Décision n° 113-R-2016
DEMANDE présentée par la Ville de Surrey (Ville) en vertu du paragraphe 101(3) de la Loi sur les transports au Canada, L.C. (1996), ch. 10, modifiée (LTC).
INTRODUCTION
[1] Le 27 novembre 2014, la Ville a déposé une demande auprès de l’Office des transports du Canada (Office) en vertu du paragraphe 101(3) de la LTC, en vue d'obtenir l'autorisation de construire et d'entretenir un égout pluvial et un système de détournement des eaux pluviales au point milliaire 3,95 de la subdivision Fraser Valley, de Southern Railway of British Columbia Limited (SRY) dans la municipalité de Delta (Delta), dans la province de la Colombie‑Britannique (Province). La subdivision Fraser Valley est un corridor entre New Westminster et Chilliwack (Colombie‑Britannique). SRY détient un permis d’exploitation de sa ligne de chemin de fer sur une partie de ce corridor jusqu’en 2064. Le terrain sur ce corridor appartient en fief simple à British Columbia Hydro and Power Authority (BC Hydro).
[2] L’égout pluvial et le système de détournement des eaux pluviales seraient construits en dessous du chemin de fer exploité par SRY et de façon adjacente à ce dernier, partiellement sur un terrain appartenant à Delta, mais en grande partie sur un terrain appartenant à BC Hydro. Ceci est montré sur le plan du 17 septembre 2015 joint à titre de pièce F à la réponse de BC Hydro à la demande (plan de BC Hydro).
[3] En 1988, la Province a adopté une loi visant à privatiser l’exploitation du chemin de fer. En vertu de cette loi, BC Hydro était autorisée à transférer à SRY ses biens ferroviaires et l'autorisation d’exploiter la ligne de chemin de fer, ce qu'elle a fait, et de demeurer propriétaire des anciens terrains de l’emprise ferroviaire sur lesquels la ligne de chemin de fer avait été exploitée.
[4] En 2006, la Province a adopté les dispositions de la LTC portant sur les franchissements afin de les insérer dans sa législation provinciale, et l’Office s’est vu déléguer le pouvoir de les faire respecter. En conséquence, l’Office a compétence pour statuer sur les demandes de franchissement mettant en cause des compagnies de chemin de fer qui relèvent de la Province, y compris SRY.
[5] Delta a consenti à la construction et à l’entretien de l’égout pluvial et du système de détournement des eaux pluviales sur ses terrains; toutefois, la Ville n’a pas été en mesure de négocier des ententes avec SRY ou BC Hydro.
[6] Le 22 janvier 2015, la Ville a déposé une requête dans le but d’ajouter BC Hydro en tant que défenderesse et de modifier sa demande. Dans la décision no LET-R-57-2015, l’Office a accordé la requête de la Ville du fait qu’elle avait suffisamment démontré que BC Hydro pourrait être liée par une ordonnance de l’Office.
[7] Bien qu'aucune des parties ne conteste la compétence de l’Office pour statuer sur cette demande, la question de savoir si une décision de l’Office autorisant la construction de l’égout pluvial et du système de détournement des eaux pluviales aurait force exécutoire pour BC Hydro est en litige.
[8] Pour les raisons indiquées dans la présente décision, l’Office conclut que l’égout pluvial et le système de détournement des eaux pluviales proposés au point milliaire 3,95 de la subdivision Fraser Valley de SRY est adéquat et convenable, et donc cadre avec les fins auxquelles il a été présenté. Par conséquent, l’Office autorise la Ville à construire et à entretenir, à ses frais, le franchissement par desserte. De plus, la décision de l’Office est définitive et a force exécutoire pour les parties, y compris BC Hydro.
CONTEXTE
SRY, sa ligne de chemin de fer et les franchissements existants
[9] SRY est une compagnie de chemin de fer assujettie à la compétence législative de la Province. La ligne de chemin de fer que SRY exploite s'étend de New Westminster à Chilliwack (corridor Fraser Valley).
[10] La ligne de chemin de fer est exploitée en continu pour le transport de marchandises depuis 1911. De 1911 jusqu’en 1961, la ligne de chemin de fer était exploitée par British Columbia Electric Railway Company et, de 1961 à 1988, par BC Hydro, une société d’État.
[11] En vertu de la Hydro and Power Authority Privatization Act, S.B.C. 1988, ch. 39 de la Province, et aux termes d’une entente de transfert de biens conclue en 1988, les biens ferroviaires de BC Hydro ont été transférés à SRY.
[12] Comme on s’y attendait, compte tenu de la longueur considérable de la ligne de chemin de fer exploitée en continu depuis plus de 100 ans, de nombreux franchissements de toutes sortes ont été construits en dessous et en travers de la ligne de chemin de fer au fil des ans. Ces franchissements ont été autorisés par l’instance ayant compétence à cette époque, à savoir le ministre provincial du Transport commercial. La Ville a présenté des détails concernant un grand nombre de franchissements, par desserte et autres, construits en dessous et en travers de la ligne de chemin de fer, accompagnés de leurs autorisations respectives énoncées au paragraphe 11 de sa réplique à sa requête visant à modifier sa demande du 16 février 2015.
[13] Le corollaire est également vrai; comme l’entreprise de la compagnie de chemin de fer a cru et a été prolongée, BC Hydro, en tant qu’exploitante de la ligne de chemin de fer, était tenue de demander des autorisations réglementaires pour construire les prolongements de sa ligne de chemin de fer en travers des routes et des lignes d’autres compagnies de services publics. Ces autorisations ont été accordées par le ministre provincial du Transport commercial. Au paragraphe 12 de sa réplique à sa requête visant à modifier sa demande du 16 février 2015, la Ville a présenté des détails concernant de nombreux franchissements permettant de faire passer la ligne de chemin de fer au‑dessus et en travers de diverses routes et canalisations.
[14] Comme le montre le plan du 26 novembre 2014 qui figure à l’annexe A de la demande, il existe en ce moment un ponceau en béton de 900 mm au point milliaire 3,95 de la subdivision Fraser Valley de SRY, ce qui permet au ruisseau Delta de traverser 96th Avenue. Dans le cadre de l’ouvrage proposé dans cette demande, la Ville prévoit prolonger ce ponceau de béton existant qui ferait partie du système de détournement des eaux pluviales.
BC Hydro et terrains de BC Hydro
[15] Selon la Hydro and Power Authority Act, R.S.B.C. 1996, ch. 212 (Hydro Act), en vertu de laquelle BC Hydro est prorogée, les mandats de BC Hydro sont les suivants :
[traduction]
- générer, fabriquer, conserver, fournir, acquérir et utiliser de l’électricité et des produits connexes,
- fournir et acquérir des services liés à ce que prévoit l’alinéa (a),
- effectuer toute autre chose qui pourrait être prescrite.
[16] À cet égard, BC Hydro affirme être propriétaire et exploitante des lignes de transmission sur ses terrains, qui font partie intégrante du réseau de distribution et de transmission de l’électricité de BC Hydro partout dans la Province.
[17] Les terrains de BC Hydro, indiqués comme étant la parcelle 009-057-854, ont été acquis initialement en 1910 en fief simple par Vancouver Power Company, Limited (VPC) dans le but d'aménager un chemin de fer dans le corridor Fraser Valley. Ce fait est démontré dans le document de transfert des terrains de BC Hydro à VPC (instrument de transfert numéro 23205, enregistré le 9 août 1910) qui renferme un plan identifiant ces terrains comme étant l’emprise de chemin de fer. De plus, deux années avant l’acquisition par VPC des terrains de BC Hydro, VPC a soumis au commissaire en chef des Terres et des Travaux publics les cartes et les profils d’emplacement et les livres de renvoi conformément à l’article 10 de la British Columbia Railway Act, R.S.B.C. 1897 (loi provinciale de 1897 sur les chemins de fer), qui exigeait que les terrains en travers desquels un chemin de fer passerait soient arpentés et fassent l’objet de levés. VCP a obtenu l'approbation de ces cartes, profils et livres de renvoi.
