Lettre-décision n° CONF-1-2016

VERSION ÉPURÉE

le 4 mars 2016

Demande déposée par Emerson Milling Inc. (EMI) contre la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (CN), en vertu des articles 113 à 116 et 127 de la Loi sur les transports au Canada, L.C. (1996), ch. 10, modifiée (LTC).

Numéro de cas : 
15-03518

DEMANDE

[1] Le 29 juillet 2015, EMI a déposé auprès de l’Office des transports du Canada (Office) une demande contre CN en vertu des articles 113 à 116 et 127 de la LTC.

[2] EMI fait valoir que CN refuse de lui fournir des services.

[3] EMI demande que l’Office détermine que le refus de CN de fournir des installations convenables pour la réception et le chargement des marchandises d’EMI constitue un manquement à ses obligations en matière de niveau de services en vertu de la LTC. EMI demande également que l’Office ordonne à CN :

  1. de déterminer que le refus de CN de fournir des installations convenables pour la réception et le chargement des marchandises d’EMI constitue un manquement à ses obligations en matière de niveau de services en vertu de la LTC;
  2. de fournir des services sur la voie RD-47 conformément aux commandes qu’EMI passera à l’avenir;
  3. d’effectuer l’interconnexion des wagons reçus de BNSF Railway Company (BNSF) entre le lieu de correspondance à Emerson (Manitoba) et la voie RD-47;
  4. en tant que solution de rechange, de fournir des services à EMI selon les modalités de forme et de temps que l’Office estime convenables, compte tenu de tous les intérêts en jeu.

[4] Dans le cadre de sa réponse à la demande d’EMI, CN demande le rejet de la demande d’EMI. CN fait valoir que l’Office a tranché cette question dans la 2015-07-10">lettre-décision no 2015-07-10 et est donc functus officio. CN fait également valoir que la demande actuelle est chose jugée. CN soutient que [traduction] « EMI demande maintenant le même redressement, en se fondant sur les mêmes circonstances, que celles indiquées dans sa plainte en matière de niveau de services déposée le 24 décembre 2015 [sic] ». De plus, CN demande que l’Office lui adjuge des frais sur la base avocat-client quant à la présente instance.

CONTEXTE

[5] L’installation d’EMI, située à RI 58, chemin River, Emerson (Manitoba), n’est nulle part reliée au réseau ferroviaire de CN, ni à aucun autre; elle est située à 8 km de la voie RD-47 de CN.

[6] En mars 2013, CN et EMI ont conclu un accord de licence temporaire portant le no CNSA 23054‑L (ALT), en vigueur du 1er mars 2013 au 31 juillet 2015. [SUPPRESSION]

[7] Avant l’ALT, EMI a utilisé la voie RD-47 pendant environ 25 ans, sans accord officiel.

[8] Le 24 décembre 2014, EMI a déposé une demande en matière de niveau de services contre CN (demande du 24 décembre).

[9] Le 10 juillet 2015, l’Office a rendu une décision confidentielle sur la demande du 24 décembre d’EMI (décision).

Après la décision

[10] Les parties ne remettent pas en question les faits ci-après, qui sont survenus après que l’Office a rendu la décision.

[11] Le 16 juillet 2015, CN a envoyé à EMI une lettre qui indiquait que :

[Traduction]

… EMI ne devrait pas présenter de demande à CN ou à BNSF pour que des wagons soient placés sur la voie RD-47 en vue d’être chargés après la date d’expiration de l’ALT du 31 juillet.

Si EMI souhaite que des wagons soient placés par CN, pour le chargement par EMI après le 31 juillet, à un autre emplacement sur la propriété de CN, EMI devra aviser CN par écrit et confirmer l’autre emplacement d’avance et indiquer si elle souhaite que des wagons soient fournis par CN, BNSF ou une autre partie, avant qu’elle présente d’autres demandes à CN.

[12] Le 24 juillet 2015, dans une lettre à CN, EMI a demandé d’utiliser la voie [SUPPRESSION], qui était louée par [SUPPRESSION]. EMI a indiqué que [SUPPRESSION] lui avait permis d’utiliser la voie d’évitement dans un avenir rapproché.

[13] Le 28 juillet 2015, dans une lettre à EMI, CN a répondu que :

[Traduction]

La voie d’évitement et les terrains appartenant à CN qui sont utilisés par [SUPPRESSION] sont assujettis à des ententes confidentielles entre les deux parties.

Ces ententes prévoient des restrictions sur les usages des installations, et interdit l’utilisation de la voie d’évitement par des tiers ou pour le compte de tiers, sans le consentement écrit de CN.

La présente vise à vous informer que [SUPPRESSION] n’a ni demandé ni obtenu le consentement de CN et que, si [SUPPRESSION] le demande, CN n’a pas l’intention de donner son consentement à [SUPPRESSION] en vue de l’utilisation de ces biens par des tiers.

[14] Le 29 juillet 2015, dans un courriel à CN, EMI a indiqué qu’il y avait un autre client sur [SUPPRESSION], [SUPPRESSION], situé sur [SUPPRESSION] de la voie d’évitement et qu’entre [SUPPRESSION] et [SUPPRESSION], « … il y a de la place pour [SUPPRESSION] ». EMI a ensuite demandé à CN si elle lui permettait de transférer son entente de location en vigueur pour la voie RD-47 à la voie d’évitement disponible à [SUPPRESSION]. EMI s’est également informée à propos d’autres solutions possibles.

