Décision n° 38-C-A-2014

le 7 février 2014

PLAINTE déposée par Tom Brown contre Air Canada.

No de référence : 
M4120-3/13-05008

INTRODUCTION

[1] Le 2 septembre 2013, Tom Brown a déposé une plainte auprès de l’Office des transports du Canada (Office) dans laquelle il allègue que les suppléments pour le carburant d’Air Canada applicables aux vols internationaux et intérieurs sont déraisonnables, et que les déclarations relatives à ces suppléments qui apparaissent sur le site Web d’Air Canada sont trompeuses. La présentation de M. Brown renfermait de la correspondance avec Air Canada faisant état d’un différend non réglé avec le transporteur à propos d’un supplément pour le carburant appliqué à des billets achetés en échangeant des milles de récompense Aéroplan pour un transport de retour entre le Canada et l’Europe.

[2] Air Canada a déposé sa réponse le 18 octobre 2013, et M. Brown a déposé sa réplique le 30 octobre 2013. Air Canada a intégré dans sa réponse une requête préliminaire demandant le rejet de la plainte de M. Brown du fait que l’Office n’a pas compétence en la matière. Dans sa réplique, M. Brown a indiqué, entre autres choses, que les suppléments pour le carburant applicables aux vols intérieurs d’Air Canada semblaient raisonnables.

[3] Le 1er novembre 2013, Air Canada a déposé une présentation dans laquelle elle a affirmé que la réplique de M. Brown renfermait une allégation concernant le supplément pour le carburant d’Air Canada qui ne figurait pas dans sa plainte initiale. Air Canada souligne que, plus particulièrement, M. Brown fait valoir que l’imposition de montants différents pour les suppléments pour le carburant à l’égard du transport en classes affaires et économique est une pratique discriminatoire. Air Canada a donc demandé à l’Office de lui donner l’occasion de répondre à cette allégation, ce que l’Office lui a accordé. Air Canada a déposé sa réponse concernant cette question particulière le 19 novembre 2013, et M. Brown a déposé sa réplique à la réponse le 20 novembre 2013.

[4] M. Brown a acheté deux billets auprès d’Air Canada en échangeant des milles de récompense Aéroplan pour un voyage prévu en octobre 2013 entre Kelowna (Colombie‑Britannique), au Canada, et Florence, en Italie, avec escales à divers endroits, et par l’intermédiaire des services de deux autres transporteurs aériens. Un montant de 1 552 $ a été imposé pour les suppléments pour le carburant.

OBSERVATION PRÉLIMINAIRE

Requête préliminaire d’Air Canada demandant le rejet de la plainte

Position d’Air Canada

[5] Air Canada demande, à titre préliminaire, conformément à l’article 32 des Règles générales de l’Office des transports du Canada, DORS/2005-35, modifiées, que l’Office rejette la plainte du fait qu’il n’a pas compétence pour statuer sur le cas mettant en cause M. Brown qui a acheté ses billets en échangeant des milles de récompense Aéroplan.

[6] Air Canada fait valoir que dans la décision no 82-C-A-2009 (Kouznetchik c. Air Canada), l’Office a rejeté la plainte parce que son objet ne relevait pas de la compétence de l’Office. Air Canada souligne que la plainte de M. Kouznetchik avait trait à l’achat de billets en classe affaires par l’échange de milles de récompense Aéroplan. Air Canada ajoute que dans cette décision, l’Office a déterminé qu’Aéroplan n’est ni un licencié ni un transporteur aérien aux termes de l’article 110 du Règlement sur les transports aériens, DORS/88-58, modifié (RTA).

[7] Air Canada fait également valoir que dans la décision no 451-C-A-2009 (Hopkins c. Air Canada), l’Office a réaffirmé qu’il n’a pas compétence sur les billets intercompagnies obtenus par l’intermédiaire d’Aéroplan, et que dans la décision no 456-C-A-2009 (Wyant c. Air Canada), l’Office ne s’est pas penché sur la partie de la plainte portant sur les suppléments pour le carburant qui s’appliquent aux billets achetés en échangeant des milles de récompense Aéroplan.