[18] En 1946, VPC a transféré les terrains de BC Hydro à British Columbia Electric Railway Company Limited (BC Electric), qui a enregistré en 1959 un certificat de titre irrévocable sur les terrains de BC Hydro.
[19] En 1964, BC Electric et British Columbia Power Commission ont été fusionnées en vertu de la British Columbia Hydro and Power Authority Act, S.B.C. 1964, ch. 7 (Hydro Act, 1964). Selon BC Hydro, c’est en vertu de la Hydro Act, 1964 qu’elle a obtenu la responsabilité de l’actif, des pouvoirs et du passif de BC Electric, y compris des terrains de BC Hydro. BC Hydro a pris la responsabilité de générer, de transmettre et de distribuer l’électricité. À certains endroits, BC Hydro a également obtenu des titres de propriété en fief simple de corridors constitués de diverses lignes de chemin de fer et de lignes et d'installations de transmission et de distribution d’électricité. À d’autres endroits, BC Hydro a pris la responsabilité de divers droits de passage statutaires autorisant la construction et l'exploitation de lignes de chemin de fer et de lignes de transmission et de distribution d’électricité.
[20] BC Hydro a exploité en continu le chemin de fer jusqu’en 1988, moment auquel la Province l’a autorisée à en transférer l’exploitation à SRY, mais à demeurer propriétaire du terrain en fief simple sur lequel la ligne de chemin de fer était exploitée. Dans le cadre du transfert de la ligne de chemin de fer à SRY, la Province a également autorisé BC Hydro et SRY à conclure une entente accordant un permis pour le corridor Fraser Valley et le droit d’exploitation des biens immeubles connexes, pour l’exploitation de la ligne de chemin de fer sur une partie des terrains de BC Hydro (zone visée par le permis). La zone visée par le permis est d’environ 16,7 m de large, tandis que les terrains de BC Hydro sont d'environ 30,5 m de large en tout, comme le montre le plan de BC Hydro.
[21] L’article 2.01 du permis pour le corridor Fraser Valley prévoit que SRY est autorisée à pénétrer dans la zone visée par le permis, à y construire des installations et à y exploiter la ligne de chemin de fer. SRY a le droit de pénétrer sur les terrains de BC Hydro à l’extérieur de la zone visée par le permis à des fins d’entretien ou de construction d’installations ferroviaires sous réserve du consentement de BC Hydro, et elle peut demander la permission d’agrandir les installations ferroviaires à l’intérieur de la zone visée par le permis.
[22] Même si la Province a autorisé BC Hydro à louer des parcelles de ses terrains à SRY pour lui permettre d’exploiter sa ligne de chemin de fer, BC Hydro continue d’exploiter des installations de transmission d’électricité sur ses propres terrains et, le 15 mai 2007, en vertu de la Land Title Act, R.S.B.C., 1996, ch. 250, BC Hydro a enregistré un droit de passage statutaire sur ses terrains. Selon BC Hydro, ses terrains ne sont grevés d’aucune charge, et aucun lien ni intérêt n’est enregistré sur les titres pour en limiter l’utilisation à des usages ferroviaires.
Égout pluvial et système de détournement des eaux pluviales
[23] L’égout pluvial et le système de détournement des eaux pluviales feront partie du projet de détournement du ruisseau Delta (projet de détournement), qui vise à détourner les eaux pluviales en cas de précipitations importantes du ruisseau Delta au ruisseau Scott afin de réduire l’érosion du ruisseau Delta. Le ruisseau Delta est adjacent à la voie ferrée de SRY, et coule du sud au nord, plus ou moins dans la même direction que la ligne de chemin de fer. Le 25 août 2015, l’Office a autorisé la construction et l’entretien de deux autres franchissements de la ligne de chemin de fer de SRY par des égouts pluviaux qui font tous deux parties du projet de détournement.
[24] L’égout pluvial sera construit sur, en dessous de, en travers de et dans les limites de 96th Avenue à Delta et s’étendra sur les terrains de BC Hydro et, dans une moindre mesure, sur des terrains appartenant à Delta. L’égout pluvial est décrit comme étant un tuyau de 900 mm de diamètre en acier soudé dont la paroi a 13,5 mm d’épaisseur. Les détails de l’égout pluvial sont fournis dans les plans du 26 novembre 2014 qui figurent aux annexes A, B, C et C.1 de la demande.
[25] Le système de détournement des eaux pluviales proposé comprend une prise d’eau en amont, soit des sections de tuyau soudées d’environ 3,5 m de long et 1 200 mm de diamètre, avec un raccord de réduction en acier soudé à un autre tuyau de 900 mm de diamètre, et un mur d’amont en béton. Le système de détournement des eaux pluviales comprend aussi un allongement du ponceau en béton existant au point miliaire 3,95 de la subdivision Fraser Valley de SRY, un trou d’homme de trop-plein en béton et un égout pluvial de 5 m de long et de 750 mm de diamètre en polyéthylène à haute densité avec une prise d’eau en béton. Ces structures, qui font partie du système de détournement des eaux pluviales, permettront de détourner l’eau d’une partie du ruisseau Delta située sur les terrains de BC Hydro, comme le montrent les plans d’avril 2012 figurant à l’annexe B.1 de la demande.
[26] La Ville a entrepris des négociations avec BC Hydro entre août 2012 et janvier 2015, et avec SRY entre octobre 2012 et septembre 2014. Toutefois, aucune entente n’a été conclue ni avec BC Hydro ni avec SRY.
[27] Aucune question n’a été soulevée concernant la conception et la méthode de construction du système d’égout pluvial proposé. La Ville indique que l’égout pluvial et le système de détournement des eaux pluviales n’auront aucune incidence négative sur l'exploitation ferroviaire et la ligne de chemin de fer de SRY, et ne devraient avoir aucune incidence négative ultérieure. De plus, la Ville fait valoir qu’elle en assumera les coûts de construction et d’entretien.
[28] Les parties ne s’entendent pas sur la question de savoir si la décision de l’Office concernant cette demande aurait force exécutoire pour BC Hydro en tant que propriétaire des terrains en question. Elles ne s'entendent pas non plus sur les conditions suivantes de la construction proposée :
- la durée de l’entente;
- les conditions de l’entente à l’égard de l’enlèvement ou de la modification de l’égout pluvial;
- l’imposition de dispositions relatives à la responsabilité, au délaissement et à l’indemnisation;
- les dédommagements;
- les droits réservés.
QUESTIONS
- L’égout pluvial et le système de détournement des eaux pluviales constituent-ils un franchissement par desserte au sens des articles 100 et 101 de la LTC?
- Si l’égout pluvial et le système de détournement des eaux pluviales constituent un franchissement par desserte, l’Office devrait‑il en autoriser la construction?
- Si l’Office autorise le franchissement, quelles en seraient les conditions, le cas échéant?
- La compétence de l'Office sur SRY et sur la ligne de chemin de fer qu’elle exploite comprend-elle le terrain sur lequel la ligne de chemin de fer est située?
- L’Office devrait‑il accorder la requête de SRY visant le rejet de la demande?
CONTEXTE LÉGISLATIF
[29] Par l'intermédiaire d'une entente administrative détaillée ci‑après, la Province a délégué à l’Office le pouvoir de faire appliquer les dispositions de la LTC portant sur les franchissements.
Législation fédérale
[30] L’article 100 de la LTC prévoit ce qui suit :
« franchissement par desserte » Franchissement par une desserte d’un chemin de fer par passage supérieur ou inférieur, ainsi que tous les éléments structuraux facilitant le franchissement ou nécessaires à la partie visée de la desserte.
« desserte » Ligne servant au transport de produits ou d’énergie ou à la fourniture de services, notamment par fil, câble ou canalisation.
[31] Le paragraphe 101(3) de la LTC prévoit ce qui suit :
L’Office peut, sur demande de la personne qui ne réussit pas à conclure l’entente ou une modification, autoriser la construction d’un franchissement convenable ou de tout ouvrage qui y est lié, ou désigner le responsable de l’entretien du franchissement.