OBSERVATION PRÉLIMINAIRE – CHOSE JUGÉE

Position de CN

[15] Selon CN, la demande actuelle d’EMI est chose jugée parce que dans sa demande du 24 décembre, EMI a demandé un redressement concernant son accès à la voie RD‑47 et l’Office était [traduction] « bien au courant de la nature de l’ALT et de son expiration imminente ». CN fait valoir que l’Office a rejeté la requête d’EMI visant une ordonnance exigeant que CN continue de lui autoriser l’accès à la voie RD-47.

[16] En réponse aux affirmations d’EMI selon lesquelles l’Office n’avait pas donné suite à sa demande de redressement visant à remédier à la situation, CN fait valoir, en faisant référence à Doering c. Grandview (Town), [1975] SCJ No. 93 (CSC), qu’il est bien établi qu’une décision judiciaire ou administrative n’a pas à traiter expressément de chaque aspect d’un différend. Selon CN, l’Office était au courant de la date d’expiration de l’ALT. Il a seulement refusé le redressement demandé par EMI. CN fait valoir qu’EMI demande maintenant le même redressement, en se fondant sur les mêmes circonstances que celles indiquées dans sa demande du 24 décembre.

[17] CN fait valoir qu’EMI a concédé ce fait dans sa demande actuelle et que le seul recours pour EMI est de demander une autorisation d’interjeter appel de la décision à la Cour d’appel fédérale. CN affirme qu’à moins que la décision ne soit reversée par l’appel, les questions soulevées par EMI sont choses jugées.

Position d’EMI

[18] EMI soutient que les affirmations de CN concernant le principe de chose jugée sont [traduction] « déplacées et fondées sur une mauvaise connaissance des principes applicables ». EMI indique que la question abordée dans sa demande du 24 décembre et la demande actuelle sont totalement différentes.

[19] D’abord, EMI soutient que sa demande du 24 décembre renvoie à une période définie et était de nature explicitement rétrospective. L’Office a rendu une décision sur le niveau de services de CN au cours de cette période et a ordonné un redressement qui portait particulièrement sur cette période. En revanche, la demande actuelle est de nature explicitement prospective et EMI demande un redressement sur cette base.

[20] Deuxièmement, EMI indique que CN a une obligation d’interconnexion des marchandises d’EMI, une obligation à laquelle [traduction] « CN contrevient maintenant, soit la question au cœur de la plainte [actuelle] ». Cette question n’a été soulevée qu’après que l’Office a rendu sa décision concernant la demande du 24 décembre d’EMI et, de ce fait, cette question n’aurait pas pu faire partie de cette demande.

[21] Ainsi, EMI fait valoir que, même si le redressement demandé était semblable dans les deux demandes, les faits et les allégations comportent d'importantes différences et qu’en conséquence, le principe de  chose jugée ne s’applique pas.

[22] Selon EMI, la doctrine de chose jugée ne s’applique que lorsqu’une question a été soulevée et distinctement déterminée entre les parties. EMI, citant Richter Gedeon Vegyeszeti Gyar Rt c. Apotex Inc., 2002 CFPI 1284, affirme que la bonne question à poser est de savoir [traduction] « ce que la cour [ou le tribunal] a effectivement décidé la première fois ». EMI fait valoir que les questions dans sa demande actuelle n’ont pas été distinctement déterminées entre les parties et que l’Office n’a statué à cet égard dans la décision.

[23] Finalement, EMI indique que l’Office a un mandat vaste qui lui est conféré par la loi et qui lui permet d’entendre les demandes en matière de niveau de services, et que le refus de se pencher sur une affaire fondée [traduction] « sur une application rigide du principe de chose jugée ou de functus officio constituerait une entrave inutile à ce mandat… ».

Constatations et analyse

[24] Pour les raisons suivantes, l’Office conclut que le principe de chose jugée ne s’applique pas à la demande actuelle d’EMI.

[25] L’Office n’a pas déjà rendu une décision sur les motifs de la plainte dans la demande actuelle. Dans la décision, l’Office s’est penché sur la question de savoir si le niveau de services fourni par CN durant la période de la plainte (de la semaine 1 de la campagne agricole 2013-2014 à la semaine 21 de la campagne agricole 2014-2015) allait à l’encontre de ses obligations en matière de niveau de services prévues par la loi. L’Office a conclu que CN avait manqué à ses obligations en matière de niveau de services envers EMI sur la voie RD-47 durant la période de la plainte et a ordonné à CN de fournir à EMI les wagons qu’elle avait commandés, mais qu’elle n’a pas reçus, durant la période de la plainte. Pour plus de précisions, la décision était limitée à une période durant laquelle l’ALT était en vigueur. Cette question n’a pas été soumise à l’Office dans la demande actuelle.

[26] Le principe de chose jugée vise à empêcher d’adjuger de nouveau des causes d’action ou des questions déjà tranchées; il n’empêche toutefois pas un demandeur de demander le même recours dans le contexte d’une plainte différente, même contre le même défendeur. De plus, le principe de chose jugée s’applique à des décisions finales. Dans la décision, l’Office ne s’est pas penché sur la question de savoir si le refus de CN de fournir des installations à EMI pour le chargement de ses marchandises sur la voie RD-47 constituait un manquement à ses obligations en matière de niveau de services. Par conséquent, il n’a pas rendu de décision, finale ou non, sur cette affaire. CN avait déjà fait savoir qu’elle ne fournirait plus de service après l’expiration de l’ALT, mais l’ALT est arrivée à échéance seulement après que la décision a été rendue.

[27] L’Office ne peut pas être réputé avoir rendu une décision sur un manquement allégué sur lequel il ne s’est pas penché et qui ne s’était pas encore produit lorsqu’il a rendu sa décision.