[8] Air Canada maintient que comme M. Brown a échangé des milles de récompense Aéroplan pour acheter ses billets, et selon les principes appliqués par l’Office dans les décisions nos 82‑C‑A‑2009, 451-C-A-2009 et 456-C-A-2009, la plainte devrait être rejetée.

Analyse et constatations

La plainte est-elle contre Aéroplan ou Air Canada?

[9] L’Office doit d’abord déterminer exactement quel type de plainte est devant lui. La plainte concerne‑t‑elle l’application de suppléments pour le carburant aux billets achetés en échangeant des milles de récompense Aéroplan seulement, ou s’agit-il d’une plainte globale concernant les suppléments pour le carburant qui sont généralement appliqués aux billets réguliers, ou les deux? Le contexte du cas devant l’Office est un facteur déterminant dans la décision que rendra l’Office.

[10] Avant de déposer sa plainte auprès de l’Office, M. Brown a déposé une plainte écrite auprès d’Air Canada, le transporteur aérien qui lui a émis les billets d’avion en échange de milles de récompense Aéroplan. Les billets étaient pour un transport assuré par Air Canada et d’autres transporteurs sur certains segments (c.-à-d. des billets intercompagnies).

[11] M. Brown a fourni des arguments complets et détaillés, lesquels, d’après leur formulation et la description des frais que M. Brown conteste, notamment la description dans le formulaire de plainte en ligne des suppléments pour le carburant des transporteurs aériens appliqués à l’égard des vols internationaux et intérieurs, semblent porter à tout le moins sur les frais qui s’appliquent aux billets achetés en échangeant des milles de récompense Aéroplan et aux billets réguliers, pour les raisons énoncées ci-après.

[12] Dans sa réplique du 30 octobre 2013 à la réponse d’Air Canada, M. Brown renvoie à divers chiffres ayant trait aux suppléments pour le carburant s’appliquant aux vols intérieurs. Il n’est pas clair si ces chiffres concernent Aéroplan ou les vols d’Air Canada. Dans cette réponse, toutefois, Air Canada renvoie aux valeurs de certains suppléments qu’elle a déposées dans le cadre de son tarif international.

[13] Le site Web www.aircanada.com ne semble pas ventiler les montants des suppléments pour le carburant, mais fournit plutôt une liste des « Frais du transport aérien » et des « Taxes, frais et droits ». Les premiers frais comprennent le prix de base et tous les frais imposés par Air Canada, comme les suppléments pour le carburant ou les redevances de navigation aérienne (supplément imposé par NAV Canada), tandis que les derniers frais sont des frais imposés par des tiers, comme les taxes (TVH), les frais d’améliorations aéroportuaires ou encore les droits de sécurité.

[14] En revanche, on remarque que c’est seulement lors de réservations effectuées par l’intermédiaire d’Aéroplan que les détails des suppléments pour le carburant semblent être bien communiqués aux passagers.

[15] Après avoir examiné les arguments de M. Brown et l’accent qu’il met sur la différence entre les suppléments pour le carburant des classes économique et affaires, ainsi que le caractère raisonnable des divers montants, l’Office conclut qu’une partie de la plainte concerne Aéroplan. Toutefois, comme M. Brown présente une plainte générale contre les suppléments pour le carburant des transporteurs aériens, par exemple ceux qu’applique Air Canada, et à la lumière des explications détaillées d’Air Canada quant à l’application des suppléments pour le carburant sur ses billets, l’Office conclut également que l’application de suppléments pour le carburant par les transporteurs fait partie de cette plainte.

L’Office a-t-il compétence pour se pencher sur une affaire contre Aéroplan?

