Décision n° 291-C-A-2011

le 2 août 2011

le 2 août 2011

PLAINTE déposée par Gábor Lukács contre Air Canada concernant la responsabilité en matière de bagages qui figure dans la règle 55(C)(7) du tarif international énonçant les règles applicables aux passagers et au prix, CTA(A) no 458 d’Air Canada.

M4120-3/09-07287


Introduction et questions

[1] Gábor Lukács a déposé une plainte auprès de l'Office des transports du Canada (Office) dans laquelle il fait valoir que la disposition portant sur la responsabilité en matière de bagages qui figure dans la règle 55(C)(7) du tarif international énonçant les règles applicables aux passagers et au prix, CTA(A) no 458 d'Air Canada (Tarif) est contraire à la Convention pour l'unification de certaines règles relatives au transport aérien international, signée à Montréal le 28 mai 1999 (Convention de Montréal) et à la Convention pour l'unification de certaines règles relatives au transport aérien international, signée à Varsovie le 12 octobre 1929 (Convention de Varsovie). M. Lukács indique également que l'application de la disposition n'est pas claire. Il soutient donc que la règle 55(C)(7) devrait être rejetée.

[2] Dans la décision noLET-C-A-29-2011, l'Office a fait certaines constatations préliminaires en ce qui a trait à la clarté de la disposition visée et à la question de savoir si la disposition était injuste et déraisonnable. L'Office a donné à Air Canada et à M. Lukács l'occasion de fournir leurs commentaires sur ces constatations préliminaires par l'intermédiaire d'une demande de justification.

[3] Au cours des actes de procédure initiaux à l'égard de la plainte, Air Canada a proposé une disposition tarifaire révisée qui exclut les termes « articles fragiles ou périssables » de la règle 55(C)(7). En réponse à la décision no LET-C-A-29-2011, et pour traiter de la question de clarté, Air Canada a proposé une autre révision de la disposition tarifaire, come elle est présentée dans l'annexe.

[4] L'Office doit déterminer si la règle 55(C)(7) existante et celle proposée sont injustes et déraisonnables, et si la plus récente révision proposée de la règle 55(C)(7) est claire.

[5] Dans cette décision, l'Office fera sa détermination sur les constatations préliminaires énoncées dans la décision no LET-C-A-29-2011, en se fondant sur les présentations des deux parties dans le cadre de la plainte initiale déposée par M. Lukács et en réponse à la demande de justification.

Décision définitive

De quelle souplesse dispose un transporteur aérien pour modifier ses conditions de transport en fonction de l'origine et de la destination du voyage, et est-il raisonnable pour Air Canada de se dégager de toute responsabilité sur les itinéraires où ni la convention de Varsovie ni la convention de Montréal ne s'appliquent?

Constatations préliminaires de l'Office

[6] L'Office a fait les constatations préliminaires suivantes dans la décision no LET-C-A-29-2011 :

  • pour arriver à un équilibre entre les obligations statutaires, commerciales et opérationnelles d'Air Canada et les droits des passagers, il est raisonnable d'appliquer les principes de la Convention de Montréal pour le transport relativement aux itinéraires auxquels ni la Convention de Montréal ni la Convention de Varsovie ne s'appliquent;
  • pour obtenir l'équilibre susmentionné, il est raisonnable, en tant que principe de base, que tous les consommateurs aient droit à une protection contre la perte, les dommages ou les retards de leurs bagages;
  • en ce qui a trait à la perte de bagages enregistrés, la disposition tarifaire actuelle et la révision proposée à la règle 55(C)(7) en ce qui a trait à la responsabilité pour la perte des bagages, ne cadrent pas avec les principes du paragraphe 17(2) de la Convention de Montréal et qu'elles sont déraisonnables;
  • la règle 55(C)(7) existante et celle proposée, en ce qui a trait à la responsabilité dans les retards de livraison de certains types d'articles dans les bagages enregistrés, sont déraisonnables, car elles ont pour effet de dégager le transporteur de sa responsabilité pour des dommages causés par des retards peu importe les circonstances, contrairement au principe de l'article 19 de la Convention de Montréal;
  • comme la règle 55(C)(7) existante et celle proposée ne sont pas formulées d'une manière qui établit un lien causal entre le dommage causé au bagage et la nature ou le vice propre des bagages, et qu'elles ne cadrent pas avec les principes du paragraphe 17(2) de la Convention de Montréal, la règle 55(C)(7), en ce qui a trait à la responsabilité pour des dommages à certains types d'articles dans un bagage, est déraisonnable;
  • en tant que principe de base, les consommateurs devraient avoir une protection contre la perte, le dommage ou le retard des bagages, peu importe le trajet qui s'applique à leur voyage. Par conséquent, la règle 55(C)(7) existante et celle proposée n'offrent pas aux passagers une couverture de responsabilité raisonnable.