[28] Il est vrai que l’Office était au courant de l’expiration de l’ALT au moment de la demande du 24 décembre, mais il n’était pas au courant de la conduite ultérieure de CN et d’EMI relativement à cette expiration. Autrement dit, au moment de la demande du 24 décembre d’EMI, il aurait fallu que l’Office spécule à propos de la façon dont CN ou EMI se comporteraient en conséquence de l’expiration de l’ALT. L’Office n’aurait donc pas pu déterminer l’affaire, même de façon implicite, dans le contexte de la demande du 24 décembre.

[29] En ce qui a trait à la demande actuelle d’EMI, l’Office se penchera sur la question de savoir si CN a des obligations en matière de niveau de services envers EMI et, s’il y a lieu, à quel emplacement. Il considérera la question de savoir si, après l’expiration de l’ALT, la voie RD-47 est un point d’arrêt au sens de l’alinéa 113(1)a) de la LTC, qui prévoit qu’une compagnie de chemin de fer est tenue de fournir, « à tous les points d’arrêt établis à cette fin, des installations convenables pour la réception et le chargement des marchandises à transporter par chemin de fer ». Comme il en sera question plus en détail ci-après, cette disposition est importante en ce qui a trait à la question devant l’Office dans la demande actuelle d’EMI, étant donné qu’une compagnie de chemin de fer est tenue de fournir des installations convenables pour la réception et le chargement des marchandises à ces points d’arrêt.

[30] Il est également à noter que la demande actuelle soulève aussi, pour la première fois, la question de savoir si CN a manqué à ses obligations en matière de niveau de services lorsqu’elle a refusé de fournir le service à EMI à un autre emplacement sur [SUPPRESSION]. La demande de service d’EMI à cet emplacement et le refus de CN se sont également produits après la décision de l’Office. De la même façon, la demande requête d’EMI contenue dans sa demande actuelle en vue d’obtenir une ordonnance d’interconnexion à Emerson ne faisait pas partie de sa demande du 24 décembre.

[31] Finalement, dans Danyluk c. Ainsworth Technologies Inc., [2001] 2 RCS 460, la Cour suprême du Canada a passé en revue les conditions d’application de la préclusion découlant d’une question déjà tranchée, un concept lié au principe de chose jugée, et a statué ce qui suit :

Les règles régissant la préclusion découlant d’une question déjà tranchée ne doivent pas être appliquées machinalement. L’objectif fondamental est d’établir l’équilibre entre l’intérêt public qui consiste à assurer le caractère définitif des litiges et l’autre intérêt public qui est d’assurer que, dans une affaire donnée, justice soit rendue. 

[32] L’Office est d’avis que le rejet de la demande, qui soulève la question du refus de CN de fournir le service à EMI sur la voie RD-47 après l’expiration de l’ALT, en se fondant sur le fait que la demande est chose jugée, ne cadrerait pas avec ce principe. Comme aucune décision n’a été rendue sur la question du refus de CN de fournir des installations à EMI pour le chargement de ses marchandises sur la voie RD-47, EMI n’avait rien sur quoi se fonder pour en appeler de la décision, comme le laisse entendre CN.

[33] De plus, si le principe de chose jugée s’appliquait – ce qui n’est pas le cas – l’Office exercerait néanmoins son pouvoir de discrétion dans ces circonstances et entendrait le cas.

[34] Pour ces raisons, l’Office rejette la requête de CN visant le rejet de la demande actuelle d’EMI.

QUESTIONS

  1. CN a-t-elle des obligations en matière de niveau de services relativement aux marchandises d’EMI?
  2. À quel emplacement, le cas échéant, les obligations en matière de niveau de services doivent‑elles être acquittées?
  3. CN a-t-elle manqué à ses obligations en matière de niveau de services relativement aux marchandises d’EMI?
  4. L’Office devrait-il émettre une ordonnance en vertu des dispositions d’interconnexion?
  5. L’Office devrait-il adjuger des frais à CN et, s’il y a lieu, en se fondant sur quelles circonstances?

POSITION D’EMI

[35] EMI fait valoir que CN a refusé de fournir le service après l’expiration de l’ALT, et que son refus constitue un manquement à ses obligations en matière de niveau de services.

[36] EMI fait valoir que l’alinéa 113(1)a) de la LTC exige que CN fournisse des installations convenables sur la voie RD-47. L’imposition de ce qu’EMI décrit comme étant un contrat d’adhésion par CN, soit l’ALT, n’a aucune incidence sur l’existence ou le caractère exécutoire du droit continu d’EMI de recevoir le service.

[37] EMI indique que la voie RD-47 est une voie de chargement établie par CN à cette fin et qu’elle l’utilise depuis les 25 dernières années en tant que voie de chargement. EMI soutient que CN a concédé ce fait dans un cas antérieur devant l’Office (466-R-2013">décision no 466-R-2013). Dans ce cas, CN a fait valoir que la capacité de la cour de triage Emerson à laquelle Richardson International Ltd. (RIL) faisait référence ne correspondait pas tout à fait à ce que RIL décrivait parce que la voie d’évitement au nord de la voie principale, à savoir la voie RD-47, est louée à un client pour son usage exclusif.

[38] Selon EMI, la voie RD-47 est de toute évidence un point d’arrêt établi pour la réception et le chargement des marchandises à transporter par chemin de fer.