[16] Air Canada fait référence à une jurisprudence établie de l’Office concernant sa compétence sur Aéroplan. Air Canada renvoie à la décision no 82‑C‑A‑2009 à l’appui de sa conclusion selon laquelle l’Office n’a pas compétence sur Aéroplan. Le paragraphe 28 de cette décision indique, en partie, ce qui suit :

[...] l’Office conclut qu’Aéroplan n’est ni un « licencié » aux termes de la LTC, ni un « transporteur aérien » aux termes de l’article 110 du RTA. Par conséquent, l’Office n’a pas de compétence au sujet d’Aéroplan.

[17] Air Canada renvoie également à la décision no 451-C-A-2009, qui indique ce qui suit :

L’Office estime que le transport de M. Hopkins sera effectué aux termes d’un billet direct combiné obtenu auprès d’Aéroplan, qui implique le transport par différents transporteurs, et non avec un billet d’Air Canada acheté en ligne ou un billet en partage de codes. Comme l’Office l’a déterminé dans la décision n° 82‑C‑A-2009 du 10 mars 2009 en réponse à une plainte déposée par Vlad Kouznetchik contre Air Canada, ce type de transport est assujetti aux conditions d’Aéroplan.

[18] Cette conclusion a été réitérée dans la décision no 456-C-A-2009.

[19] Par conséquent, l’Office conclut qu’il n’a pas compétence pour examiner la plainte de M. Brown en ce qu’elle a trait aux conditions de son appartenance au programme Aéroplan.

Suppléments pour le carburant d’Air Canada

[20] Dans le cas présent, M. Brown conteste particulièrement les suppléments pour le carburant appliqués par Air Canada à l’égard des vols internationaux qui sont décrits dans son tarif international, une question sur laquelle l’Office a compétence. Dans sa plainte, M. Brown souligne que son voyage a été réservé en échangeant des milles de récompense Aéroplan, mais sa plainte porte aussi sur le caractère raisonnable des suppléments pour le carburant d’Air Canada. De plus, M. Brown fait valoir que les suppléments pour le carburant appliqués aux prix des vols internationaux en classe affaires établissent une distinction injuste. L’Office rejette donc la requête préliminaire d’Air Canada et examinera la plainte de M. Brown en ce qu’elle a trait à ces deux questions.

Suppléments pour le carburant à l’égard des vols intérieurs d’Air Canada

[21] Bien que dans sa plainte, M. Brown conteste le caractère raisonnable des suppléments pour le carburant appliqués à l’égard des vols intérieurs et internationaux, dans sa présentation du 30 octobre 2013, M. Brown déclare ce qui suit :

[traduction]

Le concept des suppléments pour le carburant ne me pose aucun problème, en raison de la volatilité des coûts d’approvisionnement en carburant. Les suppléments pour le carburant appliqués à l’égard des vols intérieurs (maintenant inclus dans le prix de base, mais encore repérables) semblent raisonnables. C’est le montant des suppléments pour le carburant appliqués à l’égard des vols internationaux qui semble exorbitant et injuste.

[22] À la lumière de ce qui précède, l’Office n’examinera pas le caractère raisonnable des suppléments pour le carburant appliqués par Air Canada à l’égard des vols intérieurs, dans la mesure où de tels suppléments pourraient exister.

QUESTIONS

  1. Les suppléments pour le carburant appliqués par Air Canada à l’égard des vols internationaux sont-ils déraisonnables au sens du paragraphe 111(1) du RTA?
  2. Les suppléments pour le carburant appliqués par Air Canada à l’égard des vols internationaux en classe affaires établissent‑ils une distinction injuste au sens de l’alinéa 111(2)a) du RTA?
  3. Air Canada a-t-elle fait une déclaration trompeuse concernant les suppléments pour le carburant sur son site Web?

CONTEXTE LÉGISLATIF

Les dispositions suivantes du RTA s’appliquent en l’espèce :

18. Les licences internationales service régulier et service à la demande sont subordonnées aux conditions suivantes :

[...]

b) le licencié ne fait publiquement aucune déclaration fausse ou trompeuse concernant son service aérien ou tout service connexe;

[...]