Présentations en réponse à la demande de justification

[7] Air Canada fait valoir que sa règle 55(C)(7) clarifiée est juste et raisonnable puisque le principe selon lequel les transporteurs peuvent se dégager de leur responsabilité, au lieu de seulement la limiter, est bien reconnu dans la législation canadienne. À cet égard, Air Canada maintient que les articles 107 et 122 du Règlement sur le transport aérien, DORS/88-58, modifié (RTA) prévoient précisément les droits des transporteurs de se dégager de leur responsabilité pour les tarifs intérieurs et internationaux, respectivement.

[8] Air Canada indique que dans les décisions nos 378-C-A-2000 de l'Office, Witvoet c. Bradley Air Services Limited, et 319-C-A-2007, Saleem c. Air Canada, l'Office a reconnu la validité des règles du tarif intérieur qui prévoient les exclusions de responsabilité des transporteurs à l'égard de certain articles précis, à condition que les règles soient claires. Air Canada ajoute que l'Office commettrait une erreur de droit en contredisant ses constatations précédentes et en imposant étroitement les principes des conventions aux itinéraires où elles ne s'appliquent pas.

[9] Air Canada maintient que l'Office devrait être constant et appliquer les principes qui s'appliquent aux règles portant sur le transport intérieur lorsqu'il évalue la validité des règles portant sur les voyages internationaux qui ne sont assujettis ni la Convention de Montréal ni à la Convention de Varsovie.

[10] Air Canada affirme que l'Office ne peut pas importer une partie d'un régime de convention lorsqu'aucune convention ne s'applique, puisque les tribunaux de divers pays ont décidé qu'une convention constitue un régime exhaustif qui doit être interprété comme un tout. Pour appuyer cette affirmation, Air Canada renvoie aux affaires Sidhu c. British Airways Plc. [1997] 1 All E.R. 193 et El Al Israel Airlines, Ltd. c.Tseng 525 U.S. 155 (1999).

[11] Air Canada indique également que le fait de limiter son droit de se dégager de sa responsabilité sans assurer la protection législative que procure la compétence exclusive, les délais fixés et les obligations relatives aux préavis serait déraisonnable et injuste.

[12] Air Canada affirme également que le site Internet de l'Office reconnaît que le transporteur a un droit clairement établi de se dégager de sa responsabilité à l'égard de certains articles, à condition que ces articles soient bien définis dans les règles tarifaires. Air Canada maintient que le contenu du site Internet de l'Office reflète avec exactitude l'état du droit, ainsi que des décisions antérieures rendues par l'Office concernant l'application des règles de tarif intérieur.

[13] En outre, Air Canada fait valoir que sa règle proposée est conforme aux règles tarifaires d'autres transporteurs, notamment les règles du tarif intérieur de Delta Air Lines, Inc. et les règles qu'appliquent American Airlines, Inc. et British Airways Plc.

[14] M. Lukács indique que la règle 55(C)(7) a l'effet d'une exclusion de responsabilité générale dont le but est de dégager Air Canada de toute responsabilité pour la perte, les dommages et le retard de bagages contenant certains articles. Il maintient que la règle ne tient pas compte des principes directeurs énoncés aux paragraphes 36 à 54 de la décision no LET-C-A-29-2011.

