Décision n° 479-AT-R-2002
Suivi - décision no 82-AT-R-2005
Suivi - décision no 473-AT-R-2004
le 28 août 2002
RELATIVE à la demande déposée auprès de l'Office national des transports par Jean Lemonde, au nom de Minikami (Club de mini Basket-ball en fauteuil roulant « Les Kamikazes »), conformément au paragraphe 63.3(1) de la Loi de 1987 sur les transports nationaux, L.R.C. (1985), ch. 28 (3e suppl.) concernant les difficultés qu'il a eues au cours d'un voyage aller-retour avec VIA Rail Canada inc. en décembre 1993 - Décision no 791-R-1995 et Arrêté no 1995-R-491, tous deux datés du 28 novembre 1995.
RELATIVE à un jugement rendu par la Cour d'appel fédérale au sujet de la décision no 791-R-1995 et de l'arrêté no 1995-R-491 de l'Office national des transports, tous deux datés du 28 novembre 1995.
Référence no U 3570/94-1
TABLE DES MATIÈRES
CONTEXTE
Le 4 janvier 1994, Jean Lemonde a déposé une demande auprès de l'Office national des transports (ci-après l'ONT) au nom de Minikami (Club de mini Basket-ball en fauteuil roulant « Les Kamikazes ») au sujet de l'assistance fournie par VIA Rail Canada Inc. (ci-après VIA) à un groupe de voyageurs qui utilisent un fauteuil roulant.
Dans la décision no 791-R-1995 du 28 novembre 1995, l'ONT a fait une détermination à l'égard de la demande susmentionnée. Dans cette décision, l'ONT a déterminé que le tarif voyageurs spécial local et commun no 1, NTA 1, section-13-D (ci-après la section 13-D du tarif de VIA) constituait un obstacle abusif aux possibilités de déplacement des personnes ayant une déficience.
Les motifs invoqués par l'ONT qui l'ont incité à déterminer qu'il y avait eu obstacle abusif sont, entre autres :
L'Office reste d'avis que l'embarquement et le débarquement des voyageurs sont la responsabilité de VIA. De plus, dans des conditions normales et avec un préavis suffisant, le transporteur devrait être en mesure de contrôler la qualité et le niveau des services - sur le plan du personnel comme sur celui du matériel - pour satisfaire aux besoins d'embarquement et de débarquement des voyageurs ayant une déficience. En règle générale, les accompagnateurs sont là pour aider à voir aux besoins personnels de la personne pendant le voyage. D'exiger que l'accompagnateur aide la personne ayant une déficience à monter à bord et à descendre du train, comme il est énoncé dans le tarif voyageurs spécial local et commun de VIA, constitue un obstacle indu à la mobilité des personnes ayant une déficience.
En vertu de l'arrêté no 1995-R-491 émis également le 28 novembre 1995, l'ONT a ordonné ce qui suit :
- VIA est par les présentes tenue de modifier la clause contenue dans le tarif voyageurs spécial local et commun no 1, NTA 1 en supprimant le passage qui stipule que l'accompagnateur d'une personne ayant une déficience doit être en mesure de l'aider à l'embarquement et au débarquement et en ajoutant une disposition qui indiquera clairement la responsabilité de VIA d'assurer l'embarquement et le débarquement de ses voyageurs.
- VIA est par les présentes tenue de modifier ses publications pour qu'elle y indique qu'elle est responsable de l'embarquement et du débarquement de ses voyageurs au plus tard un an suivant la date du présent arrêté ou à la date de réimpression des publications, selon la première éventualité.
- VIA est par les présentes tenue entre-temps d'informer, par communiqué, tous ses employés des nouvelles responsabilités de VIA et de fournir une copie du communiqué à l'Office dans les trente (30) jours de la date du présent arrêté.
La question de la section 13-D du tarif de VIA n'a pas été expressément soulevée par M. Lemonde dans sa demande. En revanche, l'ONT a toutefois soulevé cette question de sa propre initiative à l'issue de la réponse de VIA à la demande de M. Lemonde.
VIA a ensuite déposé une requête en autorisation d'appel de la décision no 791-R-1995 et de l'arrêté no 1995-R-491 de l'ONT et, le 3 juin 1996, la Cour d'appel fédérale (ci-après la Cour) l'a autorisée à interjeter appel.
La Cour a entendu l'appel le 25 septembre 2000 et a rendu son jugement le 10 octobre 2000 : VIA Rail Canada Inc. c. Office national des transports, [2001] 2 C.F. 25 (ci-après la décision de la Cour). La Cour a déterminé que les raisons invoquées par l'ONT dans sa décision et son arrêté pour déterminer que la section 13-D du tarif de VIA avait constitué un obstacle abusif étaient insuffisantes. La Cour a décrété que les raisons invoquées par l'ONT ne contenaient pas d'indications suffisantes sur le processus de raisonnement que l'ONT aurait pu suivre ou sur les facteurs que l'ONT aurait pu juger pertinents. La Cour a également suggéré une liste de facteurs au sujet des voyageurs ayant une déficience et de VIA que l'ONT aurait pu juger pertinents et qu'il aurait dû soupeser l'un contre l'autre pour déterminer si l'obstacle était abusif.
Pour les voyageurs ayant une déficience, ces facteurs sont :
- La difficulté de trouver un accompagnateur qui est en mesure d'aider la personne ayant une déficience à monter dans le train;
- La difficulté de trouver un accompagnateur désireux d'aider la personne ayant une déficience à monter dans le train;
- L'importance pour la dignité des personnes d'être capables de voyager de la façon la plus autonome possible et le droit de celles-ci à des transports accessibles.
Pour ce qui est de VIA, les facteurs pertinents peuvent être rangés dans deux catégories, savoir les facteurs opérationnels et les facteurs économiques et commerciaux, notamment :
- La disponibilité raisonnable du personnel et de l'équipement nécessaires pour aider à l'embarquement et au débarquement du train;
- Le temps que prend l'assistance pour l'embarquement et le débarquement;
- Les conséquences sur l'horaire des trains du temps qu'il faut prévoir pour faire monter les personnes ayant une déficience;
- L'effet sur tous les passagers des retards attribuables à l'embarquement des personnes ayant une déficience;
- L'effet des retards imprévus sur la confiance des passagers et le maintien de la viabilité du service de voyageurs de VIA;
- La capacité de VIA de retenir les services d'employés occasionnels pour aider à l'embarquement et au débarquement, compte tenu des conventions collectives auxquelles VIA est partie;
- La nécessité de former et d'assurer suffisamment les employés occasionnels chargés de cette tâche;
- Le coût du personnel additionnel pour l'embarquement des personnes ayant une déficience, plus particulièrement aux petites gares où l'effectif est réduit.
En conséquence, la Cour a annulé la décision et l'arrêté de l'ONT et a déféré la question à une formation composée différemment pour qu'il mène une nouvelle enquête sur la section 13-D du tarif de VIA. La Cour a demandé à l'Office des transports du Canada (L'Office national des transports a été remplacé par l'Office des transports du Canada lors de l'adoption de la Loi sur les transports au Canada (LTC) le 1er juillet 1996.) (ci-après l'Office) de donner la possibilité aux parties de produire des preuves et de présenter des observations sur la question en litige.
Conformément au jugement de la Cour, l'Office a nommé un panel constitué d'autres membres et, par la décision no LET-AT-R-28-2001 du 22 janvier 2001, a ouvert les actes de procédure et a invité VIA et M. Lemonde à lui faire part de leurs commentaires. L'Office a sollicité des remarques sur les facteurs mentionnés par la Cour dans son jugement au sujet des intérêts respectifs de l'industrie et des consommateurs et sur d'autres questions que l'Office a estimé pertinentes pour la nouvelle enquête et sur toutes autres questions jugées pertinentes par les parties.
Par lettre du 22 février 2001, VIA a soutenu, en dépit de l'ordre de la Cour d'ouvrir une nouvelle enquête sur la question de la section 13-D du tarif de VIA, que l'Office n'a pas la compétence nécessaire pour procéder à cette enquête en vertu de l'article 172 de la Loi sur les transports au Canada, L.C. (1996), ch. 10 (ci-après la LTC). Le transporteur a soutenu que :
- l'Office ne doit pas donner suite à la demande de M. Lemonde car il n'y a pas de plaignant;
- l'Office ne doit pas assumer la compétence d'ouvrir une nouvelle enquête en vertu de l'article 172 de la LTC sans une plainte justifiée et sans preuves à l'appui de cette plainte;
- aucune preuve n'a été produite selon laquelle il y a un obstacle et, de fait, on a même la preuve du contraire;
- compte tenu des faits présentés par VIA sur sa situation financière, des coûts de modification du tarif, du peu de plaintes et de l'absence de preuves, il n'y a pas d'« obstacle abusif ».
Par la décision no LET-AT-R-146-2001 du 21 mars 2001, l'Office a confirmé qu'il avait la compétence pour ouvrir une nouvelle enquête. Par la décision no LET-AT-R-147-2001 émise à cette même date, l'Office a enjoint à VIA de lui faire parvenir ses commentaires sur les questions, notamment sur les huit questions identifiées par la Cour.
Le 12 avril 2001, VIA a soumis ses commentaires sur les questions soulevées dans la décision du 21 mars 2001 de l'Office. Pour ce qui est de la décision prise par l'Office au sujet de la compétence, VIA a déclaré qu'elle se réservait le droit d'interjeter appel de ces décisions après avoir examiné la décision de l'Office à l'issue de la nouvelle enquête.
En l'absence de plaidoiries du demandeur, le personnel de l'Office a publié un rapport sur les intérêts des personnes ayant une déficience qui se déplacent en fauteuil roulant en ce qui concerne les voyages à bord de VIA Rail Canada Inc. (ci-après le Rapport du personnel). Ce rapport a été préparé afin de déterminer les intérêts de la collectivité des personnes ayant une déficience qui utilisent un fauteuil roulant.
Par la décision no LET-AT-R-464-2001 du 30 novembre 2001, l'Office a remis à VIA une copie du Rapport du personnel et lui a demandé de formuler ses commentaires à ce sujet.
Le 28 février 2002, VIA a fait part de ses commentaires sur le Rapport du personnel en soulevant une série d'objections. Dans ce document, VIA a rejeté toutes les déclarations que contenait le Rapport du personnel.
QUESTION
La partie de la section 13-D du tarif de VIA qui a été l'objet de la décision et de l'arrêté se lit comme suit :
1. (ii) L'accompagnateur d'une personne ayant une déficience doit être en mesure de l'aider à l'embarquement et au débarquement et de veiller à ses besoins personnels pendant le voyage.
Dans la présente décision, l'Office doit déterminer si la disposition que contient la section 13-D du tarif de VIA, qui précise que l'accompagnateur doit être en mesure d'aider à l'embarquement et au débarquement des personnes ayant une déficience qui utilisent des aides à la mobilité comme des fauteuils roulants, constitue un obstacle abusif aux possibilités de déplacement de ces personnes et, le cas échéant, les mesures correctives qui doivent être prises.
Dans son examen, l'Office devra étudier la question selon laquelle le tarif de VIA n'impose pas l'obligation d'être accompagné d'un accompagnateur. Toutefois, lorsqu'un billet est vendu pour le transport d'un accompagnateur, le tarif de VIA stipule que l'accompagnateur doit être en mesure d'aider la personne ayant une déficience à monter dans le train et à en descendre. Dans cette décision, l'Office emploiera le terme « accompagnateur » au sens que lui donne VIA dans son tarif, c'est-à-dire toute personne qui n'est pas employée par VIA et pour qui la personne ayant une déficience doit faire les arrangements.
L'Office estime que la question principale, soit de déterminer si la section 13-D du tarif de VIA constitue un obstacle abusif, exige également une analyse des questions connexes suivantes :
- la politique de VIA sur l'aide à l'embarquement et au débarquement des personnes en fauteuil roulant;
- la manière dont la politique est énoncée dans le tarif du transporteur.
POSITIONS DES PARTIES
M. Lemonde a préféré ne présenter ni preuves ni observations.
VIA a fait part de ses commentaires et a fourni des renseignements sur les questions en litige dans ses lettres du 12 avril 2001 et du 28 février 2002. La position de VIA est résumée dans la section qui suit.
La Loi de 1987 sur les transports nationaux
VIA souligne la directive donnée par la Cour selon laquelle « l'Office doit d'abord examiner les objectifs de la Loi de 1987 sur les transports nationaux énoncés à l'article 3 de la Loi de 1987 sur les transports nationaux (« NTA ») ». Cet article prévoit que le réseau national de transport doit être rentable, viable et efficace et répondre aux besoins de tous les voyageurs, y compris des personnes ayant une déficience.
