et à des conditions sensiblement analogues et s’il y a ou s’il y a eu une distinction injuste, une préférence ou un avantage indu ou déraisonnable, ou encore un préjudice ou un désavantage au sens du présent article, ou si le transporteur aérien s’est conformé au présent article ou à l’article 110.

L’article 113.1 en vigueur au moment où la demande a été présentée prévoit ce qui suit :

Si un transporteur aérien n’applique pas les prix, taux, frais ou conditions de transport applicables au service international qu’il offre et figurant à son tarif, l’Office peut lui enjoindre :

a) de prendre les mesures correctives qu’il estime indiquées;
b) de verser des indemnités à quiconque pour toutes dépenses qu’il a supportées en raison de la non-application de ces prix, taux, frais ou conditions de transport.

Le paragraphe 113.1(1) en vigueur au 15 juillet 2019 prévoit ce qui suit :

Si un transporteur aérien n’applique pas les prix, taux, frais ou conditions de transport applicables au service international qu’il offre et figurant à son tarif, l’Office peut, suite au dépôt d’une plainte écrite, lui enjoindre :

a) de prendre les mesures correctives qu’il estime indiquées;
b) de verser des indemnités à quiconque pour toutes dépenses qu’il a supportées en raison de la non-application de ces prix, taux, frais ou conditions de transport applicables aux services offerts et prévus au tarif.

L’article 122 en vigueur au moment où la demande a été présentée prévoit que les tarifs doivent contenir :

[…]
c) les conditions de transport, dans lesquelles est énoncée clairement la politique du transporteur aérien concernant au moins les éléments suivants :

[…]
(iii) les indemnités pour refus d’embarquement à cause de sur réservation,
[…]
(v) l’inexécution du service et le non-respect de l’horaire,
[…]

International Passenger Rules and Fares Tariff No. AC-2 Containing Local and Joint Rules, Regulations, Fares and Charges on Behalf of Air Canada Applicable to the Transportation of Passengers and Baggage Between Points in Canada/USA and Points in Areas 1/2/3 and Between the USA and Canada, NTA(A) No. 458

[traduction]

RÈGLE 80(C) – PERTURBATIONS D’HORAIRE

(1)  Définition

« Perturbation d’horaire » : Une des perturbations ci-dessous :

(a)  retard par rapport à l’heure prévue de départ ou d’arrivée du vol d’un transporteur;
(b)  annulation d’un vol, l’omission d’un arrêt prévu ou tout retard ou toute interruption dans l’exploitation de vols réguliers d’un transporteur;
(c)  substitution d’appareil ou de classe de service;
(d)  changement à l’horaire qui exige le réacheminement d’un passager à l’heure de départ du vol initial.

(2)  Dans le cas d’une perturbation d’horaire, AC doit appliquer les mesures décrites dans la présente règle, à moins de dispositions contraires dans les lois locales applicables. Plus particulièrement, dans le cas des vols au départ des pays suivants, Air Canada mettra en application les dispositions des lois suivantes : Union européenne et Suisse : règlement (CE) no 261/2004; Israël : loi sur les services aéronautiques d’Israël (indemnisation et assistance en cas d’annulation de vol ou de modification des conditions), 5772-2012; Turquie : réglementation sur les droits des passagers aériens (SHY-Passenger).

(3)  Étant donné que le passager a droit à de l’information sur les modifications apportées à l’horaire et à l’heure des vols, Air Canada fera de son mieux pour l’informer des retards, des annulations et des modifications d’horaire et, dans la mesure du possible, des motifs de ces retards et modifications.