[15] M. Lukács affirme qu'Air Canada cite de façon erronée la législation concernant les droits des transporteurs de se dégager de leur responsabilité liée aux tarifs. M. Lukács indique que les articles 107 et 122 du RTA concernent le contenu et la forme des tarifs, et n'accordent pas de droits supplémentaires d'exclusion de responsabilité. Il soutient que ces articles ne sont pas pertinents et ne donnent aucun pouvoir en ce qui a trait au caractère raisonnable des règles tarifaires.

[16] M. Lukács fait valoir que les exclusions doivent être conformes à toutes les exigences statutaires, notamment les dispositions de la Loi sur les transports au Canada, L.C. (1996), ch. 10, modifiée (LTC) et du RTA, et qu'en particulier, les exclusions de responsabilité doivent être justes et raisonnables.

[17] M. Lukács maintient qu'Air Canada déforme la législation concernant la décision no 378-C-A-2000. Il indique que l'Office n'a jamais examiné le caractère raisonnable des dispositions tarifaires de Bradley Air Services Limited dans cette décision et ajoute que le cas visait la question de la clarté des dispositions tarifaires. M. Lukács fait valoir que la décision no 227-C-A-2008 reflète mieux l'état du droit actuel.

[18] M. Lukács allègue qu'Air Canada cite de façon erronée la législation concernant la décision no 319-C-A-2007. M. Lukács fait valoir que dans ce cas, l'Office tentait de déterminer si M. Saleem était admissible à une indemnisation pour la perte de son bagage et, si oui, de quel montant, et si Air Canada avait correctement appliqué les conditions liées à la responsabilité à l'égard des bagages énoncées dans son tarif intérieur. M. Lukács fait valoir que la décision no 319-C-A-2010 ne traitait pas de la question du caractère raisonnable.

[19] En ce qui a trait à l'argument d'Air Canada selon lequel sa « règle clarifiée » est conforme aux règles tarifaires d'autres transporteurs, M. Lukács indique qu'Air Canada fait état des règles de tarifs intérieurs de trois compagnies aériennes étrangères qui ne sont pas assujetties aux pouvoirs réglementaires de l'Office. M. Lukács soumet que même si ces tarifs étaient assujettis aux pouvoirs réglementaires de l'Office, cela ne justifie pas le fait de permettre à Air Canada de maintenir des dispositions tarifaires déraisonnables.

[20] M. Lukács n'est pas d'accord avec les arguments d'Air Canada selon lesquels l'Office n'a pas le droit de considérer la Convention de Montréal comme étant une source convaincante pour le caractère raisonnable des dispositions tarifaires sur les itinéraires où aucune convention ne s'applique.

[21] M. Lukács soumet que l'Office a correctement tenu compte de la Convention de Montréal comme étant une source convaincante de principes visant à déterminer si la disposition tarifaire contestée était raisonnable. M. Lukács indique que sa position est appuyée par plusieurs décisions de l'Office. À cet égard, il fait valoir, par exemple, que dans la décision no 483-C-A-2010, Lukács c. WestJet, l'Office a ordonné à WestJet d'augmenter sa limite de responsabilité applicable au service intérieur au montant prescrit par la Convention de Montréal. WestJet a demandé l'autorisation d'en appeler de la décision de l'Office auprès de la Cour d'appel fédérale en soutenant, tout comme Air Canada le fait dans le cas présent, que l'Office ne peut pas importer une partie d'un régime de convention lorsque la convention ne s'applique pas. M. Lukács ajoute que la Cour d'appel fédérale a refusé la demande d'autorisation d'interjeter appel de WestJet.

[22] M. Lukács fait valoir que l'état actuel du droit au Canada appuie entièrement la décision de l'Office d'étudier les principes de base de responsabilité sous-tendant la Convention de Montréal afin de déterminer le caractère raisonnable des dispositions tarifaires sur les itinéraires où la Convention ne s'applique pas.

