Décision n° 313-C-A-2013
PLAINTE déposée par Gábor Lukács contre Sunwing Airlines Inc.
INTRODUCTION
[1] Le 22 avril 2013, Gábor Lukács a déposé une plainte auprès de l’Office des transports du Canada (Office) alléguant que les règles 3.4, 15, 18c), 18e) et 18f) du tarif international (tarif) de Sunwing Airlines Inc. (Sunwing) ne sont pas claires, contrairement à l’alinéa 122c) et sont déraisonnables au sens du paragraphe 111(1) du Règlement sur les transports aériens, DORS/88‑58, modifié (RTA). Ces règles portent sur la responsabilité de Sunwing relativement aux changements d’horaire, comme les retards, les devancements et les annulations de vol.
[2] Dans sa réponse, modifiée le 3 juin 2013, Sunwing fait valoir qu’elle propose de supprimer la règle tarifaire 3.4 et certaines dispositions de la règle tarifaire 18 puisqu’elles constituent une redondance par rapport à la règle tarifaire 15. Sunwing a indiqué qu’elle remplacerait sa règle tarifaire 15 par les règles tarifaires 15 et 15A proposées, qui sont, selon elle, conformes à la Convention pour l’unification de certaines règles relatives au transport aérien international – Convention de Montréal (Convention), au code de conduite des compagnies aériennes canadiennes et aux dispositions de Transports Canada relatives aux droits des voyageurs aériens, et reflètent la jurisprudence de l’Office.
[3] Dans sa réplique, également datée du 3 juin 2013, M. Lukács indique que les parties conviennent, entre autres, que les règles tarifaires 15 et 15A proposées par Sunwing règlent les questions soulevées dans sa plainte.
[4] Sunwing a par la suite déposé, dans son tarif auprès de l’Office, les règles tarifaires 15 et 15A proposées, dont l’entrée en vigueur était prévue le 14 juin 2013. Dans le cas présent, seule la règle tarifaire 15 proposée est pertinente à l’instance devant l’Office. Étant donné que les règles auxquelles s’opposait M. Lukács dans sa plainte ne sont plus en vigueur, il n’est pas nécessaire que l’Office se penche sur la clarté et le caractère raisonnable de ces règles.
[5] L’Office, par conséquent, examinera seulement la clarté et le caractère raisonnable des règles tarifaires 15(1)(b), 15(1)(e), 15(1)(f), 15(1)(h) et 15(3) existantes.
QUESTIONS
- La règle tarifaire 15(1)(h) existante est-elle claire au sens de l’alinéa 122c) du RTA?
- Les règles tarifaires 15(1)(b), 15(1)(e), 15(1)(f), 15(1)(h) et 15(3) existantes sont-elles raisonnables au sens du paragraphe 111(1) du RTA?
DISPOSITIONS LÉGISLATIVES ET TARIFAIRES PERTINENTES
[6] Les dispositions tarifaires et les extraits des dispositions législatives pertinentes à la présente décision sont énoncés dans l’annexe.
CLARTÉ ET CARACTÈRE RAISONNABLE DES RÈGLES TARIFAIRES PROPOSÉES
Test pour déterminer la clarté
[7] Dans la décision no 2-C-A-2001, l’Office a formulé le critère en ce qui a trait à l’obligation du transporteur relative à la clarté du tarif comme suit :
[...] l’Office est d’avis qu’un transporteur aérien satisfait aux obligations prévues dans son tarif lorsque de l’avis d’une personne raisonnable, les droits et les obligations du transporteur et des passagers sont définis de telle façon à éviter quelque doute, ambiguïté ou incertitude que ce soit.
Test pour déterminer le caractère raisonnable
[8] Pour déterminer si une condition de transport est « déraisonnable », l’Office applique habituellement un critère d’évaluation, qui veut qu’un équilibre doit être établi entre les droits des passagers d’être assujettis à des conditions de transport raisonnables et les obligations statutaires, commerciales et opérationnelles du transporteur aérien concerné. Ce critère a d’abord été établi dans la décision no 666-C-A-2001, (Anderson c. Air Canada), et a été appliqué tout récemment dans la décision no 227-C-A-2013 (Lukács c. WestJet).
Question 1 : LA RÈGLE TARIFAIRE 15(1)(h) EXISTANTE EST-ELLE CLAIRE AU SENS DE L’ALINÉA 122c) du RTA?