VIA est d'avis que l'emploi de l'expression « dans la mesure du possible » à l'article 3 de la Loi de 1987 sur les transports nationaux (ci-après la LTN 1987) témoigne du fait que l'objectif du Parlement est de concilier des facteurs conflictuels, à savoir les intérêts des transporteurs et ceux des passagers, pour déterminer s'il existe un obstacle abusif aux possibilités de déplacement des personnes ayant une déficience.
La disponibilité raisonnable du personnel et de l'équipement nécessaires pour aider à l'embarquement et au débarquement du train; le coût du personnel additionnel pour l'embarquement des personnes ayant une déficience, plus particulièrement aux petites gares où l'effectif est réduit
VIA a transporté 3,95 millions de voyageurs et en a embarqué et débarqué 14 605 797 en l'an 2000. D'après les demandes de services spéciaux que reçoit la compagnie, VIA estime que moins de 0,1 % des 3,95 millions de voyageurs transportés cette année-là étaient des personnes ayant une déficience, dont la majorité se déplaçaient en fauteuil roulant et nécessitaient une aide à l'embarquement et au débarquement.
Les statistiques fournies par VIA sur le volume de voyageurs par gare avec des données sur l'accessibilité en l'an 2000 se ventile comme suit :
- gares pourvues de personnel de VIA et de quais surélevés : 2
- gares pourvues de personnel de VIA et d'un appareil de levage pour fauteuils roulants : 43
- gares pourvues d'un agent contractuel et d'un appareil de levage pour fauteuils roulants : 4
- gares pourvues de personnel de VIA mais sans appareil de levage pour fauteuils roulants : 7
- gares pourvues d'un agent contractuel mais sans appareil de levage pour fauteuils roulants : 28
- gares dépourvues de personnel de VIA, d'agent contractuel ou d'appareil de levage pour fauteuils roulants : 311
Nombre total de gares : 395
Les 49 gares des catégories (a), (b) et (c), qui englobent celles qui desservent les grands marchés et les marchés de moindre importance, ont embarqué et débarqué 7 082 245 voyageurs en l'an 2000, ce qui représente 48,5 % du trafic total de voyageurs embarqués et débarqués par VIA cette année-là. Les 35 gares qui appartiennent aux catégories (d) et (e) desservent d'importants marchés ainsi que les localités éloignées au Canada. Les 311 gares de la catégorie (f) desservent pour la plupart des régions éloignées du pays, notamment le nord des provinces.
Pour ce qui est des appareils de levage pour fauteuils roulants, VIA déclare que ses dépenses d'investissement au titre de l'accessibilité sont limitées par son budget d'immobilisations actuel. Ce budget traduit la baisse appréciable des subventions publiques attribuées à VIA ces dernières années, notamment dans des secteurs comme les améliorations à l'infrastructure, les achats de locomotives et de voitures de chemin de fer, sans oublier les dépenses d'exploitation et de sécurité. VIA fait valoir que le rapport de juin 1998 du Comité permanent des transports précisait que chaque fois qu'un train quitte la gare, VIA Rail perd de l'argent. VIA soutient néanmoins qu'en dépit des restrictions financières dont elle est l'objet, les biens d'équipement qui ont été mis à sa disposition lui suffisent à répondre à toute préoccupation sur l'assistance raisonnable prêtée aux personnes ayant une déficience.
En ce qui a trait au personnel, les employés comme les employés dans les trains et les bagagistes suivent une formation sur les techniques de levage manuel. Selon VIA, les employés dans les trains, qui ne peuvent être tenus de soulever chacun des poids supérieurs à 75 lb en vertu des règlements de sécurité, portent des voyageurs ayant une déficience pour les aider à embarquer et à débarquer, sous réserve d'une limite maximale confondue de 225 lb (trois employés) pour le voyageur et son aide à la mobilité. Ces employés sont qualifiés pour prêter assistance aux personnes en fauteuil roulant pour qu'elles puissent passer du siège de la voiture de chemin de fer à leur fauteuil roulant et les aider à embarquer et à débarquer aux gares dépourvues d'un appareil de levage pour fauteuils roulants. La formation porte, entre autres choses, sur les techniques de levage et de transport des personnes à mobilité réduite, aussi bien sans fauteuil roulant (ce qui nécessite deux employés) qu'avec un fauteuil roulant (ce qui nécessite trois employés). VIA ajoute que, malheureusement, cette assistance ne peut être fournie dans tous les cas étant donné que les trains n'ont pas tous plus d'un employé à bord.
VIA affirme que lorsque des clients en fauteuil roulant souhaitent embarquer et débarquer dans une gare qui n'est pas équipée d'un appareil de levage mécanique ou d'un quai surélevé, VIA offre alors diverses options comme un autre moyen de transport jusqu'à la prochaine gare qui en est équipée, le levage manuel (sous réserve de certaines conditions), ou un autre moyen de transport pour la totalité du trajet. Le transporteur est d'avis que ces options représentent un équilibre raisonnable entre les besoins des voyageurs et les ressources et les dépenses du transporteur.
La capacité de VIA de retenir les services d'employés occasionnels pour aider à l'embarquement et au débarquement, compte tenu des conventions collectives auxquelles VIA est partie; la nécessité de former et d'assurer suffisamment les employés occasionnels chargés de cette tâche
Lorsque des gares ne sont pas pourvues de personnel, d'appareils de levage mécanique ou de quais surélevés, VIA est d'avis qu'il est difficile de trouver des employés qualifiés pour prêter une assistance sécuritaire à l'embarquement et au débarquement au nombre peu élevé de voyageurs nécessitant un tel service. En outre, VIA est d'avis que les coûts qui en résulteraient sont injustifiés.
VIA déclare, au sujet des gares dotées en personnel, que le travail relève de ces employés et ne peut être sous-traité, à moins d'exceptions énoncées dans les conventions collectives. VIA affirme en outre que, nonobstant l'interdiction qui existe dans les conventions collectives, la nécessité d'engager à contrat des travailleurs occasionnels entraînerait pour le transporteur une situation économique extrêmement difficile. Dans les gares pourvues d'effectifs, VIA prétend qu'il lui faudrait rappeler au travail ses employés qualifiés pour qu'ils fassent des heures supplémentaires, ce qui, compte tenu des coûts connexes, est excessif lorsqu'il s'agit de fournir le service à un seul voyageur.
VIA affirme que d'autres employés occasionnels classés comme employés contractuels à long terme (Par opposition à « agents contractuels » dans les gares appartenant aux catégories (c) et (e).) suivent la même formation que le personnel de VIA dans des domaines autres que les services à la clientèle, car il s'agit principalement de préposés à l'entretien qui n'entretiennent pas de rapports avec les voyageurs. C'est pourquoi la formation de ces employés en matière d'accessibilité n'est pas jugée nécessaire ou économique.
Le temps que prend l'assistance pour l'embarquement et le débarquement; les conséquences sur l'horaire des trains du temps qu'il faut prévoir pour faire monter les personnes ayant une déficience; l'effet sur tous les passagers des retards attribuables à l'embarquement des personnes ayant une déficience; l'effet des retards imprévus sur la confiance des passagers et le maintien de la viabilité du service de voyageurs de VIA
Selon VIA, le fait d'aider un voyageur en fauteuil roulant à embarquer dans un train ou à en débarquer au moyen d'un appareil mécanique entraîne un retard d'environ cinq minutes qui vient s'ajouter au temps d'arrêt régulier du train en gare de deux minutes. Ce retard est d'autant plus long quand il y a plus d'un voyageur en fauteuil roulant qui a besoin d'aide pour embarquer dans le train ou en débarquer. À titre de comparaison, VIA affirme que le fait de fournir l'aide à une personne malvoyante n'entraîne généralement aucun retard.
VIA affirme que la ponctualité est un élément important de son service et que, si le transporteur ne peut garantir un service ponctuel, cela dissuadera les voyageurs d'emprunter le train et aura un effet néfaste sur ses recettes. Les retards ont des répercussions directes sur l'exploitation des trains de voyageurs réguliers, car les voyageurs risquent de manquer leur correspondance aux principales gares pivots, ce qui incommode tous les voyageurs. En outre, étant donné que les voies empruntées par les trains de VIA sont partagées avec d'autres exploitants de trains, VIA déclare que tout retard dans l'horaire de ses trains a pour effet de « désynchroniser » la circulation de ses trains avec celle des autres trains, ce qui risque de compromettre la sécurité de ses opérations.
Les expressions « dans la mesure du possible », « obstacle » et « abusif » que l'on trouve dans la LTN 1987.
VIA est d'avis que son tarif ne constitue pas un obstacle et, en guise de preuve, VIA souligne l'absence de plaintes des consommateurs et l'absence de demande de la part du public que le tarif soit modifié. Selon VIA, l'existence du tarif confère de la flexibilité à la fois à VIA et aux voyageurs, et facilite le dialogue pour déterminer le meilleur moyen d'aider les voyageurs selon les circonstances qui prévalent à un arrêt particulier sur son réseau. VIA affirme que son tarif ne peut être étudié isolément, mais en association avec d'autres questions comme ses politiques, ses obligations opérationnelles et l'attitude de son personnel.
VIA affirme faire tous les efforts raisonnables pour aider les personnes ayant une déficience, sans aucune garantie toutefois lorsque les circonstances manquent de réalisme, qu'elles sont trop coûteuses pour le transporteur ou qu'elles constituent une transgression déraisonnable d'importantes demandes de main-d'œuvre et d'exploitation ou d'autres aspects. VIA estime donc que, même si l'Office détermine qu'il y a un obstacle « théorique », un tel obstacle n'est pas abusif en ce sens que son élimination créerait un préjudice déraisonnable pour le transporteur sur le plan financier, commercial et opérationnel. En outre, VIA soutient que l'accessibilité globale de son réseau est raisonnable et que le transporteur prête une assistance dans la mesure possible et qu'elle est raisonnable sur le plan économique sans être tenu dans les cas impossibles de prêter assistance à une personne ayant une déficience.
Le Code de pratiques sur l'accessibilité des voitures de chemin de fer et les conditions de transport ferroviaire des personnes ayant une déficience de l'Office.
Le Code de pratiques sur l'accessibilité des voitures de chemin de fer et les conditions de transport ferroviaire des personnes ayant une déficience (ci-après le code de pratiques pour le transport ferroviaire) (Voir le code à l'adresse http://www.cta-otc.gc.ca/access/codes/rail/index_f.html), publié par l'Office en février 1998, prévoit que, même si les transporteurs ferroviaires doivent prêter assistance à l'embarquement et au débarquement, ils peuvent, au moment de la réservation, demander si les amis ou les accompagnateurs du voyageur ayant une déficience peuvent aider au besoin son personnel à faire embarquer et débarquer ce dernier.
VIA soutient que la disposition du code de pratiques pour le transport ferroviaire au sujet de l'assistance à l'embarquement et au débarquement et son tarif se complètent l'un et l'autre en ce sens qu'ils offrent une plus grande flexibilité dans le type d'assistance, selon les conditions qui prévalent à un arrêt en route, comme l'absence de personnel et/ou d'un appareil de levage mécanique. VIA est d'avis que les dispositions confondues représentent un équilibre raisonnable entre les besoins des consommateurs et les ressources et les dépenses du transporteur. VIA fait valoir que le code de pratiques pour le transport ferroviaire est volontaire et qu'il doit être interprété comme une norme et non pas comme une exigence rigide.
Le tarif et les politiques de VIA
VIA a produit les documents suivants à l'appui de sa position : la section 13-D du tarif de VIA, une brochure intitulée « Services offerts aux voyageurs ayant des besoins spéciaux » et la politique de VIA sur les besoins spéciaux.
Le tarif
La disposition pertinente du tarif prévoit ce qui suit :
1. (ii) [...] L'accompagnateur d'une personne ayant une déficience doit être en mesure de l'aider à l'embarquement et au débarquement et de veiller à ses besoins personnels pendant le voyage.
La brochure de VIA intitulée « Services offerts aux voyageurs ayant des besoins spéciaux »
Les dispositions suivantes ont un rapport avec la présente enquête :
VIA accepte la déclaration d'autonomie des voyageurs. Les clients non autonomes qui ne peuvent pourvoir à leurs besoins personnels (repas, soins médicaux et hygiène personnelle) doivent être accompagnés d'une personne apte à veiller sur eux. Comme le personnel de VIA ne peut offrir ces prestations, l'accompagnateur voyage gratuitement et occupe le même type de place que le client. Les personnes désireuses de se prévaloir de ce service doivent présenter un certificat médical ou une attestation de leur incapacité de voyager seules émise par une institution ou une association dont elles sont membres. (Voir la liste partielle des organismes reconnus aux pages 14 à 17). En plus de pourvoir aux besoins personnels du voyageur, l'accompagnateur devra être capable de prêter assistance à nos employés à l'embarquement, au débarquement et pour le transfert du voyageur à son siège.