Analyse et constatation

[23] Comme il a été indiqué précédemment, Air Canada a soumis, aux fins d'examen par l'Office, une règle 55(C)(7) révisée, comme elle est présentée dans l'annexe. Toutefois, aux fins de l'évaluation du caractère raisonnable, la substance de la règle telle qu'elle est révisée et clarifiée est la même que la règle actuelle à laquelle M. Lukács s'est opposé. Par conséquent, l'analyse suivante de l'Office en ce qui a trait au caractère raisonnable s'applique également à toutes les versions de la règle 55(C)(7).

[24] Il est clair que la règle 55(C)(7), telle qu'elle est énoncée dans les versions présentées par Air Canada, vise à créer une exclusion de responsabilité générale qui dégage Air Canada de toute responsabilité à l'égard de la perte, des dommages ou du retard de bagages contenant certains articles.

[25] L'Office, dans sa décision no LET-C-A-29-2011, a donné à Air Canada l'occasion de fournir ses commentaires sur la constatation préliminaire de l'Office selon laquelle l'exclusion de responsabilité telle qu'elle est énoncée dans la règle 55(C)(7) existante et celle proposée est déraisonnable.

[26] Dans la décision no 456-C-A-2009, Wyant c. Air Canada, l'Office a appliqué un critère d'évaluation précédemment établi dans la décision no 746-C-A-2005, Black c. Air Canada, pour déterminer si les conditions de transport étaient « déraisonnables » au sens de l'article 111 du RTA. Le critère fixé prévoit qu'un juste équilibre doit être établi entre, d'une part, les droits des passagers d'être assujettis à des conditions de transport raisonnables et, d'autre part, les obligations statutaires, commerciales et opérationnelles du transporteur aérien concerné.

[27] Les conditions de transport sont fixées par un transporteur aérien unilatéralement sans demander l'opinion des passagers. Le transporteur aérien fixe ses conditions de transport en fonction de ses intérêts, qui peuvent découler d'exigences purement commerciales. Il n'y a aucune présomption qu'un tarif est raisonnable.

[28] Lorsqu'il soupèse les droits des passagers et les obligations du transporteur, l'Office doit tenir compte de tous les éléments de preuve et des présentations faites par les deux parties et déterminer si la condition de transport est raisonnable ou déraisonnable en fonction de la partie qui a présenté les preuves les plus convaincantes et persuasives.

[29] L'Office a examiné la présentation d'Air Canada et n'est pas convaincu, pour les raisons indiquées ci-dessous, que la disposition tarifaire actuelle et celle révisée et proposée sont raisonnables.

[30] Air Canada affirme que la règle 55(C)(7) est juste et raisonnable puisque le principe selon lequel les transporteurs peuvent se dégager de leur responsabilité, au lieu de seulement la limiter, est bien reconnu dans la législation canadienne. À cet égard, Air Canada fait référence aux articles 107 et 122 du RTA.

[31] En outre, Air Canada maintient que les décisions nos 378-C-A-2000 et 319-C-A-2007 reconnaissent la validité des règles du tarif intérieur qui prévoient les exclusions de responsabilité des transporteurs à l'égard de certain articles précis, à condition que les règles soient claires.

[32] M. Lukács allègue qu'Air Canada cite de façon erronée la législation concernant les droits des transporteurs de se dégager de leur responsabilité dans les tarifs.

[33] Même si l'Office accepte que les transporteurs aériens aient la souplesse d'établir leurs propres conditions de transport, cette souplesse est assujettie à toute convention qui pourrait s'appliquer. Les conditions établies par le transporteur doivent être claires, justes et raisonnables et être conformes aux dispositions du RTA, et à tout autre instrument législatif et réglementaire applicable.