Analyse et constatations
[9] L’Office note que la règle 15(1)(h) existante prévoit que les droits d’un passager par rapport à Sunwing sont, dans la plupart des cas visant le transport international, régis par la Convention de Montréal. La même règle prévoit également qu’un transporteur est responsable des dommages résultant d’un retard dans le transport de passagers et de marchandises, sauf s’il prouve qu’il a pris toutes les mesures qui pouvaient raisonnablement s’imposer pour éviter les dommages.
[10] Comme l’indique le critère énoncé préalablement dans la présente décision, un transporteur aérien satisfait à l’obligation relative à la clarté prévue dans son tarif lorsque les droits et les obligations du transporteur et des passagers sont définis de telle façon à éviter quelque doute, ambiguïté ou incertitude que ce soit.
[11] L’Office conclut que la règle 15(1)(h) existante établit clairement qu’un transporteur a effectivement la responsabilité pour la perte, le dommage ou le retard des bagages, et que ce n’est que dans des circonstances exceptionnelles qu’un transporteur est en mesure de se défendre contre une réclamation en responsabilité ou d’invoquer des limites de dommage.
[12] Par conséquent, l’Office conclut que la règle tarifaire 15(1)(h) existante est claire au sens de l’alinéa 122c) du RTA.
QUESTION 2 : LES RÈGLES TARIFAIRES 15(1)(b), 15(1)(e), 15(1)(f), 15(1)(h) et 15(3) EXISTANTES SONT-ELLES RAISONNABLES AU SENS DU PARAGRAPHE 111(1) du RTA?
Analyse et constatations
- La règle tarifaire 15(1)(e) existante prévoit notamment qu’un passager a droit à de l’information sur les modifications apportées à l’horaire et à l’heure des vols;
- La règle tarifaire 15(1)(f)(i) existante prévoit notamment qu’un passager dont le voyage a été interrompu en raison du départ anticipé, de l’annulation ou de la surréservation d’un vol se verra offrir des réparations, à savoir l’option de poursuivre le voyage ou d’obtenir un remboursement;
- La règle 15(1)(b) existante prévoit que Sunwing n’est pas tenue responsable du dommage causé par une surréservation ou une annulation si elle prouve qu’elle-même, ses employés et ses mandataires ont pris toutes les mesures qui pouvaient raisonnablement s’imposer pour éviter le dommage, ou qu’il leur était impossible de les prendre;
- La règle 15(1)(f) existante prévoit qu’un passager dont le voyage est interrompu en raison du départ anticipé, de l’annulation ou de la surréservation d’un vol se verra offrir une ou plusieurs des réparations suivantes : le remboursement complet du prix payé pour le billet pour la partie non complétée du voyage, ou le transport dès que possible, sans frais additionnels, jusqu’à la destination prévue du passager.
[13] En ce qui concerne le droit des passagers d’être informés des changements d’horaire, l’Office a noté dans la décision no 16-C-A-2013 que les dispositions des tarifs de certains transporteurs canadiens prévoient que les passagers ont droit à de l’information sur les changements apportés à l’horaire et à l’heure des vols et a conclu qu’une telle disposition tarifaire était raisonnable.
[14] En ce qui a trait à la responsabilité d’un transporteur en cas de dommages, l’Office a déclaré dans la décision no LET‑C‑A‑80-2011 (Lukács c. Air Canada) que l’article 19 de la Convention impose certaines obligations au transporteur, au-delà du paiement d’une indemnité :
Conformément à l’article 19 de la Convention, un transporteur est responsable du dommage résultant d’un retard dans le transport aérien de passagers, entre autres, mais n’est pas responsable du dommage causé par un retard s’il prouve que lui, ses préposés et ses mandataires ont pris toutes les mesures qui pouvaient raisonnablement s’imposer pour éviter le dommage, ou qu’il leur était impossible de les prendre.
[15] En ce qui concerne le droit des passagers à un remboursement, dans la décision no 28-A-2004, l’Office a reconnu le droit fondamental des passagers à un remboursement pour les parties inutilisées de leurs billets advenant que le transporteur ne soit pas en mesure d’offrir un service de transport dans le cadre de ses services ou des services d’un autre transporteur dans un délai raisonnable.
[16] L’Office estime que toutes les constatations susmentionnées de l’Office s’appliquent à la présente plainte.