Dans les trains de VIA, les voyageurs peuvent utiliser leur propre fauteuil roulant ou être transférés à un siège.
Les clients en fauteuil roulant peuvent être montés à bord du train à l'aide d'un élévateur spécial dans la plupart des gares du Corridor et aux principales gares sur les liaisons transcontinentales (adressez-vous à notre BVT pour connaître les gares dotées de ces appareils) ou avec l'aide du personnel à la plupart des autres arrêts. L'équipe de bord s'efforcera de leur dispenser l'aide nécessaire, mais ils doivent eux-mêmes prendre des dispositions pour obtenir de l'aide à l'embarquement et au débarquement dans les gares non pourvues d'élévateurs.
La politique de VIA sur les besoins spéciaux
On trouvera ci-après des extraits pertinents de la Politique de VIA sur les besoins spéciaux. Le soulignement a été ajouté par VIA :
(Traduction)
Accompagnateurs :
- Un accompagnateur doit accompagner toute personne ayant une déficience qui ne peut subvenir à ses besoins personnels (alimentation, soins médicaux, hygiène corporelle) en route. VIA acceptera la déclaration du voyageur sur son degré d'autonomie ou non [...]
- L'accompagnateur doit être capable d'aider le voyageur ayant une déficience à monter à bord du train/en descendre, de s'occuper de toutes les formalités nécessaires et de subvenir aux besoins personnels et au bien-être du voyageur ayant une déficience pendant tout le voyage.
Assistance personnelle à bord :
- Les employés dans les trains peuvent apporter [...] aux clients qui ont des besoins spéciaux [...] une aide à l'embarquement et au débarquement (ces voyageurs doivent prévoir leur propre assistance s'ils voyagent sur les routes desservant le Grand Nord).
Codes DSS (DSS : demande de services spéciaux) :
- Le client doit monter à bord du train dans un fauteuil roulant, s'il y en a un, un appareil de levage (BASR) (BASR : le code de VIA pour indiquer le besoin d'un appareil de levage) sera utilisé ou il faudra trois personnes pour porter manuellement le client et l'installer dans son fauteuil.
Accès des trains aux clients en fauteuil roulant :
- Lorsqu'un client en fauteuil roulant souhaite embarquer dans un train ou en débarquer dans une gare qui n'est pas équipée d'un appareil de levage mécanique ou d'un quai surélevé, VIA lui offre alors diverses options, comme un autre moyen de transport jusqu'à la gare suivante qui en est équipée, le levage manuel (sous réserve de certaines conditions), ou un autre moyen de transport sur toute la longueur du trajet.
- Le client est-il en mesure et désireux d'être transféré dans un fauteuil roulant de bord pour embarquer/débarquer, et le poids du client et du fauteuil roulant, pris séparément, est-il dans chaque cas inférieur à 225 lb?
- Les groupes nombreux (comme les équipes sportives en fauteuil roulant) qui souhaitent embarquer/débarquer à un arrêt intermédiaire sont tenus de fournir leur propre assistance à l'embarquement/débarquement, même si un appareil de levage est disponible, en raison de la durée de fonctionnement de l'appareil de levage. Si cette option est inacceptable aux yeux du groupe, il est alors possible de lui offrir un autre moyen de transport sur un tronçon ou sur toute la longueur du trajet.
- REMARQUE : Il arrive que VIA soit incapable de subvenir aux besoins de transport des clients qui utilisent un fauteuil roulant en dépit d'avoir fait tout ce qui était en son pouvoir pour satisfaire à la demande des clients.
Fauteuils roulants :
- Les clients qui se déplacent en fauteuil roulant électrique ou un triporteur ne peuvent embarquer/débarquer que dans les gares équipées d'un appareil de levage pour fauteuils roulants ou si le train est au même niveau que le quai (c.-à-d. Montréal et Québec). Veuillez vous assurer que les gares sont ainsi équipées. Les dimensions de l'appareil de levage sont de 60 po sur 33 po et le poids maximal est de 600 lb. (Veuillez également consulter la section des bagages des voyageurs ayant une déficience.)
Fauteuils roulants - Levage manuel :
- Sur les trains transcontinentaux, les clients en fauteuil roulant manuel qui montent à bord du train ou en descendent dans des gares sans appareil de levage doivent prendre des dispositions pour que des amis/personnes en bonne forme physique soient là pour lever manuellement leur fauteuil roulant à ces arrêts au cas où des employés de VIA ne seraient pas disponibles pour le faire. Un seul employé de VIA n'est pas tenu de soulever un poids de plus de 34 kg (75 lb).
- Sur les dessertes ferroviaires régionales/éloignées, le levage manuel n'est pas disponible dans les gares sans appareil de levage. Les clients doivent donc fournir leur propre assistance.
QUESTIONS PRÉLIMINAIRES
Le 30 novembre 2001, l'Office a demandé à VIA de lui faire part de ses commentaires sur le Rapport du personnel. VIA a fait part de ses commentaires le 28 février 2002 dans un mémoire intitulé « Réponse de VIA Rail Canada Inc. à la décision de la Cour d'appel fédérale rendue par suite de l'appel interjeté par VIA Rail Canada Inc. relativement à la décision no 791-R-1995 et à l'arrêté no 1995-R-491 », qui comportait une série d'objections. L'Office traitera de ces objections avant de se demander si le tarif de VIA constitue un obstacle abusif.
Caractère théorique
VIA soutient que Jean Lemonde a retiré sa demande et, en se fondant sur la décision de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Borowski c. Canada (Procureur général) [1989] 1 R.C.S. 342 (ci-après l'affaire Borowski) soutient qu'il n'existe pas de litige actuel. VIA est d'avis que l'Office ne doit pas poursuivre cette affaire.
Pour répondre à cette objection, l'Office entend suivre la démarche suggérée par la Cour suprême du Canada dans l'affaire Borowski :
La démarche suivie dans des affaires récentes comporte une analyse en deux temps. En premier, il faut se demander si le différend concret et tangible a disparu et si la question est devenue purement théorique. En deuxième lieu, si la réponse à la première question est affirmative, le tribunal décide s'il doit exercer son pouvoir discrétionnaire et entendre l'affaire. La jurisprudence n'indique pas toujours très clairement si le mot « théorique » (moot) s'applique aux affaires qui ne comportent pas de litige concret ou s'il s'applique seulement à celles de ces affaires que le tribunal refuse d'entendre. Pour être précis, je considère qu'une affaire est « théorique » si elle ne répond pas au critère du « litige actuel ». Un tribunal peut de toute façon choisir de juger une question théorique s'il estime que les circonstances le justifient.
La Cour a enjoint à l'Office d'ouvrir une nouvelle enquête au sujet du tarif. L'Office est tenu de donner aux parties la possibilité de produire des preuves et de présenter des observations sur la question en litige (soulignement ajouté). Cet ordre de la Cour était nécessaire étant donné que sa décision fait état d'une série de facteurs qui ont un rapport avec l'analyse que doit faire l'Office. Il était donc opportun de donner la chance aux parties de formuler leurs commentaires sur ces facteurs. Dans les circonstances, le fait que M. Lemonde n'ait pas produit de preuves ou d'arguments après y avoir été dûment invité ne peut être assimilé à un abandon de sa demande.
L'Office tient également à signaler que cette question est examinée sous l'angle des dispositions de la LTN 1987. Le paragraphe 63.3(1) de cette loi stipule ce qui suit :
63.3(1) Même en l'absence de disposition réglementaire applicable, l'Office peut, de sa propre initiative, enquêter sur toute question relative à l'un des domaines visés au paragraphe 63.1(1), pour déterminer s'il existe un obstacle indu aux possibilités de déplacement des personnes atteintes de déficience.
Le fait que le tarif soit étudié par l'Office de sa propre initiative est reconnu au paragraphe 27 de la décision de la Cour qui se lit comme suit :
(Traduction)
27. L'Office a déterminé que le tarif était un obstacle dans sa décision de novembre 1994. La décision en appel tient pour acquis cette constatation préalable. La seule partie de la décision de 1994 qui traite des raisons expliquant la décision de l'Office est reproduite au paragraphe 6 ci-dessus. Il vaut la peine de mentionner que le tarif n'était pas l'objet de la plainte initiale déposée par M. Lemonde. Ses dispositions semblent avoir retenu l'attention de l'Office uniquement à la suite de l'allusion que VIA y fait dans sa réponse à la plainte. (soulignement ajouté)
L'Office est d'avis que, même en l'absence d'un litige actuel entre les parties, l'Office ne doit pas être empêché d'exercer ses pouvoirs en vertu du paragraphe 63.3(1) de la LTN 1987. Dans l'affaire 496482 Ontario Inc. c. Canada (Procureur général) [1982] 2 C.F. 629, la Cour fédérale (Section de première instance), dans son analyse de l'article 48 de la Loi sur les transports nationaux, qui prévoyait que le Comité des transports par chemin de fer de la Commission canadienne des transports (ci-après le Comité) peut agir de sa propre initiative, disait ceci :
On se reportera aussi à l'article 48 de la Loi nationale sur les transports, qu'il faut rapprocher de la Loi sur les chemins de fer. Voici l'article :
48. La Commission peut, de son propre mouvement, ou doit, à la demande du Ministre, instruire, entendre et juger toute affaire ou question qu'elle peut, en vertu de la Loi sur les chemins de fer, instruire, entendre et juger sur une demande ou sur une plainte, et, à cet égard, elle a les mêmes pouvoirs que la présente loi lui confère pour statuer sur une demande ou sur une plainte.
Indépendamment de toute demande de suspension par VIA Rail du service en cause par suite de pertes financières résultant de son exploitation, la Commission pouvait, elle-même, de son propre mouvement, enquêter à ce sujet.
Je ne reconnais donc pas comme fondé l'argument voulant que, puisqu'il n'y a eu aucune demande de VIA Rail de mettre fin au service et que le Comité a simplement agi sur la demande initiale du Canadien Pacifique, lequel n'exploite plus le service, et ne subit donc aucune perte, il n'est plus compétent en la matière.
En conséquence, l'Office en déduit que cet acte de procédure n'est pas théorique.
Compte tenu de cette conclusion, il ne semble pas nécessaire de passer à la deuxième étape de l'analyse proposée dans l'affaire Borowski. Toutefois, en référant à l'affaire Borowski, VIA a également suggéré que l'Office n'avait pas la compétence pour poursuivre cette affaire. L'Office ne partage pas cet avis et s'en remet à la deuxième étape de l'analyse préconisée dans l'affaire Borowski pour expliquer pourquoi il lui paraît opportun d'agir ainsi.
Dans le cadre de l'obligation qui leur échoit de faire preuve de diligence raisonnable à l'égard de leurs voyageurs, les transporteurs sont censés prêter assistance aux voyageurs à l'embarquement et au débarquement. Depuis l'adoption des dispositions sur l'accessibilité dans la LTN 1987, l'Office et l'organisme qu'il a remplacé sont d'avis qu'il revient aux transporteurs d'aider les voyageurs ayant une déficience à embarquer à bord des trains et à en débarquer. Les règlements et les décisions de l'Office et les codes de pratiques ayant trait au transport aérien, maritime ou ferroviaire confirment ce fait.
Transport aérien
Pour l'essentiel, les transporteurs aériens sont tenus de fournir l'assistance dont a besoin une personne ayant une déficience pour lui permettre de monter à bord d'un aéronef et d'en débarquer. Les transporteurs intérieurs qui exploitent des aéronefs moyens et de gros aéronefs sont tenus de fournir cette assistance en vertu du paragraphe 147(1) de la partie VII du Règlement sur les transports aériens, DORS/88-58, modifié (ci-après le RTA), qui énonce les conditions et modalités de transport des personnes ayant une déficience. L'Office a rendu plusieurs décisions au sujet du manquement des transporteurs aériens à fournir l'assistance selon le RTA (Voir par exemple décision de l'Office no 151-AT-A-2000 (Pamplin c. Air Canada) et décision de l'Office no640-AT-A-1999 (Clark-Dunning c. Lignes aériennes Canadien International Ltée).).
Le niveau d'assistance dont a besoin une personne ayant une déficience dépend dans une large mesure de la nature de l'embarquement nécessaire. Par exemple, lorsqu'un transporteur aérien fait monter les passagers à bord d'un gros aéronef, il utilise presque toujours une passerelle d'embarquement, qui oblige le transporteur à effectuer le transfert de la personne de son fauteuil roulant à un fauteuil d'embarquement, de faire monter le fauteuil d'embarquement à bord de l'aéronef et d'aider la personne à passer du fauteuil d'embarquement à son siège dans l'aéronef. De la sorte, il n'y a pratiquement aucune opération de levage, mise à part celle qui est nécessaire pour effectuer le transfert du passager de son propre fauteuil roulant à un fauteuil d'embarquement puis à son siège dans l'aéronef. Toutefois, lorsqu'un transporteur aérien fait monter des passagers à bord d'un aéronef à l'aide d'une passerelle extérieure, outre les transferts susmentionnés, de nombreuses opérations de levage manuel peuvent être requises pour porter le passager de son fauteuil d'embarquement sur l'aire de trafic, lui faire monter les escaliers et l'asseoir dans un fauteuil d'embarquement à bord de l'aéronef.