Législation provinciale
[32] Le paragraphe 3 de la Railway Act, R.S.B.C., 1996, ch. 395 (Railway Act) de la Colombie‑Britannique prévoit ce qui suit :
[Traduction]
3(1) Pour l’application du présent article :
« compagnie » signifie une personne, une entreprise ou une société, incluant une société disposant des pouvoirs pour agir à titre de transporteur de passagers et de marchandises, qui est ou a l’intention d’être propriétaire d’un chemin de fer ou d’un tramway, ou qui construit ou exploite, ou entend construire ou exploiter un chemin de fer ou un tramway en Colombie‑Britannique et qui, à l’exception du présent paragraphe, serait exemptée de l’application de la présente Loi;
« chemin de fer » signifie un chemin de fer ou un tramway assujetti à l’autorité législative du Parlement, et comprend toute entreprise par une compagnie assujettie à cette autorité qui, par tout certificat du ministre, est désignée comme étant un chemin de fer.
[…]
(6) Aux termes de à la Railway Safety Act, une compagnie ne peut exploiter un chemin de fer en Colombie‑Britannique sans l’autorisation écrite du ministre et sous réserve de conditions que le ministre pourrait imposer.
Entente administrative
[33] En vertu de l’article 9 de la Railway Safety Act, S.B.C., 2004, ch. 8 (loi provinciale sur la sécurité ferroviaire), le ministre peut, par règlement, adopter des dispositions d’autres lois désignées, y compris la LTC et, une fois adoptées, ces dispositions s’appliquent aux compagnies de chemin de fer. La Province a donc adopté, par l'intermédiaire du Railway Safety Adopted Provisions Regulation, B.C. Reg. 210/2004, les articles 99 à 103 de la LTC, à l'exception du paragraphe 101(4). Puis, aux termes de l’article 157,1 de la LTC, la Province a conclu une entente administrative datée du 11 septembre 2006, en vertu de laquelle la Province a délégué l’administration de ces dispositions à l’Office (entente). Par conséquent, les différends relatifs aux franchissements de chemins de fer pour lesquels la province a compétence sont tranchés par l’Office.
[34] SRY est une entreprise ferroviaire assujettie à la compétence législative de la Province, et l’Office a donc compétence sur SRY et sur la présente demande dans la portée de l’entente.
QUESTION 1 : L’ÉGOUT PLUVIAL ET LE SYSTÈME DE DÉTOURNEMENT DES EAUX PLUVIALES CONSTITUENT-ILS UN FRANCHISSEMENT PAR DESSERTE AU SENS DES ARTICLES 100 ET 101 DE LA LTC?
Positions des parties
BC Hydro
[35] BC Hydro fait valoir que puisque la partie principale de l’égout pluvial et du système de détournement des eaux pluviales n’est pas située sur une ligne de chemin de fer, elle ne correspond pas à la définition d’un franchissement par desserte au sens de la loi provinciale sur la sécurité ferroviaire et de la LTC et ainsi, la demande devrait être rejetée du fait que l’Office n’a pas compétence en la matière. Selon BC Hydro, les terrains situés à l’extérieur de la zone visée par le permis ne sont pas utilisés comme ligne de chemin de fer et ne l’ont jamais été.
[36] BC Hydro affirme que dans des décisions antérieures, l’Office a soutenu que la définition d’un « chemin de fer » dans le contexte d’un franchissement par desserte ne vise que les installations et les terrains à l’intérieur de l’emprise de chemin de fer, et que c’est ce qu’a soutenu la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada c. Canada (Office des transports du Canada), [1999] A.C.F. no 1961 (CN 1999). BC Hydro fait également référence à la 33-R-2011">décision no 33-R-2011, dans laquelle l’Office a conclu que la définition d’une « desserte » engloberait toute partie [d’une canalisation] qui se trouve au‑dessus de l’emprise du chemin de fer ou en dessous de cette dernière. Conformément à ces décisions, BC Hydro fait valoir que l’application la plus large qu’on peut faire d’un « franchissement par desserte » au sens de la LTC, telle qu’elle a été adoptée dans la loi provinciale sur la sécurité ferroviaire et la jurisprudence pertinente, concerne les parties d’une desserte qui passent au‑dessus, en dessous, le long ou en travers d’une ligne de chemin de fer et qui sont situées à l’intérieur de l’emprise du chemin de fer.
[37] BC Hydro soumet que la 617-R-2007">décision no 617-R-2007 est la seule décision dont elle a connaissance dans laquelle l’Office a exigé une construction sur des terrains qui ne faisaient pas partie d’une emprise de chemin de fer. Dans ce cas, l’Office a exigé la construction d’ouvrages sur la propriété qui était adjacente à l’emprise du chemin de fer, mais qui appartenait toujours au propriétaire du chemin de fer. BC Hydro ajoute que l’Office a affirmé sa compétence dans ce cas-là parce que la majorité du projet de franchissement proposé relevait de sa compétence, et parce que le demandeur a convenu d’offrir à la compagnie de chemin de fer une indemnité juste et raisonnable pour l’utilisation du terrain contigu appartenant à la compagnie de chemin de fer. L’Office a également déterminé que l’inclusion d’une voie de service était nécessaire pour construire le franchissement routier et constituait donc un ouvrage connexe assujetti à la compétence de l’Office.
[38] BC Hydro indique que dans le cas présent, seulement une petite partie de l’égout pluvial et du système de détournement des eaux pluviales proposés par la Ville se trouve dans la zone visée par le permis et que même si l’Office devait déterminer que cette zone est une emprise de chemin de fer, les circonstances de la 617-R-2007">décision no 617-R-2007 ne se retrouvent pas dans le cas présent.
SRY
[39] SRY est d’accord avec la conclusion antérieure de l’Office selon laquelle l’emprise d’une compagnie de chemin de fer fait partie de sa ligne. SRY fait toutefois valoir que dans le cas présent, comme le terrain contigu à sa voie ne lui appartient pas et qu’elle n’en a pas le contrôle, ce terrain ne peut pas être décrit comme étant une emprise de chemin de fer relevant de la compétence de l’Office. SRY convient toutefois que l’Office pourrait avoir compétence sur ses voies et sur son infrastructure connexe, si la desserte proposée empiète sur ces installations.
[40] SRY remet également en question la compétence de l’Office pour autoriser les éléments structuraux du système de détournement des eaux pluviales du fait qu’ils servent au drainage, contrairement à l’installation de canalisations d’eau. SRY maintient que l’Office n’a plus compétence sur le drainage depuis l’abrogation de la Loi sur les chemins de fer, S.R.C., 1985 ch. R-3, art. 212 (loi fédérale sur les chemins de fer).
[41] SRY fait également valoir que l’Office n’a pas compétence pour autoriser les éléments des structures de détournement, car ils ne correspondent pas à la définition de « desserte » au sens de l’article 100 de la LTC. Selon SRY, l’article 100 de la LTC définit une « desserte » comme étant une « [l]igne servant au transport de produits ou d’énergie ou à la fourniture de services, notamment par fil, câble ou canalisation ». SRY soutient que les structures de détournement proposées, qui consistent en un mur d’amont, l’allongement du ponceau, un trou d’homme de trop‑plein en béton et une prise d’eau en béton, n’entrent pas dans la catégorie de « fil, câble ou canalisation ». SRY indique également que les éléments structuraux du système de détournement des eaux pluviales ne peuvent pas être considérés comme étant des installations nécessaires et conséquentes liées à une canalisation ou à un tuyau d’égout pluvial.
La Ville
[42] En ce qui a trait à l’argument de SRY selon lequel les structures de détournement des eaux pluviales servent au drainage, la Ville fait valoir que dans la 213‑R‑2015">décision no 213‑R‑2015, l’Office a approuvé un tuyau d’égout pluvial (égout pluvial) et l’amélioration d’un fossé de drainage déjà existant en tant que franchissement par desserte. La Ville soutient qu’il n’était pas de l’intention du législateur de retirer le pouvoir de l’Office d’approuver des franchissements de drainage lorsque la loi fédérale sur les chemins de fer a été abrogée.