[34] En ce qui a trait à l'application des articles 107 et 122 du RTA, ces articles sont axés sur le contenu et la forme des tarifs, et ne sont pas liés au caractère raisonnable des dispositions tarifaires. Les sous-alinéas 107(1)n)(xi) et 122c)(xi) du RTA exigent précisément qu'un transporteur énonce clairement dans son tarif sa politique concernant les exclusions de responsabilité à l'égard des passagers et des biens. En ce qui a trait au caractère raisonnable, une politique d'un transporteur est assujettie à d'autres dispositions réglementaires et législatives. En particulier, le paragraphe 111(1) du RTA et le paragraphe 67.2(1) de la LTC exigent, respectivement, que les conditions qui s'appliquent au transport international soient justes et raisonnables, et que les conditions liées au transport intérieur ne soient pas déraisonnables ou indûment discriminatoires. Essentiellement, les dispositions liées à la clarté et au caractère raisonnable sont distinctes et imposent des obligations statuaires différentes pour le transporteur par rapport à la validité de son tarif. À cet égard, l'Office est d'accord avec l'argument de M. Lukács selon lequel les articles 107 et 122 du RTA ne sont pas pertinents à cette question de savoir si la règle 55 (C)(7) existante ou celle proposée sont justes et raisonnables.

[35] En ce qui a trait aux arguments d'Air Canada concernant les décisions nos 378-C-A-2000 et 319-C-A-2007, l'Office est d'accord avec M. Lukács que ces décisions n'appuient pas la position d'Air Canada voulant que les décisions antérieures de l'Office appuient les exclusions de responsabilité énoncées dans les dispositions tarifaires visées.

[36] Dans la décision no 378-C-A-2000, l'Office ne faisait que traiter de la clarté des dispositions tarifaires intérieures du transporteur concernant, entre autres choses, les exclusions de responsabilité.

[37] Dans la décision no 319-C-A-2007, l'Office a déterminé la question de savoir si M. Saleem était admissible à une indemnisation pour la perte de son bagage et si Air Canada avait correctement appliqué les conditions liées à la responsabilité à l'égard des bagages contenues dans le tarif d'Air Canada. Comme c'était le cas pour la décision no 378-C-A-2000, l'Office ne faisait qu'examiner la clarté des dispositions tarifaires d'Air Canada.

[38] Contrairement à l'argument d'Air Canada, ni la décision no 378-C-A-2000 ni la décision no 319-C-A-2007 n'abordent la question du caractère raisonnable. Comme il a été indiqué précédemment, les articles du RTA qui traitent de la clarté et du caractère raisonnable sont distincts. Par conséquent, les cas cités par Air Canada à l'appui de sa position ne sont pas pertinents à un examen du caractère raisonnable conformément à l'article 111 du RTA et au paragraphe 67.2(1) de la LTC.

[39] Comme l'a indiqué M. Lukács, l'Office, dans de nombreuses décisions portant sur des cas de transport intérieur, s'est fié aux principes de la Convention de Montréal afin de déterminer si une disposition tarifaire particulière liée à la responsabilité est raisonnable. La décision la plus récente est la décision no 483-C-A-2010. Dans cette décision, l'Office a tenu compte de la réponse de WestJet à la décision no 313-C-A-2010 dans laquelle l'Office a ordonné à WestJet, en partie, de proposer une limite de responsabilité pour les bagages liée au transport intérieur qui était plus élevée que la limite de 250 $ et que WestJet a appliquée par la suite. Dans la décision no 313-C-A-2010, l'Office a informé WestJet que s'il déterminait que la limite proposée par WestJet était déraisonnable, il exigerait qu'elle applique la même limite de responsabilité que celle exigée en vertu de la Convention de Montréal. Dans la décision no 483-C-A-2010, l'Office a conclu que WestJet n'avait pas présenté des arguments convaincants à l'appui de sa limite proposée de responsabilité de 1 000 $ pour le transport intérieur de bagages. Par conséquent, l'Office a conclu que la limite de responsabilité proposée par WestJet n'était pas raisonnable et lui a demandé de réviser son tarif pour assurer une limite de responsabilité équivalente à celle indiquée dans la Convention de Montréal. Comme l'a noté M. Lukács, la Cour d'appel fédérale a refusé une autre demande présentée par WestJet et visant une autorisation d'interjeter appel de la décision no 483-C-A-2010.

[40] Dans le cas présent, qui concerne les voyages dans des pays qui n'ont signé ni la Convention de Montréal ni la Convention de Varsovie, l'Office a exprimé l'opinion préliminaire que les consommateurs doivent être protégés contre la perte, les dommages ou le retard de bagages, peu importe si l'une ou l'autre des conventions s'applique. L'Office a indiqué qu'en l'absence d'une convention assurant une protection, il est juste et raisonnable que les principes de la Convention de Montréal s'appliquent à ces voyages.