Les employés des transporteurs aériens suivent une formation, en vertu de l'article 5 du Règlement sur la formation du personnel en matière d'aide aux personnes ayant une déficience, DORS/94-42 (ci-après le Règlement sur la formation), pour pouvoir exécuter ces opérations de levage manuel et de transfert d'une manière qui assure à la fois la dignité et la sécurité de l'employé et du passager.
Dans le cas des voyages en train, il n'existe pas de règlement qui oblige VIA à fournir une assistance à l'embarquement et au débarquement aux voyageurs ayant une déficience, mais l'Office prend note du code de pratiques volontaires pour le transport ferroviaire qui prévoit qu'un transporteur ferroviaire doit notamment fournir une assistance à l'embarquement et au débarquement même s'il peut demander au moment des réservations si des amis ou des accompagnateurs du voyageur pourront aider le personnel du transporteur, au besoin, à faire monter le voyageur à bord du train et à l'en faire descendre. En outre, les employés des transporteurs ferroviaires ont eux aussi suivi une formation, en vertu du Règlement sur la formation, sur les techniques de levage manuel et de transfert d'une manière qui assure à la fois la dignité et la sécurité de l'employé et du voyageur.
Le niveau d'assistance à l'embarquement et au débarquement dont ont besoin les voyageurs ayant une déficience qui utilisent un fauteuil roulant et qui empruntent les trains de voyageurs de VIA varie selon les caractéristiques d'accessibilité de chaque gare. VIA semble reconnaître ce fait dans ses politiques, mais pas dans son tarif, comme nous le verrons plus en détail ci-dessous.
Toutefois, l'Office reconnaît qu'il existe des différences entre l'industrie du transport ferroviaire et celle du transport aérien. Le transport aérien est une industrie à forte densité de main-d'œuvre aussi bien dans l'aérogare qu'à bord des aéronefs, capables de fournir de l'aide aux passagers, y compris aux personnes ayant une déficience. L'industrie ferroviaire, en revanche, est structurée différemment et est à beaucoup moins forte densité de main-d'œuvre. Cela est attesté par le fait que la majorité des gares, soit 311 sur 395, n'ont pas d'effectifs et que certains trains ne comptent qu'un employé à bord pour prêter assistance à tous les voyageurs.
Transport maritime
Le 14 juin 1999, l'Office a lancé le code de pratiques pour les traversiers (Voir le code à l'adresse http://www.cta-otc.gc.ca/access/codes/ferry/index_f.html) dont le but est d'améliorer les possibilités de déplacement des personnes ayant une déficience. Ce document est le fruit de consultations entre les personnes ayant une déficience, les exploitants de traversiers et les organismes gouvernementaux. Le code de pratiques pour les traversiers, qui s'applique aux traversiers transportant des passagers ou des passagers et des véhicules et dont la jauge brute est égale ou supérieure à 1 000 tonnes, fixe les normes minimales d'accessibilité que l'industrie s'est engagée à respecter. Il s'agit d'une approche volontaire de l'application des normes d'accessibilité. Toutefois, l'Office s'est engagé à surveiller de près la façon dont les exploitants de traversiers appliquent le code de pratiques pour les traversiers. En général, ces directives devaient être suivies par tout traversier en service ou entré en service après le 1er janvier 2002. De plus, depuis le 1er septembre 1999, chaque exploitant est tenu de fournir un fauteuil roulant par pont de passagers.
Le code de pratiques pour les traversiers prévoit en outre qu'à compter du 1er janvier 2002, si un traversier compte plus d'un pont, il devra être équipé d'au moins un ascenseur accessible aux personnes ayant une déficience, notamment à celles qui se déplacent en fauteuil roulant, pour assurer le service entre un pont pour véhicules et tous les ponts de passagers, à l'exception du pont supérieur d'observation découvert. (En règle générale, les ascenseurs ne desservent pas le pont supérieur d'observation ouvert.) La cabine d'ascenseur doit être complètement recouverte de manière à la protéger, elle et l'appareil de levage mécanique, des intempéries. Si la structure d'un traversier empêche l'installation d'un ascenseur accessible, selon les stipulations du code de pratiques pour les traversiers, l'exploitant doit alors étudier la possibilité d'installer un autre type d'appareil de levage permettant aux personnes ayant une déficience d'accéder aux divers ponts du traversier. Quoi qu'il en soit, l'exploitant du traversier doit fournir une assistance, en cas de besoin, à une personne ayant une déficience pour qu'elle ait accès à n'importe quel pont ouvert au public.
Dans la décision de l'Office no 112-AT-W-2001 (LeBlanc c. Marine Atlantique SCC), l'Office a reconnu qu'il existait des limites à la mise en œuvre du code de pratiques volontaires pour les traversiers tout en invitant les exploitants à s'y conformer du mieux qu'ils peuvent :
L'Office est d'avis que les exploitants de traversiers doivent tout mettre en œuvre pour assurer, dans la mesure du possible, le plus haut niveau d'accessibilité à l'égard des navires qu'ils exploitent, qu'ils appartiennent à leur flotte ou qu'ils soient loués. Les personnes ayant une déficience doivent avoir accès aux mêmes services et installations à bord des navires, si possible. Tout en tenant compte des contraintes opérationnelles et financières de l'industrie, l'Office est conscient, toutefois, du fait que les modifications apportées à l'équipement de transport, surtout d'ordre structural comme l'installation d'un ascenseur, doivent se faire progressivement. Ainsi, l'Office accorde à l'industrie des traversiers jusqu'au 1er janvier 2002 pour satisfaire aux exigences du Code de pratiques volontaires.
Transport ferroviaire
Avant même que les dispositions sur l'accessibilité ne soient adoptées dans la LTN 1987, le Comité (un des organismes que l'Office a remplacés) a examiné la question des accompagnateurs. Dans l'affaire Re Miss Clariss Kelly, [1980] C.T.C.R 528 (Clariss Kelly), le Comité a été invité à évaluer l'exigence figurant dans le tarif de VIA qui s'appliquait alors et selon laquelle les personnes autonomes ayant une déficience devaient être accompagnées en tout temps d'un accompagnateur. Le Comité a examiné la question en vertu de l'article 281 de la Loi sur les chemins de fer, S.R.C. 1970, ch. R-2, et plus particulièrement, si cette disposition du tarif portait préjudice à l'intérêt public. Même si l'analyse s'est faite en vertu d'une disposition différente pour permettre un recours différent de celui qui était prévu dans la LTN 1987, certaines des remarques et conclusions du Comité ont un rapport avec la question sur laquelle l'Office est aujourd'hui appelé à se prononcer :
(Traduction)
Nous avons entendu le témoignage de Mlle Kelly et de M. Derksen qui sont tous deux des personnes réellement très indépendantes et mènent une vie non seulement active mais féconde. Nous sommes d'avis que le tarif, tel qu'il est actuellement appliqué, c'est-à-dire exigeant que les handicapés voyagent en la compagnie d'une escorte, a des effets négatifs sur la variété et la qualité des services de voyageurs. Nous avons entendu à plusieurs reprises comment il interdisait à ces personnes de voyager en train parce qu'il leur était impossible ou impraticable de se faire accompagner d'une escorte. Le tarif empêche donc ces personnes de mener une vie indépendante et a pour résultat d'interdire à la société dans son ensemble de tirer profit de leurs talents.
(...)
Au cours de leur témoignage, Mlle Kelly et M. Derksen nous ont convaincu que le fait d'obliger des personnes indépendantes et autonomes à voyager en compagnie d'une escorte constituait un obstacle à leurs déplacements en train. On nous a en effet expliqué combien il était difficile de prendre des dispositions en vue de se faire accompagner et combien il était peu pratique et surtout excessivement cher d'offrir le gîte et le couvert à ces escortes une fois arrivé à destination.
En février 1998, l'Office a publié le code de pratiques pour le transport ferroviaire. À l'instar du code de pratiques pour les traversiers, celui-ci n'est pas juridiquement contraignant. Toutefois, le processus qui a conduit à son élaboration témoigne de son approbation générale (Voir le code à l'adresse http://www.cta-otc.gc.ca/access/codes/rail/index_f.html).
L'Office a rédigé ce Code en étroite collaboration avec son Comité consultatif sur l'accessibilité. Ce comité regroupe des représentants d'associations de personnes ayant une déficience, ainsi que des représentants de l'industrie, de fabricants et de divers ministères. Il a pour mandat de contribuer à l'élaboration des règlements et des normes de l'Office sur l'accessibilité des transports.
Dans la décision de l'Office no 632-AT-R-1998 (Pistell c. VIA Rail Canada Inc.) l'Office a examiné la question des renseignements fournis par VIA aux personnes en fauteuil roulant sur l'île de Vancouver, sans toutefois aborder la question des accompagnateurs :
En se fondant sur les observations de Mme Pistell, l'information qu'elle a obtenue lorsqu'elle a communiqué avec le service de réservations téléphoniques était insuffisante. Ainsi, elle n'a pu savoir quel était le niveau d'accessibilité des services, quelles conditions étaient liées à cette accessibilité ou quelles autres options s'offraient à elle. Ce manque d'information et le fait que Mme Pistell n'a pu voyager comme prévu ont créé un obstacle à ses possibilités de déplacement. Cet obstacle est abusif car il aurait facilement pu être évité si l'information exacte sur l'accessibilité du service avait été fournie.
L'Office est conscient, pour avoir déjà mené des enquêtes concernant VIA, que le transporteur dispose d'un programme de formation en matière de sensibilisation et qu'il a offert des cours initiaux et de recyclage à ses employés à cet égard. Cependant, des situations comme celle qu'a connue Mme Pistell laissent croire que la formation dispensée aux agents au service téléphonique peut être déficiente quant à son contenu et aux renseignements qu'elle présente. L'Office note que VIA introduira un nouveau système de réservation, VIANET, et il juge approprié qu'une copie du matériel de formation sur ce système ainsi qu'une copie de l'horaire de formation de tous ses agents au service téléphonique lui soient fournies.
La question des accompagnateurs revêt une importance cruciale pour les personnes qui utilisent un fauteuil roulant car elle a une incidence directe sur l'accessibilité des services ferroviaires. Il semble que la question des accompagnateurs dans le domaine du transport ferroviaire n'ait pas été soulevée depuis l'affaire Clariss Kelly, soit depuis plus de 20 ans. Compte tenu des règles et des décisions qui existent dans d'autres modes de transport, l'Office juge opportun d'évaluer la situation qui prévaut dans le transport ferroviaire.
Charte et législation sur les droits de la personne
VIA soutient que le mandat de l'Office en vertu de la LTN 1987 est différent du mandat qui découlerait de la Charte ou de la Loi canadienne sur les droits de la personne, 1976-77, ch. 33, art. 1. L'expression « dans la mesure du possible » restreint la portée du droit en vertu de la LTC et réclame un exercice de conciliation fondamentalement différent. Contrairement au contexte des droits de la personne qui présume essentiellement l'existence d'une discrimination et où il incombe à l'exploitant de démontrer que des mesures d'aménagement sont impossibles car elles lui imposeraient un trop lourd fardeau, la LTC prévoit qu'il incombe plutôt au demandeur la charge d'établir que l'obstacle est abusif. VIA en déduit qu'il n'existe pas de droit d'accès en vertu de la LTC.
Dans la décision no 646-AT-A-2001 (Linda McKay-Panos c Air Canada), l'Office a eu l'occasion d'évaluer son mandat législatif. Même si les dispositions étudiées se trouvent à la partie V de la LTC, l'analyse de cette question par l'Office a un rapport avec le cas présent :
La politique nationale des transports du Canada, que l'on trouve à l'article 5 de la LTC, établit clairement que l'un des objectifs de la loi est d'assurer que le réseau fédéral de transport est accessible aux personnes ayant une déficience, sans obstacles abusifs :
5. Il est déclaré que, d'une part, la mise en place d'un réseau sûr, rentable et bien adapté de services de transport viables et efficaces, accessibles aux personnes ayant une déficience, utilisant au mieux et aux moindres frais globaux tous les modes de transport existants, est essentielle à la satisfaction des besoins des expéditeurs et des voyageurs - y compris des personnes ayant une déficience - en matière de transports comme à la prospérité et à la croissance économique du Canada et de ses régions, et, d'autre part, que ces objectifs sont plus susceptibles de se réaliser en situation de concurrence de tous les transporteurs, à l'intérieur des divers modes de transport ou entre eux, à condition que, compte dûment tenu de la politique nationale, des avantages liés à l'harmonisation de la réglementation fédérale et provinciale et du contexte juridique et constitutionnel, [...]
g) les liaisons assurées en provenance ou à destination d'un point du Canada par chaque transporteur ou mode de transport s'effectuent, dans la mesure du possible, à des prix et selon des modalités qui ne constituent pas [...]