111. (1) Les taxes et les conditions de transport établies par le transporteur aérien, y compris le transport à titre gratuit ou à taux réduit, doivent être justes et raisonnables et doivent, dans des circonstances et des conditions sensiblement analogues, être imposées uniformément pour tout le trafic du même genre.

111. (2) En ce qui concerne les taxes et les conditions de transport, il est interdit au transporteur aérien,

a) d’établir une distinction injuste à l’endroit de toute personne ou de tout autre transporteur aérien;

[...]

QUESTION 1 : LES SUPPLÉMENTS POUR LE CARBURANT APPLIQUÉS PAR AIR CANADA À L’ÉGARD DES VOLS INTERNATIONAUX SONT-ILS DÉRAISONNABLES AU SENS DU PARAGRAPHE 111(1) DU RTA?

Positions des parties

M. Brown

[23] M. Brown indique que 10 ans passés, pour couvrir les frais liés aux augmentations graduelles attribuables à la flambée des prix du carburant, les transporteurs ont commencé à imposer des suppléments pour le carburant modestes, qui semblaient représenter l’écart entre l’escalade des prix du carburant réels et le taux général d’inflation. Mais maintenant, il semble n’y avoir aucun doute que les suppléments pour le carburant d’Air Canada représentent la totalité des coûts du carburant.

Air Canada

[24] Air Canada fait valoir que les prix, qui incluent les suppléments imposés par les transporteurs, et établis par ces derniers, sont couverts aux termes de l’Accord sur le transport aérien entre le Canada et la Communauté européenne et ses États membres signé le 18 décembre 2009, dont les conditions renferment une restriction contre l’action unilatérale par les autorités aéronautiques.

[25] Air Canada affirme que dans la décision no 248-C-A-2002 (Hall c. Air Canada), dans le contexte de l’Accord relatif au transport aérien entre le gouvernement du Canada et le gouvernement des États‑Unis d’Amérique signé le 12 mars 2007, l’Office a rejeté la plainte après avoir conclu que le supplément pour le carburant n’était pas discriminatoire ni déraisonnablement élevé par suite d’un abus d’une position dominante.

[26] Air Canada fait valoir que dans la décision no 103-A-2013, l’Office a permis à Air Canada de prolonger sans date d’échéance son supplément pour le carburant qui est perçu sur les vols internationaux, et de ne plus déposer de tarifs qui indiquent la date d’échéance des suppléments pour le carburant. En d’autres mots, l’Office a déterminé qu’il n’avait plus besoin de surveiller de près les suppléments, notamment ceux pour le carburant. Air Canada souligne que la décision no 103-A-2013 a été rendue à la suite des modifications apportées au RTA concernant la publicité des prix tout compris des services aériens. Ces modifications exigeaient, entre autres choses, que les transporteurs, au Canada, affichent les prix totaux que les consommateurs doivent payer.

[27] Air Canada souligne que dans la décision no 456-C-A-2009, l’Office a décidé, relativement aux billets que le plaignant avait achetés, que compte tenu de la volatilité du prix du carburant et des paramètres de concurrence, les suppléments pour le carburant n’étaient pas jugés injustes ou déraisonnables.

[28] Air Canada souligne que les principes que l’Office a appliqués dans la décision no 456‑C‑A‑2009 restent applicables pour les raisons suivantes :

  • le coût du carburant constitue le plus grand pourcentage des coûts d’exploitation d’Air Canada;
  • le coût du carburant reste volatil;
  • le paysage concurrentiel des vols entre le Canada et l’Europe exige qu’Air Canada continue d’appliquer des suppléments pour le carburant afin de rester viable.
M. Brown

[29] M. Brown indique qu’en théorie, les suppléments pour le carburant ne lui posent aucun problème, en raison de la volatilité des coûts d’approvisionnement en carburant. Il ajoute que c’est le montant des suppléments pour le carburant appliqués aux vols internationaux qui semble exorbitant et injuste.