[43] La Ville n’est pas d’accord avec la position de SRY selon laquelle les structures de détournement des eaux pluviales ne constituent pas une desserte au sens de l’article 100 de la LTC. Selon la Ville, SRY n’a pas déposé de preuve technique pour contester la preuve de la Ville. La Ville renvoie à la 709‑R‑2006">décision no 709‑R‑2006, dans laquelle l’Office a conclu qu’on ne pouvait pas avoir de valves sans canalisation. La Ville fait valoir que, selon cette même décision, il est impossible d’avoir un système de détournement des eaux pluviales sans avoir un égout pluvial.
[44] Selon la Ville, les plans de conception technique qui figurent aux annexes B.1 et B.2 de sa demande montrent clairement que l’égout pluvial ne peut pas fonctionner indépendamment d’un système de détournement des eaux pluviales. La Ville affirme que si l’Office n’accepte pas que le système de détournement des eaux pluviales constitue un ouvrage lié à l’égout pluvial, alors l’Office devrait conclure que le système de détournement des eaux pluviales est un moyen « servant à la fourniture d'un service », c.‑à‑d. à distribuer l’eau. La Ville affirme également que l’Office a pris une tangente vaste et téléologique pour interpréter sa loi, car s’il ne le faisait pas, il s’écarterait de l’intention de l’article 101 de la LTC.
[45] En ce qui trait à la position de BC Hydro et de SRY selon laquelle les structures de détournement des eaux pluviales sont en grande partie situées à l’extérieur de la ligne de chemin de fer de SRY, la Ville indique que les terrains de BC Hydro sont entièrement à l'intérieur de l’emprise du chemin de fer. Selon la Ville, le fait que BC Hydro et SRY aient entre elles temporairement délimité une zone visée par le permis faisant partie de l’emprise du chemin de fer ne change pas le fait que l’ensemble des terrains de BC Hydro forment une partie d’une emprise de chemin de fer et sont, en conséquence, une ligne de chemin de fer sur laquelle l’Office a compétence. La Ville affirme que le fait que SRY n’est pas le propriétaire en fief simple de l’emprise de chemin de fer n'est pas important ni pertinent à la lumière du fait que cette emprise fait partie intégrante de la ligne de chemin de fer de SRY.
Analyse et constatations
[46] L’article 100 de la LTC définit un « franchissement par desserte » comme un franchissement par une desserte d’un chemin de fer par passage supérieur ou inférieur, ainsi que tous les éléments structuraux facilitant le franchissement ou nécessaires à la partie visée de la desserte.
[47] Comme l’ont noté les parties, l’Office a toujours soutenu qu’une ligne de chemin de fer pouvait inclure une emprise de chemin de fer. Dans la 709-R-2006">décision no 709-R-2006, l’Office a conclu que le terme « franchissement par desserte », au sens de l’article 100 de la LTC, englobe les dessertes qui longent une voie ferrée et qui empiètent sur les terres formant les emprises de la compagnie de chemin de fer.
[48] SRY fait valoir que les terrains de BC Hydro contigus à son chemin de fer ne font pas partie de sa ligne de chemin de fer, car elle n’est pas propriétaire de ces terrains et n’en a pas non plus le contrôle. L’Office note toutefois que la Ville a fourni des copies des plans et profils d’emplacement et des livres de renvoi de 1908 visant l’emprise de chemin de fer, tels qu’ils ont été approuvés par le commissaire des Terres et des Travaux publics en vertu de la loi provinciale de 1897 sur les chemins de fer. Ces autorisations ont été accordées à VPC, le prédécesseur de BC Hydro.
[49] De plus, les terrains de BC Hydro ont été acquis dans le cadre d’un plan de construction d’une ligne de chemin de fer et, comme il a été noté dans le contexte de la présente décision, cette ligne de chemin de fer a effectivement été construite il y a plus de 100 ans et continue d’être exploitée depuis. De plus, l’instrument de transfert du terrain et les plans connexes liés au transfert des terrains de BC Hydro à VPC indiquent que les terrains de BC Hydro font partie d’une emprise de chemin de fer.
[50] À la lumière de l’historique des terrains de BC Hydro détaillé précédemment, l’Office n’accepte pas la position de SRY selon laquelle le terrain contigu aux voies ferrées ne fait pas partie de la ligne de chemin de fer parce que le permis pour le corridor Fraser Valley ne vise qu’une partie des terrains de BC Hydro sur laquelle SRY est autorisée à exploiter sa ligne de chemin de fer. Les terrains de BC Hydro ont été acquis aux fins de l’exploitation d’un chemin de fer. Un chemin de fer est exploité sur ces terrains depuis plus de 100 ans. La décision de BC Hydro de donner à SRY un permis sur une zone un peu plus étroite du terrain ne change pas la nature de ces terrains. L’Office est d’avis que la totalité des terrains de BC Hydro continuent de former l’emprise de chemin de fer. L’Office conclut donc qu'il a compétence pour autoriser la construction d’un système de détournement des eaux pluviales, même si les structures sont en partie situées à l’extérieur de la zone visée par le permis.
[51] En ce qui concerne l’allégation de SRY selon laquelle les structures de détournement des eaux pluviales servent au drainage et ne sont donc pas assujetties à la compétence de l’Office, ce dernier note que dans la 213‑R‑2015">décision no 213‑R‑2015, il a autorisé un égout pluvial et un fossé de drainage à titre de franchissement par desserte, en vertu de l’article 101 de la LTC. L’Office conclut que cette décision s’applique directement à cette affaire et il confirme avoir antérieurement considéré qu’un égout pluvial, qui vient améliorer le drainage, constitue un franchissement par desserte.
[52] En vertu de l’article 100 de la LTC, une « desserte » est définie comme une ligne servant au transport de produits ou d’énergie ou à la fourniture de services, notamment par fil, câble ou canalisation. Dans le cas présent, l’Office conclut que l’égout pluvial constitue une canalisation. L’Office conclut également que, comme le système de détournement des eaux pluviales fait partie intégrante de l’égout pluvial, il est nécessaire pour le fonctionnement de l’égout pluvial et est donc considéré comme étant un ouvrage connexe et faisant partie d’un franchissement par desserte, assujetti au paragraphe 101(3) de la LTC.
[53] À la lumière de ce qui précède, l’Office conclut que l’égout pluvial et le système de détournement des eaux pluviales constituent un franchissement par desserte. L’Office se penchera maintenant sur la question de savoir s’il devrait autoriser la construction et l’entretien du franchissement par desserte.
QUESTION 2 : SI L’ÉGOUT PLUVIAL ET LE SYSTÈME DE DÉTOURNEMENT DES EAUX PLUVIALES CONSTITUENT UN FRANCHISSEMENT PAR DESSERTE, L’OFFICE DEVRAIT-IL EN AUTORISER LA CONSTRUCTION?
[54] L’Office conclut que les parties ont tenté pendant un certain temps de négocier une entente concernant la construction et l’entretien du franchissement par desserte et qu'elles n'ont pas réussi à le faire. Par conséquent, en vertu du paragraphe 101(3) de la LTC, la Ville demande à l’Office une ordonnance l’autorisant à construire et à entretenir, à ses frais, le franchissement par desserte visé par la présente demande.
[55] La Cour d’appel fédérale, dans l’affaire Fafard c. Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada [2003] CAF 243 (Fafard), a conclu ce qui suit : « Un passage convenable est un passage adéquat et approprié pour les fins auxquelles il est destiné et mis en place. »
[56] Des dessins techniques détaillés ont été présentés avec la demande. L’Office note que les parties s’entendent sur la conception et la méthode de construction du franchissement par desserte, ainsi que sur la conformité avec les normes applicables.
[57] Ni SRY ni BC Hydro n'ont soulevé de préoccupations relativement aux questions techniques ou de sécurité concernant le franchissement par desserte.
[58] BC Hydro fait valoir que certaines conditions sont nécessaires pour veiller à ce que le franchissement par desserte ne compromette pas sa capacité de fournir le service à l’avenir. L’Office note toutefois que BC Hydro n’a fait aucune présentation de fond pour démontrer que le franchissement par desserte aurait une incidence directe ou indirecte sur sa capacité de fournir de l’électricité.