(ii) un obstacle abusif à la circulation des personnes, y compris les personnes ayant une déficience, [...]
Il est en outre déclaré que la présente loi vise la réalisation de ceux de ces objectifs qui portent sur les questions relevant de la compétence législative du Parlement en matière de transports. [soulignement ajouté]
Le contexte historique de l'adoption de ces dispositions donne une autre indication du but poursuivi. En février 1981, le Comité spécial de la Chambre des communes sur les personnes ayant une déficience et les handicapés a publié un rapport intitulé « Obstacles », dont les conclusions soulignaient les conséquences négatives des obstacles auxquels font face les personnes ayant une déficience sur leur existence et leur participation à la vie de la société. Dans le domaine des transports, « Obstacles » recommandait une série de mesures visant à éliminer les obstacles auxquels font face les personnes ayant une déficience lorsqu'elles voyagent. Ces recommandations ont mené à l'insertion des dispositions que l'on trouve aujourd'hui, avec certaines modifications, dans la partie V de la LTC.
Le 17 juin 1988, le ministre d'État (aux Transports) a déclaré ce qui suit lors des débats de la Chambre des communes au sujet de l'adoption des dispositions relatives au transport accessible de la Loi de 1987 sur les transports nationaux, L.R.C., 1985, ch. 28 (3e suppl.) (le texte qui a précédé la LTC) :
C'est vraiment un plaisir pour moi d'intervenir à la Chambre aujourd'hui et de proposer la deuxième lecture d'un projet de loi tendant à éliminer tous les obstacles qui se dressent devant les personnes atteintes de déficience pour ce qui est de l'accès au réseau national de transport [...] Ce n'est qu'en rendant les transports accessibles que l'on donnera aux personnes handicapées la possibilité de s'intégrer aux grands courants de la vie canadienne [...] Les lois d'un pays reflètent les valeurs de sa population. J'invite aujourd'hui les députés à se joindre au gouvernement pour que cette mesure législative puisse s'ajouter à la liste des lois canadiennes qui illustrent leur volonté de protéger les droits de la personne et les valeurs des Canadiens. [soulignement ajouté]
Enfin, l'Office observe que l'article 171 de la LTC prévoit que l'Office et la Commission canadienne des droits de la personne sont tenus « [...] de veiller à la coordination de leur action en matière de transport des personnes ayant une déficience pour favoriser l'adoption de lignes de conduite complémentaires et éviter les conflits de compétence. »
Compte tenu de ce qui précède, l'Office conclut que la partie V de la LTC est, de par sa nature même, un texte législatif sur les droits de la personne dont le but est d'éliminer les obstacles abusifs aux possibilités de déplacement des personnes ayant une déficience dans le réseau de transport du Canada. À ce titre, la directive émise par la Cour suprême du Canada pour l'interprétation de ces dispositions est d'un précieux concours. Dans CN c. Canada (Commission des droits de la personne) [1987] 1 R.C.S. 1114, la Cour suprême a indiqué ce qui suit à la page 1134 :
24. La législation sur les droits de la personne vise notamment à favoriser l'essor des droits individuels d'importance vitale, lesquels sont susceptibles d'être mis à exécution, en dernière analyse, devant une cour de justice. Je reconnais qu'en interprétant la Loi, les termes qu'elle utilise doivent recevoir leur sens ordinaire, mais il est tout aussi important de reconnaître et de donner effet pleinement aux droits qui y sont énoncés. On ne devrait pas chercher par toutes sortes de façons à les minimiser ou à diminuer leur effet. Bien que cela puisse sembler banal, il peut être sage de se rappeler ce guide qu'offre la Loi d'interprétation fédérale lorsqu'elle précise que les textes de loi sont censés être réparateurs et doivent ainsi s'interpréter de la façon juste, large et libérale la plus propre à assurer la réalisation de leurs objets. Voir l'article 11 de la Loi d'interprétation, S.R.C. 1970, ch. I-23 et ses modifications.
L'interprétation de la partie V de la LTC et l'expression « personnes ayant une déficience » obligent donc à tenir compte des objectifs énoncés à l'article 5 de la LTC tel qu'explicité par les dispositions précises en question. D'après les directives de la Cour suprême du Canada, l'Office estime, conformément à la proposition des parties, que cette loi doit recevoir une interprétation large, libérale et fondée sur l'objet visé.
L'Office n'a pas trouvé dans les arguments présentés par VIA de raisons qui justifient une réévaluation de cette position. L'Office constate que l'article 3 de la LTN 1987 déclare au titre de ses objectifs « ... un réseau sûr, rentable et bien adapté de services de transport viables et efficaces, accessibles aux personnes ayant une déficience » et stipule que « les liaisons assurées en provenance ou à destination d'un point du Canada par chaque transporteur ou mode de transport s'effectuent, dans la mesure du possible, à des prix et selon des modalités qui ne constituent pas [...] un obstacle abusif à la circulation des personnes, y compris les personnes handicapées ».
Pour l'Office, les dispositions relatives au transport des personnes ayant une déficience établissent le principe que, si l'on veut que les services de transport au Canada soient économiques, rentables, viables et efficaces, ils doivent aussi être accessibles. La politique nationale des transports du Canada, par l'emploi de mots et de phrases comme « abusif » ou « dans la mesure du possible » qualifie ce principe et indique que le Parlement n'avait pas l'intention d'imposer l'obligation illimitée aux transporteurs de subvenir aux besoins des personnes ayant une déficience. Toutefois, cela ne revient pas à dire que ces dispositions sont vidées de leur respect des droits de la personne.
Pour ce qui est de la charge de la preuve, la décision de la Cour fait état d'une série de facteurs dont l'Office doit tenir compte lorsqu'il doit déterminer si un obstacle est abusif. L'Office estime que les facteurs qui ont trait aux transporteurs doivent être consignés par écrit par eux car ils ont un rapport avec leur intérêt particulier. Les transporteurs sont par ailleurs en meilleure posture pour préciser et expliquer ces facteurs.
Rapport du personnel de l'Office
VIA s'oppose au Rapport du personnel. VIA explique que ce rapport n'est étayé par aucune preuve et qu'il témoigne d'un préjugé manifeste à l'encontre de VIA qui n'est pas compatible avec le rôle de l'Office et de son personnel.
L'Office constate que le rapport en question a été préparé par des employés et qu'il n'a aucune valeur contraignante pour l'Office.
Ce rapport a été distribué à VIA pour qu'elle formule des remarques en s'inspirant du principe de la justice naturelle audi alteram partem. Aucun tribunal ne peut examiner des documents qui risquent d'avoir une incidence sur l'issue de l'affaire sans donner la chance aux parties de formuler des remarques à son sujet. Dans l'affaire Thomson c. Canada (sous-ministre de l'Agriculture) [1992] 1 R.C.S. 385, la Cour suprême du Canada a déclaré ceci :
31. Notre Cour a souvent reconnu le principe général de common law selon lequel « une obligation de respecter l'équité dans la procédure incombe à tout organisme public qui rend des décisions administratives qui ne sont pas de nature législative et qui touchent les droits, privilèges ou biens d'une personne » (voir Cardinal c. Directeur de l'établissement Kent, [1985] 2 R.C. S. 643, à la p. 653). Le sous-ministre était donc tenu de se conformer aux principes de l'équité procédurale dans le contexte des décisions en matière d'octroi des habilitations de sécurité. D'une manière générale, l'équité exige qu'une partie ait une possibilité suffisante de connaître la preuve contre laquelle elle doit se défendre, de la réfuter et de présenter sa propre preuve.
En adressant à VIA le Rapport du personnel le 30 novembre 2001, l'Office s'est acquitté de son devoir d'équité procédurale en demandant à VIA expressément de formuler des commentaires sur ce document. L'Office fera allusion à certaines des questions soulevées dans le Rapport du personnel dans le cadre de son analyse.
CADRE LÉGISLATIF
La question de la section 13-D du tarif de VIA a été examinée par l'ONT aux termes du paragraphe 63.3(1) de la LTN 1987, qui prévoit que :
Même en l'absence de disposition réglementaire applicable, l'Office peut, de sa propre initiative ou sur demande, enquêter sur toute question relative à l'un des domaines visés au paragraphe 63.1(1) pour déterminer s'il existe un obstacle abusif aux possibilités de déplacement des personnes atteintes de déficience.
Même si la LTN 1987 a été remplacée par la LTC en 1996, la partie VII de la LTC contient les dispositions provisoires suivantes :
195. (1) Sous réserve du présent article, les procédures relatives à une question pendante devant l'Office national des transports au moment de l'entrée en vigueur du présent article, notamment toute question faisant l'objet d'une audience ou d'une enquête, sont poursuivies devant l'Office des transports du Canada.
(2) Sauf décret prévoyant qu'elles doivent être poursuivies conformément à la présente loi, les procédures poursuivies au titre du présent article le sont conformément à la Loi de 1987 sur les transports nationaux dans sa version antérieure à la date d'entrée en vigueur de l'article 183.
Aucune directive n'a été émise par le Gouverneur en conseil au sujet de la poursuite de la question de la section 13-D du tarif de VIA. En conséquence, l'Office examine cette question en vertu des dispositions de la LTN 1987.
Il convient de mentionner qu'il n'y a pas d'écart significatif dans le mandat de fond de l'Office au sujet des transports accessibles entre la LTN 1987 et la LTC.
ANALYSE
A. Le cas présent
L'Office doit déterminer si la section 13-D du tarif de VIA constitue un obstacle aux possibilités de déplacement des personnes ayant une déficience et, le cas échéant, si cet obstacle est abusif.
Dans la présente affaire, l'Office doit examiner la section 13-D du tarif de VIA à la fois en ce qui concerne VIA et, notamment, tous les clients de VIA, et la collectivité des personnes ayant une déficience, en particulier celles qui utilisent un fauteuil roulant et un triporteur.
Même si la disposition du tarif en l'espèce est exprimée en termes d'« assistance » aux personnes ayant une déficience à l'embarquement et au débarquement des trains, il importe de comprendre d'emblée que la préoccupation de l'Office à cet égard a trait au levage manuel des voyageurs ayant une déficience qui utilisent un fauteuil roulant ou un triporteur pour les aider à monter dans une voiture de chemin de fer et à prendre place dans leur siège ou à arrimer leur fauteuil roulant. À partir d'ici, tout renvoi qui est fait à un fauteuil roulant englobe les triporteurs, sauf indication contraire.
La question de la section 13-D du tarif de VIA a été soulevée par l'ONT de sa propre initiative. L'Office et l'ONT, un des organisme que l'Office a remplacés, sont investis d'un mandat particulier au sujet des transports accessibles depuis 1988, lorsque des modifications ont été apportées à la LTN 1987 pour y introduire ces nouvelles dispositions. À ce titre, on peut dire que depuis lors le tribunal a acquis une expertise dans ce domaine.
Il vaut la peine de mentionner que l'examen de la question des transports accessibles par le tribunal date d'avant les modifications de 1988 en ce sens que c'est en 1980 que la question des transports accessibles a été examinée pour la première fois, lorsque le Comité a entendu la plainte déposée par Clariss Kelly, personne ayant une déficience qui utilise un fauteuil roulant, contre VIA aux termes de l'article 281 de la Loi sur les chemins de fer qui stipulait que les dispositions des tarifs des compagnies de chemin de fer ne devaient pas porter préjudice à l'intérêt public.
Depuis lors, et comme il est indiqué plus haut, les règlements régissant les transports ferroviaires, le Règlement sur la formation du personnel en matière d'aide aux personnes ayant une déficience, ont influé sur l'élaboration d'un code de pratiques volontaire visant l'industrie du transport ferroviaire pour qu'elle améliore la prestation de services de transport aux personnes ayant une déficience - le code de pratiques pour le transport ferroviaire.
B. La mobilité des personnes ayant une déficience est-elle restreinte ou limitée par un obstacle?
Comme c'est le cas de la LTC, le mot « obstacle » n'a pas été défini dans la LTN 1987. Cela incite à croire que le Parlement n'a pas voulu limiter les compétences de l'Office eu égard à son mandat d'éliminer les obstacles abusifs dans le réseau de transport de compétence fédérale. En outre, le mot « obstacle » se prête à une interprétation assez vague et on pense en général qu'il désigne quelque chose qui entrave les progrès ou les réalisations.