[41] Air Canada affirme que l'Office ne peut pas importer une partie du régime de convention lorsqu'aucune convention ne s'applique puisque les tribunaux de divers pays ont décidé que la convention est un régime exhaustif qui doit être interprété comme un tout. En outre, Air Canada fait valoir qu'il serait injuste et déraisonnable que l'Office limite le droit d'un transporteur de se dégager de sa responsabilité, sans assurer la protection législative que procure la compétence exclusive, les délais fixés et les obligations de préavis.

[42] Air Canada allègue que la Convention de Montréal est un régime exhaustif qui doit être interprété comme un tout. Air Canada mentionne les affaires Sidhu c. British Airways Plc. et El Al Israel Airlines, Ltd. c Tseng pour appuyer ce principe. Toutefois, l'Office ne demande ni n'ordonne à Air Canada de mettre en œuvre toute la Convention de Montréal, mais de veiller à ce que certaines dispositions tarifaires d'Air Canada reflètent certains des principes de la Convention de Montréal concernant la responsabilité, que l'Office a jugés raisonnables.

[43] Le libellé du tarif proposé par l'Office dans la décision no LET-C-A-29-2011 n'empêche pas Air Canada de refuser de verser une indemnisation pour la perte, les dommages ou les retards de certains articles, comme Air Canada le prétend. Toutefois, il définit pour Air Canada des limites raisonnables à l'égard des exclusions de responsabilité.

[44] Air Canada fait également valoir qu'il serait injuste et déraisonnable de limiter sa capacité de se dégager de sa responsabilité sans appliquer d'autres dispositions, comme les délais fixés et les obligations de préavis. Toutefois, le libellé du tarif proposé par l'Office n'empêche pas Air Canada d'appliquer de telles dispositions, à condition qu'elles respectent les exigences du RTA, notamment la clarté et le caractère raisonnable.

[45] Air Canada affirme également que sa règle 55(C)(7) proposée est conforme aux règles du tarif intérieur de Delta Air Lines, Inc. et aux règles tarifaires appliquées par American Airlines, Inc. et British Airways Plc. Par conséquent, Air Canada suggère que l'Office ne devrait pas imposer des règles tarifaires qui ne sont pas conformes aux pratiques de l'industrie. M. Lukács souligne qu'Air Canada fait état des règles de tarif intérieur de transporteurs étrangers qui ne sont pas assujettis à la surveillance réglementaire de l'Office et explique que même si ces tarifs étaient assujetti aux pouvoirs réglementaires de l'Office, cela ne justifie pas de permettre à Air Canada de maintenir ces dispositions tarifaires déraisonnables. L'Office accepte la position de M. Lukács. Chaque pays a ses propres exigences et obligations réglementaires que ses transporteurs doivent respecter et celles-ci sont différentes de celles des lois canadiennes. Même si ces exigences et ces obligations ont une certaine valeur probante, l'Office, dans ce cas, estime que l'argument concernant ces autres règles tarifaires n'est pas convaincant.

[46] En ce qui a trait à l'argument d'Air Canada selon lequel le site Web de l'Office reflète avec exactitude l'état du droit et les décisions antérieures de l'Office et que ce dernier devrait s'y fier, les documents qui apparaissent sur le site Web sont seulement fournis à titre d'information et ne reflètent peut-être pas toujours les décisions les plus récentes rendues par l'Office.

[47] Afin de déterminer si une disposition tarifaire est juste et raisonnable, l'Office doit établir un certain équilibre entre les obligations statutaires, commerciales et opérationnelles du transporteur aérien et les droits des passagers. En réponse à la demande de justification, Air Canada a eu l'occasion de fournir des raisons opérationnelles ou commerciales pour justifier pourquoi l'Office ne devrait pas déterminer que les dispositions tarifaires visées ne devraient pas être jugées injustes ou déraisonnables, mais elle ne l'a pas fait. Par conséquent, en évaluant l'équilibre susmentionné entre Air Canada et ses passagers, l'Office est d'avis qu'il est raisonnable d'exiger que tous les passagers internationaux aient le droit d'avoir une norme internationale acceptée relative à la protection de la responsabilité à l'égard des bagages.