[59] L’Office conclut donc que le franchissement par desserte au point miliaire 3,95 de la subdivision Fraser Valley de SRY est adéquat et approprié, donc convenable aux fins pour lesquelles il est destiné (c.‑à‑d. détournement des eaux pluviales en cas de précipitations importantes). Par conséquent, l’Office autorise la Ville à construire et à entretenir, à ses frais, le franchissement par desserte.
[60] L’Office doit maintenant considérer si des conditions devraient être incluses dans son autorisation.
QUESTION 3 : SI L’OFFICE AUTORISE LE FRANCHISSEMENT, QUELLES EN SERAIENT LES CONDITIONS, LE CAS ÉCHÉANT?
[61] BC Hydro fait valoir que les conditions de l’autorisation de l’Office devraient être celles établies dans l’entente de permis pour le corridor qu’elle a proposée à la Ville le 12 janvier 2015. La Ville s’oppose toutefois à ces conditions comme elle l’explique ci‑après.
[62] Dans sa réponse à la demande la Ville, SRY a proposé des conditions qui diffèrent de celles qu’elle a proposées à la Ville dans son entente au cours des négociations. L’Office considérera donc les conditions les plus récentes qu’a proposées SRY, celles‑là mêmes qui sont indiquées dans sa réplique, comme elles sont détaillées plus bas.
Durée de l’entente relative au franchissement par desserte
[63] Dans sa demande, la Ville indique qu’elle demande une entente perpétuelle pour une durée indéterminée qui pourrait être modifiée uniquement par une ordonnance de l’Office ou avec l’accord des deux parties.
[64] Dans l’entente proposée de permis pour le corridor, BC Hydro demande une durée de 20 ans assortie d’une disposition sur la résiliation par l’une ou l’autre des parties à tout moment suivant un avis écrit de 90 jours. SRY ne fait aucune présentation particulière quant à la durée de l’entente sur le franchissement par desserte.
[65] Dans la 90-R-2007">décision no 90-R-2007, l’Office a conclu ce qui suit :
Une décision de l’Office autorisant la construction d’un franchissement par desserte à un endroit spécifique demeure en vigueur jusqu’à ce qu’elle soit modifiée ou annulée par l’Office ou par l’organisme qui le remplace.
[66] En vertu de l’article 32 de la LTC, l’Office peut, à sa discrétion, réviser, annuler ou modifier ses décisions ou arrêtés en raison de faits nouveaux ou en cas d’évolution des circonstances de l’affaire visée par ses décisions ou arrêtés.
[67] Conformément à ce qui précède, de même qu’à ses plus récentes décisions rendues sur cette question, soit la 274-R-2015">décision no 274-R-2015 et la 275-R-2015">décision no 275-R-2015, l’Office conclut qu’une décision autorisant un franchissement demeure en vigueur tant que l’Office ne la modifie ou ne l’annule pas. Ainsi, l’Office n’imposera aucune condition relativement à la durée de l’entente relative au franchissement par desserte.
Conditions de l’entente relatives à l’enlèvement ou à la modification du franchissement par desserte
[68] Dans l’entente proposée de permis pour le corridor, BC Hydro souhaite une condition indiquant qu’à la résiliation de l’entente, la Ville doit retirer ses ouvrages et restaurer les ouvrages de BC Hydro et de toute autre partie dans les 30 jours suivant la demande formulée par BC Hydro en ce sens.
[69] Toutefois, la Ville n’est pas disposée à retirer ses ouvrages et à restaurer les ouvrages d’autres parties de la façon dont le propose BC Hydro.
[70] SRY demande que l’enlèvement ou la modification pour quelque raison que ce soit se fasse aux frais de la Ville.
[71] L’Office conclut, conformément à des décisions antérieures (p. ex. la 151-R-2013">décision no 151-R-2013), qu’une décision qui autorise la construction d’un franchissement par desserte à un emplacement précis est définitive et a force exécutoire pour les parties, à moins que l’Office la révise ou l’annule. À ce titre, l’Office n’imposera aucune condition relativement à l’enlèvement ou à la modification du franchissement par desserte.
Imposition de dispositions relatives à la responsabilité, au délaissement et à l’indemnisation
[72] Dans l’entente proposée de permis pour le corridor, BC Hydro demande une indemnisation à son endroit et à l'endroit de ses administrateurs, ses mandataires, ses employés, ses entrepreneurs, ses invités et ses agents contre, notamment, toute perte, action légale ou administrative, tout rejet de produits contaminants et tous actes de négligence attribuables à l’exécution de l’entente proposée de permis pour le corridor.
[73] Selon BC Hydro, la Ville a rejeté les conditions proposées, indiquant soit que BC Hydro assume la responsabilité de tous les coûts de réparation découlant de la construction ou de la défaillance du franchissement par desserte, soit que la question soit tranchée à une date ultérieure par une autorité compétente. BC Hydro fait valoir que la proposition de la Ville va à l’encontre de la préférence claire du Parlement de la Province de protéger la capacité de BC Hydro de fournir l’électricité dans des situations où des différends sur l’utilisation des terres mettraient en cause des services municipaux.
[74] Le Ville soutient qu’il n’y a pas de preuve de la préférence de la Province comme l’indique BC Hydro, et qu’une telle préférence ne peut pas être tirée de textes législatifs. La Ville fait valoir qu’il n’y a aucun différend dans le cas présent, et s’il devait y en avoir un, BC Hydro pourrait demander un arrêté de l’Office pour faire modifier ou annuler toute ordonnance de l’Office prise relativement à l’autorisation demandée par la Ville.
[75] La Ville affirme que les conditions de l’autorisation de l’Office devraient concorder avec celles qu’il a déjà ordonnées dans de récentes décisions, comme la 213‑R-2015">décision no 213‑R-2015, la 274‑R‑2015">décision no 274‑R‑2015 et la 275‑R‑2015">décision no 275‑R‑2015 qui, entre autres, ne viennent pas annuler les immunités de la Ville en vertu de toute loi applicable ou de la common law, notamment celles prévues à l’article 288 de la Local Government Act, R.S.B.C. (2015), ch. 1 (Local Government Act). Ledit article 288 prévoit qu’une municipalité n’est pas tenue judiciairement responsable dans les cas de nuisance, ou dans les situations visées par la règle dans l’affaire Rylands c. Fletcher, si les dommages découlent directement ou indirectement du bris ou du mauvais fonctionnement d’un système d’égout ou encore d’un système d’aqueduc ou d’installation de drainage.
[76] SRY indique que l’Office n’a pas imposé de conditions concernant la responsabilité dans trois décisions rendues en 2015 autorisant des franchissements par desserte, mais qu’un examen de plusieurs décisions émises avant 2015 montre que l’Office a ordonné à des compagnies de services publics d’indemniser des compagnies de chemin de fer pour des pertes, sauf si la cause de la perte, des coûts, des dommages, des préjudices ou des dépenses pouvait être attribuée à d’autres facteurs. SRY fait valoir qu’en l’absence de raisons convaincantes de ne pas tenir compte des décisions antérieures à 2015, l’Office devrait changer sa pratique de longue date d’autoriser des franchissements par desserte en leur intégrant la disposition suivante :
La compagnie de services publics doit, en tout temps, dédommager la compagnie de chemin de fer à qui appartient le chemin de fer le long et en travers duquel le franchissement par desserte est construit de toute perte et de toute dépense et de tout dommage, coût ou préjudice auxquels la compagnie de chemin de fer pourrait être exposée en raison de blessure à des personnes ou de dommages à la propriété causés par la conception, la construction, l’entretien ou le fonctionnement du franchissement par desserte, ainsi que de tout dommage ou préjudice attribuable à l’imprudence, à la négligence ou à l’incapacité des employés ou des agents de la compagnie de services publics dans le cadre de la conception, de la construction, de l’entretien ou du fonctionnement du franchissement par desserte, sauf si la cause de ladite perte ou dépense ou dudit coût, dommage ou préjudice peut être attribuée à d’autres facteurs.