[39] EMI fait valoir que, même si CN peut exclure EMI de la voie RD-47 en vertu des dispositions en matière de niveau de services de la LTC, l’Office devrait exercer son pouvoir discrétionnaire pour empêcher CN de le faire, puisque CN lui fournit le service sur la voie RD-47 depuis 25 ans et, selon EMI, CN n’a pas justifié pourquoi elle ne pouvait pas continuer de le faire. EMI indique que l’Office devrait ordonner à CN soit de fournir un accès continu à la voie RD‑47, soit de lui fournir une solution de rechange raisonnable.

POSITION DE CN

[40] Selon CN, sans un accès à une ligne de chemin de fer, EMI n’a droit à aucun service de CN, pas plus que de la part de la Compagnie de chemin de fer Canadien Pacifique (CP) ou de BNSF, et l’Office ne peut pas intervenir à ce propos. CN fait valoir que les droits de propriété et d’accès à la propriété d’une compagnie de chemin de fer sont accordés seulement aux expéditeurs qui concluent un accord avec la compagnie de chemin de fer. À défaut d’un tel accord, les expéditeurs n’ont aucun accès à la propriété de la compagnie de chemin de fer et ne bénéficient d’aucun droit de propriété, et aucune obligation envers eux n’est déclenchée.

[41] CN reconnaît qu’EMI a conclu un tel accord, à savoir l’ALT, pour accéder à une voie qui appartient à CN; elle a toutefois indiqué que l’ALT est maintenant échu et qu’EMI n’a plus de droits d’accès à sa propriété. CN fait valoir que les obligations en matière de niveau de services prévues dans la LTC ne créent pas de droit de propriété ou de droit d’accès à la propriété d’une compagnie de chemin de fer.

[42] CN laisse entendre que le régime de niveau de services pourrait être déclenché par des droits de propriété existants que des expéditeurs ont acquis pour avoir accès à une ligne de chemin de fer, comme un contrat de location, une licence, une installation, ou une voie d’évitement privée à laquelle une compagnie de chemin de fer a un accès raisonnable. Toutefois, le régime de niveau de services ne peut pas créer de tels droits de propriété ou juridiques dans le premier cas. CN fait valoir qu’il incombe à EMI, en tant qu’entité commerciale, d’acheter, de louer ou d’acquérir autrement la propriété et les installations qui lui sont nécessaires pour mener ses activités. CN soutient qu’il n’est pas pertinent aux présentes instances de savoir qu’EMI a bénéficié d’un quelconque droit  d’accès limité à la voie RD-47 dans le passé.

[43] Selon CN, la LTC n’autorise pas l’Office à accorder ou à déclarer des droits de propriété à un demandeur. CN fait valoir que cela cadre avec la 688-R-1999">décision no 688-R-1999 (Koeneman) et la décision de la Cour d’appel fédérale dans Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada c. Office des transports du Canada, 2013 CAF 270 (Wilkinson).

[44] CN indique que les expéditeurs ont des obligations corrélatives, en vertu des dispositions en matière de niveau de services, d’établir des conditions raisonnables dans le cadre desquelles leurs marchandises peuvent être fournies à une compagnie de chemin de fer pour le transport. CN indique que cette proposition date d’une décision de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Patchett & Sons Ltd. c. Pacific Great Eastern Railway Co., [1959] RCS 271 (Patchett).

[45] CN soutient qu’elle n’est pas obligée de trouver un emplacement pour permettre à EMI de charger ses wagons. CN ajoute qu’EMI n’est pas un expéditeur captif et dispose de nombreuses options, notamment emprunter la ligne de CP, qui est plus près des installations d’EMI que la voie RD‑47. CN laisse également entendre qu’EMI pourrait effectuer les transbordements à Winnipeg (Manitoba).

[46] CN affirme que parce que la voie RD-47 est située à l’intérieur de sa cour de triage, ce n’est pas un point d’arrêt établi pour recevoir et charger des marchandises. CN soutient que même si tel était le cas, l’emplacement ne pourrait être interprété comme étant un point d’arrêt après l’expiration des droits contractuels d’EMI conformément à l’ALT. Selon CN, EMI n’a pas et n’a jamais eu de droits d’accès à la voie RD-47 ni le droit d’y charger ses marchandises, outre les droits contractuels accordés par CN dans l’accord; or, ces droits sont expirés. CN affirme que si l’Office accorde à EMI les droits au-delà de ce que prévoyait l’ALT, une telle ordonnance serait ni plus ni moins une expropriation, et même si l’Office a de vastes pouvoirs de réparation en vertu de la LTC, il n’a pas le pouvoir d’exproprier une propriété de CN.

[47] CN fait valoir qu’une compagnie de chemin de fer ne peut pas être tenue d’expédier les marchandises de quiconque se présente simplement à la voie d’évitement privée d’une compagnie de chemin de fer et lui demande des services continus. Ce type de demande ne peut pas être perçu comme étant raisonnable et ne peut être protégé par des dispositions en matière de niveau de services.

[SUPPRESSION].

CONSTATATIONS ET ANALYSE

[48] La demande d’EMI porte sur des questions fondamentales à savoir si EMI a le droit d’obtenir des services de CN et, le cas échéant, à quel emplacement. La première étape de la considération de la demande d’EMI consiste à déterminer si CN a des obligations en matière de niveau de services relativement aux marchandises d’EMI. Si oui, la prochaine étape consistera à déterminer le ou les emplacements où CN doit s’acquitter de ces obligations concernant la réception et le chargement des marchandises d’EMI. En vertu de la LTC, CN est tenue de s’acquitter de telles obligations « au point d’origine de son chemin de fer et au point de raccordement avec d’autres, et à tous les points d’arrêt établis à cette fin […] ». Par conséquent, à la deuxième étape de son analyse, l’Office déterminera si chaque emplacement où EMI a demandé des services (sur la voie RD-47 et [SUPPRESSION]) et si les emplacements où CN a offert le service (LE77 et une installation de transbordement à Winnipeg) constituent un point d’arrêt au sens de l’alinéa 113(1)a) de la LTC.