[48] En outre, Air Canada n'a pas fait de présentation concernant l'autre disposition tarifaire proposée par l'Office dans la décision no LET-C-A-29-2011.

Est-ce que les termes « Sous réserve de la Convention, s'il y a lieu » rendent la disposition tarifaire obscure, en contravention de l'alinéa 122(c) du RTA?

Constatations préliminaires de l'Office

[49] Dans la décision no LET-C-A-29-2011, l'Office a conclu que la règle 55(C)(7) en soi n'est pas claire et que les termes « Sous réserve de la Convention, s'il y a lieu » rendent l'application de la règle 55(C)(7) obscure.

Présentations

[50] Air Canada propose de modifier la règle 55(C)(7) existante pour supprimer les mots « Sous réserve de la Convention » et les remplacer par les termes « pour les itinéraires internationaux exceptionnels où aucune convention ne s'applique ». Le texte intégral de la règle 55(C)(7) proposée se trouve dans l'annexe.

[51] M. Lukács fait valoir que la règle modifiée répond à ses préoccupations en ce qui a trait à la clarté.

Analyse et constatations

[52] L'Office conclut que les modifications proposées d'Air Canada à la règle 55(C)(7) existante traitent de la question de la clarté car elles indiquent clairement à quel itinéraire elles s'appliquent. Toutefois, à la suite des constatations susmentionnées de l'Office sur le caractère déraisonnable, la règle 55(C)(7) ne peut tenir dans sa forme actuelle, même si Air Canada propose de la modifier.

Conclusion

[53] Il est nécessaire d'établir un certain équilibre entre les obligations statutaires, commerciales et opérationnelles du transporteur aérien et les droits des passagers d'être assujettis à des conditions de transport raisonnables.

[54] L'Office établit au cas par cas ce que constituent des conditions de transport raisonnables. L'Office est d'avis qu'il est raisonnable d'appliquer les principes relatifs à la responsabilité à l'égard des bagages établis par la Convention de Montréal en ce qui a trait au transport international applicables sur les itinéraires où ni la Convention de Varsovie ni la Convention de Montréal ne s'appliquent.

[55] Dans la décision no LET-C-A-29-2011, l'Office a fait certaines constatations préliminaires sur cette question, et a donné à Air Canada l'occasion de justifier :

  1. pourquoi l'Office ne devrait pas, en vertu de l'alinéa 113a) du RTA, rejeter la règle 55(C)(7) existante d'Air Canada qui figure dans son Tarif, du fait qu'elle est injuste et déraisonnable, et donc contraire au paragraphe 111(1) du RTA;
  2. pourquoi la modification proposée de la règle 55(C)(7) du Tarif ne devrait pas, si elle devait être soumise à l'Office, être considérée injuste et déraisonnable, et donc contraire au paragraphe 111(1) du RTA;
  3. pourquoi Air Canada ne devrait pas substituer le paragraphe suivant ou une disposition semblable à la règle 55(C)(7) :

    Le transporteur ne devra pas être tenu responsable de la destruction, la perte, l'avarie ou la livraison tardive de tout effet personnel qui est inacceptable aux fins de transport conformément aux règles 117 et 118 ou de tout autre perte ou avarie résultant d'une telle perte ou avarie ou de transport, y compris l'avarie ou la livraison tardive de matières périssables ou la perte ou la livraison tardive d'articles emballés de façon inappropriée ou inadéquate, dans la mesure où la destruction, la perte ou l'avarie résulte de la qualité, la nature ou le vice propre des bagages, ou, dans le cas de livraison tardive, que le transporteur, ses préposés et ses mandataires aient pris toutes les mesures raisonnables pour éviter l'avarie, ou qu'il était impossible de prendre de telles mesures. Cette exclusion est applicable si l'effet personnel inacceptable est inclus dans les bagages enregistrés du passager, à l'insu du transporteur ou non.