(4)  En cas de perturbation d’horaire, le transporteur prendra l’une des mesures suivantes :
      Nota : Des services supplémentaires décrits ci-après sont fournis aux clients J’y serai :

(a)  transporter le passager à bord de l’un de ses autres avions de passagers ou dans une autre de ses classes de service où une place est disponible, sans frais supplémentaires peu importe la classe de service ou, au choix du transporteur;
(b)  fournir l’endos autorisant la prise en charge par un autre transporteur aérien avec lequel Air Canada a un accord pour un tel transport pour la partie non utilisée du billet aux fins du réacheminement ou, au choix du transporteur;
(c)  réacheminer le passager jusqu’à la destination indiquée sur le billet ou sur la partie applicable de celui-ci par ses propres services ou par d’autres services de transport, et si le prix pour l’itinéraire ou la classe de service modifiés est supérieur à la valeur de remboursement du billet ou de la partie applicable de celui-ci, comme le prévoit la règle 100 – remboursements, le transporteur n’exigera aucun paiement supplémentaire de la part du passager, mais remboursera la différence si le prix est moins élevé;
(d)  si le passager choisit de ne plus voyager ou si le transporteur se trouve dans l’impossibilité de lui offrir l’option a), b) ou c) ci-dessus dans des délais raisonnables, effectuer un remboursement involontaire, conformément à la règle 100 – remboursements (il y a exception à l’applicabilité d’un remboursement si le passager a été informé de la perturbation d’horaire avant le jour du départ et que la perturbation d’horaire est de 60 minutes ou moins);
(e)  sur demande, dans le cas des annulations attribuables à Air Canada, ramener le passager à son point de départ et le rembourser conformément à la règle 100, comme si aucune partie du voyage n’avait été effectuée (sans égard aux règles tarifaires applicables) ou, sous réserve de l’accord du passager, offrir un bon d’échange du même montant pour un voyage futur ou, à la demande du passager;
(f) dans le cas des annulations attribuables à Air Canada, si le passager confirme verbalement de façon crédible à Air Canada que certaines circonstances exigent qu’il arrive à destination plus tôt que les options énoncées dans l’alinéa a) ci-dessus ou, pour les clients J’y serai, dans le cas des annulations attribuables au transporteur ou indépendantes de sa volonté, Air Canada devra, s’il est raisonnable de le faire, compte tenu de toutes les circonstances connues et sous réserve des disponibilités, lui acheter une place auprès d’un transporteur dont le vol doit arriver considérablement plus tôt que les options proposées dans l’alinéa a) ci‑dessus. Rien de ce qui précède ne doit limiter ou diminuer le droit du passager, le cas échéant, de présenter une demande d’indemnisation, le cas échéant, selon les dispositions de la convention applicable, ou de la loi si aucune convention ne s’applique.

(5)  À moins de dispositions contraires prévues dans les lois locales applicables, en plus des dispositions de la présente règle, dans le cas d’une perturbation d’horaire qui lui est attribuable (ou indépendante de sa volonté, pour les clients J’y serai), Air Canada offrira :

(a)  si la perturbation d’horaire est d’une durée supérieure à quatre heures, un bon de repas qui peut être utilisé, le cas échéant, à un restaurant de l’aéroport ou pour son service Café Air Canada, pour un montant déterminé en fonction de l’heure.
(b)  si la perturbation d’horaire dure jusqu’au lendemain ou est d’une durée supérieure à huit heures, l’hébergement à l’hôtel, selon disponibilités, et le transport terrestre entre l’aéroport et l’hôtel. Ce service n’est offert qu’aux passagers de l’extérieur.

Règle 105(5)

Aux fins du transport international régi par la Convention de Montréal, les règles de responsabilité prévues dans celle-ci font partie intégrante du présent tarif et prévalent et l’emportent sur les dispositions du présent tarif qui sont incompatibles avec ces règles.

Convention pour l’unification de certaines règles relatives au transport aérien international – Convention de Montréal (Convention de Montréal)

L’article 19 de la Convention de Montréal prévoit ce qui suit :

Le transporteur est responsable du dommage résultant d’un retard dans le transport aérien de voyageurs, bagages ou marchandises. Cependant, le transporteur n’est pas responsable du dommage causé par un retard s’il prouve que lui, ses préposés et mandataires ont pris toutes les mesures qui pouvaient raisonnablement s’imposer pour éviter le dommage, ou qu’il leur était impossible de les prendre.

Membre(s)

Elizabeth C. Barker
Mary Tobin Oates
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