Pour déterminer si une situation constitue un « obstacle » aux possibilités de déplacement d'une personne ayant une déficience, l'Office examine soit l'expérience de voyage de cette personne telle qu'elle est décrite dans la demande, soit les répercussions plus vastes des données recueillies à l'issue de la réception d'une demande. L'Office a déterminé l'existence d'obstacles par le passé dans toutes sortes de circonstances. Par exemple, il y a eu des cas d'obstacles où la personne n'a pu se déplacer, où la personne subissait un préjudice au cours de ses déplacements (lorsque l'absence d'aménagements spéciaux durant le voyage avait des effets sur son état physique), ou encore lorsque la personne se voyait privée de son aide à la mobilité après le voyage à cause des dommages causés à son aide à la mobilité pendant le transport. L'Office a également déterminé la présence d'obstacles lorsque la personne était effectivement en mesure de voyager, mais où les circonstances résultant de son expérience lui avaient fait perdre tout sentiment de confiance, de dignité, de sécurité ou de sûreté, étant entendu que ces sentiments peuvent dissuader une personne de voyager à l'avenir. En outre, l'Office a constaté des obstacles lorsque les politiques et/ou les procédures des fournisseurs de services de transport risquent de créer des obstacles à l'avenir pour les personnes ayant une déficience ou manquent de clarté et sont donc sujettes à une mauvaise interprétation et à une erreur d'application par le personnel, ce qui risque de créer des obstacles à l'avenir.
L'Office constate qu'en général, les transporteurs du réseau fédéral de transport fournissent de l'aide à tous les passagers pour embarquer dans les matériels de transport et à en débarquer, peu importe qu'il s'agisse d'un aéronef, d'une voiture de chemin de fer ou d'un traversier. L'Office est d'avis que le fait que les personnes ayant une déficience ont besoin de plus d'aide que les autres passagers, ou d'une aide différente pour pouvoir embarquer à bord d'un matériel de transport ou en débarquer, ne soustrait rien au rôle fondamental du transporteur. Cela passe en général pour faire partie des services que le transporteur est tenu de fournir pour garantir que les personnes ayant une déficience bénéficient de chances égales d'accès au réseau fédéral de transport. L'Office note que VIA est d'avis que ni le voyageur ni le transporteur ne devraient assumer l'entière responsabilité d'aider le passager à monter dans le train et à en descendre.
Dans sa demande, Jean Lemonde a confirmé les difficultés éprouvées par les membres de son groupe lorsqu'ils ont voulu monter dans le train le 3 décembre 1993. Il a expliqué que les membres de son groupe ont dû monter seuls à bord du train, notamment lever les voyageurs en fauteuil roulant, car les employés de VIA ont refusé de les aider :
À l'arrivée du train, j'ai demandé à la préposée de la gare d'opérer le monte-personnes. À ma grande stupéfaction, elle me répond qu'elle n'est pas autorisée à opérer le monte-personnes. Que faire alors??? Elle me dit de demander l'aide au personnel du train. Le monte-personnes était cadenassé. En demandant l'aide au personnel du train, ils me répondent qu'ils ne peuvent m'aider; le monte-personnes est barré. J'ai dû me rendre à l'évidence que j'aurais à les monter à bout de bras!!! Le personnel du train a refusé de m'aider, car ils ne voulaient pas « se blesser le dos ou par crainte de les échapper ». Nous avons donc dû procéder à l'embarquement des 8 personnes handicapées nous-mêmes. Heureusement, les parents qui venaient reconduire leurs enfants étaient encore là et m'ont aidé!!!
L'Office note que les personnes ayant une déficience et qui utilisent un fauteuil roulant appartiennent en général à deux catégories : les personnes autonomes et celles qui ne le sont pas. L'élément qui distingue les deux est la capacité de la personne à subvenir à ses propres besoins personnels durant son voyage, lesquels besoins personnels englobent l'alimentation, les soins médicaux et l'hygiène personnelle. En outre, les personnes ayant une déficience peuvent être autonomes lors de déplacements où il y a un appareil de levage ou un quai surélevé à chaque extrémité du voyage, mais ne pas l'être lors de déplacements où elles ont besoin d'aide pour monter dans le train et à en descendre lorsqu'il n'y a pas d'appareil de levage ou de quai surélevé. L'Office constate que VIA respecte la déclaration d'une personne ayant une déficience quant à savoir si elle est autonome ou non.
En vertu de la politique de VIA, les personnes ayant une déficience qui ne sont pas autonomes doivent voyager avec un accompagnateur dont le rôle est de subvenir à leurs besoins personnels durant le voyage. Le tarif de VIA stipule que, lorsqu'il y a un accompagnateur, ce dernier doit être en mesure d'aider la personne ayant une déficience à monter dans le train et à en descendre. Or, le fait d'aider une personne en fauteuil roulant à monter dans un train ou à en descendre est une tâche difficile. Le nombre et le type de manœuvres qu'il faut effectuer pour accomplir cette tâche en toute sécurité nécessitent certaines aptitudes et une force physique. Certains facteurs qui exercent une influence sur la forme physique et la force nécessaires sont les limites et les restrictions de la personne ayant une déficience, son poids et le type et le poids du fauteuil roulant. Un autre élément qui entre en ligne de compte est de savoir si les limites de la personne sont telles qu'elle doit rester dans son fauteuil roulant pendant le transfert. La politique de VIA tient compte de la force et de la forme physique qu'il faut posséder en imposant des limites au poids confondu de la personne et du fauteuil roulant (225 lb) et au poids qu'un employé est censé soulever (75 lb). Par ailleurs, les observations de VIA confirment qu'une formation particulière est dispensée aux employés qui doivent fournir de l'assistance aux voyageurs qui utilisent un fauteuil roulant.
Dans l'examen du potentiel des accompagnateurs, l'environnement physique a également une incidence sur le niveau d'effort nécessaire. Manifestement, lorsque le quai est au même niveau que le plancher de la voiture de chemin de fer (deux gares sur le réseau de VIA) ou qu'il existe un appareil de levage, le transfert est plus facile et l'intervention de l'accompagnateur est limitée ou inutile. Il est clair par ailleurs que, lorsque le transfert doit se faire dans une gare où VIA ne peut prêter aucune aide ou très peu, l'intervention d'un ou de plusieurs accompagnateurs est alors nécessaire en raison de la différence de niveau entre le plancher de la voiture de chemin de fer et le quai ou le niveau du sol.
L'accompagnateur de choix de certaines personnes ayant une déficience qui ne sont pas autonomes est parfois quelqu'un qui est en mesure de les soulever, mais cela n'est pas toujours le cas. L'accompagnateur d'une personne qui utilise un fauteuil roulant est souvent son soignant habituel, par exemple un conjoint, un parent ou un enfant d'âge adulte. À ce titre, l'accompagnateur peut être tout juste en mesure de prodiguer des soins personnels à bord de la voiture de chemin de fer durant le voyage, sans pour autant avoir la force physique nécessaire pour aider la personne ayant une déficience à monter dans le train ou à en descendre.
Il arrive également que les personnes ayant une déficience ne connaissent pas la localité et l'environnement au départ ou à destination. S'il n'y a pas d'amis ou de parents, ces personnes risquent d'avoir beaucoup de difficulté ou être même dans l'impossibilité de trouver des accompagnateurs professionnels ou des personnes localement qui ont la force voulue pour les aider à monter dans le train ou à en descendre. Si des personnes ayant une déficience sont tenues d'embaucher une ou plusieurs personnes capables de les aider à monter dans le train et à en descendre lorsque VIA n'est pas elle-même en mesure de fournir cette assistance, les coûts supplémentaires qui en découlent pourraient bien empêcher ces personnes de prendre le train.
Un autre facteur dont il faut tenir compte est que, pour que le transporteur assure le transport gratuit de l'accompagnateur, les personnes ayant une déficience doivent obtenir le certificat d'un médecin ou d'un organisme reconnu pour les personnes ayant une déficience pour confirmer ce besoin. Cela veut dire qu'une personne indépendante et autonome qui peut avoir à voyager avec un accompagnateur uniquement pour l'aider à monter dans le train et à en descendre aux points d'origine et de destination du fait que VIA n'est pas en mesure de fournir cette assistance devra prendre la peine d'obtenir un tel certificat et, même si elle réussit, ce processus peut s'avérer à la fois avilissant ou manquant totalement de dignité.
L'Office est d'avis que les personnes ayant une déficience qui utilisent un fauteuil roulant, qu'elles soient autonomes ou non, doivent être en mesure de voyager en se heurtant au minimum d'obstacles et escompter de la part des transporteurs un service qui est raisonnablement compatible avec leur déficience. La disposition que contient la section 13-D du tarif de VIA et qui stipule que l'accompagnateur doit pouvoir assister la personne ayant une déficience à monter dans le train et à en descendre peut restreindre la participation de ces personnes en ce sens que, si VIA n'est pas en mesure de s'acquitter de la responsabilité qui lui échoit de leur prêter assistance aux points d'origine et de destination, cela peut compromettre leur capacité à voyager. De fait, ces personnes ne pourront pas voyager avec VIA s'il n'existe pas d'autres moyens d'assistance ou de transport accessible. Or, à mesure que la population du Canada vieillit et que de plus en plus de personnes ayant une déficience souhaitent voyager, de plus en plus de personnes pourront se voir interdire de voyager en train.
En conséquence, l'Office estime que la section 13-D du tarif de VIA, qui stipule que les personnes ayant une déficience qui utilisent un fauteuil roulant doivent s'assurer de la présence d'un accompagnateur possédant la force et la forme physique nécessaire pour les aider à monter dans le train et à en descendre, constitue un obstacle à leurs possibilités de déplacement.
Cette conclusion est étayée par l'affaire Clariss Kelly. Les extraits de cette décision mentionnés plus haut soulignent des difficultés qu'il y a à trouver des accompagnateurs capables et désireux de fournir une aide à ces personnes. Bien que cette décision ait porté sur la situation d'une personne autonome, l'Office est d'avis que les difficultés, et souvent les coûts qu'entraîne la présence d'un accompagnateur, continuent de s'appliquer dans le cas présent.
L'Office note que plusieurs facteurs ont motivé la détermination selon laquelle la section 13-D du tarif de VIA est un obstacle.
Une personne autonome pourrait avoir à embaucher quelqu'un pour l'aider uniquement à monter dans le train et à en descendre. Lorsque cette personne voyage entre deux gares qui ne sont pas pourvues d'effectifs ni équipées d'un appareil de levage mécanique ou d'un quai surélevé, il se peut qu'elle doive alors embaucher un accompagnateur pour lui fournir l'assistance dont elle a besoin aux deux extrémités du voyage. Lorsqu'une personne autonome a besoin d'un accompagnateur pour voyager en train uniquement pour l'aider à monter dans le train et à en descendre aux gares, il se peut qu'elle n'ait pas droit au certificat médical attestant qu'elle n'est pas en mesure de voyager seule, ce qui signifie que l'accompagnateur n'aura peut-être pas le droit de voyager gratuitement. Or, cette possibilité n'est même pas soulevée par VIA dans les documents accessibles au public.
Même si le tarif de VIA prévoit le transport gratuit d'un accompagnateur, lorsqu'un deuxième ou un troisième accompagnateur sont nécessaires pour aider la personne ayant une déficience à monter dans le train et/ou à en descendre, rien ne prouve que l'offre de transport gratuit sera faite au deuxième ou au troisième accompagnateur. En outre, les coûts connexes autres que les coûts de transport, comme le temps, les frais d'hébergement, les repas et autres dépenses accessoires pour les accompagnateurs, risquent de représenter un fardeau financier supplémentaire pour la personne qui n'a besoin d'aide que pour monter dans le train et en descendre, aide qui, dans certains cas, ne peut être fournie par VIA.
L'Office note par ailleurs que, si VIA peut trouver, à ses frais, un autre moyen de transport accessible jusqu'à la prochaine gare accessible ou pour la totalité du trajet, il se peut qu'un tel service n'existe pas à destination de certaines localités éloignées desservies par le transporteur.
L'Office estime que l'absence de renseignements sur le transport d'autres accompagnateurs nécessaires ou sur les cas où un autre moyen de transport accessible peut être fourni constitue également un obstacle.
La Cour a noté que l'ONT n'avait pas expliqué dans sa décision no 791-R-1995 pourquoi l'obligation qui incombe à l'accompagnateur de subvenir aux besoins personnels à bord du train ne constitue pas un obstacle, alors que l'obligation de prêter assistance à l'embarquement ou au débarquement en constitue un. L'Office est d'avis que les besoins personnels d'une personne ayant une déficience n'ont pas de rapport avec le fait de voyager en train, étant donné qu'ils doivent être satisfaits, peu importe que la personne voyage ou non. C'est pour cette raison que l'Office est d'avis que l'obligation qui incombe à l'accompagnateur de subvenir aux besoins personnels que l'on trouve dans les tarifs de VIA ne constitue pas un obstacle.