[49] La dernière étape, fondée sur les déterminations à savoir si le service doit être fourni et, s’il y a lieu, à quel emplacement, consiste à déterminer si CN a manqué à ses obligations en matière de niveau de services.

Question 1 : CN a-t-elle des obligations en matière de niveau de services relativement aux marchandises d’EMI?

[50] La première question que l’Office doit déterminer dans le cas présent est de savoir si CN a des obligations en matière de niveau de services relativement aux marchandises d’EMI. Certains éléments précis de l’article 113 de la LTC établissent la nature des obligations d’une compagnie de chemin de fer : les marchandises, les installations et les emplacements où la compagnie de chemin de fer doit fournir les installations.

[51] Contrairement à la plupart des cas en matière de niveau de services qui ont trait à des questions de fourniture de wagons ou de fréquence de placement des wagons, le cas présent porte sur une question plus fondamentale, parce qu’elle soulève la question de savoir s’il existe un droit prévu par la loi de recevoir des services ferroviaires et, s’il y a lieu, à quel emplacement. Toute la question découle du fait que les installations d’EMI ne sont pas reliées à une ligne de chemin de fer et ne sont pas situées sur une ligne de chemin de fer ou à proximité, et qu’elle n’a donc pas de voie d’évitement (qu’elle loue ou qui lui appartient) sur laquelle elle peut recevoir et charger ses marchandises.

[52] L’Office est d’avis que sa décision dans l’affaire Koeneman et la décision de la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Wilkinson sont différentes des questions du cas présent, et ne permettent pas de les régler non plus. Ces deux décisions portaient sur les obligations en matière de niveau de services d’une compagnie de chemin de fer au raccordement entre la voie d’évitement privée d’un expéditeur et une ligne de chemin de fer. Elles ne portent pas sur les circonstances actuelles, qui soulèvent la question de savoir si une compagnie de chemin de fer a des obligations en matière de niveau de services à des emplacements autres qu’au raccordement entre la voie d’évitement privée d’un expéditeur et une ligne de chemin de fer. Donc, l’Office doit déterminer si EMI a droit à des services à d’autres emplacements ou si, comme CN l’allègue, ses obligations à fournir le service à EMI ne découlent que de l’ALT.

Dispositions en matière de niveau de services

[53] Les articles 113 à 116 de la LTC établissent les obligations en matière de niveau de services des compagnies de chemin de fer en ce qui a trait aux marchandises à transporter par chemin de fer. Ces articles ont peu changé depuis la Loi de codification des dispositions sur les chemins de fer de 1851, 14 – 15 Vict., ch. 5 et ont été examinés à plusieurs reprises par le législateur. Ils fournissent un recours aux expéditeurs en vue de réduire la déséquilibre du pouvoir de négociation avec des compagnies de chemin de fer et de voir à ce que les résultats cadrent avec la politique nationale des transports prévue à l’article 5 de la LTC.

[54] L’article 113 prévoit qu’une compagnie de chemin de fer doit, dans le cadre de ses attributions, fournir les installations convenables pour les « marchandises à transporter par chemin de fer ». Il y est également indiqué que l’objectif est de fournir les installations convenables pour permettre la réception, le chargement, le transport, le déchargement et la livraison des marchandises et que la compagnie de chemin de fer doit recevoir, transporter et livrer ces marchandises sans délai et avec le soin et la diligence voulus.

[55] La formulation de ces dispositions en matière de niveau de services renvoie aux obligations d’une compagnie de chemin de fer relativement aux marchandises; partout dans les dispositions, les obligations sont liées aux marchandises. La mesure cadre avec l’article 116 de la LTC qui décrit le rôle de l’Office en ce qui a trait aux plaintes relatives au niveau de services.

[56] L’article 116 prévoit que « any person », dans la version anglaise seulement, soit toute personne, peut déposer une plainte si elle estime qu’une compagnie de chemin de fer ne s’acquitte pas de ses obligations. Les obligations sont liées aux marchandises et à leur transport.

[57] Le choix de la formulation est important. Les dispositions en matière de niveau de services de la LTC ne dépendent pas de ce qu’un expéditeur ou un transporteur pourrait établir comme obligations particulières dans un accord écrit (dont les conditions font souvent l’objet de différends). Les dispositions s’appliquent plutôt lorsque des marchandises sont fournies pour le transport, où l’on insiste de façon générique sur le sujet qui a donné naissance à la relation entre les parties, plutôt que sur la relation elle-même, par contrat ou autrement, qui pourrait exister entre elles.

[58] Dans la 442-R-2008">décision no 442-R-2008, l’Office a fourni des détails sur ce qu’il considère comme étant des « marchandises », concluant que les marchandises à transporter doivent être effectives et non simplement « prévues ». Dans ce cas, le demandeur, qui aménageait un parc industriel, demandait une connexion par épi ferroviaire, faisant valoir qu’il pourrait être en mesure d’attirer un client qui aurait des marchandises à faire transporter, si le site disposait d’un accès ferroviaire. La nature des marchandises et des clients n’était pas connue. L’Office a rejeté la notion voulant que des volumes de marchandises purement spéculatifs créent une obligation :

En ce qui concerne les marchandises « à transporter par chemin de fer », l’expression n’est pas définie dans la LTC, même si on l’a interprétée comme désignant les marchandises effectives par opposition aux marchandises éventuelles dans diverses décisions émises par l’Office et les organismes qui l’ont précédé.