[30] M. Brown maintient que l’escalade des prix du carburant et leur volatilité qui dépassent le taux d’inflation moyen se justifient dans le calcul d’un supplément pour le carburant, mais pas les augmentations de prix annuelles normales et prévues.

[31] En se fondant sur les calculs qu’il a effectués relativement à certains marchés, au moyen de ce qu’il identifie comme étant un supplément pour le carburant particulier applicable aux vols intérieurs, M. Brown affirme que les suppléments pour le carburant appliqués par Air Canada à l’égard des vols internationaux sont au moins cinq fois plus élevés que ce qu’ils devraient être, et que les revenus tirés de ces suppléments couvrent plus que le coût total du carburant.

Analyse et constatations

[32] L’Office est d’avis qu’en général, les transporteurs aériens devraient avoir la souplesse d’imposer et de commercialiser leurs prix comme bon leur semble, sous réserve de leurs obligations législatives ou réglementaires. L’Office fait remarquer que les marchés transatlantiques sont desservis par de nombreux transporteurs aériens, dont plusieurs appliquent des suppléments pour le carburant. Par conséquent, les prix imposés par Air Canada et d’autres transporteurs, y compris les suppléments pour le carburant, sont hautement influencés par la concurrence.

[33] Comme il a été souligné ci-dessus, en ce qui a trait aux vols intérieurs, Air Canada a intégré les suppléments pour le carburant à ses prix de base, et ces suppléments ne peuvent donc pas être repérés. Par conséquent, les calculs de M. Brown à l’appui de sa présentation selon laquelle les montants des suppléments pour le carburant appliqués par Air Canada à l’égard des vols internationaux sont déraisonnablement élevés ne sont pas persuasifs, car la base de ces calculs, c.‑à‑d. une comparaison entre les suppléments pour le carburant appliqués à l’égard des vols intérieurs et internationaux, est sans fondement étant donné que les suppléments pour le carburant appliqués à l’égard des vols intérieurs ne peuvent pas être repérés ni dans le tarif intérieur d’Air Canada ni sur son site Web.

[34] De plus, même si les suppléments pour le carburant des vols intérieurs étaient facilement repérables, les différences de trajets, de types d’aéronef et de configurations passagers entre les trajets intérieurs et internationaux, ainsi que leurs coefficients d’occupation variables, rendraient une telle comparaison inutile en l’absence de données historiques considérablement plus détaillées. L’Office n’est pas convaincu des calculs que présente M. Brown à l’appui de son affirmation selon laquelle les montants des suppléments pour le carburant appliqués à l’égard des vols internationaux sont fixés en multipliant plusieurs fois, sans justification, un montant hypothétique du supplément pour le carburant à l’égard des vols intérieurs.

[35] Par conséquent, l’Office conclut que les suppléments pour le carburant d’Air Canada ne sont pas déraisonnables au sens du paragraphe 111(1) du RTA.

[36] À la lumière de ce qui précède, l’Office n’a pas à examiner les arguments d’Air Canada concernant l’Accord sur le transport aérien entre le Canada et la Communauté européenne et ses États membres, signé le 18 décembre 2009.

QUESTION 2 : LES SUPPLÉMENTS POUR LE CARBURANT APPLIQUÉS PAR AIR CANADA À L’ÉGARD DES VOLS INTERNATIONAUX EN CLASSE AFFAIRES ÉTABLISSENT-ILS UNE DISTINCTION INJUSTE AU SENS DE L’ALINÉA 111(2)a) DU RTA?

Positions des parties

M. Brown

[37] M. Brown affirme que l’imposition de montants différents pour les suppléments pour le carburant à l’égard du transport en classe affaires et en classe économique (presque le double) est une pratique discriminatoire. Il fait valoir que tous les autres frais et suppléments (sécurité, assurance, améliorations aéroportuaires, taxes sur les services, etc.) sont les mêmes pour tous les passagers, peu importe la classe de service ou le prix réel payé.