[17] L’Office estime que les règles tarifaires 15(1)(b), 15(1)(e), 15(1)(f), 15(1)(h) et 15(3) existantes sont raisonnables en ce qu’elles établissent un équilibre entre le droit des passagers d’être assujettis à des conditions de transport raisonnables et les obligations statutaires, commerciales et opérationnelles de Sunwing. En outre, ces dispositions sont conformes aux décisions antérieures de l’Office.
CONCLUSION
Question 1
[18] L’Office a déterminé que la règle tarifaire 15(1)(h) existante est claire au sens de l’alinéa 122c) du RTA.
Question 2
[19] L’Office a déterminé que les règles 15(1)(b), 15(1)(e), 15(1)(f), 15(1)(h) et 15(3) existantes sont raisonnables en ce qu’elles établissent un équilibre entre le droit des passagers d’être assujettis à des conditions de transport raisonnables et les obligations statutaires, commerciales et opérationnelles de Sunwing. En outre, ces dispositions sont conformes aux décisions antérieures de l’Office.
ANNEXE
RÈGLES TARIFAIRES EXISTANTES
[traduction]
RÈGLE 15 – RESPONSABILITÉ À l’ÉGARD DES CHANGEMENTS D’HORAIRE ET DES OPÉRATIONS
[...]
Général
[...]
(b) Les dispositions de la présente règle ne visent pas à tenir le transporteur responsable des actes de tiers qui ne sont pas réputés être des employés ou des mandataires du transporteur en vertu des lois et des conventions internationales applicables, et tous les droits décrits aux présentes sont assujettis à l’exception suivante, à savoir que le transporteur n’est pas responsable du dommage causé par une surréservation ou une annulation s’il prouve que lui, ses employés et mandataires ont pris toutes les mesures qui pouvaient raisonnablement s’imposer pour éviter le dommage, ou qu’il leur était impossible de les prendre.
(e) Les passagers a droit à de l’information sur les modifications apportées à l’horaire et à l’heure des vols. En cas de retard, de départ anticipé ou d’une modification à l’horaire d’un vol, le transporteur fera des efforts raisonnables pour informer les passagers de tous retards, départs anticipés et modifications à l’horaire et, dans la mesure du possible, des motifs de ces retards et modifications.
(f) (i) Si le voyage du passager est interrompu en raison du départ anticipé, de l’annulation ou de la surréservation d’un vol, le transporteur tiendra compte de toutes les circonstances de la situation qui sont portées à sa connaissance et offrira au passager l’option d’accepter une ou plusieurs des réparations possibles suivantes :
a) le remboursement complet du prix payé pour le billet pour la partie non complétée du voyage – et pour la partie déjà complétée si le vol n’a plus de raison d’être dans le cadre du programme de voyage original du passager – ainsi que, le cas échéant, du prix du vol de retour, dès que possible, au premier point de départ, sans frais additionnels;
b) le transport dès que possible, sans frais additionnels, jusqu’à la destination prévue du passager;
[...]
(ii) Lorsqu’il détermine le service de transport à offrir, le transporteur tiendra compte :
a) des services de transport disponibles, notamment les services offerts par des partenaires avec lesquels il a conclu des accords intercompagnies ou de partage de codes ou d’autres partenaires affiliés et, au besoin, des transporteurs non affiliés;
b) des circonstances du passager, qui sont portées à sa connaissance, notamment tous facteurs ayant une incidence sur l’importance d’une arrivée à temps à destination;
(iii) après avoir pris en compte toutes les circonstances, le transporteur prendra toutes les mesures qui peuvent raisonnablement s’imposer pour éviter ou atténuer le dommage causé par le départ anticipé, la surréservation ou l’annulation du vol. Lorsqu’un passager engage des dépenses en raison de la surréservation ou de l’annulation d’un vol, le transporteur offrira en plus un paiement en espèces ou un crédit-voyage, au choix du passager.
(iv) Lorsqu’il détermine le montant du paiement en espèces ou le crédit-voyage offert, le transporteur tiendra compte de toutes les circonstances de la situation, notamment toutes dépenses engagées raisonnablement par le passager en raison du départ anticipé, de la surréservation ou de l’annulation du vol, par exemple pour les frais d’hébergement, de repas ou de transport supplémentaire. Le transporteur établira le montant de l’indemnisation offerte de manière à rembourser le passager pour toutes ces dépenses raisonnables.