[…]

L’Office est d’avis que, même si Trackside a offert des marchandises potentielles à transporter par chemin de fer, elle n’a pas fourni à CN la moindre preuve expresse de marchandises effectives à transporter. Il n’est pas nécessaire que les marchandises effectives soient « immédiatement disponibles », mais il faut qu’elles soient plus que « prévues ».

[59] Dans le cas présent, l’Office note que le 10 juillet 2015, CN a informé EMI qu’elle [traduction] « ne doit pas soumettre à CN ou à BNSF de demande de wagons à placer sur la voie RD‑47 pour  chargement après la date d’expiration de l’ALT prévue le 31 juillet ». EMI a des marchandises effectives à faire transporter, comme le prouve le fait que [SUPPRESSION].

[60] L’Office conclut que, comme EMI a des marchandises à faire transporter sur la ligne de chemin de fer de CN, CN a des obligations concernant ces marchandises, notamment l’obligation de recevoir, de transporter les marchandises à destination ou en provenance des points d’arrêt et de les livrer sur paiement du prix licitement exigible pour ces services. De plus, comme il est prévu dans les dispositions en matière de niveau de services, ces obligations comprennent la fourniture d’installations convenables pour qu’EMI puisse recevoir et charger ses marchandises.

[61] L’obligation de CN de recevoir, de charger, de transporter et de livrer les marchandises n’est pas de nature contractuelle; elle découle des dispositions en matière de niveau de services prévues dans la LTC. Tandis que la LTC prévoit des dispositions sur les contrats confidentiels, les contrats n’entraînent pas d’obligation en matière de services, mais prévoient plutôt « les moyens à prendre par la compagnie pour s’acquitter de ses obligations prévues par [le présent article] ».

Question 2 : À quel emplacement, le cas échéant, les obligations en matière de niveau de services doivent-elles être acquittées?

[62] Comme l’Office a conclu que CN a des obligations en matière de niveau de services relativement aux marchandises d’EMI, il se penchera maintenant sur la question de savoir à quel emplacement CN a l’obligation de fournir des installations convenables pour la réception et le chargement des marchandises d’EMI.

[63] L’alinéa 113(1)a) de la LTC fournit des détails sur l’emplacement où la compagnie de chemin de fer doit fournir des installations convenables pour la réception et le chargement des marchandises, soient « au point d’origine de son chemin de fer et au point de raccordement avec d’autres, et à tous les points d’arrêt établis à cette fin ». 

[64] Selon CN, elle n’a pas d’obligation statutaire de fournir à EMI des installations convenables pour le chargement de ses marchandises sur la voie RD-47, mais seulement une obligation contractuelle, laquelle a disparu au moment de l’expiration de l’ALT. De plus, CN soutient que les dispositions en matière de niveau de services ne créent pas de droits de propriété ou de droit d’accès à la propriété d’une compagnie de chemin de fer, puisque de tels droits ne sont accordés qu’aux expéditeurs qui concluent d’un accord avec la compagnie de chemin de fer.

[65] Pour interpréter l’alinéa 113(1)a) de la LTC, l’Office note qu’« il faut lire les termes d’une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur » (Hypothèques Trustco Canada c. Canada, 2005 CSC 54).

[66] L’Office est également orienté par la terminologie du paragraphe 116(4) de la LTC, qui établit les recours que l’Office peut ordonner s’il détermine qu’une compagnie de chemin de fer ne s’acquitte pas de ses obligations en matière de niveau de services. Plus particulièrement, l’Office peut ordonner « la construction ou l’exécution d’ouvrages spécifiques », « l’acquisition de biens » et « l’attribution, la distribution, l’usage ou le déplacement de wagons, de moteurs ou d’autre matériel selon ses instructions », ce qui signifie que la compagnie de chemin de fer peut utiliser ses propriétés et son équipement pour s’acquitter de ses obligations en matière de niveau de services.

[67] CN est d’avis que cela établit, en ce qui a trait à sa propre propriété, un point d’arrêt. Cela signifie qu’aux points d’arrêt sur une propriété de la compagnie de chemin de fer, il n’y a pas d’obligation en matière de niveau de services qui tienne, sauf celles qui sont acceptées par la compagnie, laquelle pourrait aussi décider unilatéralement de ne plus fournir le service à un point d’arrêt sur sa propriété, peu importe les marchandises à transporter ou les habitudes de service établis.

[68] Une compagnie de chemin de fer doit avoir une option lui permettant de reconfigurer son infrastructure et ses offres de service de temps à autre, mais les dispositions en matière de niveau de services fournissent des recours aux expéditeurs qui pourraient se voir injustement touchés par un tel changement ou qui pourraient estimer que ce que la compagnie a choisi de faire est arbitraire ou non équitable. Toute la logique derrière les articles 113 à 116 de la LTC repose sur la capacité d’une partie intéressée de remettre en question les actions posées par une compagnie de chemin de fer et les raisons pour lesquelles elle ne répond pas à ses obligations qui sont, la plupart du temps, exprimées en termes logistiques comme la congestion, les changements à l’infrastructure, ou encore les contraintes ou l’efficacité de service. En tant que tribunal expert, l’Office analysera les affirmations des deux parties.

[69] L’Office conclut qu’à un point d’arrêt, même s’il se trouve sur la propriété d’une compagnie de chemin de fer, n’est pas établi par la compagnie de chemin de fer lorsqu’elle conclut un accord qui accorde à une partie le droit d’accès à sa propriété. Autrement dit, l’obligation n’est pas de nature contractuelle. Lorsqu’il y a des infrastructures sur lesquelles des trains peuvent s’arrêter, et l’ont déjà fait, cet emplacement est un point d’arrêt au sens de l’alinéa 113(1)a) de la LTC.