Le tarif indique également que l'accompagnateur doit être en mesure de fournir l'assistance à la personne ayant une déficience pour monter dans le train et en descendre. Comme la Cour l'a mentionné dans sa décision, ces mots laissent entendre que l'accompagnateur peut être prié par VIA de prêter assistance, sans que cela impose l'obligation générale à l'accompagnateur d'agir ainsi dans tous les cas. Comme le dit la décision, l'ONT a reconnu que VIA, en général, fournit cette assistance, par exemple lorsqu'il y a un appareil de levage mécanique ou un quai surélevé. Il n'en reste pas moins que le tarif laisse entièrement ouverte la question de savoir quand, où et dans quelles circonstances l'accompagnateur doit être en mesure de prêter son assistance à la personne en fauteuil roulant et quand cela n'est pas nécessaire.
À ce titre, le tarif impose à la personne ayant une déficience l'obligation de trouver une personne qui peut prêter cette assistance alors que l'accompagnateur peut ne jamais être invité par VIA à le faire. L'Office estime que, lorsqu'il y a un élévateur ou un quai surélevé, l'imprécision du libellé du tarif constitue, dans certains cas, une obligation inutile pour l'accompagnateur et, par conséquent, un obstacle.
L'Office constate un certain nombre de divergences entre la prestation d'une assistance à l'embarquement et au débarquement dans la section 13-D du tarif de VIA et d'autres documents et politiques accessibles au public. Par exemple, à la page 8 de la brochure de VIA intitulée « Services offerts aux voyageurs ayant des besoins spéciaux » on peut lire que « [...] s'il y a lieu, l'accompagnateur devra prêter assistance au personnel de VIA au moment de l'embarquement, du débarquement ou du déplacement de la personne à l'intérieur du train », alors qu'à la page 9, on peut lire que « les voyageurs en fauteuil roulant sont montés à bord du train grâce à un élévateur dans la plupart des gares du Corridor et les principales gares de la liaison transcontinentale (consulter notre service téléphonique pour connaître les disponibilités), ou cette opération se fait avec l'aide du personnel de VIA, dans la plupart des autres endroits. Le personnel de VIA fera tout son possible pour prêter une assistance suffisante, mais les voyageurs en fauteuil roulant doivent être prêts à se faire aider de leur propre accompagnateur pour monter à bord du train et en descendre dans les gares qui ne sont pas équipées de dispositifs de levage ».
L'Office est d'avis que la phrase « ou avec l'aide du personnel de VIA dans la plupart des autres gares » est inexacte, étant donné que les statistiques fournies par VIA et mentionnées plus tôt dans le résumé de sa position, révèlent que deux gares seulement sont équipées d'un quai surélevé, 47 d'un dispositif mécanique et 35 non équipées d'un dispositif de levage mais pourvues par du personnel de VIA. Cela laisse 311 gares (sur 395) sans personnel ni assistance physique.
Même si VIA soutient que les dispositions de son tarif et d'autres renseignements accessibles au public, considérés ensemble, confèrent une certaine flexibilité à la prestation de ses services à tous les clients, notamment aux personnes ayant une déficience qui utilisent un fauteuil roulant, l'Office estime que les renseignements généraux fournis prêtent à confusion et induisent même ces clients en erreur et ne donnent pas une image exacte du niveau de service offert par le transporteur en un lieu donné.
Il est également à noter que la section 13-D du tarif de VIA, dans son libellé actuel, n'est pas claire en ce sens qu'elle ne concorde pas parfaitement avec les politiques publiées du transporteur et qu'elle laisse planer un doute sur les situations dans lesquelles les accompagnateurs peuvent être tenus de prêter leur assistance aux voyageurs ayant une déficience pour leur permettre de monter dans le train et d'en descendre.
La politique dans sa forme actuelle ne fournit pas le moindre conseil au personnel du transporteur ou aux personnes ayant une déficience sur la façon dont VIA est en mesure de répondre aux besoins des personnes ayant une déficience dans différents endroits. De plus, elle ne reflète pas fidèlement le niveau de service offert par VIA à ces voyageurs et se prête à des interprétations et à des applications erronées.
Les personnes ayant une déficience qui utilisent un fauteuil roulant et souhaitent emprunter les services de VIA risquent d'être déconcertées par le manque d'uniformité qui existe entre les dispositions du tarif du transporteur et les politiques et pratiques de ce dernier en ce qui concerne les conditions et modalités de transport des personnes ayant une déficience. Par exemple, la section 13-D du tarif de VIA stipule que l'accompagnateur d'une personne ayant une déficience doit être en mesure de l'aider à l'embarquement et au débarquement sans expliquer dans quelles circonstances ou sur quelle partie du réseau du transporteur ce type d'assistance peut être nécessaire et si la moindre assistance sera prêtée par le personnel de VIA. Par ailleurs, la politique de VIA stipule que les clients bénéficieront de l'assistance de VIA à l'embarquement et au débarquement, sauf lorsqu'ils empruntent des services à destination du Nord. Ce manque d'uniformité peut également être déconcertant pour le personnel de VIA qui, au moment des réservations, risque de fournir des renseignements erronés ou qui induisent en erreur les clients susceptibles d'avoir besoin d'une assistance à l'embarquement et au débarquement.
Compte tenu de ce qui précède, l'Office estime que le tarif et la politique de VIA à l'égard des accompagnateurs constituent un obstacle car ils manquent d'uniformité et qu'ils ne stipulent pas clairement ce à quoi l'on s'attend d'une personne en fauteuil roulant au sujet de l'assistance à l'embarquement et au débarquement aux gares qui ne sont pas dotés d'élévateur ou de quai surélevé.
C. Les obstacles sont-ils abusifs?
À l'instar du terme « obstacle », le terme « abusif » n'a pas été défini dans la LTN 1987 pour permettre à l'Office d'exercer son pouvoir discrétionnaire pour éliminer les obstacles abusifs dans le réseau de transport de compétence fédérale. Le mot « abusif » se prête lui-même à une interprétation vague; dans son sens courant, il signifie dépasser la mesure et est synonyme d'excessif, de démesuré et de disproportionné. Étant donné qu'une chose peut paraître disproportionnée ou excessive dans un cas et pas dans l'autre, l'Office doit tenir compte du contexte où il formule l'allégation qu'un obstacle est abusif. En vertu d'une telle approche contextuelle, l'Office doit concilier les droits des voyageurs ayant une déficience à emprunter le réseau de transport de compétence fédérale sans se heurter à des obstacles et les considérations et responsabilités commerciales et opérationnelles du transporteur. Cette interprétation est conforme à la politique nationale des transports énoncée à l'article 3 de la LTN 1987 et, plus particulièrement, au sous-alinéa 3(1)g)(ii) de la LTN 1987, qui stipule en partie que « les conditions dans lesquelles les transporteurs ou les moyens de transport officient doivent, dans la mesure du possible, ne pas constituer un obstacle abusif à la mobilité des personnes ayant une déficience ».
L'industrie des transports conçoit ses services à la mesure des besoins de ses usagers, mais les dispositions sur l'accessibilité de la LTN 1987 obligent les fournisseurs de services de transport du réseau de transport de compétence fédérale à adapter leurs services, dans la mesure du possible, aux besoins des personnes ayant une déficience. Il existe néanmoins certains empêchements dont il faut tenir compte, comme les mesures de sûreté que les transporteurs doivent adopter et prendre, les horaires ou les indicateurs qu'ils doivent s'efforcer de respecter pour des raisons commerciales, de même que la conception des matériels et l'impact économique que l'adoption de tels services peut avoir sur les transporteurs. Ces empêchements peuvent avoir des répercussions sur les personnes ayant une déficience car il se peut qu'elles ne soient pas en mesure d'embarquer à bord d'un avion ou d'un train dans leur propre fauteuil roulant, qu'elles doivent se présenter à l'aérogare ou à la gare plus tôt pour leur donner le temps d'embarquer et qu'elles doivent attendre plus longtemps que les personnes sans déficience pour qu'on les aide à débarquer. Il est impossible de dresser une liste exhaustive des obstacles qu'un passager ayant une déficience risque de rencontrer, ou des obstacles qu'un fournisseur de services de transport peut rencontrer lorsqu'il s'efforce de répondre aux besoins des personnes ayant une déficience. Il faut donc essayer de concilier les responsabilités des fournisseurs de services de transport et les droits des personnes ayant une déficience à voyager sans se heurter à des obstacles, et c'est en essayant de concilier les deux que l'Office utilise la notion d'abus.
La décision de la Cour précise les facteurs que l'Office doit concilier lorsqu'il doit déterminer si un obstacle est abusif. Les facteurs qui ont un rapport avec les personnes ayant une déficience sont :
- la difficulté à trouver un accompagnateur capable d'aider la personne ayant une déficience à monter dans le train;
- la difficulté à trouver un accompagnateur désireux d'aider la personne ayant une déficience à monter dans le train;
- l'importance pour la dignité de l'individu d'être en mesure de se déplacer avec le maximum d'autonomie et son droit au transport accessible.
Les facteurs pertinents applicables à VIA que l'on pourrait qualifier collectivement de facteurs opérationnels et de facteurs commerciaux ou économiques, sont :
- La difficulté de trouver un accompagnateur qui est en mesure d'aider la personne ayant une déficience à monter dans le train;
- La difficulté de trouver un accompagnateur désireux d'aider la personne ayant une déficience à monter dans le train;
- L'importance pour la dignité des personnes d'être capables de voyager de la façon la plus autonome possible et le droit de celles-ci à des transports accessibles.
Pour ce qui est de VIA, les facteurs pertinents peuvent être rangés dans deux catégories, savoir les facteurs opérationnels et les facteurs économiques et commerciaux, notamment :
- La disponibilité raisonnable du personnel et de l'équipement nécessaires pour aider à l'embarquement et au débarquement du train;
- Le temps que prend l'assistance pour l'embarquement et le débarquement;
- Les conséquences sur l'horaire des trains du temps qu'il faut prévoir pour faire monter les personnes ayant une déficience;
- L'effet sur tous les passagers des retards attribuables à l'embarquement des personnes ayant une déficience;
- L'effet des retards imprévus sur la confiance des passagers et le maintien de la viabilité du service de voyageurs de VIA;
- La capacité de VIA de retenir les services d'employés occasionnels pour aider à l'embarquement et au débarquement, compte tenu des conventions collectives auxquelles VIA est partie;
- La nécessité de former et d'assurer suffisamment les employés occasionnels chargés de cette tâche;
- Le coût du personnel additionnel pour l'embarquement des personnes ayant une déficience, plus particulièrement aux petites gares où l'effectif est réduit.
Lorsqu'il s'est penché sur la question de savoir si le tarif de VIA constitue un obstacle abusif et de quelle manière, l'Office a tenu compte des facteurs ci-dessus et a même procédé à une analyse des éléments connexes suivants :
- la politique de VIA à l'égard de l'assistance fournie à l'embarquement et au débarquement des personnes qui utilisent un fauteuil roulant;
- la manière dont la politique est véhiculée dans le tarif du transporteur.
Les preuves démontrent que, pour une personne ayant une déficience qui utilise un fauteuil roulant, l'embarquement ou le débarquement n'est pas censé causer de difficulté aux 47 gares où VIA fournit et exploite un appareil de levage mécanique ou aux deux gares pourvues d'un quai surélevé. Aux 346 autres gares, et particulièrement aux 311 gares où il n'y a pas de personnel pour fournir la moindre assistance, voici les difficultés que risque d'avoir un voyageur :
- l'embarquement et le débarquement d'une personne ayant une déficience qui utilise un fauteuil roulant au moyen d'un dispositif de levage manuel risquent d'être difficiles en raison de la hauteur des marches des voitures de VIA, de la hauteur des contremarches et de l'étroitesse des escaliers et de la porte d'accès aux voitures de chemin de fer;
- pour une personne qui utilise n'importe quel type d'aide à la mobilité, qu'il s'agisse d'un fauteuil roulant manuel léger ou d'un fauteuil roulant ou d'un triporteur électrique plus lourd, il faudra sans doute recourir à l'aide de deux ou trois personnes en raison du poids confondu de la personne et de l'aide à la mobilité (le poids maximum autorisé par VIA est de 225 lb);
- lorsque le poids confondu de la personne et du fauteuil roulant dépasse 225 lb, il faut alors hisser la personne à bord du train dans un fauteuil d'embarquement et embarquer le fauteuil roulant séparément;
- même lorsque des employés de VIA sont disponibles, et en raison de la restriction de 75 lb imposée au poids que chaque employé peut soulever, les employés risquent d'avoir besoin de l'aide d'un ou de plusieurs accompagnateurs pour hisser manuellement le voyageur et son aide à la mobilité;
- les fauteuils roulants et les triporteurs électriques peuvent dépasser le poids autorisé maximal de 225 lb et, dans de tels cas, les personnes qui utilisent ces aides à la mobilité ne peuvent voyager par chemin de fer qu'entre les 49 gares munies d'un appareil de levage mécanique ou d'un quai surélevé, et pas entre les 346 autres gares; et
- même lorsqu'il existe un appareil de levage mécanique, le poids de certains fauteuils roulants ou triporteurs électriques dépasse la capacité des appareils de levage mécanique et ces aides à la mobilité ne peuvent donc être transportés en train.