Air Canada

[38] Air Canada indique que ses suppléments pour le carburant peuvent varier en fonction du trajet choisi et selon qu’un passager achète un billet pour un vol en première classe ou en classe économique. Air Canada affirme que l’imposition de montants différents pour les suppléments pour le carburant selon cet achat ne constitue pas une discrimination, et que le choix d’une personne relativement au type de prix n’est pas un droit individuel d’importance fondamentale.

[39] Air Canada souligne que dans la décision no 456-C-A-2009, l’Office a indiqué qu’une condition de transport serait discriminatoire si, par exemple, elle réservait un traitement différent à une catégorie particulière de trafic. L’Office a appliqué cette interprétation dans le contexte de la décision no 150-C-A-2013, dans laquelle l’Office a tranché sur la discrimination alléguée contre des passagers voyageant avec leurs animaux de compagnie, lesquels passagers sont assujettis à des frais de transport supplémentaires. L’Office a déterminé que, comme la règle tarifaire d’Air Canada s’appliquait également à tous les passagers qui souhaitaient voyager avec leur animal de compagnie, il n’y avait aucune discrimination entre ces passagers.

[40] Air Canada souligne que dans le cas présent, le supplément pour le carburant applicable aux vols en première classe vise tous les passagers et sera assumé par les passagers qui choisissent d’acheter des billets dans cette classe de service. Air Canada fait valoir que, de ce fait, le supplément n’est pas discriminatoire, et n’établit donc pas une distinction injuste.

[41] Selon Air Canada, si l’Office détermine que le supplément pour le carburant appliqué aux vols en première classe est discriminatoire, la distinction n’est pas injuste. Air Canada fait valoir que le supplément plus élevé applicable aux vols en première classe est un résultat nécessaire de ses obligations opérationnelles et commerciales. À cet égard, Air Canada souligne que la quantité de carburant consommé par un aéronef est largement tributaire de son poids, et que les sièges en première classe sont plus grands et plus lourds que ceux en classe économique. Air Canada souligne également que le niveau de service en première classe exige un ratio plus élevé d’agents de bord par passager. Elle ajoute que d’autres facteurs, comme la franchise de bagages plus élevée sans frais supplémentaires à titre de privilège de la classe affaires, mais aussi les ustensiles en métal, font augmenter le poids associé à l’utilisation d’un produit en première classe. Air Canada fait valoir que d’autres grands transporteurs, comme British Airways Plc exerçant son activité sous le nom de British Airways, Société Air France exerçant son activité sous le nom d’Air France et Alitalia Compagnia Aerea Italiana S.p.A. exerçant son activité sous le nom de C.A.I. Compagnia Aerea Italiana, C.A.I et Alitalia, ont également commencé à imposer un supplément pour le carburant pour les vols en première classe sur les trajets principaux comprenant des vols en partance et à destination du Canada, et qu’Air Canada subirait un important désavantage concurrentiel en matière de coût si elle ne pouvait pas appliquer des montants différents pour le supplément pour le carburant à l’égard de ses produits en classe économique et en première classe.

M. Brown

[42] M. Brown réitère que les suppléments pour le carburant plus élevés en classe affaires par rapport à la classe économique ne lui posent aucun problème, mais qu’il conteste la différence entre les montants des suppléments. Il fait valoir que les suppléments pour le carburant plus élevés imposés aux voyageurs en classe affaires se justifient, et que des sièges plus lourds et potentiellement plus de bagages, ajoutés au poids supplémentaire des ustensiles, devraient être pris en compte. Il affirme toutefois que les suppléments pour le carburant appliqués à l’égard des vols en classe affaires qui sont au moins le double de ceux appliqués à l’égard des vols en classe économique sont excessifs.