[70] En fonction des considérations susmentionnées, l’Office déterminera maintenant si chaque emplacement indiqué par les parties constitue un point d’arrêt.

RD-47

  • RD-47 est une voie située dans la cour de triage Emerson.
  • La cour de triage Emerson est un emplacement où on effectue des activités normales, c.‑à‑d. des manœuvres avec les wagons et la formation des trains, mais aussi l’interconnexion réglementée.
  • Pendant plus de 25 ans, EMI a reçu et a chargé ses marchandises sur la voie RD-47.
  • À l’expiration de l’ALT (le 31 juillet 2015), EMI a cessé de charger ses marchandises sur la voie RD-47. Toutefois, selon CN, elle devait utiliser la voie RD-47 pour répondre à [traduction] « l’augmentation importante d’autres demandes opérationnelles et de transport de marchandises »; par exemple, pour retenir des wagons en direction sud offerts à des fins d'échange avec BNSF, mener des activités de correspondance et « s’acquitter de ses obligations en matière de niveau de services à des clients autres qu’EMI ».

[71] EMI recevait et chargeait ses marchandises sur la voie RD-47, deux exemples d’activités qui se produisent parce que des trains peuvent s’arrêter à cet emplacement et s’y sont effectivement arrêtés. Après l’expiration de l’ALT, CN devait utiliser la voie RD-47 pour mener ses activités de triage, notamment retenir des wagons, mener des activités d'échange et d’autres activités nécessaires pour servir ses clients, tout autant d’exemples d'activités qui se produisent parce que des trains peuvent s’arrêter à cet emplacement et l’on effectivement fait. L’Office conclut donc que la voie RD-47 est un point d’arrêt établi à cette fin.

LE77

  • LE77 est une voie d’évitement au raccordement d’Emerson, du côté est de la voie principale, au sud du chemin Post.
  • En 2012, CN a suggéré qu'EMI utilise la voie LE77 comme solution de rechange à la voie RD-47.
  • CN a offert de louer 3 600 pieds de la voie LE77 à EMI, et d’améliorer la voie en installant des rails de 100 lb. CN aurait aussi fourni un apport en capital jusqu’à un maximum de [SUPPRESSION] pour d’éventuelles améliorations à la voie et à la route d’accès, à condition qu’EMI soumette un plan d’affaire répondant aux exigences financières standard de CN.
  • En 2012, EMI a décliné l’offre de CN, lui indiquant que LE77 ne répond pas à ses besoins actuels ou futurs. EMI a donné à CN les raisons suivantes : le site est propice à des inondations, tout comme plusieurs chemins qui s’y raccordent; il n’y a pas de route d’accès le long des voies qui conviendraient pour des camions lourds; une route d’accès le long de la voie doit permettre le passage direct (préférable) ou le demi-tour de camions de type bi-train; et EMI ne serait pas en mesure d’acquérir la propriété nécessaire pour la construction d’un entrepôt le long de la voie.

[72] L’Office note que c’est CN qui a proposé à EMI de déplacer ses activités de transbordement à partir de la voie RD-47 jusqu’à la voie LE77, et que même si CN a offert un apport en capital pour améliorer le site, rien n’indique que ces améliorations étaient nécessaires pour que des trains puissent arrêter sur cette voie d’évitement. Donc, la voie LE77 est un emplacement où les trains peuvent arrêter et que CN avait prévu pour l’arrêt des trains. L’Office conclut donc que la voie LE77 est un point d’arrêt établi à cette fin.

[SUPPRESSION]

  • [SUPPRESSION] est une voie d’évitement appartenant à CN située sur [SUPPRESSION].
  • [SUPPRESSION] et [SUPPRESSION] sont des clients de CN desservis à [SUPPRESSION].
  • [SUPPRESSION] loue une partie de [SUPPRESSION].
  • À l’expiration de l’ALT, EMI a fait une demande auprès de CN pour utiliser [SUPPRESSION]. Selon EMI, [SUPPRESSION] a accepté qu’EMI utilise la voie d’évitement, mais CN a refusé. EMI a ensuite demandé d’utiliser une partie de [SUPPRESSION] entre [SUPPRESSION] et [SUPPRESSION]. CN indique que des franchissements routiers dans ce secteur rendent l’emplacement impropice à l’augmentation des manœuvres.

[73] L’Office note que deux clients sont présentement desservis à [SUPPRESSION], donc que CN arrête les trains à cet emplacement. Par conséquent, l’Office conclut que [SUPPRESSION] est un point d’arrêt établi à cette fin.

Installations de transbordement à Winnipeg

  • CN fait référence à des installations de transbordement à Winnipeg fournies par North American Food Ingredients Inc. (NAFI) et CANDO Modal Logic Services.
  • [SUPPRESSION].

[74] CN a recommandé [SUPPRESSION] à Winnipeg, alors il s’agit d’un emplacement où CN peut arrêter des trains et le fait effectivement. L’Office conclut donc que l’installation de transbordement [SUPPRESSION] à Winnipeg est un point d’arrêt établi à cette fin.

[75] L’Office note que même s’il a identifié les quatre emplacements précédents comme étant des points d’arrêt, la liste pourrait ne pas indiquer tous les emplacements qui pourraient être des points d’arrêt relativement aux marchandises d’EMI.