Compte tenu de la différence des contextes opérationnels des deux types de gares, l'Office traitera de chaque type séparément et analysera le manque d'uniformité qui existe entre le tarif et les autres documents rendus publics par VIA.
1. Gares pourvues d'un quai surélevé ou d'un appareil de levage mécanique
Quarante-neuf gares font partie des services du Corridor et des liaisons transcontinentales de VIA et sont pourvues soit par du personnel du transporteur, soit par des agents contractuels, et équipées d'appareils de levage mécanique ou de quais surélevés. VIA a affirmé que, pour l'essentiel, elle est en mesure de subvenir aux besoins des voyageurs ayant une déficience qui utilisent un fauteuil roulant à ces gares, et elle assume la responsabilité de l'embarquement et du débarquement de ces voyageurs à ces gares en leur fournissant l'aide dont ils ont besoin en matière de levage ou de transfert.
L'Office accepte cette affirmation de VIA. Le personnel, les installations et les équipements disponibles à ces gares sont suffisants pour fournir une assistance aux personnes en fauteuil roulant. La présence d'un accompagnateur pour aider à l'embarquement ou au débarquement est inutile dans ces 49 gares. Compte tenu de l'aménagement de ces gares (personnel et soit un quai surélevé, soit un appareil de levage mécanique), l'Office accepte que VIA doit être responsable de l'embarquement et du débarquement des voyageurs ayant une déficience qui utilisent un fauteuil roulant.
Le tarif impose la présence d'un accompagnateur capable d'aider les personnes en fauteuil roulant à monter dans le train et à en descendre, ce qui s'avère inutile compte tenu des aménagements de ces gares, qui ont soit un quai surélevé, soit un appareil de levage, soit du personnel qualifié. En essayant de concilier les intérêts des deux parties, l'Office n'arrive pas à déterminer l'avantage qui découle pour VIA ou les personnes qui utilisent un fauteuil roulant de cette exigence inutile. L'Office estime qu'il s'agit d'un obstacle abusif.
Toutefois, VIA précise que, lorsque plusieurs personnes qui utilisent un fauteuil roulant voyagent ensemble dans des gares munies d'un appareil de levage mécanique, VIA exige que ces groupes s'occupent de l'embarquement et du débarquement de leurs membres, même lorsqu'un appareil de levage est disponible. VIA justifie cette exigence par le temps supplémentaire qu'il faut pour faire monter ou débarquer d'un train plusieurs voyageurs en fauteuil roulant.
L'Office est d'avis qu'il s'agit là d'une limite raisonnable à la responsabilité qui incombe au transporteur d'aider à l'embarquement et au débarquement des voyageurs à ces gares. La politique nationale du Canada insiste sur un réseau de transport économique et efficace et, même si cette prescription peut constituer un obstacle pour les groupes de personnes ayant une déficience, elle ne peut être considérée comme un obstacle abusif car il est nécessaire que le transporteur puisse s'acquitter de son mandat, qui consiste à offrir un service ponctuel et efficace.
2. Gares dépourvues d'un quai surélevé ou d'un appareil de levage mécanique
Il y a 346 gares dans le réseau de VIA qui n'ont ni quai surélevé ni appareil de levage mécanique. À ces gares, il faut hisser manuellement les voyageurs ayant une déficience qui utilisent un fauteuil roulant par un escalier étroit et à forte inclinaison pour les faire monter en voiture ou en descendre.
L'Office reconnaît qu'à un certain nombre de gares de VIA, les circonstances sont telles que le transporteur n'est pas en mesure de fournir une assistance seul à un voyageur en fauteuil roulant. Ces circonstances sont sans doute le fruit d'un concours de facteurs tels que : les infrastructures de la gare; la hauteur des marches qui donnent accès à la voiture; l'absence d'un quai; le nombre limité d'employés qualifiés dans les trains et à la gare; les conventions collectives en vigueur; et le poids du passager et/ou de son aide à la mobilité.
L'Office prend note du code de pratiques volontaires pour le transport ferroviaire stipule qu'un transporteur ferroviaire doit, entre autres choses, aider à l'embarquement et au débarquement des voyageurs tout en déclarant qu'un transporteur ferroviaire peut demander à un voyageur s'il a des amis ou des accompagnateurs qui, au besoin, pourront prêter main-forte au personnel du transporteur pour l'aider à embarquer dans le train et à en débarquer. Cette disposition témoigne d'une acceptation générale de la proposition selon laquelle, dans certaines circonstances, les personnes ayant une déficience doivent partager la responsabilité avec le transporteur de leur embarquement et débarquement. Ce même principe d'un partage des responsabilités relatives à l'embarquement et au débarquement des voyageurs entre les fournisseurs de services de transport et les voyageurs ayant une déficience qui utilisent un fauteuil roulant se trouve dans le code de pratiques visant les autocars interurbains de Transports Canada, qui stipule qu'il se peut qu'on demande aux accompagnateurs des personnes ayant une déficience d'aider l'exploitant de l'autocar à hisser physiquement la personne lorsqu'il n'existe pas de dispositif de levage.
L'Office est d'avis que, dans les circonstances où VIA n'est pas en mesure d'aider un voyageur à embarquer dans le train ou à en débarquer, il est raisonnable de s'attendre à ce que les personnes ayant une déficience qui utilisent un fauteuil roulant assument cette responsabilité et prennent les dispositions voulues pour obtenir une assistance à l'embarquement et au débarquement à la gare d'origine et/ou de destination.
L'Office prend note de la politique de VIA en vertu de laquelle, lorsque VIA, en raison des circonstances locales, ne peut subvenir aux besoins d'une personne en fauteuil roulant, le transporteur doit trouver, à ses frais, un autre moyen de transport jusqu'à la gare la plus proche munie d'un appareil de levage ou jusqu'à la destination finale de la personne en question. L'Office reconnaît les efforts faits par VIA pour trouver un autre moyen de transport aux personnes ayant une déficience, mais la question de savoir s'il s'agit d'une solution satisfaisante à l'échelle du réseau, compte tenu du coût d'un moyen de transport accessible de remplacement sur de grandes distances entre des localités éloignées de même que l'existence même de moyens de transport accessibles de remplacement à destination de certaines localités éloignées, reste sans réponse. L'Office reconnaît qu'il peut y avoir des circonstances où le transporteur n'est pas en mesure d'assurer le transport d'un voyageur ayant une déficience qui utilise un fauteuil roulant lorsqu'aucun autre moyen de transport accessible n'est disponible. Le recours au dialogue est essentiel dans ces cas.
Pour ce qui est des arguments de VIA au sujet de l'incidence que les retards peuvent avoir sur l'exploitation des trains, comme les manœuvres, le partage des voies et la sécurité, l'Office reconnaît que tout retard dans un horaire serré peut avoir un effet défavorable sur le volet commercial du service et peut en définitive compromettre les recettes du transporteur. Conformément à l'article 3 de la LTN 1987, l'ONT, en s'efforçant de concilier les intérêts des parties intéressées, a examiné l'incidence que les conditions et modalités imposées par VIA à l'aide à l'embarquement et au débarquement des personnes ayant une déficience qui utilisent un fauteuil roulant pouvaient avoir sur l'ensemble des clients de VIA. La ponctualité est un facteur décisif dans l'efficacité des services ferroviaires et elle profite à tous les clients de VIA, y compris aux personnes ayant une déficience. L'Office est d'avis qu'en général, les clients qui voyagent en train se fient à l'horaire des trains et au caractère pratique des liaisons, la ponctualité et la fiabilité étant parmi les principaux attraits des services ferroviaires. C'est pourquoi tout retard que le public pourrait subir, y compris les retards dus à l'embarquement ou au débarquement de personnes ayant une déficience, risque d'avoir un effet néfaste sur les clients de VIA, y compris sur les personnes ayant une déficience et, en définitive, sur la rentabilité commerciale de la compagnie.
En conclusion, il est impossible de faire assumer à VIA Rail l'entière responsabilité de l'embarquement et du débarquement de tous les voyageurs ayant une déficience qui utilisent un fauteuil roulant dans chaque gare, peu importe la situation qui prévaut localement, sans compter que cela irait à l'encontre de la politique nationale des transports énoncée à l'article 3 de la LTN 1987. Tout bien pesé, la politique de VIA qui régit l'aide à l'embarquement et au débarquement des personnes ayant une déficience qui utilisent un fauteuil roulant dans ces gares est raisonnable et, par conséquent, l'obstacle n'est pas abusif.
3. Manque d'uniformité des renseignements fournis par VIA
L'Office est d'avis que VIA doit indiquer clairement les responsabilités qu'elle assume au sujet de l'aide à l'embarquement et au débarquement, là où la responsabilité incombe à la personne ayant une déficience de fournir sa propre aide à l'embarquement et au débarquement et là où la responsabilité peut en définitive être partagée par le transporteur et le voyageur. L'Office estime qu'il y a des cas où VIA devra amorcer un dialogue avec la personne en fauteuil roulant pour déterminer la façon de partager la responsabilité de son embarquement et débarquement. La politique de VIA doit faire état de ce besoin d'un dialogue. Elle doit également indiquer clairement les procédures de VIA relatives au transport de plusieurs accompagnateurs, et dans quelles situations et à quels endroits un autre moyen de transport accessible doit être fourni. Ces éclaircissements seront avantageux à la fois pour VIA et ses voyageurs qui utilisent un fauteuil roulant car ils établiront des plans d'action plus clairs.
L'Office estime que les coûts et les ressources nécessaires à l'élaboration et à la publication de ces renseignements seraient limités et ne représenteraient pas un fardeau financier suffisamment lourd pour que l'Office n'ordonne pas la prise de cette mesure. À ce titre, dans la mesure où la politique et les documents de VIA fournissent des renseignements qui divergent de ceux que contient la section 13-D de son tarif ou qui ne sons pas clairs, l'Office estime que ceci constitue un obstacle abusif.
Enfin, l'Office note qu'en juin 1998, VIA a présenté un rapport intitulé « La renaissance des services ferroviaires voyageurs au Canada » au Comité permanent des transports. Les données financières générales que contient ce rapport semblent indiquer que la situation financière de VIA a un effet sur tous les éléments de son exploitation et oblige le transporteur à établir l'ordre de ses priorités. Même si l'Office reconnaît que les coûts qui se rattachent à l'embauche d'employés supplémentaires et à l'achat d'équipements de levage des fauteuils roulants auront un impact sur le budget du transporteur, il reste d'avis que l'installation d'équipements de levage des fauteuils roulants à au moins toutes les gares de VIA pourvues de personnel aurait un impact financier limité et devrait faire partie des priorités de VIA.
CONCLUSION
Compte tenu des constatations qui précèdent, VIA est tenue de réviser la section 13-D de son tarif voyageurs spécial local et commun no 1, NTA 1 :
- pour indiquer sans équivoque qu'aucun accompagnateur n'est vraiment nécessaire pour aider une personne en fauteuil roulant à monter dans le train ou à en descendre dans les 49 gares qui sont pourvues de personnel et équipées d'un quai surélevé ou d'un appareil de levage mécanique;
- pour clarifier le rôle d'un ou de plusieurs accompagnateur(s), notamment les conditions de leur transport, ainsi que le rôle du personnel de VIA dans l'assistance à l'embarquement et au débarquement, y compris le besoin de dialogue, dans les gares qui :
(a) sont pourvues de personnel mais ne sont pas équipées d'un quai surélevé ou d'un appareil de levage mécanique,
(b) ne sont pas pourvues de personnel ni équipées d'un quai surélevé ou d'un appareil de levage mécanique.
- pour clarifier dans quelles situations et/ou à quels endroits un autre moyen de transport accessible doit être fourni.
VIA doit également réviser ses documents et politiques accessibles au public pour s'assurer qu'ils concordent avec la section 13-D de son tarif voyageurs spécial local et commun no 1, NTA 1, dans sa forme modifiée.
VIA doit remettre à l'Office, dans les quatre-vingt-dix (90) jours suivant la date de cette décision, une copie révisée de la section 13-D de son tarif et une proposition sur les mesures qu'elle entend prendre pour que ses politiques et documents accessibles au public soient conformes à ce tarif.
À l'issue de l'examen du tarif révisé et de la proposition, l'Office déterminera si d'autres mesures s'imposent.
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