Analyse et constatations

[43] Le critère permettant de déterminer si les taxes ou les conditions rattachées au transport international appliquées par un transporteur établissent une distinction injuste au sens de l’alinéa 111(2)a) du RTA a été établi par l’Office dans la décision no 746-C-A-2005 (Black c. Air Canada), et réitéré dans la décision no 482-A-2012 (l’Agence de la santé publique du Canada et l’Université Queen’s c. Air Canada), un cas portant sur le refus par Air Canada de transporter, en tant que marchandises, des primates non humains destinés à des recherches en laboratoire.

[44] Le critère est un processus en deux étapes. L’Office doit d’abord déterminer si les taxes ou les conditions de transport appliquées par le transporteur sont « discriminatoires ». Si l’Office conclut qu’elles le sont, l’Office doit ensuite déterminer si cette discrimination est « injuste ».

[45] De plus, pour que l’Office puisse déterminer si les taxes ou les conditions de transport appliquées par un transporteur établissent une distinction injuste, l’Office doit adopter une méthode contextuelle qui permet d’établir un équilibre entre les droits des voyageurs de ne pas être assujettis à des conditions de transport discriminatoires et les obligations statutaires, opérationnelles et commerciales des transporteurs aériens.

[46] L’Office a indiqué dans des décisions antérieures que les taxes et les conditions de transport sont discriminatoires si elles réservent un traitement différent à un passager, à un groupe de passagers ou à des expéditeurs en particulier pour des motifs injustifiables.

[47] L’Office a indiqué ce qui suit dans la décision no 482-A-2012 :

[128] L’Office est d’accord avec les présentations de HSIC et de BUAV. L’alinéa 111(2)a) du RTA indique qu’aucun transporteur ne peut, en respectant les taxes et les conditions de transport, établir une distinction injuste à l’endroit de toute personne ou de tout autre transporteur aérien. Afin de prouver la discrimination, les plaignants (ASPC et l’Université Queen’s) doivent fournir la preuve qu’un fardeau, une obligation ou un désavantage a été imposé à un groupe en particulier d’expéditeurs. L’Office est d’avis que les révisions proposées aux tarifs d’Air Canada traitent tous les expéditeurs de manière égale. Aucun expéditeur en particulier n’a été désigné pour recevoir un traitement différent en fonction d’une caractéristique spécifique. À cet égard, l’élément clé à considérer est la question de savoir si un expéditeur est traité différemment, pas les marchandises elles-mêmes. Dans le cas présent, l’Office conclut que les révisions proposées aux tarifs s’appliquent également à tous les expéditeurs et elles ne sont donc pas discriminatoires.

[129] Il est reconnu que la discrimination contre un expéditeur pourrait être introduite de façon indirecte en imposant un tarif pour un certain type de marchandises pour un seul expéditeur ou un groupe d’expéditeurs en fonction de leurs caractéristiques. Cependant, l’Office a conclu qu’il existe un fondement rationnel pour les révisions proposées aux tarifs; elles ne visent pas indirectement à exercer une discrimination entre les expéditeurs, mais elles représentent une décision opérationnelle de cesser le transport de primates non humains destinés à la recherche compte tenu de l’effet que pourrait avoir sur la réputation d’Air Canada et ses intérêts commerciaux le fait de le poursuivre. L’Office est d’avis que les transporteurs aériens devraient jouir de la souplesse opérationnelle de décider du type de marchandises qu’ils souhaitent transporter. D’elle-même, la décision d’un transporteur aérien de cesser de transporter un certain type de marchandises pour des raisons logiquement liées à une décision opérationnelle ne constitue pas une discrimination.

[130] La conclusion de l’Office selon laquelle les révisions proposées aux tarifs ne constituent pas une discrimination est suffisante pour régler ce motif de plainte. Toutefois, même si l’Office avait conclu que les révisions proposées aux tarifs étaient discriminatoires, en soupesant les arguments de l’expéditeur relatifs aux révisions proposées aux tarifs et les obligations statutaires, opérationnelles et commerciales d’Air Canada, l’Office est d’avis que les révisions proposées aux tarifs ne peuvent pas être considérées comme étant « injustes ».