[56] Par conséquent, le fardeau revenait à Air Canada de démontrer qu'il serait déraisonnable d'appliquer les principes liés à la responsabilité à l'égard des bagages de la Convention de Montréal pour les voyages internationaux dans des pays qui n'ont signé ni la Convention de Montréal ni la Convention de Varsovie.

[57] L'Office a examiné les preuves et les présentations d'Air Canada ainsi que les preuves et les présentations de M. Lukács. L'Office conclut que les arguments de M. Lukács sont plus convaincants et persuasifs. De plus, en ce qui a trait à ses obligations commerciales et opérationnelles, Air Canada n'a fourni aucune raison dont l'Office devrait tenir compte lorsqu'il applique son critère d'évaluation.

[58] À la lumière de ce qui précède, l'Office conclut qu'Air Canada n'a pas réussi à justifier :

  1. pourquoi l'Office ne devrait pas, en vertu de l'alinéa 113a) du RTA, rejeter la règle 55(C)(7) existante du fait qu'elle est contraire au paragraphe 111(1) du RTA;
  2. pourquoi la règle 55(C)(7) proposée ne devrait pas, si elle devait être soumise à l'Office, être considérée injuste et déraisonnable donc contraire au paragraphe 111(1) du RTA;
  3. pourquoi la disposition tarifaire proposée par l'Office ne devrait pas être substituée à la règle 55(C)(7) existante.

[59] Par conséquent, l'Office :

  • en vertu de l'alinéa 113a) du RTA, rejette la règle 55(C)(7) existante du Tarif d'Air Canada, du fait qu'elle est injuste et déraisonnable, et donc contraire au paragraphe 111(1) du RTA;
  • en vertu de l'alinéa 113a) du RTA, enjoint à Air Canada, dans les 10 jours suivant la date de cette décision, de substituer la disposition suivante à la règle 55(C)(7) :

    Le transporteur ne devra pas être tenu responsable de la destruction, la perte, l'avarie ou la livraison tardive de tout effet personnel qui est inacceptable aux fins de transport conformément aux règles 117 et 118 ou de tout autre perte ou avarie résultant d'une telle perte ou avarie ou de transport, y compris l'avarie ou la livraison tardive de matières périssables ou la perte ou la livraison tardive d'articles emballés de façon inappropriée ou inadéquate, dans la mesure où la destruction, la perte ou l'avarie résulte de la qualité, la nature ou le vice propre des bagages, ou, dans le cas de livraison tardive, que le transporteur, ses préposés et ses mandataires aient pris toutes les mesures raisonnables pour éviter l'avarie, ou qu'il était impossible de prendre de telles mesures. Cette exclusion est applicable si l'effet personnel inacceptable est inclus dans les bagages enregistrés du passager, à l'insu du transporteur ou non.

  • note que, en déposant la règle de remplacement susmentionnée, Air Canada peut choisir d'ajouter ou de mentionner d'autres dispositions tarifaires concernant des questions comme les délais fixés et les obligations de préavis, si ces autres dispositions respectent les exigences du RTA, notamment la clarté et le caractère raisonnable.

Membre(s)

  • Geoffrey C. Hare
  • John Scott

ANNEXE

(Tiré de la présentation du 8 avril 2011 d'Air Canada en réponse à la décision no LET-C-A-29-2011)

En réponse à la constatation de l'Office, Air Canada propose de modifier la règle 55(C)(7) actuelle comme suit (règle clarifiée):

Pour les itinéraires internationaux exceptionnels où aucune convention ne s'applique, le transporteur n'est pas responsable des pertes, des dommages, ou des retards dans la livraison (…) d'argent, de bijoux, d'argenterie, d'effets de commerce, de titres de placement, ou autres objets de valeur, de documents d'affaires, ou d'échantillons qui se trouvent dans le bagage enregistré d'un passager, que le transporteur en ait été informé ou non.

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Geoffrey C. Hare
John Scott
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