[77] En réponse aux présentations de SRY, la Ville fait valoir que SRY tente de soumettre de nouveau au processus de règlement des différends des questions qu’elle a déjà débattues et que l’Office a déjà tranchées dans la 213‑R‑2015">décision no 213‑R‑2015, la 274-R-2015">décision no 274-R-2015 et la 275-R-2015">décision no 275-R-2015. La Ville indique que toute autorisation accordée devrait être établie selon des conditions qui cadrent avec ces décisions. La Ville soutient qu’en n’imposant aucune disposition en matière de responsabilité, l’Office a correctement préservé les protections de la Ville prévues à l’article 288 de la Local Government Act et n’a pas affecté d’autres mécanismes de protection de la common law dont la Ville peut se prévaloir.
[78] La Ville demande que, si la protection prévue à l’article 288 de la Local Government Act n’est pas explicitement reconnue dans l’autorisation de l’Office, rien dans la décision ne puisse nuire à cette protection. La Ville propose que si l’Office devait imposer une disposition en matière d’indemnisation, ce devrait être la clause 11.3 de la décision de Télécom CRTC 2013-618, qui prévoit qu’aucune des parties ne devrait être responsable des divers types de dommages.
[79] Comme il est indiqué dans ses plus récentes décisions autorisant les franchissements par desserte (p. ex. la 275-R-2015">décision n° 275-R-2015 et la 274-R-2015">décision no 274-R-2015), l’Office est d’avis que la responsabilité pour des actes de négligence par l’une ou l’autre des parties aux franchissements ferroviaires ou par desserte devait être déterminée par les tribunaux civils de la province dans laquelle le franchissement est situé. Par conséquent, l’Office ne fixera aucune condition relativement à la responsabilité.
Conditions concernant les indemnisations
[80] BC Hydro demande des frais annuels de 350 $ pour les cinq premières années, montant qui peut être révisé chaque année par la suite. SRY ne fait aucune présentation sur ces frais. La Ville s’oppose toutefois à la position de BC Hydro.
[81] Dans la 93-R-1995">décision no 93-R-1995, l’Office a fait valoir ce qui suit :
[...] si le droit de passage est établi suite à l’exercice d’un pouvoir suivant la loi, l’Office, comme ses prédécesseurs, a pour principe de ne pas autoriser de dédommagement lorsqu’une simple servitude est donnée sans qu’il y ait de préjudice ou de dommage véritable à la compagnie de chemin de fer ou à sa propriété.
[82] L’Office a endossé ce principe à de nombreuses autres occasions, comme dans la 401-R-2002">décision no 401-R-2002, la 440-R-2004">décision no 440-R-2004, la 90-R-2007">décision no 90-R-2007 et la 432‑R‑2009">décision no 432‑R‑2009, dans laquelle il a autorisé la construction et l’entretien de franchissements par desserte sans ordonner de dédommagement à la compagnie de chemin de fer.
[83] L’Office conclut que BC Hydro n’a pas fourni de preuve pour démontrer qu’elle pourrait faire face à un quelconque problème administratif en conséquence du franchissement par desserte proposé. Par conséquent, l’Office conclut qu’un dédommagement sous forme de frais à verser à BC Hydro n’est pas justifié.
Conditions de l’entente sur les droits réservés
[84] Selon la Ville, BC Hydro demande que l’entente renferme une condition qui indiquerait que la Ville est assujettie à tous les droits et intérêts de BC Hydro en tant que propriétaire foncier et en ce qui concerne ses propres installations, peu importe à quel moment BC Hydro exerce ses droits en tant que propriétaire foncier. La Ville n’est pas disposée à accepter cette condition. SRY n’a fourni aucune présentation sur cette condition.
[85] L’Office a toujours soutenu qu’une autorisation qu’il accorde est définitive et a force exécutoire (p. ex., la 151-R-2013">décision no 151-R-2013). En conséquence, l’autorisation sera assujettie seulement à une révision, à une modification ou à une annulation par l’Office comme l’indique la LTC. L’Office n’imposera pas de conditions concernant des droits réservés. BC Hydro est libre de demander une modification de l’autorisation de l’Office en vertu de l’article 32 de la LTC si elle le juge nécessaire.
QUESTION 4 : LA COMPÉTENCE DE L'OFFICE SUR SRY ET SUR LA LIGNE DE CHEMIN DE FER QU’ELLE EXPLOITE COMPREND-ELLE LE TERRAIN SUR LEQUEL LA LIGNE DE CHEMIN DE FER EST SITUÉE?
Positions des parties
[86] BC Hydro fait valoir que l’Office n’a pas compétence pour interférer dans les questions visant les terrains appartenant à BC Hydro et qu’elle‑même utilise pour s’acquitter du mandat que lui confère la Hydro Act. Selon BC Hydro, la loi en vertu de laquelle l’Office exerce sa compétence ne s’applique aucunement à BC Hydro ni à ses terrains. Selon BC Hydro, si l’Office pouvait exercer son pouvoir sur BC Hydro et sur ses terrains, ce pouvoir ne viserait que les terrains utilisés pour l’exploitation d’une ligne de chemin de fer. À cet égard, BC Hydro soutient que la grande partie de l’égout pluvial et du système de détournement des eaux pluviales ne serait pas située sur des terres servant à l’exploitation d’une ligne de chemin de fer.
[87] BC Hydro soutient que, pour que l’Office conclue qu'il a compétence sur elle, l’Office doit déterminer que BC Hydro est une compagnie de chemin de fer au sens de la loi provinciale sur la sécurité ferroviaire. BC Hydro souligne que cette loi prévoit que les dispositions adoptées s’appliquent aux compagnies de chemin de fer. BC Hydro affirme ne pas être visée par la définition d’une « compagnie de chemin de fer » au sens de cette loi, qui définit une compagnie de chemin de fer comme étant une compagnie qui a reçu une autorisation en vertu de l’article 3 de la Railway Act. BC Hydro indique qu’elle ne satisfait pas à la définition de « compagnie » au sens de l’article 3 de la Railway Act, et qu’elle n’a pas l’autorisation du ministre en vertu de cet article d’exploiter un chemin de fer en Colombie‑Britannique. BC Hydro fait remarquer qu’elle a cédé tous ses biens ferroviaires en 1988 et que, depuis ce temps, elle n’a pas été, et n’a pas eu l’intention d’être, propriétaire d’un chemin de fer, et qu'elle n’a pas non plus construit ou exploité, ni eu l’intention de construire ou d’exploiter un chemin de fer. En conséquence, en vertu du paragraphe 3(1) de la Railway Act, BC Hydro fait valoir qu’elle ne correspond pas à la définition d’une compagnie, qui est définie comme étant une compagnie qui est ou a l’intention d’être propriétaire d’un chemin de fer, ou qui construit ou exploite, ou entend construire ou exploiter un chemin de fer.
[88] Pour étayer sa position selon laquelle BC Hydro reste assujettie à la loi provinciale sur la sécurité ferroviaire, la Ville fait valoir que le décret 1708 (qui fait en sorte que les articles 4 et 7 de la Railway Act 1960 s’appliquent à BC Hydro) et le certificat 4293 (qui fait en sorte que les dispositions portant sur les franchissements de la Railway Act 1960 s’appliquent à BC Hydro), sont encore en vigueur. BC Hydro réfute toutefois cet argument en affirmant que les articles 4 et 7 de la Railway Act 1960 continuent aux articles 3 et 5 de la Railway Act et que ces articles s’appliquent encore à BC Hydro, que le décret 1708 soit encore en vigueur ou non. BC Hydro réfute également le fait que le certificat 4293 s’applique encore à elle, sachant que ce certificat a été par la suite transféré à SRY.
[89] BC Hydro fait valoir qu’avec la loi provinciale sur la sécurité ferroviaire et les dispositions adoptées de la LTC, l’intention n’était et n’est pas de conférer à l’Office la compétence d’interférer dans la question des terrains appartenant à BC Hydro, que BC Hydro utilise pour remplir son mandat en vertu de la Hydro Act. BC Hydro s’appuie sur le paragraphe 32(1) de la Hydro Act qui prévoit ce qui suit :
[Traduction]
Malgré une disposition particulière de toute loi prévoyant le contraire, sauf si la présente loi l’indique autrement, l’autorité n’est liée par aucune loi ni disposition législative de la Colombie‑Britannique.