[...]
(h) Les droits d’un passager à l’encontre du transporteur sont, dans la plupart des cas impliquant un transport international, régis par une convention internationale connue sous le nom de la Convention de Montréal, 1999. L’article 19 de la Convention prévoit qu’un transporteur est responsable des dommages résultant d’un retard dans le transport de passagers ou de marchandises, sauf s’il prouve qu’il a pris toutes les mesures qui pouvaient raisonnablement s’imposer pour éviter les dommages. Il existe quelques cas exceptionnels de transport international pour lesquels les droits des passagers ne sont pas régis par une convention internationale. Dans ces cas seulement, un tribunal compétent peut déterminer quel système de lois doit être consulté afin de déterminer quels sont les droits applicables.
[...]
(3) Dépenses engagées par les passagers en raison du retard ou du départ anticipé d’un vol
Les passagers auront droit à un remboursement de la part du transporteur pour les dépenses raisonnables qu’ils auront engagées à la suite du retard ou du départ anticipé d’un vol, sous réserve des conditions suivantes :
(a) le transporteur n’est pas responsable des dommages, des coûts, des pertes ou des dépenses causés par le retard ou le départ anticipé d’un vol s’il prouve que lui, ses employés et mandataires ont pris toutes les mesures qui pouvaient raisonnablement s’imposer pour éviter le dommage, ou qu’il leur était impossible de les prendre;
(b) tout passager qui demande le remboursement des dépenses occasionnées par le retard ou le départ anticipé d’un vol doit fournir au transporteur a) une réclamation écrite, b) les détails des dépenses pour lesquelles le remboursement est demandé et c) les reçus ou autres documents établissant, à la satisfaction raisonnable du transporteur, que les dépenses ont bel et bien été engagées;
(c) Le transporteur peut refuser, en tout ou en partie, une demande de remboursement si :
(i) le passager a omis ou refusé de fournir une preuve ou des détails établissant, à la satisfaction raisonnable du transporteur, que les dépenses pour lesquelles un remboursement est demandé ont été engagées par le passager et ont résulté du retard ou du départ anticipé du vol à l’égard duquel un dédommagement est prévu en vertu de la règle 15; ou
(ii) les dépenses pour lesquelles un remboursement intégral ou partiel est demandé ne sont pas raisonnables ou n’ont pas été occasionnées par le retard ou le départ anticipé du vol, comme déterminé de façon raisonnable par le transporteur.
Sans porter atteinte à l’obligation de rembourser un passager comme prévu au présent tarif, le transporteur peut, à sa discrétion exclusive, offrir des bons de repas, d’hébergement à l’hôtel ou de transport terrestre aux passagers touchés par le retard ou le départ anticipé d’un vol.
Règlement sur les transports aériens, DORS/88-58, modifié
111. (1) Les taxes et les conditions de transport établies par le transporteur aérien, y compris le transport à titre gratuit ou à taux réduit, doivent être justes et raisonnables et doivent, dans des circonstances et des conditions sensiblement analogues, être imposées uniformément pour tout le trafic du même genre.
122. Les tarifs doivent contenir :
[...]
c) les conditions de transport, dans lesquelles est énoncée clairement la politique du transporteur aérien concernant au moins les éléments suivants :
[...]
iv. le réacheminement des passagers,
v. l’inexécution du service et le non-respect de l’horaire,
vi. le remboursement des services achetés mais non utilisés, intégralement ou partiellement, par suite de la décision du client de ne pas poursuivre son trajet ou de son incapacité à le faire, ou encore de l’inaptitude du transporteur aérien à fournir le service pour une raison quelconque,
[...]
x. les limites de responsabilité à l’égard des passagers et des marchandises,
xi. les exclusions de responsabilité à l’égard des passagers et des marchandises,
[...]
La Convention de Montréal
Article 19 – Retard
Le transporteur est responsable du dommage résultant d’un retard dans le transport aérien de passagers, de bagages ou de marchandises. Cependant, le transporteur n’est pas responsable du dommage causé par un retard s’il prouve que lui, ses préposés et mandataires ont pris toutes les mesures qui pouvaient raisonnablement s’imposer pour éviter le dommage, ou qu’il leur était impossible de les prendre.
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