[76] L’Office note également que l’obligation d’une compagnie de chemin de fer de fournir des installations convenables pour la réception et le chargement des marchandises à ces emplacements, selon les conclusions du juge Rand dans Patchett, [traduction] « est empreinte du caractère raisonnable dans tous les aspects de ce qu’elle entreprend… ». Le juge Rand y a également conclu ce qui suit :

[Traduction]

Comme il s’agit de déterminer le caractère raisonnable de la mesure, la façon dont chaque situation doit être réglée dépend de toutes les circonstances en présence. Le transporteur doit, à tous les égards, prendre des mesures raisonnables pour que ses fonctions restent publiques. Sa responsabilité envers toute personne lésée par une cessation ou un refus de service doit être déterminée par ce que la compagnie de chemin de fer a effectivement fait ou pourrait effectivement faire pour régler la situation, à la lumière de sa connaissance des faits ou, autrement dit, selon ce qui lui semble raisonnable.

[77] De plus, la Cour d’appel fédérale dans Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada c. Northgate Terminals Ltd., 2010 CAF 147 (Northgate) a indiqué ce qui suit :

Selon mon interprétation de Patchett, les trois propositions énoncées par CN dans sa plaidoirie ne constituent pas des principes de droit autonomes. Il s’agit de lignes directrices qui doivent éclairer toute décision de l’Office relativement à une plainte quant au niveau de services, mais qui n’appellent pas nécessairement une issue particulière. En effet, pour rendre une décision relativement à une telle plainte, l’Office doit mettre en balance les intérêts de la compagnie de chemin de fer avec ceux du plaignant dans le contexte des faits particuliers de l’affaire.

[78] De plus, dans Patchett, le juge Rand a indiqué les obligations corrélatives d’un expéditeur :

[Traduction]

À l’obligation de la compagnie de chemin de fer de fournir des services s’ajoute une obligation corrélative du client de fournir des moyens raisonnables d’accès à ses installations.

[79] Le concept a été plus récemment abordé par la Cour d’appel fédérale dans Wilkinson :

La réponse à cette question est essentielle à l’application convenable de la jurisprudence Patchett laquelle, comme il a été expliqué plus tôt, comporte deux aspects, le second portant sur l’obligation corrélative du client de la compagnie de chemin de fer de fournir des moyens d’accès raisonnables à sa voie latérale.

[80] Comme il existe au moins quatre points d’arrêt établis à cette fin, l’Office considérera les emplacements, s’il y a lieu, où le service devrait être fourni, en prenant en considération les obligations en matière de niveau de services, compte tenu du caractère raisonnable, et l’obligation corrélative de l’expéditeur.

DIRECTIVE

[81] Pour que l’Office puisse rendre une décision finale, il se penchera sur les facteurs suivants pour chaque point d’arrêt indiqué dans la présente décision.

  • Est-ce que des installations convenables pour la réception et le chargement des marchandises d’EMI peuvent être fournies au point d’arrêt?
  • Est-il raisonnable, compte tenu des contraintes opérationnelles qui pourraient exister, que CN fournisse des installations convenables pour la réception et le chargement des marchandises d’EMI au point d’arrêt?
  • Quelle est, s’il y a lieu, l’obligation corrélative d’EMI concernant ses marchandises au point d’arrêt?

[82] Comme les parties n’ont pas précédemment déposé de présentations sur ces facteurs en particulier relativement à tous les emplacements indiqués par l’Office comme étant des points d’arrêt, EMI a jusqu’au 18 mars 2016 pour soumettre ses commentaires. CN aura jusqu’au cinquième jour ouvrable après la date de réception des commentaires d’EMI pour déposer une réponse, puis EMI aura jusqu’au troisième jour ouvrable après la date de réception de la réponse de CN pour déposer sa réplique. Toutes les présentations doivent être déposées auprès de l’Office au plus tard à 17 h, heure locale de Gatineau, et une copie doit avoir été fournie à l’autre partie. Finalement, si EMI ou CN souhaitent que l’Office se penche sur un ou plusieurs autres emplacements, elles doivent présenter des preuves et des arguments pertinents, en tenant compte des critères permettant d'identifier un point d’arrêt.

[83] Après que les présentations auront été reçues, l’Office se penchera sur les preuves au dossier et rendra une décision sur la question 3 : CN a-t-elle manqué à ses obligations en matière de niveau de services relativement aux marchandises d’EMI; sur la question 4 : L’Office devrait-il émettre une ordonnance en vertu des dispositions sur l’interconnexion; et sur la question 5 : L’Office devrait‑il adjuger des frais à CN et, s’il y a lieu, en se fondant sur quelles circonstances?

[84] L’Office est d’avis qu’un règlement négocié de la question de l’emplacement des services serait préférable. Cela dit, ayant conclu que CN avait des obligations en matière de niveau de services relativement aux marchandises d’EMI, et qu’au moins quatre emplacements sont des points d’arrêt, l’Office encourage les parties à s’entendre sur cette question.

[85] Si les parties s’entendent, EMI devrait déposer une requête pour retirer la demande qu’elle a déposée en vertu de l’article 36 des Règles de l’Office des transports du Canada (Instances de règlement des différends et certaines règles applicables à toutes les instances), DORS/2014-104 (Règles sur le règlement des différends), auquel moment l’Office considérera, en vertu du paragraphe 36(2) des Règles sur le règlement des différends, la question 5 : l’Office devrait-il adjuger des frais à CN et, s’il y a lieu, en se fondant sur quelles circonstances?

La présente décision est la version publique épurée de la décision confidentielle no CONF‑1‑2016 émise le 4 mars 2016 qui ne saurait être rendue publique.

Membre(s)

Raymon J. Kaduck
Stephen Campbell
Scott Streiner
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