[90] BC Hydro soutient que la Province n’a pas assujetti BC Hydro à la loi provinciale sur la sécurité ferroviaire et que, ce faisant, la Province a veillé à ce que les dispositions en vigueur, qui visent à limiter la capacité des municipalités d’affecter les activités de BC Hydro, survivent malgré l’adoption de la loi provinciale sur la sécurité ferroviaire.
[91] SRY appuie la position de BC Hydro sur la question de la compétence de l’Office sur BC Hydro, indiquant que puisque BC Hydro n’est pas une compagnie de chemin de fer en vertu des lois de la Colombie‑Britannique, elle n’est pas assujettie à la loi provinciale sur la sécurité ferroviaire, laquelle confère des pouvoirs à l’Office.
[92] La Ville fait toutefois valoir que nulle part dans la loi provinciale sur la sécurité ferroviaire, les dispositions adoptées de la LTC ou les ententes conclues en vertu de la loi provinciale sur la sécurité ferroviaire, il n’est prévu de limites, explicites ou sous-entendues, concernant la compétence de l’Office en ce qui a trait à BC Hydro ou à toute emprise de chemin de fer lui appartenant.
[93] La Ville indique que même si on accepte l’interprétation que BC Hydro fait de la Hydro Act, il est clair qu’en vertu de l’article 3 de la Railway Act, BC Hydro doit se conformer à la loi provinciale sur la sécurité ferroviaire et est, par conséquent, assujettie à la loi provinciale sur la sécurité ferroviaire, aux dispositions adoptées de la LTC et à la compétence de l’Office.
[94] La Ville soutient que comme BC Hydro continue d’être propriétaire de l’emprise de chemin de fer et qu’elle se réserve des droits dans le cadre de son entente avec SRY pour, entre autres, contrôler des franchissements et permettre à d’autres de franchir ou d’occuper l’emprise de chemin de fer, elle est considérée comme étant un exploitant au sens du paragraphe 3(6) de la Railway Act.
[95] La Ville indique qu’avant que l’Office ait compétence, BC Hydro était assujettie au régime législatif et faisait régulièrement partie des instances et des demandes liées aux franchissements. La Ville fournit des exemples, dont l’autorisation accordée en 1971 par le ministre du Transport commercial d’une demande concernant la requête de Westcoast Transmission Company Limited en vue d'installer et d'entretenir un gazoduc sous le chemin de fer de BC Hydro. La Ville ajoute que le pouvoir que la loi confère au ministre d’approuver les franchissements, d'accorder le droit de franchir une emprise de chemin de fer avec une approbation ministérielle et le droit de faire déterminer les demandes en matière de franchissement, s’appliquait peu importe qui était propriétaire du chemin de fer ou de l’emprise de chemin de fer. La Ville affirme que la loi provinciale sur la sécurité ferroviaire n’a jamais eu pour objectif d’abolir ou de réduire ces droits statutaires ni de changer le régime législatif à l’égard de BC Hydro.
Analyse et constatations
[96] Les faits du cas présent sont uniques. Cela semble être le premier différend sur un franchissement mettant en cause cette ligne de chemin de fer depuis sa privatisation en 1988, et certainement depuis que l’Office s’est vu déléguer le pouvoir de déterminer les demandes mettant en cause des compagnies de chemin de fer de compétence provinciale en Colombie‑Britannique. Dans d’autres demandes, l’Office a fait face à des circonstances mettant en cause une compagnie de chemin de fer exploitée par une compagnie sur des terres appartenant à un autre, mais dans le cas présent, le propriétaire foncier affirme qu’il n’est pas une compagnie de chemin de fer.
[97] Lors de l’entrée en vigueur des articles 100 et 101 de la LTC, il est peu probable que le législateur ait songé aux faits du cas présent. Il aurait plutôt présumé que le terrain sur lequel le chemin de fer était exploité appartenait à la même compagnie qui exploitait le chemin de fer. L’Office est donc tenu d’appliquer le régime statutaire pertinent à une situation que le législateur pourrait ne pas avoir envisagée, notamment un cas où le terrain sur lequel un chemin de fer est exploité appartient à une compagnie qui n’est pas elle‑même autrement assujettie à la compétence de l’Office.
[98] BC Hydro maintient systématiquement son opposition au franchissement par desserte proposée par la Ville, à moins que la Ville n’accepte ses conditions, même s’il existe déjà un franchissement par desserte, soit un ponceau en béton au point miliaire 3,95 qui sera intégré au nouvel ouvrage proposé, s’il est autorisé. Il est malencontreux qu’une société d’État et une administration municipale n’aient pas été en mesure de s’entendre sur l’installation de ce qui est essentiellement une deuxième conduite d’eau sous la voie de SRY, et qui s’avère être, sans que personne ne le contredise, un projet d’intérêt public.
[99] Il se pourrait que BC Hydro ne soit plus une « compagnie de chemin de fer » au sens de la loi provinciale sur la sécurité ferroviaire, et qu’elle puisse désormais se prévaloir d’une immunité générale en vertu du paragraphe 32(1) de la Hydro Act, mais l’Office conclut qu’il a compétence pour déterminer la demande et que cette décision aura force exécutoire pour toutes les parties, y compris BC Hydro.
[100] L’article 100 de la LTC définit un « franchissement par desserte » comme un « franchissement par une desserte d’un chemin de fer par passage supérieur ou inférieur » [soulignement ajouté]. L’Office a donc compétence pour autoriser la construction d’un franchissement par desserte convenable qui peut, au sens de cette définition, passer sous la ligne de chemin de fer. L’Office est d’avis que la disposition confère expressément à l’Office la compétence sur la ligne de chemin de fer (l’infrastructure ferroviaire) et sur le terrain sur lequel l’infrastructure ferroviaire est installée. Cette compétence sur le franchissement lui est donc expressément conférée et ne tient pas compte de la personne à qui le terrain appartient. Même si l’Office devait conclure que cette compétence n’est pas expressément énoncée dans ces dispositions, il faudrait par déduction nécessaire protéger l’intégrité du régime législatif régissant les différends en matière de franchissement ferroviaire. L’ordonnance de l’Office autorisant le franchissement s’étendrait nécessairement au propriétaire du terrain, même si le propriétaire n’est pas une compagnie de chemin de fer ni autrement assujetti à la compétence de l’Office.
[101] La Province a autorisé BC Hydro à demeurer propriétaire du terrain sur lequel un chemin de fer est exploité en continu depuis plus de 100 ans. BC Hydro savait ou aurait dû savoir qu’il existe de nombreux franchissements sur ses terrains et qu’il y en aura probablement d’autres à l’avenir. BC Hydro aurait dû aussi savoir que le fait d’être propriétaire du terrain sur lequel un chemin de fer est exploité vient avec certaines obligations. Une de ces obligations est de permettre des franchissements. BC Hydro semble être consciente de cette obligation, du fait qu’elle a, dans le passé, été assujettie à des autorisations de franchissement. En conséquence, BC Hydro ne devrait pas être surprise de constater que des demandes de franchissement ferroviaire continueront d’être traitées, malgré le fait qu’elle n’exploite plus le chemin de fer en question. Il est difficile d’accepter la position de BC Hydro selon laquelle elle peut continuer d’être propriétaire d’un terrain sur lequel un chemin de fer est exploité depuis si longtemps, mais sans être assujettie au régime réglementaire s’appliquant aux franchissements.
[102] La Province a choisi d’adopter les dispositions de la LTC en matière de franchissement et de déléguer à l’Office le pouvoir d’appliquer ces dispositions en son nom. La Province a aussi décidé de privatiser la ligne de chemin de fer en 1988, tout en permettant à BC Hydro de demeurer propriétaire du terrain. La Province est réputée agir de façon rationnelle et cohérente. La décision de la Province de privatiser la ligne de chemin de fer en 1988 doit être comprise dans le contexte de la délégation de pouvoir à l’Office en 2006. Lorsque la Province a délégué ce pouvoir à l’Office, il devait s’appliquer à toutes les compagnies de chemin de fer de compétence provinciale, y compris SRY. Si la Province avait voulu que la compétence de l’Office pour autoriser des franchissements ne vise pas le chemin de fer exploité par SRY, elle aurait pu l’en exempter. Mais la Province ne l’a pas fait, ce qui soutient le point de vue selon lequel la délégation de pouvoir devait s’appliquer à la ligne de chemin de fer, y compris au terrain de BC Hydro. Le fait d’exercer cette compétence, dans le cas présent, n’empêche aucunement la Province de décider de privatiser le chemin de fer, mais sans céder les titres fonciers des terrains.