[48] M. Brown indique qu’il peut comprendre pourquoi les montants des suppléments pour le carburant diffèrent entre la classe affaires et la classe économique, mais qu’il conteste la différence entre les montants des suppléments. Du coup, la différence des suppléments pour le carburant entre la classe affaires et la classe économique devient sans objet, ce qui ramène le différend à la question de savoir si le montant des suppléments pour le carburant imposés aux passagers en classe affaires est discriminatoire.

[49] L’Office estime que la présentation de M. Brown n’est pas convaincante et est d’avis qu’il n’a pas démontré que la différence entre les montants des suppléments pour le carburant imposés par Air Canada à l’égard des vols en classes affaires et économique est discriminatoire selon la méthode contextuelle applicable établie ci-dessus, comme elle a été décrite et appliquée dans la décision no 482‑A‑2012.

[50] Comme il ne conclut pas à une discrimination entre des passagers semblables, l’Office n’a pas à déterminer si la différence précitée établit une distinction injuste au sens de l’alinéa 111(2)a) du RTA.

QUESTION 3 : AIR CANADA A-T-ELLE FAIT UNE DÉCLARATION TROMPEUSE CONCERNANT LES SUPPLÉMENTS POUR LE CARBURANT SUR SON SITE WEB?

Positions des parties

M. Brown

[51] M. Brown maintient que puisque le site Web d’Air Canada indique que le supplément constitue une mesure pour atténuer, en partie, la volatilité et les fluctuations des coûts d’exploitation associés au prix du carburant, il est trompeur et injustifié de qualifier de « suppléments » les coûts du carburant pour l’ensemble du vol.

Air Canada

[52] Air Canada fait valoir que les suppléments pour le carburant sont reflétés avec précision sous la rubrique « Frais du transport aérien », lesquels englobent aussi le prix de base, et que, par conséquent, Air Canada respecte la disposition du RTA exigeant que les transporteurs incluent les frais qu’ils imposent sous cette rubrique.

Analyse et constatations

[53] L’Office fait remarquer que ni le tarif international d’Air Canada ni son site Web n’explique comment elle calcule ses suppléments pour le carburant. De plus, M. Brown n’a pas fourni de preuves convaincantes concernant les coûts du carburant réels. Étant donné l’absence de données objectives vérifiables, l’Office ne peut pas conclure qu’Air Canada a représenté faussement les montants qu’elle impose à titre de « suppléments ».

[54] L’Office fait également remarquer que l’alinéa 18b) du RTA interdit à un licencié de faire publiquement des déclarations fausses ou trompeuses concernant ses services aériens, et que le paragraphe 135.8(3) du RTA prévoit ce qui suit :

Quiconque fait mention d’un frais du transport aérien dans une publicité doit l’indiquer sous le titre « Frais du transport aérien », à moins que le frais du transport ne soit annoncé qu’oralement.

[55] De plus, l’Office fait remarquer que l’article 135.5 du RTA définit « frais du transport aérien » comme suit :

[...] à l’égard d’un service aérien, de tout frais ou droit qui doit être payé lors de l’achat du service, y compris les coûts supportés par le transporteur aérien pour la fourniture du service, mais à l’exclusion des sommes perçues pour un tiers.

[56] À la lumière de ce qui précède, l’Office conclut qu’en intégrant les suppléments pour le carburant dans le prix de base sous la rubrique « Frais du transport aérien » sur son site Web, Air Canada n’a pas contrevenu à l’alinéa 18b) du RTA en faisant une déclaration trompeuse.

CONCLUSION

[57] Compte tenu des constatations qui précèdent, l’Office rejette la plainte.

Membre(s)

J. Mark MacKeigan
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