[103] Il y a plus en jeu dans la présente demande que seulement l’ouvrage proposé. Si l’Office devait accepter la position de BC Hydro, il y aurait un certain nombre de conséquences inacceptables.
[104] Si l’Office devait convenir qu’il n’a pas compétence sur BC Hydro dans le cas présent, il y aurait un vide réglementaire. Dans sa réponse du 3 juillet 2015 aux questions de l’Office énoncées dans la décision no LET-R-38-2015, BC Hydro a confirmé sa position selon laquelle il n’y a pas d’instance, de cour ni de tribunal qui a compétence pour lui imposer une entente visant l’ouvrage proposé. BC Hydro a également indiqué que la Ville serait incapable d’exproprier le terrain nécessaire pour aller de l’avant avec l’ouvrage proposé. Il semble donc que la Ville n’ait aucun recours s’il advenait que l’Office n’ait pas compétence en la matière.
[105] Selon BC Hydro, parce qu’elle n’exploite plus le chemin de fer, l’Office peut autoriser le franchissement, mais la permission subséquente de BC Hydro est nécessaire. Pour accepter la position de BC Hydro à cet égard, cela signifierait que la décision de l’Office serait inopérante, en ce sens qu’elle n’aurait aucune valeur ni aucun effet étant donné que le consentement du propriétaire foncier serait toujours exigé. La démarche donnerait à BC Hydro un pouvoir de veto sur tout franchissement routier ou par desserte sur toute l’emprise de chemin de fer, c.‑à‑d. un pouvoir absolu. Cela empêche potentiellement l’autorisation et la construction de nouveaux franchissements, que ce soit des franchissements routiers ou par desserte, ou encore des changements à des franchissements existants, et ce probablement au moins jusqu’en 2064, lorsque le permis pour le corridor Fraser Valley arrivera à échéance.
[106] Pour exprimer autrement la position de BC Hydro, même si l’Office peut autoriser le franchissement, cela ne signifie pas nécessairement que le franchissement pourra être construit. BC Hydro pourrait refuser de permettre la construction sur son terrain, même si un franchissement a été autorisé. Le législateur ne pourrait pas avoir eu cette intention de créer un tel vide réglementaire. Cela démontre également comment le point de vue de BC Hydro concernant le processus ne cadre pas avec le régime de la loi qui prévoit que les parties doivent négocier avant de déposer une demande auprès de l’Office, plutôt que de déposer une demande auprès de l’Office puis de négocier après que l’autorisation a été obtenue.
[107] Les dispositions sur les franchissements sont en place pour offrir notamment un mécanisme aux parties lorsqu’elles ne parviennent pas à s’entendre, de sorte qu’elles puissent avoir recours à une instance indépendante qui peut autoriser le franchissement. Si l’Office acceptait la position de BC Hydro, cela signifierait qu’il ne pourrait pas autoriser la construction d’un franchissement routier ou par desserte sur le terrain de l’emprise de chemin de fer de SRY qui appartient à BC Hydro, dans le corridor Fraser Valley entre New Westminster et Chilliwack. De plus, selon le propre point de vue de BC Hydro, aucun autre tribunal, aucune autre cour ou instance ne pourrait le faire non plus. L’Office n’accepte pas que sa compétence soit limitée de la manière dont BC Hydro le laisse entendre.
[108] La capacité de l’Office d’autoriser un franchissement ferroviaire convenable est importante. Dans l'affaire A. Demers, Laprairie c. Grand Trunk Railway Co. (1920) 31, C.R.C. 297, la Commission des chemins de fer a indiqué ce qui suit :
[traduction]
Lorsqu’ils traversent le territoire d’un village, d’un canton ou d’une ville, les chemins de fer ne devraient pas être un obstacle à la croissance de quartiers résidentiels d’un côté ou de l’autre de la voie, car une telle croissance profite à tous, y compris aux compagnies de chemin de fer. Il faut, dans la mesure du possible, faciliter l’installation, au-dessus des voies ferrées et sous celles-ci, des fils et des canalisations nécessaires à une croissance continue.
Il est vrai que les compagnies de chemin de fer sont propriétaires de leur emprise; mais si elles ont certains droits à titre de propriétaires, elles ont également certaines obligations. Par exemple, elles doivent accorder toutes les servitudes découlant de la nature des choses et du tracé du terrain, par exemple de travaux de drainage, de nouveaux franchissements routiers, de canalisations pour les eaux et les égouts, d’installations électriques, etc.
Il n’est pas nécessaire que je dise que toutes les installations de ce type doivent être aménagées selon les directives de l’autorité compétente, en accordant une importance toute particulière aux droits acquis et à la sécurité publique.
[109] BC Hydro souligne que son mandat est de fournir de l’électricité et de l’énergie partout dans la Province, et qu’elle dispose des pouvoirs et des protections nécessaires pour pouvoir remplir son mandat. Toutefois, BC Hydro n’a pas indiqué comment l’autorisation et la construction des franchissements routiers ou par desserte l’empêcheraient de s’acquitter de son mandat. De plus, BC Hydro n’a pas indiqué en quoi toute préoccupation qu’elle pourrait avoir relativement à son mandat ne pourrait pas être dûment considérée et déterminée par l’Office dans le contexte d’une demande d’autorisation.
[110] L’Office conclut donc qu'il a compétence pour autoriser le franchissement dans le cas présent et que la décision qu’il rendra aura force exécutoire pour toutes les parties, y compris BC Hydro.
QUESTION 5 : L’OFFICE DEVRAIT-IL AUTORISER LA REQUÊTE DE SRY VISANT LE REJET DE LA DEMANDE?
[111] SRY, dans sa réponse à la demande, indique que si l’Office assume sa compétence sur la zone visée par le permis, il devrait rejeter cette demande parce que selon elle, aucune entente entre BC Hydro et la Ville n’a été conclue pour permettre l'exécution du projet. SRY fait valoir que le rejet accorderait du temps pour arriver à une entente et faire concorder les conditions de l’autorisation de l’Office et celles de l’entente.
[112] La Ville n’est pas d’accord avec la position de SRY, mais elle indique que même si l'Office devait conclure qu'il n'a pas compétence sur BC Hydro et sur les terrains qui lui appartiennent en tout ou en partie, alors la solution convenable serait d’approuver la demande de la Ville, qui devra à son tour obtenir la permission de BC Hydro.
Analyse et constatations
[113] Comme l’Office a conclu ci‑dessus qu'il a compétence pour statuer sur la demande qui aura force exécutoire pour toutes les parties, y compris BC Hydro, l’Office n’accepte pas le point de vue de SRY selon lequel la demande devrait être rejetée. En conséquence, puisque cette décision n’est pas assujettie à toute approbation subséquente de la part de BC Hydro, l’Office rejette la requête de SRY visant le rejet de la demande.
CONCLUSION
[114] Pour les raisons susmentionnées, l’Office conclut qu'il a compétence pour autoriser le franchissement par desserte demandé par la Ville d’une manière qui aura force exécutoire pour toutes les parties, y compris BC Hydro.
[115] Par conséquent, en vertu du paragraphe 101(3) de la LTC, l’Office autorise la Ville, sans le paiement de quelques frais que ce soit à BC Hydro ou à SRY, de construire et d’entretenir, à ses propres frais, le franchissement par desserte au point miliaire 3,95 de la subdivision Fraser Valley, à Delta, dans la province de la Colombie‑Britannique, comme le montrent les plans du 26 novembre 2014 figurant aux annexes A, B, C et C.1 de la demande.
[116] Aucune condition ne sera imposée concernant le retrait ou la modification du franchissement par desserte, les droits réservés ou la responsabilité.
[117] La présente décision demeure en vigueur à moins qu’elle ne soit modifiée ou annulée par l’Office.
Membre(s)
- Date de modification :